La vie est un prêté qu'il nous faut un jour rendre.

Richard est mort il y a maintenant seize ans et pourtant, Channing se souvient très nettement de la force avec laquelle son coeur s'est brisé quand on l'a empêché d'entrer dans la chambre d'hôpital de son père. Du regard désolé des médecins, de Mary qui fait mine de s'effondrer dans les bras de l'un d'eux, de lui qui attire Lexie contre son torse pour l'étreindre. La réalisation n'avait pris que quelques secondes, son monde avait cessé de tourner mais pas celui qui l'entourait, et chacun des sons qui avait résonné à sa proximité ce jour-là se jouait encore avec une facilité déconcertante dans son esprit. Celui de son propre coeur battant à ses oreilles, du ronflement de son nez provoqué par ses larmes, des pleurs étouffés de sa petite soeur. De la prise au vent d'un dossier que l'on ferme après y avoir griffonné une heure de décès, d'une porte qui s'ouvre puis se referme quasi définitivement, des paroles d'un médecin à un interne pour l'inciter à les emmener, la brunette et lui, ailleurs. Il se souvient avec précision des faits et gestes de chacun, si précisément que cela en est douloureux au simple songe. Il se souvient s'être débattu dans les bras d'un blond à peine plus vieux que lui, le futur chirurgien obéissant aux ordres de son supérieur en les attirant à l'écart de la chambre de Richard, puis s'être écroulé sur un fauteuil inconfortable aux côtés de sa soeur. Son père, le pilier de leur famille, celui dont l'amour servait de liens entre eux et le nom des Walker, venait de rendre son dernier souffle à quelques mètres. et plus rien ne serait pareil maintenant qu'il n'était plus là.

et de la même façon que la maladie avait arraché Richard, un accident venait de priver les Sisco de leur père. Il avait appris la nouvelle il y a quelques jours, par écrit, et avait dû s'asseoir un moment sur son sofa en contemplant les quelques lignes de texte. Antone et lui se connaissaient depuis quelques années, s'étaient rencontrés au détour d'un feu rouge sur leurs cylindrées en tous points différentes, et il n'avait pas fallu plus que quelques verres en terasse au feu tricolore suivant pour qu'ils échangent leurs prénoms ainsi que leurs numéros. Oh, le plus vieux d'eux deux avait passé l'âge de provoquer les aiguilles de son compteur, se moquait à la moindre occasion de la trottinette électrique du Walker et Channing le lui rendait bien en essayant de se faire entendre au travers du boucan provoqué par son dinosaure, mais cela ne faisait que rendre leurs virées ensemble plus dynamiques. Ils étaient au moins aussi différents que leurs motos, mais se trouvaient au milieu de ce joyeux désordre des atomes crochus qui suffisaient à leur provoquer des éclats de rire et des sourires entendus, et cela était amplement suffisant. En dehors de cela, il ne savait pas grand chose de la vie privée du cinquantenaire. Si ce n'est qu'il était père, prof et consultant pour la ABC, avec un coeur tendre derrière le sarcasme de ses paroles et le cuir de sa veste. Ils ne se confiaient pas grand chose, se voyaient surtout pour s'accorder d'un mouvement de tête et passer des heures à sillonner Brisbane, mais la façon dont leur dernière venait de s'achever avait un goût amer. Le point final à la lettre le fait déglutir difficilement, replier le papier sur ses marques puis rediriger son regard dans le vide de sa pièce à vivre. Une des choses qu'il déteste le plus en ce bas monde sont les adieux.

