5 novembre 2021

5 jours, ça fait 5 jours que je vis en enfer. 5 jours que j’ai l’impression d’être mort de l’intérieur, que je n’ai plus envie de rien et que mon quotidien de résumé à trois mots : travailler pleurer et déprimer. Je ne fais rien d’autre, je n’ai plus d’appétit et je ne dors plus. Quand je suis au restaurant je ne pense qu’à rentrer chez moi pour ne plus voir personne et me planquer sous la couette et quand je suis chez moi, enfin chez Jake j’angoisse de retourner au travail et de recroiser Eden. Et surtout je me sens seul, je sais que Jake est là, et heureusement qu’il est là d’ailleurs mais sans Ade je suis complètement perdu, j’ai perdu tous mes repères et je me retrouve comme un con, le cœur brisé tout seul dans mon lit fixer le plafond en me répétant que je suis une personne vraiment horrible. Plus les jours passent et plus je me dis que je ne peux pas continuer comme ça. A chaque fois que je croise Eden au Ras le bol l’ambiance est glaciale, ce que je comprends totalement mais ça ne peut pas durer. C’est à moi de faire le premier pas, de m’excuser parce que dans toute cette histoire le seul fautif c’est moi. J’ai déjà essayé de m’excuser avant de partir de la soirée mais c’était trop frais et je n’ai pas eu le temps de m’expliquer. Je c’est que ce que j’ai fait est impardonnable et qu’il n’y a aucune justification valable mais j’ai envie qu’on mette un terme à cette histoire. Même s’il me déteste au moins nous nous serons expliqués, la boucle sera bouclée et nous pourrons tourner la page. J’y pense depuis plusieurs jours mais je n’ai pas encore trouvé le courage d’aller le parler, d’affronter son regard, ses mots et le rejet qui suivra certainement cette discussion.

Aujourd’hui je ne sais pas ce qui me prend, d’où je sors ce courage mais en apercevant Eden dans les vestiaires du restaurant je me dis qu’il est temps qu’on ait cette discussion. C’est comme un pansement, mieux vaut le retirer d’un coup plutôt que d’attendre encore au risque de faire souffrir davantage. J’ai les mains un peu moites, je ne suis franchement pas rassuré mais je me dirige vers lui et je lui dis. « Salut. Est-ce qu’on peut se parler ? » J’anticipe sa réaction, un éventuel refus en ajoutant. « Je sais que t’as pas envie de me parler mais promis j’en ai pas pour longtemps et après je te laisserai tranquille. » Mon cœur bat la chamade, dans l’attente de sa réaction. Je sais qu’il me déteste forcément mais je le comprends, je me déteste aussi. Je ne m’attends pas à ce qu’il comprenne, encore moins qu’il me pardonne mais j’aimerais au moins qu’il écoute ce que j’ai à lui dire. "Euh... Je... Ok. Je t'écoute. " Bon je suis soulagé qu’il ne m’ait pas dit d’aller me faire voir en refusant mes excuses, c’est un bon début. « Je vais peut-être me répéter par rapport à ce que j’avais essayé de te dire avant de partir mais je pense qu’il faut qu’on en parle à tête reposée. » Je pense que j’étais trop sous le choc pour trouver les mots ce soir-là et de son côté la blessure était trop fraiche pour qu’il entende ce que j’avais à dire. Je prends une grande inspiration et je me lance. « J’avais jamais été infidèle. » Non mais qu’est-ce qui me prend ? Pourquoi je commence comme ça ? « Je veux dire que c’est pas mon genre de faire ça. Ce qui s’est passé entre nous c’était absolument pas calculé. En fait je sais pas pourquoi j’ai fait ça, j’avais jamais embrassé un…fin c’était une première pour moi. » J’essaie de rattraper ma maladresse mais j’ai l’impression de m’enfoncer un peu plus à chaque mot prononcé. J’ai toujours du mal à assumer ce qu’il s’est passé, et si ça m’a permis de réfléchir sur qui j’étais vraiment le dire à voix haute c’est encore un peu tôt pour moi. « J’aurais dû t’arrêter, te dire que j’étais en couple, je suis désolé pour ça … je suis désolé pour tout. »

