Pushing everything over the edge
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor

« Zéro. Je fais jamais ça. » Ma caresse dans sa nuque s’accompagne d’un léger pincement et je hausse un sourcil, un air amusé peint sur le visage. Si sa mauvaise foi a parfois - souvent, au même titre que mon penchant pour le sarcasme - été à l’origine de l’aggravation de nos disputes, cette fois-ci elle participe à un jeu somme toute innocent que je connais bien. « Une ou deux fois, pas plus. » Mes lèvres s’approchent de son oreille, et j’y dépose un « J’en étais sûre. » qui a vocation à clôturer ce chapitre. Je le sais à moitié convaincu, mais je sais également que je n’arriverai pas à rallier à ma cause la moitié qui ne l’est pas : elle n’est pas rationnelle, et je la comprend mieux que quiconque. Envisager qu’il puisse lui arriver quelque chose, envisager d’apprendre à faire sans lui me serait simplement intolérable, mais il sait que, dans le cas présent, le risque est aussi nécessaire qu’il est maîtrisé.

« Vraiment ? On parie ? »
« On peut. Mais tu vas perdre. Je te donnerais des coups de pieds et je te pousserais du lit si tu résistes.  » Je n’en ferais rien. Au contraire, demain j’aurais certainement “oublié” toute motivation, et au lieu de l’encourager à sauter du lit je deviendrai certainement tentatrice pour le convaincre de traîner sous les draps un peu plus longtemps.

Ce nom, il est une jonction entre nos deux univers. Il symbolise l’univers du crime organisé autant que celui des profondeurs, celles là même avec lesquelles je partage l’attention de mon compagnon, celles qu’il m’a fait découvrir. J’aime ses différentes significations et la symbolique et j’aime ses sonorités. « J’aime. J’aime vraiment beaucoup… ça nous ressemble... » « Je pensais bien que ça te plairait. » Pudique, je n’avoue pas à voix haute que, si je l’ai choisi, c’est justement parce qu’il incarne ce que nous sommes : il sait. Je n’ai pas besoin de m’étendre sur le sujet et nous nous mettons d’accord sur un baiser pour fêter cette nouvelle étape franchie. L’Octopus ce sera, et je trouverai bien un designer qui dessinera un logo à la hauteur de nos attentes et de notre investissement dans le lieu. « Tu imagines la devanture comment ? Quelque chose de sobre et d’épuré ? » Si je m’imagine déjà mener à la baguette les architectes d’intérieur qu’il - que nous - engagerons, il me tire de mes rêveries à l’aide d’une proposition et je suis surprise : il l’a formulée sans ambages. Au contraire, il l’assume et je sais les efforts que cela lui demande. Aussi, mes doigts enlacent les siens et je le dévore du regard. « C’est ça. Une associée. Ce serait pour toi et moi, non ? » « Associés. J’aime comment ça sonne. » Un sourire étire mes lèvres et, si j’étais affamée il y a quelques minutes, je délaisse mon dîner au profit de ce projet, notre projet. « T’es conscient que l’équipe chargée de la décoration et de la conception des l’intérieur du Casino va m’avoir sur le dos jours et nuits ? » Je suis une perfectionniste et j’ai toujours été aussi exigeante avec les autres que je ne le suis avec moi-même. Ce qu’il a entre aperçu lors de la négociation des tarifs pour refaire l’intérieur du bateau n’est qu’un échantillon du tyran que je suis capable de devenir lorsque je suis investie d’un projet quel qu’il soit. « Et qu’ils te supplieront de calmer ton associée ? » Associée. J’aime définitivement le terme et tout ce qui va avec. « Tu n’as pas besoin de ça pour qu’il te serve de couverture. Je l’ai juste imaginé comme ça… parce qu'on est une équipe. » « On l’est. » Et, si certains couples ont besoin de compartimenter et voient dans leur travail une chance de souffler loin de leur partenaire, nous n’en faisons pas partie. Je nous imagine en équipe dans le domaine privé comme dans le professionnel, je n’ai jamais voulu les choses autrement. « Tu sais ce que je vais te demander non ? Si c’est notre projet, je veux investir. Je veux en être, entièrement. » Et si mon argent n’est pas des plus propres, mes moyens eux sont quasi illimités.