Sa voiture se gare au milieu d'autres sur le parking de l'église, et l'héritier attend peut-être quelques minutes afin que les personnes déjà présentes s'éloignent avant de quitter l'habitacle. Aucun visage ne lui sera familier dans la foule, et s'il sait que généralement les personnes présentes ne le sont pas assez pour s'interroger sur la présence d'un inconnu, il tient toutefois à s'épargner au mieux l'attention. Alors il attend un peu, s'ajoute à la fin de la masse qui entre dans le lieu de cérémonie, et se tient au fond de la salle en évitant prudemment les contacts visuels. Le silence ne met que quelques secondes à s'installer et les hommes de cérémonie prennent le relais pour diriger les funérailles, le brisant avant que des pleurs ne le fassent. Ses yeux noisettes s'orientent alors vers le surplomb, ses oreilles se tendent à contrecœur et Channing croise ses mains dans son dos au moment où la famille est invitée à tour de rôle à prendre la parole. Mais si son visage aborde l'air le plus inexpressif qui soit, ses paupières en chassent la neutralité en un battement lorsque Mila prend place puis la parole. Mila Valentini, son assistante, l'italienne qui travaille pour lui depuis plusieurs années et qui a demandé sans raison apparente un jour de congé il y a peu. Mila, l'une des filles de son ami. Il pense halluciner une seconde mais sait qu'il n'en est rien alors que la voix étrangement fébrile de la brune résonne entre les murs de l'église, le figeant malgré lui. Elle est sa fille, sa plus vieille fille visiblement, et il l'ignorait complètement. Comment est-ce possible ? Les mots qu'elle prononce ont du mal à faire sens à ses oreilles alors qu'il réalise, mais lorsqu'elle s'interrompt et qu'il bat à nouveau des paupières, Channing comprend qu'elle vient de le voir à son tour.

Elle se reprend, échappe quelques larmes, puis retourne s'asseoir peu après pour laisser la place à qui en veut. La cérémonie se poursuit, se termine à l'extérieur lorsque le cercueil disparaît sous le niveau de la surface, et comme plusieurs l'héritier ne s'attarde pas davantage. Il ne veut pas échanger avec qui que ce soit si ce n'est peut-être Mila, mais la brune semble avoir déjà disparue alors qu'il s'éloigne pour regagner le parking. Ils parleront plus tard, en feront au moins mention avant de tourner la page et probablement de prétendre que cela n'est jamais arrivé, cela n'est pas une urgence. Sa main se plonge dans sa poche tandis qu'il s'approche de sa voiture, mais son regard est happé par les courbes familières d'un véhicule qui n'est pas le sien et il ralenti inconsciemment le pas. Il n'a jamais vu la précieuse Camaro de la brune être aussi chargée, et il comprend que sa propriétaire ne rentrera pas où elle en a l'habitude ce soir. A-t-elle l'intention de quitter la ville ? C'est ce qu'autant de valises entassées sur les sièges arrières présagent. et alors qu'il s'est arrêté, le bruit de pas qui s'approchent le font tourner la tête pour tomber nez à nez avec la brune, clés à la main et larmes sur les joues.

Il y a un moment de latence entre eux, un où aucun mot ne semble être juste. Ils n'auraient pas dû se retrouver ici et Channing est incapable de savoir par où commencer alors qu'il regarde la jeune femme. Aucun mot n'a d'importance dans ces instants, c'est du moins ce qu'il pense, quand rien de ce qu'on avait put lui dire à la sortie du cimetière quand son père venait d'être mis en terre n'était parvenu à ne serait-ce l'effleurer. Il ne trouve rien de pertinent à lui dire, se contente de la regarder en terminant lentement de sortir ses propres clés de voiture. Aucun mot n'a d'importance, une présence en revanche oui. Son regard quitte l'italienne pour se reporter sur le chargement de la Chevrolet, puis se reporte sur Mila. « Viens dormir à la maison. » souffle t'il à voix basse, assez forte pour être entendue, assez faible pour ne pas percer la bulle de la brune. Il ne va pas l'ennuyer de mots tous plus vides les uns que les autres, ni lui poser de questions, mais ne tient pas à la savoir seule dans ces moments. Peu importe qu'ils parlent ou non, le Walker lui offre sans condition son toit et sa présence pour l'empêcher de sombrer quand tout semble s'arrêter.

