Lorsque mon géniteur annonce le nom de sa sœur et son cousin, mon cœur rate un battement tant je me rends compte qu'au final ma famille paternelle et biologique a bien plus de membre que ce que j'imaginais. Pensais-je réellement que celle-ci se limitait simplement à Antone ? Dans le fond, oui. Et pourtant, en l'espace de quelques minutes, j'apprends qu'il a deux autres filles ainsi qu'une famille à lui. Et d'après ce que j'ai compris, Mila et Soo ne sont que demi-sœurs. Ça veut dire, donc, qu'Antone a eu trois enfants avec trois femmes différentes. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'il est un homme qui se lasse facilement ? Se pourrait-il qu'il finisse par se lasser aussi de ma propre présence ?

Hochant simplement la tête, je finis par reporter mon attention sur l'horizon et pousse un soupir alors que je reprends une gorgée de ma bière. Tout à coup, j'ai l'impression de faire la pire erreur de ma vie en ayant contacté cet homme. Même s'il n'a rien fait et qu'il est évident qu'en 27 ans, il a eu le temps d'avoir une vie plus que bien remplie. Et pourtant, je suis là, assis avec lui dans ce bateau à me demander si je n'avais pas mieux fait de suivre les conseils de Loan et ne pas entrer en contact avec ce père biologique.

Je finis toutefois par changer de sujet et parler de mon chien, expliquant au quinquagénaire qu'en m'acceptant dans ma vie, il devra aussi accepter Moana, et ce, sans aucune condition. J'avoue ressentir une vague de soulagement lorsqu'il m'avoue aimer les animaux et c'est un sourire amusé qui s'affiche finalement sur mon visage en apprenant que le seul animal qui réside chez lui est Bob, un poisson rouge. Rien de bien impressionnant en soit. « Heureusement que je n'ai pas de chat alors hein » rayais-je en me détendant de nouveau un peu, finissant en même temps ma bière. «Le Chiot s'appelle Odin, c'est un Husky qui a été abandonné quelques semaines après son achat. Il n'a que 4 mois et a déjà vécu beaucoup de chose dans sa courte vie » j'hausse les épaules en lançant un coup d'œil vers Antone « Je suis bénévole dans un refuge pour animaux » expliquais-je « En plus de mon rôle dans la pièce de théâtre et mon studio, je donne encore un peu de mon temps aux animaux qui ont été, pour la plupart, abandonnés et/ou maltraités. »

J'allais ouvrir la bouche pour continuer de parler lorsque je sens une pression sur mon bras. Reportant mon regard sur la surface de l'océan, je remarque que le bout de ma canne à pêche est tiré vers le bas. « ça mord !» m'exclamais-je en attrapant la canne à deux mains « Qu'est-ce que je fais ?!» Demandais-je en panique, incapable de connaître la procédure à suivre maintenant.

le retour des dés!:

Je hausse innocemment les épaules lorsque Antone se demande, amusé, pourquoi ça ne l'étonne pas que je sois bénévole dans un refuge pour animaux. « Aucune idée » répondais-je alors que je sais que sa question était purement rhétorique. « Mais en tout cas...ouais, c'est quelque chose qui me passionne. Je pense que si je n'étais pas devenu comédien j'aurais fini par faire des études pour être vétérinaire ou quelque chose de ce genre» expliquais-je en haussant les épaules. Je tairais, toutefois, le fait que je n'ai jamais été très bon à l'école et que les études supérieures n'étaient vraiment pas faite pour moi. Je n'aurais sans doute pas survécu à des années d'études de médecine animale, même si c'est quelque chose de très passionnant.

Je n'ai, toutefois, pas le temps d'ajouter quoique ce soit, car je sens une brusque secousse dans la canne à pêche. En panique, je demande à Antone ce que je dois faire et m'applique à suivre ses conseils. «C'est un gros poisson ça, j'suis sûr ! » m'exclamais alors que je dois mettre pas mal de force dans mon bras et pour actionner le moulinet et remonter le leurre et ce qu'il y a au bout de la ficelle.