« Et puis, ce sera plus solide aussi, ces contrats. Tu pourras les signer toi, ils n’auront pas l’impression qu’ils dépendent de moi. J’ai pensé à toute une mécanique qui va leur rapporter plus d’argent que le système de prime de Mitchell puisque ce sera exonéré d’impôts. Plus d’argent pour eux, plus de reconnaissance pour toi. » Si sur la terrasse, c’est son amant qu’il tenait dans les bras, il est à table avec la femme d’affaire. Sérieuse et concentrée, je pèse ses mots et je hoche la tête pour approuver chacune de ses propositions. « Parle moi de cette mécanique. C’est en rapport avec le jeu, je me trompe ? » Si je n’en devine pas les détails, je me doute qu’il aura construit quelque chose en rapport avec l’activité première du lieu : un casino. L’argent entre, l’argent sort, je suppose qu’il y a quelque chose à utiliser à notre avantage et, si contrairement à lui je ne me suis jamais intéressée au milieu, je devine qu’il y a déjà réfléchi.

D’une femme à l’autre et dès que le domaine professionnel est traité et balayé, je redeviens la partenaire mutine et provocatrice. J’abandonne mon repas pour m’installer sur ses genoux et je dépose mes bras autour de ses épaules. « Oh oui ! Très mauvais genre. Surtout que, de ce qui se raconte, il couche déjà avec son associée, quelqu’un de pas commode. Une vraie jalouse d’après ce qui se dit. Un jour, elle a enfoncé la tête d’une fille dans l’eau jusqu’à ce qu’elle se noie, parce qu’elle avait souri au boss. » « Avec son associée ? Elle a l’air d’une vraie folle. » Je n’ai que menacé de le faire et, si je ne suis pas surprise qu’il s’en souvienne, j’adopte un air outré à l’idée qu’il l’utilise contre moi. « Si tu es très gentille avec moi, je peux lui faire du charme… on dit aussi qu’elle est pas mal. » « Elle est juste pas mal ? J’ai toutes mes chances alors. Qu’est ce qu’il lui trouve à cette fille si, en plus d’être une furie, elle est aussi banale que tu le décris ? » Mon regard le provoque et l’invite à réfléchir à cette réponse. Il me sait sensible à la flatterie et, si je ne suis pas facile à vexer - pas quand nous jouons en tout cas - j’aime savoir que je lui plait jusqu’à la déraison. « Mais, à mon avis, tu perds ton temps, je suis pas sûr que tu as ce qu’il faut pour le séduire le patron. » « M’est d’avis qu’il m’est pas indifférent. » Mes lèvres déposent un baiser presque trop sage dans sa nuque, et mes doigts s’emmêlent à quelques mèches de cheveux. Ses mains se frayent déjà un chemin sous le tissu de ma robe pour glisser dans mon dos, et je renchéris d’un baiser sur sa mâchoire. « Tu crois que tu pourrais lui glisser un mot en ma faveur ? Lui parler de moi ? » Une lueur amusée au fond des yeux, je rajoute que « Je te promets que tu ne le regretteras pas. Je te remercierai comme il se doit. »

Pushing everything over the edge
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor

Les enjeux proposés par mon amant sont somme toutes acceptables, mais il s’agit là d’un pari que je n’ai pas envie de relever, et je le sais : c’est couru d’avance. Demain, lorsque je serai encore à moitié réveillée, je ne trouverai pas en moi la force de le pousser du lit, seulement de me lover contre lui et de me réveiller à la chaleur de son corps et de ses baisers. Alors, je cherche une solution pour que le vent tourne en ma faveur, et il me l’offre sur un plateau. « Tu peux toujours renoncer bien sûr. Donc, réfléchis-bien. » « Je ne renonce jamais. » Ma phrase en suspens, on pourrait presque entendre le “mais” qui arrive. « Sauf que je considère que ce n’est pas équitable. Et là, en l'occurrence, je suis certaine de gagner. » De perdre plutôt, mais je joue les mauvaises joueuses. « Et ça n’a aucun intérêt. On trouvera autre chose pour mettre en jeu les petits déjeuners au loft. » Ces instants, ils contriburont à doter l’endroit d’un peu de magie en en faisant un chez nous, et j’ai déjà hâte d’y être.

