-T- u avais eu la chance de ne travailler que le matin, à l’hôpital. Petit moment de repos après une semaine bien chargée, tu étais rentré directement chez toi. Ton chien, à son habitude, avait traîné dans tes jambes jusqu’à ce que tu le sortes. Tu n’avais rien prévu pour cet après midi, te laissant carte blanche. Une carte blanche limitée puisque ces derniers temps, tu avais des difficultés financières. T’essayais vainement de rembourser tes dettes qui se faisaient trop lourdes depuis quelques mois. Alors ce midi ton placard était bien vide, retardant le plus possible le jour des achats alimentaires, et il ne te restait que le repas typique des étudiants, des pâtes. Tu improvises une recette asiatique, fais chauffer un bouillon avec un vieux cube qui trainait dans un tiroir. Le vrai repas du pauvre. Tu ajoutes tes pâtes sans conviction sur la saveur qu’ajoutera l’eau parfumée. C’était sans compter sur tes talents particulièrement aiguisés en cuisine. Tu ajoutes quelques ingrédients au hasard que tu peux trouver dans différentes recettes lisibles sur internet. Bien sûr, pour tout ce qui va être herbes aromatiques, ce sera remplacé par des plantes séchées en pot qui n’ont sans doute rien à voir. Ta main est trop lourde sur la sauce soja, parce que t’as peur qu’elle n’ait pas assez de goût cette soupe de nouilles, avec autant de flotte. Tu constates aisément à la première cuillère que c’était beaucoup trop salé, une grimace incontrôlable déformant ton visage en réponse à l’agression de ton palais pourtant habitué à tes mauvaises préparations. Non seulement ton plat était moche mais en plus de ça immangeable. Tu jettes la nourriture alors que ton ventre crie famine.
Tu soupires, attrapes ton téléphone et composes le numéro de Max -tu avais assez abusé de celui de Reese ces derniers jours. Tu t’invites subtilement chez lui, proposant de lui rendre visite. Tu n’étais plus allé chez lui depuis un moment, vous vous voyiez plus souvent à l’extérieur, alors tu profites de cette belle occasion. Tu attaches ton animal et optes pour la marche à pied. T’avais plus ta voiture non plus, vendu pour avoir un petit apport à donner au gang à qui tu devais une belle somme. Alors ça te fera une promenade pour évacuer les tensions du jour et ça permettra à Sony de sortir un peu plus de chez toi.
Une demi heure après, tu toques à sa porte, ton shiba aux talons. Il ne met pas bien longtemps à t’ouvrir. « Hey, ça va? » Tu entres dans l’appartement retrouvant tes marques. Tu t’installes non loin de la cuisine, l’air innocent. Ton chien lui, réclame toute l’attention du plus vieux. « T’as quelque chose à grignoter? Ou alors je me commande un truc. J’ai eu une journée de dingue encore aujourd’hui. » Petit mensonge, tu ne lui parles pas de ton repas raté. Tu préfères sous entendre que tu n’as pas eu le temps de manger. Tu fouilles l’appartement des yeux, curieux de redécouvrir le lieu de vie de ton ami. « Tu vis toujours avec Eden? » Tu ne sais plus depuis combien de temps il partageait l'appartement avec son colocataire mais ça commence à faire un moment. Tu avais pu le croiser quelques fois, quand tu venais rendre visite à Max. Il n'avait pas l’air méchant. T’avais pas trop d’avis sur lui. Mais le bouclé n’avait pas de mal à se lier d’amitié avec n’importe qui.
Tu remarques quelques vestes féminines, et bien trop petites pour Max, traîner dans l’appartement, te faisant froncer tes sourcils. Tu ignorais qu’une fille vivait ici. « Je savais pas que t’avais une copine. » Tu conclues. Tu montres d’un mouvement de tête le vêtement qui appartenait en réalité à Mitsuko sans que tu ne le saches. « Ou alors c’est à celle d’Eden? » Tu demandes sans être convaincu, bien curieux de ces détails.