Malheureusement, je ne sors de l'eau qu'une vielle botte. Derrière la déception de voir un habit et non un être vivant, je me rends compte à quel point l'océan doit souffrir de la pollution si même ici, on retrouve des chaussures de ce genre. Je finis par ramener l'objet vers moi et le pose à l'intérieur du bateau avant qu'Antone ne reprenne ma canne à pêche le temps d'y mettre un leurre plus grand. Avec les mêmes gestes qu'il m'a montré tout à l'heure, je balance la canne au-dessus de mon épaule puis d'un geste rapide vers l'avant et observe comment le bout entre dans l'eau. Souriant, je me réinstalle correctement puis tourne mon regard vers mon père qui me demande quel est mon film préféré.

« Hm, compliqué comme question» soufflais-je «Y a beaucoup de films que j'aime énormément...j'ai un très gros faible pour les films de super héros, en particulier les spider man » je souris doucement, amusé «mais si je devais choisir un film que je pourrais regarder tous les jours 24h/24 7j/7 ce serait The greatest showman » déclarais-je « ça c'est à cause de mon côté 'je veux absolument percer à Broadway avant mes trente ans'» je laisse échapper un rire

«Avant, j'étais persuadé que l'amour de ma vie c'était la comédie musicale » expliquais-je rapidement « Le but de mon existence c'était vraiment de pouvoir me produire à Broadway dans les 3 prochaines années» je pince les lèvres «J'ai eu une opportunité l'année dernière où j'ai été invité à un casting à New-York, mais je n'ai pas été prit et j'ai tellement mal vécu ce refus que j'étais vraiment sur le point de TOUT arrêté. Genre vraiment... Quitter la scène et faire totalement autre chose » je reporte mon attention sur l'horizon et soupire « Bon, finalement, je me suis posé, j'ai bien réfléchi et je me suis rendu compte que ce qui me faisait le plus vibré dans la comédie musicale ce n'était pas le chant ni la danse, mais bel et bien la partie 'comédie' de la chose. Donc mon premier amour, finalement, c'est le théâtre et c'est vers lui que je suis reparti en fin d'année 2020» je hausse les épaules et souris doucement «Donc voilà. Exit les envies de Broadway, je reste chez le théâtre maintenant. Même si, en vrai, je n'exclue pas qu'un jour, je pourrais saisir une nouvelle opportunité à New-York, je me dis que le rôle que j'ai actuellement me convient bien mieux»

Je hausse les épaules avec innocence lorsque Antone se demande à haute voix quel garçon n'aime pas les supers héros « J'en connais bien plus que tu ne l'imagines» assurais-je en hochant doucement la tête. Certes, c'était sans doute une question rhétorique, mais peu importe, il aura quand même une réponse vague. Dans tous les cas, je continue assez rapidement dans la lancé lui parlant de mon ancienne passion pour Broadway, mais surtout le fait que j'ai laissé tomber ce qui a longtemps été le but ultime de ma vie.

La réponse d'Antone n'est guère différente de ce dont j'ai l'habitude : nous ne savons pas de quoi demain est fait. Il n'a pas tort en sois, mais je sais parfaitement que je ne retournerais plus vers Broadway de si tôt. Au final, même si je sais que, quelque part, mon rêve est seulement mit en silencieux, je sais aussi que ma vie actuelle me plaît tellement que je ne l'échangerais pour rien au monde. Je souhaite d'abord me poser et construire quelque chose de stable et solide avec mon fiancé, avant d'éventuellement, ne serait-ce que penser à ce que je pourrais faire en plus.

