Tu es heureuse pour Asher et son groupe. Une opportunité comme celle-ci est incroyable et tu es contente de voir que ceux que tu suis depuis quelques mois maintenant commencent à se développer, à se faire un nom quelque part. La salle est plus grande que celles de d’habitude et c’est une vraie preuve de réussite. Certes, il ne sont pas ceux qui sont en haut de l’affiche mais ça ne saurait tarder. Asher et ses potes ont la rage de vouloir réussir et il est clair que la passion est nécessaire dans un métier pareil. Tu n’es que la pièce rapportée qui profite à tous les instants de ces moments-là. Des pass dans les backstages quand y’en a - donc tu as ton tout premier là, c’est assez excitant de te sentir VIP. Tu profites aussi de voir les groupies et les chieurs et les fans. Ca grossit et parfois, tu agis comme une véritable petite garde du corps pour Asher. T’aimes pas quand il finit la soirée avec quelqu’un. Non seulement ça veut dire que tu vas t’endormir seule (et probablement misérable) mais aussi parce que quelqu’un profite de lui. Oui, tu as les pensées plutôt négatives et tu n’arrives pas à voir les moments de plaisir choisis et acceptés par ton ami autrement que comme un abus de la part d’autrui de vouloir assouvir le fantasme stupide de se taper un chanteur de groupe. Asher est une figure de frère et en ce moment, il est ton point de repère. Tu passes toutes tes émotions, toute ton attention, ta dévotion totale sur lui. Donc tu surveilles ses arrières. C’est ton rôle. Ca et donner un coup de main quand y’a besoin - comme par exemple pour juger leurs tenues parce qu’y a des fois, c’est juste pas possible de les laisser performer dans ce qu’ils choisissent eux-mêmes.

Cependant, tu restes éternellement clouée à ton tabouret au bar. Tu as piqué une bière dans leur loge car t’as cru comprendre que c’était gratuit et pourquoi ne pas en profiter ? Les places au bar sont chères donc ça n’a rien d'étonnant que tu ne décolles pas - à d’autres, Birdie. Je sais que tu n’as pas la tête à aller danser. Ni t’amuser. Même si tu étais gonflée de fierté de voir ta crapule sur scène. « Tu passes une bonne soirée ? » On te parle. Mais ce qui attire ton attention, c’est qu’on te frôle aussi. Tes prunelles descendent sur le contact physique avant de remonter ton visage dénudé de sourire vers le gars posé l’air de rien. “Jusqu’à maintenant, ouais.” On ne dirait pas pourtant. Tu en as conscience. Pour une fois, il n’y a rien qui attire dans ton aura. Tu décale ton bras en tournant ton corps entier sur le tabouret afin de te retrouver le dos au bar et la vision sur la piste qui s’enjaille - dont Asher et les autres. C’est cool de le voir aussi libre. Au moins, il profite pour deux. Qui aurait cru.

Tes yeux ne quittent pas la foule en face de toi, bien décidée à ne pas les poser sur l’intrus qui se permet de venir t’aborder alors que tu n’es clairement pas d’humeur. Ton visage est fermé et la seule lueur que tu as, c’est quand tu vois les membres du groupe être abordés à leur tour. Ils célèbrent leur première véritable scène et tu es dépitée d’être dans un mental aussi pitoyable alors que tu es témoin privilégié de tout ça. Tu es heureuse pour eux, évidemment, mais tu pourrais être carrément plus en folie si tu n’étais pas en train d’avoir la boule au ventre et le poids sur tes épaules. C’est lourd à porter, comme fardeau, aussi bien dans la tête que dans le corps. Tu t’en sens toujours aussi sale, aussi coupable, aussi apeurée. Tu aurais besoin d’aide mais tu préfères fuir. Fuir Brisbane, fuir tes problèmes, fuir tes pensées en pensant que ça finira par se tasser. En attendant, tu enchaines les bières et les cocktails pour que ça passe encore mieux. L’éthanol est un bon moyen et l’accès illimité dans leur loge facilite grandement les choses. « Si je te paie un verre ça va l’améliorer ? » Tu serres la mâchoire en relevant ta bière à tes lèvres alors que ton coeur commence à battre un peu trop fort à ton goût. Tu déglutis en même temps que tu bois avant de secouer légèrement la tête. "Ça ira, merci.” C’est un go away poli que tu lui donnes et tu espères qu’il va être assez malin pour comprendre le message. D’autant que tes mains commencent à devenir moites et que tu n’aimes vraiment pas la proximité de ce type, ni même son regard sur toi. Il te voit comme un morceau de viande, exactement comme- Non. La boule monte à la gorge mais tu reprends ton breuvage pour t’occuper. Tes yeux sont toujours sur la foule mais tu ne la vois plus. Tu commences à stresser et à manquer d’air. T’es aussi sacrément figée sur ton siège. Wake up, Cadburn, for godsake. Tu es presque en train de faire une manifestation interne pour qu'Asher ou un des membres de groupe vienne à ta rescousse car tu te sens prise dans un étau inconfortable. Please, please, please.