Il est monté dans sa voiture, elle dans la sienne, et quelques dizaines de minutes plus tard le duo s'engage dans Bayside puis sur le parvis de sa villa. Il se gare, quitte son habitacle et délaisse sa sportive pour aller aider la demoiselle à décharger ses affaires. Il ne tient pas à lui demander pourquoi est-ce qu'elle a décidé de partir, le comprend quand lui a fait la même chose seize ans en arrière en allant se réfugier dans un hôtel avec sa petite soeur. Il porte ses bagages à l'intérieur, lui ouvre la porte d'une chambre d'amis en y déposant ses valises. « Tu peux rester autant de temps que nécessaire, Mila. Je ne t'embêterais pas avec des questions. » précise t'il entre deux aller-retours, se tournant vers elle pour la regarder. Elle connait les lieux, et l'héritier l'invite à prendre ses aises. Il ne réfléchit pas vraiment en l'accueillant ainsi chez lui, n'attend rien en retour de sa part. Elle peut partir demain ou dans quelques semaines que cela lui importe peu, tant qu'elle a quelque part où aller ensuite. C'est probablement le fait qu'il se reconnaisse un tant soit peu dans son cas qui le pousse à agir ainsi, même s'il ignore la relation qu'elle entretenait avec Antone - sans prendre en compte le peu qu'il ait pu en déduire lors de sa prise de paroles. Il ne la prend pas en pitié, ne l'infantilise pas non plus : Channing lui apporte simplement un soutien qu'elle peut choisir ou non d'utiliser. Il s'apprête à sortir de la chambre pour la laisser s'installer lorsqu'il s'interrompt dans l'embrassure, tourne à demi la tête dans sa direction. « On faisait souvent de la moto ensemble, depuis quelques années. » lance t'il doucement pour lui éviter d'avoir à lui demander pourquoi il était là-bas. Puis il se reporte devant lui et sort posément de la pièce pour aller se changer et prendre une douche.

@mila valentini

« Je vais à la plage. Je reviens plus tard. » Il redresse la tête en l'entendant, acquiesce sans un mot et la suit du regard alors que l'italienne disparaît par la terasse. Il ignore ce qu'elle ressent, si elle a assimilé le décès de son père ou si elle est encore en phase de déni. Il ne peut prétendre le savoir, et ce même s'il a lui aussi perdu son père. Channing considère que chacun vit la perte d'un être cher d'une façon différente et incomparable, et qu'un deuil peut se vivre de centaines de façons différentes, rendant celle de Mila difficile si ce n'est impossible à déceler. Il faut dire que la brune est assez secrète sur sa vie privée, ne lui a même jamais parlé des siens ou des liens qu'elle entretient avec eux, alors que des occasions se sont forcément présentées depuis le temps qu'ils collaborent. Mais sont-ils proches à ce point, réellement ? Ils travaillent ensemble, ont déjà partagé des moments plus intimes que d'autres, mais se connaissent-ils vraiment ? L'héritier en doute, sait au fond de lui qu'ils n'ont jamais été de ceux à parler et partager des détails sur leurs vies. Mila sait de lui ce que la presse laisse entrevoir, pense probablement - comme beaucoup, qu'il est quelqu'un de respectable et droit dans ses chaussures. Qu'il a beaucoup des qualités requises pour diriger un empire comme le Walker Group, et est un patron respectueux de ses employés. Lui sait d'elle qu'elle est une femme douée derrière son joli minois d'apparat, maladroite mais avec une envie sincère de bien faire, appliquée et avec qui il est agréable d'échanger. Mais ils ne savent l'un de l'autre que ce qu'ils veulent montrer, n'est-ce pas ?

La nuit tombe peu à peu sur Bayside, et après avoir fait un peu de paperasse dans son bureau dans l'espoir de voir réapparaître la brune à un moment ou à un autre, Channing s'est finalement résolu à aller prendre une douche puis se mettre aux fourneaux. Il ne pense pas que la brune ait très faim, mais tient à lui préparer quelque chose le cas échéant. C'est donc dans une tenue décontractée, un jogging confortable sur les hanches et un débardeur sur le dos, qu'il commence à préparer un plat tout en guettant du coin de l'oeil sa terasse. Si le soleil disparaît entièrement et qu'elle n'est pas remontée, il ira la chercher - que ce soit pour lui proposer un plaid et un oreiller si elle préfère s'isoler sur la plage pour la nuit, ou lui indiquer le chemin à suivre pour rejoindre la villa. Mais il n'aura pas à se donner cette peine, puisqu'il ne faut qu'une dizaine de minutes supplémentaires à son assistante pour refaire surface, enveloppée dans une serviette de plage, ses boucles brunes perlant sur cette dernière. Il est rassuré même s'il ne le montre pas, et se contente de la regarder un instant lorsqu'elle décide de l'aider avec les légumes.