" Je dois être idiot. Je dois être idiot et naïf. " Il regarde ses pieds et je sens qu’il est énormément tendu, son regard se relève vers moi. " Je ne comprends pas. Tu n'as jamais été infidèle, j'en sais rien mais admettons... Je... Je suis donc coupable ? Et, quand tu expliques quelque chose, vas au bout de ta pensée... " Je l’écoute et je baisse le regard en secouant légèrement la tête de gauche à droite quand il me parle d’être coupable. Non non non pas du tout. Il a mal compris ce que je voulais dire. Bon mes excuses étaient bancales j’en suis bien conscient, hier soir avant de dormir j’avais longtemps réfléchi à ce que j’allais bien pouvoir lui dire, j’avais fait attention à trouver les bons mots et j’avais répété en boucle mes excuses dans ma tête avant d’essayer de dormir. Mais arrivé devant lui toutes mes excuses bien pensées, tous mes mots bien choisis et mon discours qui était clair se sont envolés. J’ai tout oublié en le voyant, son regard ma désarmé et avec lui j’ai perdu tous mes moyens. A la place j’ai été très maladroit mais c’est trop tard pour retirer ce que j’ai dit. Je le regarde à nouveau et je me lance dans d’autres explications pour essayer de rattraper ma maladresse. « Mais non t’es pas du tout coupable c’est de ma faute. J’aurais pas dû dire ça comme ça. » Je me désespère moi-même, je ne suis même pas capable de m’exprimer correctement. « Ce que je voulais dire c’est que je veux pas que tu crois que tout était calculé et que j’ai débarqué à la soirée en me disant « tiens ce soir j’ai envie de gâcher la vie de tout le monde. » J’ai fait la pire erreur de ma vie ce soir-là, je le sais mais je n’ai jamais voulu tout ça. Toute ma vie j’ai toujours essayé d’être une bonne personne, j’ai essayé de faire honneur à ma mère, d’être quelqu’un de bien mais j’a échoué. A de nombreuses reprises, la soirée d’Halloween est un des nombreux exemples de mes échecs. D’un côté je suis soulagé que ma mère ne voit pas ce que je fais de ma vie en ce moment, elle serait si déçue.

"Jamais embrassé un quoi ? Qu'est-ce que je suis au juste ?" J’inspire un grand coup, vraiment je suis un boulet, il a raison je n’arrive pas au bout de ma pensée. « Un homme. » Et pas n’importe lequel, celui qui hante mes pensées depuis plusieurs mois. Celui qui m’a fait ressentir tout un tas d’émotions, celui qui m’a fait découvrir le désir, celui que je ne pourrais jamais oublier mais aussi celui qui m’a brisé le cœur. Enfin la situation dans laquelle nous sommes me brise le cœur. « Tu crois que ça a pas été un choc pour moi de découvrir au bout de 25 ans que je suis pas hétéro ? » Ma voix est tremblante et je pense qu’on peut ressentir à mon intonation que je suis sincère et que ça me brise réellement. Je ne l’accuse pas, je veux juste qu’il comprenne mieux ma situation et voir que même si tout est de ma faute je souffre aussi. « T’as bouleversé tout ce que je croyais savoir sur moi. » Pour une fois je ne fuis pas son regard, mes yeux brillent, je suis éprouvé par cette conversation et j’ai les larmes aux yeux même si j’essaie de les cacher.