« Un deuxième verre pour la jolie demoiselle, la même chose et une bière pour moi. » Une consommation au nez de ce type qui veut se jouer les lovers ? Pourquoi pas. Seulement, pourquoi ça te met de plus en plus mal à l'aise alors qu'il reste dans les environs ? Tu n’es pas juste blasée ou soulée par son intrusion - tu es carrément mal à l’aise. Tu as les mains moites et ton rythme cardiaque monte crescendo au fil des minutes. Tu as l’impression de manquer d’air. Tu n’as pas envie d’être là. Tu pourrais appeler Asher ou Johnny ou aller les voir directement. Tu pourrais te diriger vers le stand, l’utiliser en guise de protection, te distraire en faisant office de sourire commercial pour faire vendre leurs babioles. Mais non, tu es clouée sur place et tes doigts se serrent autour de ton verre qui est quasiment vide.

« Tu es venue toute seule ? » Tu déglutis en te tournant pour prendre le nouveau verre qui arrive à tes côtés, rapidement afin de ne pas laisser quiconque le prendre et y foutre merlin sait quoi dedans. “Non.” Tu aurais pu déconner en disant que tu as des nains à tes côtés mais qu’ils sont invisibles car trop timides. “Merci pour le verre mais ça sert à rien de perdre ton temps avec moi. Je suis pas intéressée.” Là, le signal ne peut pas être faussé. Tu le dis de façon polie d’aller voir ailleurs. Tu n’as pas envie qu’il continue à être insistant. Car t’es au bord de tes limites, tu le sens à ton coeur qui se compresse et à ton cerveau qui est en bug intégral sans capacité à pouvoir réfléchir et raisonner calmement. Tu ne tournes même pas la tête vers le type, ta nuque est raide alors que tu fixes devant toi. S’il insiste, tu ignores comment tu vas réagir. En fuyant, très certainement.

Les ondes commencent à t’étouffer autant que la présence masculine à tes côtés que tu ne désires pas. Pas celle-là, en tout cas. Pas celle d’un regard lourd sur ta personne. Tu essaies d’être détachée et de ne pas y penser, de ne pas le remarquer - ça serait lui donner de l’importance, tu lui en as déjà trop donné - mais tes nerfs sont à vif, à fleur de peau. Tu sens ta poitrine se compresser alors que ton regard ne fixe plus rien en particulier, ta vue ne voit plus rien, tu n’es, au final, que buter sur le fait qu’il y a cet homme si proche, trop proche, que t’as l’impression que tu vas tourner de l’oeil, ou te mettre à pleurer, ou faire une crise de nerfs. Tu ne sais pas trop, c’est si soudain, si nouveau - tu te serais bien passé d’une expérience pareille. Tout ce que tu sais, c’est que tu n’es pas dans ta zone de confort et que le type est en train d’empiétrer sur ton espace déjà depuis longtemps.

« C’est vrai ce mensonge ? » Un bref coup d’oeil vers lui pour le voir te mater en toute impunité. Oh non. Ton ventre se tord et le seul réflexe que tu as es de lui jeter le contenu de ton verre à la figure. “C’est pas un mensonge. Quand quelqu’un dit non, c’est non. Putain, c’est quand même pas compliqué! Tu penses qu’avec ta bite, t’es au-dessus de tout ? Je suis pas intéressée, j’ai dit. Si tu veux avoir une chance avec une fille, écoute ce qu’elle te dit en premier lieu, espèce de connard abruti!” Tu vrilles totalement, tu fais un scandale en haussant le ton et tu t’en fous si on te regarde. De toute façon, ton deuxième réflexe est de partir en trombe du bar, voire même de la pièce entière, pour aller te réfugier dans la loge qu’Asher a été si fier de te montrer. Tu n’as jamais été aussi reconnaissante d’une telle pièce - t’aurais dû aller aux toilettes, sinon, et ça aurait été plus pénible. Même si dans la loge, tu files dans la pièce d’eau pour t’y enfermer en claquant la porte avant de t’effondrer en larmes contre le mur. Tu te sens si mal, si sale. Tu as besoin d’une douche, ou dix. T’es toute recroquevillée sur le sol, les bras autour des jambes et la tête baissée sur tes genoux. Tu voudrais que tout s’arrête. Tu es juste misérable et une pauvre idiote. Le constat est sans appel.