« Depuis combien de temps tu le connais … connaissais ? » Il met à bouillir les pâtes, baisse un peu le regard à sa question. Il se doute que Mila s'en pose plusieurs, toutes tout à fait légitimes, mais Channing a peur de la décevoir en lui avouant ne pas l'avoir connu plus que ça. Il avait rencontré Antone par hasard il y a quelques années, est incapable de dire avec certitude combien exactement, et s'ils avaient noué une amitié ils n'étaient pas pour autant fourrés ensemble tous les week-ends. Ils passaient davantage de temps sur leurs cylindrées, à ne pas pouvoir se parler dû au vacarme notamment de celle du plus vieux d'eux deux, qu'à discuter en terasse de la pluie et du beau temps. Ils échangeaient parfois à peine quelques mots en une après-midi entière de promenade, et cela leur convenait amplement. Channing pourrait dire à Mila à quel point sa moto était bruyante et nonchalante, lui décrire la façon dont ils se critiquaient à tour de rôle d'un ton plaisantin, mais risquait de la décevoir si elle attendait de lui qu'il lui parle de la personne qu'il était derrière ses vestes en cuir. et n'était-ce pas ce qu'elle voulait, savoir qui il était ? Lorsqu'il se tourne vers elle, l'italienne plante ses billes bleues dans les siennes noisettes et il soutient son regard. « Est-ce que … » Il lui laisse le temps de choisir ses mots, d'empêcher sa lèvre de trembler et de poursuivre lorsqu'elle se sent prête. Pendant ce laps de temps, il en profite pour leur servir deux verres de vin, les jugeant les bienvenus. « Est-ce qu’il t’a déjà parlé de moi ? Peut-être en m’appelant par le surnom qu’il m’avait donné avant qu’il ne quitte ma mère, quand j’avais trois ans : Bianca ? » La confession le fait frémir, et l'héritier déglutit en silence avant de tendre son verre à la demoiselle et de garder le sien entre ses doigts. « C’est stupide … J’adorais ce livre à l’époque, Bernard et Bianca … » Elle est triste. Perdue, aimerait être rassurée. Aimerait que Channing lui dise qu'il ne s'agit que d'un cauchemar, qu'elle va se réveiller demain dans un monde où son père respirera toujours. Mais il ne peut pas lui mentir, ni lui dire ce qu'elle veut entendre, et ils le savent tous les deux. « Ce n'est pas stupide... pas du tout. » Il s'appuie distraitement au meuble auquel il tourne le dos, se plonge dans ses souvenirs pour trouver les propos les plus justes afin de répondre aux interrogations de la brune, puis redresse le regard vers elle après l'avoir baissé une seconde. « Cela devait faire deux ou trois ans, je ne sais plus exactement. On s'est rencontrés par hasard en ville, et le contraste de nos motos ainsi que de nos personnes nous a amusé. Le père de famille sur sa grosse Harley, le gamin sur sa sportive. » Gamin est un bien grand mot, mais il souhaite que Mila comprenne où il veut en venir. Channing se laisse envahir par les souvenirs agréables de leurs sorties, l'air éternellement taquin de l'homme qu'il aurait aimé mieux connaître, et l'abominable son de sa moto avant de poursuivre. « Je le connaissais peu, malheureusement. On passait plus de temps à se suivre lors de nos balades qu'à papoter en terasse autour d'une bière, mais je savais qu'il était père. De deux filles et un garçon. » Il marque une pause, son regard parcourant celui de la brune qui semble pendue à ses lèvres. L'héritier esquisse alors un sourire qui se veut aussi doux que timide, avant de poursuivre. « et le prénom de Bianca m'a marqué, parcequ'il n'est pas courant ici en Australie. Je le connaissais peu, on parlait peu, mais il m'a bien parlé de toi Mila. » Si cela n'aurait pas été le cas, il aurait secoué la tête par la négative au risque de décevoir la demoiselle. Mais, peut-être par signe du destin ou preuve d'amour du père Sisco, Antone lui avait bien déjà parlé de sa plus grande fille. « Je... je suis incapable de te dire ce qu'il m'a dit mot pour mot à ton sujet, cela fait trop longtemps. Mais il t'aimait, et regrettait de ne pas t'avoir vue grandir comme il l'aurait aimé. » et ce détail, même si cela fait longtemps que Antone le lui a partagé, Channing ne l'a pas oublié. Il ne l'a pas oublié car l'amour d'un père pour ses enfants est une chose qui le touche et le marque, et il se souvient avec une netteté déconcertante du visage du motard à l'évocation du regret.