« J'aime bien aussi. Et, j’aime ce que ça dit aussi. » Ma pudeur me pousse à sourire, mais à me dérober. J’enfouis mon visage dans mon épaule quelques secondes pour dissimuler mon émotion, sans lâcher sa main, avant de relever les yeux. « Oui, ça aussi. » Moi aussi, j’aime ce que ça dit. Et ça n’a rien d’un hasard. « Je sais. Je prévois d’admirer le spectacle depuis ma chaise. » « Tu seras assis sur une chaise pendant que je fais tout le boulot ? » Ou plutôt, que je joue l’inspectrice des travaux. Je prends un faux air outré, une main posée devant ma bouche ouverte en “O”. « Et dire que je t’imaginais déjà torse nu sous un bleu de travail. Je ne dirai pas que je suis déçue mais... » Je ne le suis pas mais, à nouveau, j’incarne le rôle à la quasi perfection. Cet endroit, cet endroit qui se dessine pour nous et plus uniquement pour lui, je veux qu’il le soit tout autant. Comment pourrions nous être sur un pied d’égalité si l’intégralité des fonds proviennent ? Comment l’endroit pourrait-il nous appartenir, à nous et pas uniquement à lui ? « On n’en est pas encore là. Un pas à la fois. On parlera plus tard. » Je fronce les sourcils : je le connais assez pour savoir qu’il évite le sujet, mais également assez pour savoir que je n’aurais pas de réponse aujourd’hui s’il ne souhaite pas l’aborder. Pourtant, un pressentiment me souffle qu’il s’agit d’autre chose que de son inconfort à l’idée de parler d’argent dans un cadre si détendu. Quelque chose me souffle que, cette discussion là, nous ne l’aurons pas ou en tout cas pas s’il peut l’éviter, et je suis perplexe. S’il pense m’endormir d’un plus tard, il ne fait que me mettre la puce à l’oreille et attirer mon attention sur quelque chose qui deviendra potentiellement un problème et, incapable de fermer les yeux et de simplement évoluer dans le déni, je sais d’avance que je m’efforcerai sans relâche de mettre le doigt dessus. Mais plus tard. Pas alors que nous venons de désamorcer une dispute au sujet de ma sécurité. Pas alors que nous ne nous sommes pas vus depuis plus de quarante huit heure et que, dans quelques heures de plus, il repartira travailler à la ferme. Alors je hausse les épaules et, si cette fois cela ne m’amuse pas de prétendre, je fais mine d’être convaincue. « Oui, plus tard. » Compte sur moi. La dynamique qu’il envisage pour blanchir les revenus du Club et verser leur compensation à mes troupes, elle m’intéresse et c’est un sujet sans danger. Je n’ai pas peur qu’il nous abîme, d’autant plus que son idée est bonne, et je l’écoute avec attention. « Oui. L’argent qu’ils gagneront et qui ne sera pas renseigné aux contrats sera joué, en même temps que tes recettes, à une ou deux tables réservées pour ça, toujours les mêmes croupiers. Ils repartiront avec le surplus et la compta du casino blanchira le reste. » Concentrée, je comprends sa mécanique et mes lèvres s’étirent d’un sourire : elle est bonne. L’idée est même brillante. « Les recettes rentreront dans les comptes du casino et l’argent sera propre. C’est brillant. » Je ne le quitte pas des yeux, j’attends qu’il confirme d’un hochement de tête que j’ai compris. « Les croupiers qui s’occuperont de ces tables là doivent être au-dessus de tout soupçon. Ils doivent venir de mes équipes. » Du Club. En qui ai-je confiance au point de confier ce genre de tâche et, qui s’en satisfera ? Je ne trouverai pas la réponse aujourd’hui à cette question, elle mérite que nous nous posions dessus et lui consacrions toute notre attention. « Et si ceux du Club prennent goût au jeu et bien… C’est tant mieux pour nous. » C’est de l’argent qui rentrera aussi dans notre poche, en fin de compte. « Il faudra des zones privées, en plus du sous-sol, pour certains clients ou partenaires. » Des salons où nous pourrons faire affaires à l’abri des regards. Je n’ai aucun doute : il y a certainement déjà pensé.