Et voilà que mon père biologique commence à me raconter sa vie, comment il a quitté la Corse pour aller étudier a Rome, valider son stage à Londres puis repartir en Italie pour voir naître sa première fille avant d'emménagé en Corée pour y accueillir la deuxième fille dans sa vie. Et il clos le tout avec une morale digne des gros livres de philosophie. « Je ne t'imaginais pas être un tel philosophe » soufflais-je, amusé et intrigué en même temps avant que je ne hausse les épaules « Mais ouais, je vois et je comprends ce que tu veux dire»

Je dévie à nouveau mon regard vers la mer et mon hameçon qui flotte joyeusement à la surface avant qu'Antone ne m'interpelle à nouveau, mais dans une langue absolument étrangère à mes oreilles. Reportant mon attention sur l'homme, j'observe, intrigué, le sandwich qu'il me tend, puis relève mon regard vers son visage « Pardon ?» demandais-je en clignant des yeux, affichant une mine de réflexion « Je ...Enfin, merci. Il est à quoi ?» demandais-je en attrapant le sandwich en main après avoir poser la canne à pêche. « Tu viens de Corses t'as dis, non ?» Reprenais-je «c'est où exactement ? C'est comment là-bas ? » Mon souhait, d'en apprendre le plus possible sur mon géniteur est insatiable, et même les banalités sont sans doute intéressantes.

C'est à cela que sert cette sortie en mer, non ? En savoir un peu plus sur celui qui a participé à ma conception, discuter de lui, de sa vie passée présente et future et essayé de grappiller toutes les informations possibles et imaginables. Que ce soit des petits détails ou des anecdotes capitales, tout est bon à prendre et c'est ainsi que je le questionne un peu plus sur son pays d'origine : la Corse. S'il m'est impossible de le situer avec exactitude sur une carte, je sais qu'elle se trouve quelque part en Europe.

Voir le regard d'Antone qui s'illumine subitement tandis qu'il m'explique, d'une voix emprunt d'une douce nostalgie, je l'écoute avec toute l'attention du monde, buvant avidement ses paroles. Vu comment il parle de ses origines, j'ai l'impression de voir ce pays devant mes yeux, avec ses plages, ses rochets, ses montagnes et ses côtes. Souriant doucement, je hoche la tête à intervalle régulier tandis que je mange distraitement mon sandwich, laissant, de temps à autre, échapper des « ouh !» ou des «ah ouais ! » ou encore des « pas mal ».

Au final, malheureusement, nous sommes rattrapés par notre activité du jour avec un poisson qui décide de mordre à l'hameçon alors que justement, Antone commençait à parler du poisson qu'on pouvait manger sur la plage corse. Me redressant, je lâche ma canne et suis les instructions de mon père à la lettre. C'est vraiment compliqué et remonter la bestiole nous demande vraiment beaucoup de force.

Mais lorsque nous y parvenons, c'est pour qu'un énorme poisson vienne s'échouer à nos pieds. Je n'en crois pas mes yeux et observe la bestiole, ahuris, alors que le rire de mon père résonne dans la proue du bateau et qu'il s'extasie sur le fait de pouvoir nourrir tout un régiment avec ça. « Eh ben dis-donc ...» Sifflais-je entre mes lèvres avant de relever mon regard vers Antone, large sourire sur les lèvres « Chance du débutant hein» je laisse échapper un rire amusé puis m'approche du poisson et passe le bout du doigt sur ses écailles « J'ai jamais touché un poisson » annonçais-je, presque honteux « mais c'est chose faite maintenant» je me recule à nouveau et croise les bras derrière mon dos tel un élève studieux «Et maintenant ? Faut le vider, non ? On fait ça comment ? Et où ? » Demandais-je en regardant autour de moi «et faudra que tu me montre aussi comment on mange le poisson à ...c'était quoi le nom déjà ? » je fronce les sourcils, moue de réflexion sur le visage « Pro...pri...propriani ? » j'interroge l'homme du regard, avant de grimacer, désolé « Enfin...Comme on le mange en Corse quoi » me rattrapais-je comme je pouvais, tressaillant subitement lorsque le poisson se met à gigoter dans les mains qui le tiennent.