@mila valentini

Ils travaillent ensemble depuis plusieurs années, ont déjà partagé des moments plus intimes que d'autres, pour autant Channing ne connait pas vraiment la personne qui se cache derrière ces beaux yeux bleus. Il voit en Mila ce qu'elle accepte de lui montrer, soit pas davantage que n'importe qui entre les murs du Walker Group. Elle est son assistante, une employée douée et qu'il affectionne, mais si leur relation a connu quelques écarts elle n'est pour autant pas une que l'on peut qualifier de proche. et voir ainsi l'italienne baisser ses murs, échapper quelques larmes et s'appliquer à découper des légumes avec bien plus de minutie que nécessaire, l'attriste un tant soit peu. Lui-même est bien placer pour savoir que les façades ne se fragilisent qu'en cas d'urgence, et il est désolé d'assister à la scène sans pouvoir rassurer la brune davantage. Antone et lui ne se côtoyaient qu'à d'irrégulières occasions, n'étaient pas des confidents et à peine des amis, et il n'avait par conséquent pas beaucoup d'anecdotes à partager à la demoiselle même s'il devinait sa curiosité tout à fait justifiée. « Merci. » Il guette ses réactions, les courbes de son visage, cherche à deviner quelles émotions la traversent : le soulagement, la déception, la nostalgie, les regrets ? Il a du mal à lire en elle, se contente de plisser les lèvres dans une moue avant de reprendre une gorgée de vin. et la suite est assez inattendue.

Mila entreprend un long monologue sans pour autant retrouver son regard, des larmes silencieuses roulant sur ses joues, tandis qu'elle se plonge dans des souvenirs vraisemblablement douloureux à la façon dont sa voix vacille de temps à autre. Elle s'ouvre à lui sur son passé, lui partage des détails de sa vie d'enfant, celle ayant influencée sa vie d'adulte. Elle se confie sur ses remords, l'état de sa mère, ses difficultés financières, les quiproquos qui lui ont causé et lui causent encore aujourd'hui beaucoup de peine alors qu'elle s'en veut ne pas avoir profité de son père de son vivant. et maintenant qu'il est trop tard, le couteau entaille plus profondément la plaie quand plus rien ne pourra changer ce qui a été fait. Il s'approche sans un mot des fourneaux lorsqu'elle se hisse sur le plan de travail, prenant le relais pour poêler les légumes. « Je suis désolée, je n’aurais pas dû t’embêter avec tout ça. Je … Désolée. » Il secoue la tête, termine de préparer le repas sensiblement au moment où elle termine son récit, et Channing la regarde après avoir rempli à nouveau leurs verres de vin. « Ne le sois pas. Vraiment pas. » Il lui fait signe de prendre son assiette après les avoir servi et emboîte le pas en se dirigeant vers le salon, jouant les équilibristes pour y emmener son assiette, son verre et la bouteille. Il s'assoit, invite Mila d'un regard à s'installer sur un sofa, et l'héritier reprend après une pause. « Je ne te juge pas, et ce que je vais dire à pour seul but de t'aider. » avoue t'il dans une confidence, relevant ses yeux noisettes vers elle en usant d'une voix douce. « Ne t'en veux pas plus que de raison. Tu n'as fais que payer les frais de mensonges qui n'étaient pas les tiens. Ce n'est pas de ta faute. » et sur ces paroles, sa main se pose un instant sur l'épaule de la brunette pour la lui serrer, déviant dans son dos qu'il lui frotte un instant sans trop s'y attarder pour autant. Il ne veut pas la faire pleurer à nouveau, ni la mettre mal à l'aise, mais tient à lui apporter son soutient. « Vous avez peut-être passé ces derniers mois à vous chamailler, mais cela ne remet pas en doute l'amour que vous vous portiez. Sois en sûre. » Sa main quitte son dos, et il esquisse un sourire avant d'entamer son repas pour encourager Mila à en faire de même. Lui non plus n'a pas faim, mais ils doivent avaler quelque chose.


