Depuis quelques mois maintenant, Naomi restait vigilante concernant ses sorties nocturnes. Depuis son départ du Club (ou plutôt, sa désertion), elle avait pris soin de changer ses habitudes, d’éviter les lieux connus pour être fréquentés par certains membres actifs de l’organisation criminelle, de ne pas donner signe de vie. Même ses réseaux sociaux, qu’elle alimentait pourtant généreusement par le passé, ne reflétaient plus sa vie quotidienne. Pourtant, ce soir, elle était allée à l’encontre des règles qu’elle s’était fixée. Et pour cause : un client l’avait appelée, et lui avait promis une somme suffisamment juteuse pour qu’elle accepte de prendre le risque se frotter à ses anciens compères. Elle avait eu raison ; hormis deux ou trois têtes connues, elle n’avait croisé aucun membre de l’organisation. Peut-être avaient-ils pris leurs quartiers dans un autre endroit, dans une autre boite de nuit ? À vrai dire, elle préférait ne pas le savoir ; pour le moment, elle avait obtenu un sursis. Mais jusqu’à quand ?


Elle avait quitté l’hôtel après avoir pris une douche, son sac à main regorgeant de billets verts. Son client, satisfait par sa prestation, s’était montré particulièrement généreux à son égard. Il avait espéré la retenir en lui faisant miroiter une autre liasse de billets ; bien que tentée, elle avait finalement décliné sa proposition. Non seulement parce qu’elle préférait garder ses distances avec ses clients en général, mais aussi parce qu’elle savait pertinemment qu’une des raisons pour lesquelles celui-ci en particulier lui mangeait dans la main, c’était le fantasme de la posséder complètement. Mais elle ne serait jamais à lui, jamais complètement, et elle le lui rappelait à chaque fois qu’elle s’en allait. Sans pitié pour cet homme dont elle sentait le regard la brûler alors qu’elle s’éloignait, elle ne prenait même pas la peine de se retourner une fois arrivée devant la porte de la chambre. Cruelle ? Pas vraiment ; elle s’imposait cette discipline, pour éviter d’autres problématiques bien plus compliquées à gérer.


Ses cheveux ondulés tombaient en cascade dans son dos et sur ses épaules. Le réceptionniste de l’hôtel lui proposa d’appeler un taxi, mais elle déclina poliment l’offre. Elle avança, la tête haute, et ne s’offusqua pas des regards qu’elle sentait parfois s’appesantir sur son profil. Il faut dire qu’elle avait l’habitude, Naomi ; sa plastique était son principal atout, et elle savait la mettre en valeur. Ce soir, elle avait donc opté pour un haut corail au décolleté plongeant, une mini-jupe noire et des cuissardes noires en daim, qui dissimulaient sa peau jusqu’au dessus de ses genoux. Le trajet s’annonçait calme… Mais c’était sans compter sur cette ombre, qu’elle distingua au bout de quelques minutes de marche. Elle tressaillit, et se dépêcha de hâter le pas. Elle entendait son coeur tambouriner dans le fond de sa poitrine, et sentait son pouls s’emballer. Machinalement, elle jeta un coup d’oeil par-dessus son épaule et frissonna en constatant que l’homme avec sa capuche noire continuait de la suivre. Elle ne distingua ni les traits de son visage, pas plus qu’elle ne reconnut son profil ; pourtant, elle sentait que la menace était bien présente. Et malheureusement, il n’y avait aucun taxi à l’horizon. Aucune échappatoire possible. Aucun moyen de se soustraire au pire, d’échapper à… Elle eut soudainement un flash, et réalisa qu’elle était à deux rues d’une adresse où elle serait en sécurité. Elle sentit les larmes perler au coin de ses yeux, et rasa les murs jusqu’à arriver devant la porte d’entrée de son plus fidèle ami. Son index appuya à plusieurs reprises sur la sonnette qui indiquait le nom d’Asher, et elle pria pour que ce dernier soit présent. Sinon… Sinon, elle préférait ne pas y penser. Elle soupira de soulagement en voyant la porte s’entrouvrir, et bouscula presque le blond pour entrer. « Merci. » Murmura-t-elle à voix basse. Elle ne fit qu’un pas, et plaqua aussitôt son dos contre la porte d’entrée. Cette dernière se referma avec fracas, et Naomi ferma les yeux pendant de longues secondes. Son rythme cardiaque ralentissait progressivement, et elle retrouvait son calme. « Est-ce qu’il y a quelqu’un derrière la porte ? » Demanda-t-elle à voix basse, n’osant pas regarder par le judas. Elle posa machinalement sa main sur l’avant-bras d’Asher, déjà prête à s’accrocher à lui. Elle espérait qu’il répondrait par la négative, et qu’il accepterait qu’elle dorme avec lui. Au moins cette nuit.