putain d’enfoiré de première catégorie, espèce de connard de truite à la con, j’espère qu’il crèvera d’étouffement par son alcool et qu’il ira en enfer directement se faire poinçonner le cul par Lucifer lui-même. Tu es en rage, en panique, en pleurs, en émois et dans la colère la plus pure. Tu as envie de crier en pleurant, de hurler en silence, de casser des trucs en restant paralysée. T’es qu’une putain de gosse, voilà ce que t’es. Une gosse qui se perd pour un type, une gosse qui a peur dès qu’on lui accorde de l’attention. Qui se recroqueville dans les toilettes d’une loge - ça a beau être la première du groupe, il n’empêche qu’elle n’est pas extraordinaire non plus. Ca pue et surtout, ça pue de ton désarroi, de ta détresse et de cette solitude incroyable. Asher est là, ses potes sont là mais t’as pas Will, t’as pas ta famille, t’as pas Brisbane ni Elimbah. T’es en manque mais rien que penser à la maison, ça te donne envie de vomir. T’es pas prête alors tu restes, dans cette foutue ville où y a le seul être qui a réussi à trouver un chemin hors de Brisbane et qui te laisse dormir avec lui la nuit parce que seule, c’est juste impossible.

Tout comme là, c’est impossible. Tes poumons sont compressés, tu manques d’air et tu l’insultes autant que tu t’insultes toi. quelle merde, pourriture qui mérite la décharge, bordel de salopard qui pense avec sa bite qui mériterait qu’on la lui coupe pour la tenir à manger aux reptiles, au moins elle serait utile à quelqu’un. Tes doigts serrent sur tes bras qui entourent ta tête et t’aurais dû aller dehors, pas dedans. « Birdie… C’est moi. On a fait partir le type. Je peux entrer ? » t’as envie d’hurler qu’on te foute la paix mais c’est Asher. Asher, tu ne peux pas le dénigrer. Asher, t’as besoin de lui en faites. T’es juste une gamine trop habituée qu’on vienne la consoler quand ça ne va pas. Tu te caches mais tu espères qu’on le remarque. Asher l’a remarqué. « Tu veux qu’on s’en aille ? Les autres peuvent s’occuper du reste de la soirée sans moi. » Tu relèves la tête en reniflant et en passant tes doigts sur tes yeux. « Tu veux je t'apporte quelque chose ? » Il est tellement adorable, Asher, quand il veut. Tu te soulèves un peu pour pouvoir ouvrir le loquet de la porte et lui offrir la vision affreuse de ta tête déformée par la détresse.“Il est vraiment parti ?” Tu parais si misérable, la voix brisée et l’air de vouloir rentrer dans ta coquille à tout instant. “J’ai juste besoin que tu me tiennes.” Juste lui. Y’a que lui que tu peux supporter le contact - parce qu’y a que lui dont tu as confiance à Melbourne. Il y a des chances qu’une fois les bras d’Asher autour de toi, tu te remettes à pleurer. Pitoyable.

« Je te jure il est parti. » tu affaisses les épaules et tu penches la tête contre la porte alors que tu reprends ta respiration. Tu as toujours du mal à savoir comment réagir quand ton corps et ta tête débloquent à ce point. Tu te demandes encore pourquoi tu ne restes pas dans la sécurité de l’appartement, pourquoi tu t’infliges à voir du monde et à te mélanger à des humains qui te font peur alors que clairement, ce n’est pas le moment ni l’envie. Tu as envie d’être là pour Asher et son groupe, mais il ne faudrait pas que ce soit au détriment de ta propre santé, Birdie. C’est beau d’être là pour les autres mais il faut penser à toi aussi. Ton corps vient de te le rappeler de la plus brutale des manières.

Asher est cependant adorable et bienveillant à écouter ta requête. Ses bras autour de toi sont un peu bizarrement mis mais tu t’en fous, ça ne t’empêche pas d’aller nicher ta tête contre son torse, son épaule et de respirer son odeur qui elle, est familière. C’est la maison, c’est les souvenirs, c’est un peu d’Elimbah, c’est pas mal de Brisbane. C’est surtout Melbourne et tu te rappelles que tous les mecs ne sont pas à foutre dans un même sac. T’en as conscience, tu ne restes quasiment qu’avec des mecs depuis que t’es arrivée ici.

« Let’s get some shots. » t’ignores combien de temps s’est écoulé mais ta respiration est redevenue normale et tes yeux sont secs de nouveau. Tu te détaches de lui en hochant la tête. “Okay.” tu t’en fous si ce n’est pas la meilleure solution, ça reste une solution comme une autre. “I’m sorry.” que tu dis en te mettant sur tes jambes, la tête baissée. “I didn’t mean to make a scandal on your first big stage.” car tu n’oublies pas que cette salle a un goût particulier pour le groupe, une première fois non négligeable sur une véritable scène - le goût de la réussite, tout simplement. Tu vas vers le lavabo pour regarder ta tête. T’es vraiment affreuse. Tu passes un coup d’eau sur le visage puis tes doigts dans tes cheveux pour les discipliner un peu mieux. “I look scary, don’t I ?” le commentaire se veut amusé mais ce n’est pas le ton qui en ressort - t’es encore abattue. Tu essaies de pousser tes limites mais tu n’y arrives pas. Tu es humaine, Birdie, ça suffit. Vas boire avec Asher et laisse le temps passer. Ca ira mieux.