" Donc... Tu es en train de me dire "c'est pas toi, c'est moi mais en fait si, c'est toi". Je... Je peux comprendre que tu découvres que tu aimes les hommes que maintenant et que ça te chamboule tout... Je pense être assez compréhensif sur le sujet. Juste... " C’est un cauchemar plus la discussion avance et plus je m’enfonce. Je ne l’ai jamais accusé, j’ai simplement voulu qu’il puisse comprendre ma situation. Je lui explique ce que j’ai ressenti mais ça ne justifie en rien mon comportement, ça n’excuse rien mais au fond de moi j’espérais qu’il soit plus compréhensif. " Tu crois qu'un homme c'est différent ? " Je sais bien qu’il ne m’aurait pas dit « non mais t’en fais pas je comprends tout est oublié », je sais que c’est impossible. Ses mots me font mal parce que je sais qu’il a raison, que ce que j’ai fait reste une infidélité et que c’est une trahison grave.  « Bien sûr que non c’est pas différent. » Dans les vestiaires le ton monte, je sens qu’il est en colère, ce que je peux comprendre et de mon côté je suis assez désespéré par le fait qu’il déforme ce que j’ai essayé de lui expliquer. " Tu... Tu peux pas... Te servir des autres pour savoir ce que tu veux. Je parle pas que pour moi. Elle t'a servi de roue de secours au cas où je n'étais pas... Baisable ?! C'est ça hein ? Pas calculé peut-être mais quand même, ça fait combien de mois que nous fais espérer ?? " Me servir des autres ? Mais de quoi il parle ? Je ne me suis jamais servi de lui ou d’Ade. Comment ça les faire espérer ? Avec Ade je croyais sincèrement qu’e la seule chose qu’il nous fallait pour être heureux en couple c’était du temps. Du temps pour dépasser la barrière de l’amitié mais je ne me suis jamais servi d’elle. Et concernant Eden je ne l’ai pas fait espérer. Le soir où nous nous sommes rencontrés j’ai refusé d’aller boire une verre avec lui et quand nous avons discuté par la suite je n’ai jamais essayé de le séduire ou quoique ce soit. Mon erreur reste de l’avoir embrassé à cette soirée mais j’ai tout fait pour essayer qu’il ne se passe rien de plus entre nous mais c'était plus fort que moi. « Mais non pas du tout ! » Je n’ai pas le temps d’en dire plus puisqu’il donne un coup de poing dans le casier. Wow. « Eden ! Ca va ??» Là je commence vraiment à me sentir mal et voir les larmes qui roulent sur ses joues. " J'ai cru... Bêtement. J'ai cru qu'il y avait autre chose. Je me sens stupide. Je... " Je me sens comme la pire des ordures. Je voulais m’excuser pour qu’on puisse tourner la page tous les deux, au lieu de ça j’avais empiré la situation. Je monte en pression aussi de mon côté et je parle sans réfléchir, j’ai besoin de vider mon sac. « Mais bien sûr qu’il y a autre chose. Tu crois sérieusement que j’aurais embrassé n’importe qui ? Et que je t’aurais embrassé si y avait rien eu de plus ? » Je n’aurais jamais pris le risque de gâcher ma vie pour quelqu’un de lambda, quelqu’un qui m’attirait tout juste un peu et pour qui je ne ressentais rien. « Je me suis pas servi d’Ade, elle a toujours été la personne la plus importante pour moi et on a cru qu’on pourrait tomber amoureux alors que c’était impossible. » Et je suis persuadé qu’elle ressentait la même chose, qu’elle m’a toujours vu comme son meilleur ami et rien de plus. « J’ai fait des erreurs, des choses graves mais je ne me suis pas servi d’elle et de toi non plus. » Je sais qu’il est trop énervé et triste pour entendre ce que je lui dis mais quand je lui dis ça je suis sincère, je n’ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. « Je suis désolé je voulais pas te faire pleurer. » Je me calme un peu maintenant que je lui ai dit ce que je ressentais et je commence à pleurer aussi. D’une part parce que je me sens soulagé d’avoir vidé mon sac mais surtout parce qu’en voulant résoudre la situation je l’ai encore plus fait souffrir.  Plantés l’un en face de l’autre en train de pleurer dans les vestiaires. Au fond de moi je prie pour que les patrons ne passent pas dans le coin, je suis pas sûr qu’ils apprécient cette scène -et la porte du casier abimée-.