i can pretend that i don't see you

ELEONORA PARKER & @ETHEL HARTFIELD

Tu es d’une humeur massacrante ce soir et ça se ressent de partout. Tous les clients autant que les employés semblent te faire chier d’une manière ou d’une autre et tu es loin d’offrir un service de qualité à qui que ce soit. Tu ne veux qu’une chose : pouvoir retourner dans ta chambre et t’effondrer dans le fond de ton lit pour quelques heures, quelques jours peut-être même. Tu n’arrêtes pas de regarder ton téléphone, au cas où tu recevrais un appel de l’hôpital. Ta mère y est depuis quelques jours déjà et les médecins ne sont pas confiants. Ils savent et tu sais aussi qu’elle est sur la fin, la dernière ligne droite avant que son corps affaiblît depuis des années déjà ne lâche enfin. Tu n’es pas prête à lui dire adieu, ça te tue à petit feu de ne pas pouvoir passer absolument chaque seconde avec elle, mais elle refuse de te voir perdre ton temps dans cette chambre d’hôpital et tu as beaucoup trop besoin de l’argent de ton boulot de merde pour pouvoir te permettre de t’absenter pendant plusieurs jours, voir peut-être semaines, si ta mère est chanceuse. Alors ouais, tu te fais chier au resto, tu fais ton boulot à moitié comme il faut, tu gueules sur quiconque ose te regarder de travers et tu comptes les minutes jusqu’à ce que tu puisses enfin te tirer de cet endroit de malheur.

Quand la fermeture est enfin complétée, que la clé est passée dans la porte du restaurant, tu rejoins le domaine, t’attendant à ce que ce dernier soit plongé dans la noirceur vu l’heure avancée de la nuit. Mais tu as à peine le temps de rentrer que tu fais face à Ethel qui semble t’attendre, deux verres de vin dans les mains. « It’s for you, please come. » Tu fronces les sourcils légèrement, tu n’avais pas exactement prévu de socialiser, surtout pas après cette soirée de merde, mais tu attrapes tout de même le verre qu’elle te tend et tu la suis, sans trop savoir ce qu’elle a en tête. « I heard that the evening’s been tough. » « It was shit. » Tu ne mâches pas tes mots, tu n’as jamais eu l’habitude de le faire. Tu prends une longue gorgée de ton verre et tu ne peux t’empêcher de penser que tu préférerais largement que ce soit un verre de fort entre tes doigts. « The restaurant was packed, there wasn’t enough staff and the customers were dicks. The usual. » Tu roules des yeux, tu remarques à peine la table dressée et le repas qui est préparé, possiblement pour toi. Tu ne lui as rien demandé, tu ne sais même pas pourquoi elle est encore debout. « Please, sit. You just have to chill out. » « I’m not really hungry. » Non, ce n’est pas ce que tu devrais dire à quelqu’un qui a clairement fait des efforts pour toi, mais tu n'as jamais été reconnu pour ta douceur et ta candeur. Tu t’assois quand même, parce que c’est Ethel et que de tout le monde habitant dans le domaine, elle est bien la seule personne que tu tolères plus que la moyenne. Possiblement parce que ça fait quelques semaines que la majorité de tes nuits se finissent dans son lit. « What are you still doing up anyway? » Tu refuses de croire qu’elle t’attendait vraiment, malgré tous les signes qui le confirment pourtant. Non, ce n’est pas l’entente. Vous passez du bon temps ensemble, rien de plus. Right?