« En effet. » Je prends mon plus bel air choqué et je recule même mon visage pour lui jeter un coup d'œil sceptique. En vérité, je me fiche bien qu’il le pense ou que ce soit du jeu, que je suis folle. Je sais qu’il aime mon extravagance comme mon excessivité. « Je n’ai pas dit banale, j’ai dit pas mal. Ce n'est pas la même chose. Moi, je la trouve exquise, mais tous les hommes n’ont pas des goûts aussi sûrs que les miens. » « Rattrape toi... » Mes lèvres s’étirent en un sourire ravageur. « Exquise hein ? Je préfère ça. » A nouveau, je dépose un baiser sur sa mâchoire, plus proche de ses lèvres cette fois. « Les rumeurs disent aussi que c’est une magicienne parce qu’elle a appris au boss à sourire et à aimer à nouveau. » D’un sujet léger à quelque chose de plus intime, de plus sérieux, il me confie ce que je sais déjà. Mon coeur bat frénétiquement, au rythme du sien et, pourtant, je prends le temps de récupérer ses doigts entre les miens pour les porter à ma bouche et déposer un baiser sur le dos de sa main. « Je crois qu’il a fait pareil pour elle. Tu sais, la rumeur courait qu’elle n’avait même pas de cœur. » Et jusqu’à ce qu’il entre dans ma vie, j’étais satisfaite de l’avoir de glace. Elle a fondu comme neige au soleil et si la transition a été brutale puisque mon coeur ne savait plus aimer, je ne reviendrais en arrière pour rien au monde. « C’est ce qu’il lui trouve, mais de ce que j’en pense, ce n’est pas tout...Je sais que... » Ses lèvres viennent déposer au creu de mon coup des récits plus coquins les un que les autres et, alors qu’il se recule, un air satisfait sur le visage, je n’ai plus envie de jouer : je suis au contraire malade de désir pour lui. « Mais je peux quand même essayer de lui glisser un mot pour toi. Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ? Là, rien ne me vient.  Sauf peut-être que j’ai très, très très envie de toi. Tout le temps. Surtout maintenant. Mais ça servirait pas vraiment ta cause, ça.» Ses doigts font glisser ma robe le long de mes flancs et, docile, je lève les bras pour l’aider à la passer autour de mes épaules et la faire tomber à terre. « Tu peux lui dire que... » Mutine, c’est à mon tour d’approcher mes lèvres de mes oreilles puisque, si nous sommes seuls, il y a des choses qui se disent dans un murmure. « Tu peux lui parler de moi. De toute ce que j’ai l’intention de lui faire. » Je glisse à son oreille ma contribution à sa liste de moments les plus torrides, ceux qui nous ont arrachés les soupirs les plus incontrôlable, mais, en cours de route, j’oublie qu’il s’agit d’un jeu : ce n’est plus le cas. « Je peux te montrer, ce sera plus simple. » Mes lèvres récupèrent les siennes et lorsque ses doigts remontent le long de ma colonne vertébrale pour me tenir fermement contre lui et qu’il se lève pour me déposer sur les draps pas encore défaits, j’enroule mes jambes autour de son torse. Le reste de la nuit, nous nous sommes aimés sans retenue, sans pudeur, et en oubliant ces alter égo imaginaires conçus uniquement pour faire monter la température : tout ce qui compte, c’est lui, et c’est moi.