@mila valentini

Ils ne se sont jamais comportés ainsi l'un avec l'autre. Leurs rapports ont toujours été ou professionnels ou intimes, mais jamais Channing n'a un jour interagi avec une Mila à fleur de peau. Leur relation ne les a jamais orienté sur cette voie, et s'ils ont déjà commis quelques écarts en terme de professionnalisme jamais leur lien ne les avait incité à se comporter d'une manière à ce point bienveillante l'un auprès de l'autre. Il l'écoute avec soin, lui répond avec tout autant de minutie et l'italienne semble trouver un certain réconfort dans les paroles qu'il lui adresse. Pudiquement, certes, mais la glace semble se briser alors qu'il espère, ne serait-ce un peu, l'aider à affronter cette soirée et les jours qui vont suivre. Il n'a pas perdu son propre père d'un accident de la route, c'est un fait, mais la nouvelle avait été à l'époque aussi soudaine qu'elle l'a été pour son assistante. Un cancer caché à ses enfants qui l'idolâtraient, qui ont perdu leur seule figure parentale en un coup du destin auquel ils n'avaient été nullement préparé. Les circonstances avaient été différentes, mais la peine demeurait encore bien réelle dans sa poitrine malgré les années. et s'il n'oserait prétendre pouvoir compatir exactement à celle de la brune, Channing pouvait malgré tout essayer de l'aider du mieux qu'il le pouvait. « Est-ce que tu aurais quelque chose de plus fort ? » Son regard croise le sien, et l'héritier se lève lentement en acquiesçant avant d'aller se saisir d'une bouteille de whisky dans sa réserve. Il se saisit de deux verres de circonstances, puis vient les poser devant eux avant d'en remplir généreusement le contenu. Lui se contente d'un seul, Mila quant à elle se ressert jusqu'à se satisfaire de la façon dont l'alcool endolorit sa peine, et le duo finit par se séparer pour aller se coucher.

Un peu de vaisselle pour se distraire, et l'héritier ne tarde pas après un dernier tour sur sa terasse à aller se glisser dans ses draps. Il est fatigué, et espère trouver le sommeil au plus tôt pour que cette journée puisse se terminer. Ce qui semble être en mesure de lui être accordé, à la façon dont son corps s'enfonce dans le matelas et dont ses yeux se mettent à papillonner. Un trop plein d'émotions, et il ne tarde pas à trouver le sommeil en une poignée de minutes, seulement pour en être tiré environ deux heures plus tard. Sensible aux sons inhabituels depuis son cambriolage, le chant des mouettes et le bruit des vagues ne le perturbe plus, mais celui de la poignée de sa porte suffit à lui faire ouvrir l'oeil. Il bat des paupières, immobile un instant, avant de reconnaître la silhouette en bikini de son assistante. « Est-ce que … est-ce que je peux rester avec toi ? » Sa voix sonne comme lointaine et hésitante, et l'héritier marque une petite pause le temps de rassembler ses idées. Il hoche d'un mouvement de tête à peine perceptible dans l'obscurité, dégageant les draps pour libérer la place à ses côtés. « Si tu veux prendre un t-shirt dans mon armoire, sers toi.. » lance t'il d'une voix rauque par la fatigue, attendant patiemment en refermant les yeux de sentir le corps de la brune s'installer près du sien. Il rabat les couvertures sur l'italienne une fois celle-ci allongée, et son bras s'enroule délicatement autour de sa taille d'une façon tout ce qu'il a de plus simple et protecteur. « Essaie de dormir un peu, Mila. » murmure t-il avant de, dans les minutes qui suivent, retrouver le sommeil aussi facilement qu'il l'a délaissé.

@mila valentini