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La seule chose dont tu avais envie présentement, c’était de t’écraser dans les fins fond de ton lit et de dormir douze heures en ligne. Tu ne voulais pas être dérangée par qui que ce soit, tu ne voulais pas être obligée de socialiser, tu avais encore moins envie d’être obligée de penser à l’état actuel de ton univers. Tu voulais fermer les volets sur absolument tout et t’éteindre dans un sommeil qui n’aurait rien de revigorant, mais qui au moins te permettrait de taire tout le monde extérieur pour plusieurs heures. Évidemment que ce que Ethel avait prévu pour ton retour du travail ne concordait pas trop, pas du tout même, avec ta seule envie du moment et c’était donc difficile – voire impossible – d’accorder la moindre importance au repas préparer par la blonde. Difficile de lui accorder un regard, de voir ce qu’elle tentait de faire pour toi comme quelque chose d’attentionnée alors que tout ce que tu étais capable de penser se résumait au fait qu’elle était dans tes jambes, qu’elle t’empêchait d’enfin crasher complètement. Tu viens tout de même prendre une gorgée de ton vin, même si tu n’avais pas du tout envie d’avaler une bouchée du plat de pâtes placé spécifiquement pour toi, tu pouvais au moins faire couler un peu plus d’alcool dans tes veines, dans l’espoir que ça calme tes nerfs et que ça te fasse sombrer dans un sommeil sans rêve. « This schedule shakes me up, I can’t sleep at proper hour. » « They think we’re some kind of slaves or something. » Ou peut-être que ça, c’est seulement toi qui exagères, les nerfs encore en boule de toutes les merdes qui se sont passées dans les dernières heures. Plus tu prends le temps d’observer la scène sous tes yeux, plus tu sembles enfin placer les morceaux les uns contre les autres. Elle t’avait attendu. Elle t’avait préparé à bouffer. Ça avait tout d’un rendez-vous, si ce n’est l’heure atypique et ta réception des plus nulles à chier. Fuck Ethel, pourquoi est-ce que tu fais tout ça? Pourquoi est-ce que tu cherches à tout foutre en l’air? « You should eat a little, it’ll do you good. » « I told you I’m not fucking hungry. » Le ton monte déjà et tu lui lances un regard noir, à la Hartfield, elle qui essaye déjà bien trop fort de t’offrir quelque chose que tu n’as pas demandé. « You’re not my mum nor my girlfriend so fucking stop acting like it. » Tu roules des yeux. Ce n’est certainement pas le moment idéal pour avoir la moindre conversation, tu parles trop fort et tu sais que si les autres pensionnaires ont laissé leurs fenêtres ouvertes en cette nuit fraîche, ils pourront se délecter de chaque mot que tu envoies violemment à la blonde à tes côtés. « What is this anyway? Did you think we were gonna have a little romantic dinner in the middle of the night? » Tu pouffes de rire, d’un rire qui se veut aussi mauvais que méchant. Tu ne sais pas ce qu’elle pense, mais de toute évidence, quelque part en cours de route, vous avez cessé de penser - et de vouloir surtout - la même chose.

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Ce n’est pas le moment, ce n’est pas l’endroit non plus pour faire une quelconque scène. Il est beaucoup trop tard, il y a beaucoup trop de gens autour qui peuvent certainement entendre votre conversation, ou du moins se faire réveiller par vos (tes) éclats de voix et rien de ce qui peut être dit ou fait ce soir ne mènera à quoique ce soit de bon. Tu le sais tout ça et pourtant, tu ne vois en rien tout ce que la Hartfield fait pour toi comme étant quelque chose à apprécier, quelque chose pour quoi tu devrais la remercier, quand à tes yeux, ce ne sont que des actions pour lesquelles tu lui seras indéniablement redevable alors que tu ne lui as pourtant rien demandé. Tu aurais dû savoir pourtant, que les choses prenaient une tournure bien trop sérieuse à ton goût quand le nombre de nuits que vous passiez ensemble ne cessaient d’augmenter et qu’elle réussissait même à te faire parler, de toutes ces choses que tu gardes normalement pour toi, de toutes ces pensées que tu n’oses jamais partager avec qui que ce soit, te refusant toute forme de vulnérabilité. Alors plutôt que de simplement lui rappeler les règles du jeu, plutôt que de simplement t’éloigner peu à peu, comme tu sais pourtant si bien le faire, tu attaques. Tu mords la première, quitte à faire mal, trop mal. Tu préfères de loin être celle qui blesse que celle qui se retrouve blessée. De ça, Ethel devrait être consciente à présent de toute façon, ce qui ne semblait pourtant pas être le cas vu l’air d’abord surpris et ensuite blessé qu’elle t’offrait, comme si elle n’avait pas été en mesure de prédire un tel revirement de situation. « I just thought you’d be glad to chill out after a long night. » Tu ricanes à nouveau. Ça n’a rien d’un setting pour chill out comme elle le dit si bien, et elle devrait en avoir conscience, la Hartfield. « You really didn’t need to go through all that shit if all you wanted is a place in my bed tonight. » que tu clames, exaspérée. Parce que c’est comme ça qu’elles finissent toutes les nuits entre vous, pas vrai? Elle se glisse dans ton lit, ou tu trouves une place dans le sien, tu te délectes de sa peau, tu frémis sous la mélodie de ses gémissements, mais sans plus. C’est tout ce que tu veux, tout ce que tu as toujours voulu. Ce soir, c’est trop. Ce soir, ça te donne envie de foutre les freins et de lever les pattes, de prétendre qu’elle n’a jamais vraiment su se faire cette place dans ton univers qui lui appartient pourtant. « Sorry for being nice. I should’ve guessed that you wouldn’t recognize what kindness is. » « Oh piss off Ethel. » que tu t’exclames, emmerdée pour la tournure de cette conversation. À défaut de t’attarder sur le plat de pâtes sous ton nez, tu n’hésites pas à enchaîner les gorgées de ton verre de vin, jusqu’à ce que ce dernier se retrouve pratiquement vide après quelques secondes à peine. « What do you want from me, huh? » que tu finis par lui demander, venant te placer devant elle. « Is fucking me every second night not good enough for you anymore or what? » Tu n’allais certainement pas devenir son cas de charité, oh ça, pas question.

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Après cette nuit, il n’y aurait plus rien à sauver de ta supposée relation avec la Hartfield. Il ne resterait que la poussière de semaines passées ensemble, l’une contre l’autre plus précisément, mise à mal par tes comportements toujours plus auto-destructeurs au fil du temps. Les choses auraient pu se passer autrement, tu en avais pleinement conscience. A un meilleur moment, avec un peu moins d’effort peut-être, une impression moins grande de te retrouver dans une cage dans laquelle tu n’avais pas désiré te retrouver, tu aurais peut-être été en mesure de baisser ta garde assez longtemps pour lui dire un truc honnête, un truc vrai. Peut-être même que tu lui aurais parlé de ta mère, dont l’état se dégrade d’heure en heure, dont la fin est imminente sans que tu ne saches comment l’accepter. T’aurais dû y être préparée toutefois, ça fait des années qu’elle se meure à petit feu, ta mère. Mais de faire face avec la réalité, c’est pire que tout, tu ne le supportes tout simplement pas et ça se ressent de partout. Surtout cette nuit, avec elle, même si elle n’a pas la moindre idée de ce qui se cache derrière ton agressivité soudaine et tes réactions excessives. « Don’t you show your claws to me, Leo. » C’est à ton tour de rouler des yeux, exaspérée que cette discussion ne mène à rien, comme tout le reste finalement. Tu n’avais pas le temps, ni l’énergie pour tout ça. Tu avais été claire dans tes envies, si elle s’était fait d’autres scénarios, cela lui appartenait. Tu n’allais certainement pas d’excuser d’être celle que tu avais toujours été. « Sorry. I didn’t want to overstep your marks. » « And yet, you are still to say what the fuck you did want from all this. » C’est qu’elle n’a rien dit, la blonde. Rien spécifier, elle n’a seulement pas apprécié que tu ne t’adonnes pas au plan de la nuit. Elle se lève et passes à tes côtés pour mieux vider sa coupe de vin d’une traite. « Got it, don’t worry. » Dans un mouvement tout aussi irréfléchi que le reste de la nuit, tu attrapes son poignet pour la retenir. « Where are you going? » Alors c’est ça, c’est le clap de fin, pas de retour en arrière? Elle se pousse dans un mot de plus et tu la laisses faire? C’est de ta faute, c’est ce que tu as provoqué et pourtant, ça te laisse un goût amer dans la bouche qui n’a absolument rien à voir avec le vin. « Sleep with me tonight. » T’es le chaud, le froid et le bouillant en secondes seulement, mais elle te connaît la blonde, ça n’a plus rien de surprenant venant de toi. Sauf que ce n’est pas elle généralement, ta principale victime.