On porte quoi à un bal de promo ? C'est la question que s'est posée River ces derniers jours, quand la légèreté a pu doucement s'immiscer de nouveau dans son quotidien. Elle a d'abord joué la désintéressée, aimant penser que ça ne l'excitait que très peu et que ça ne devait pas intéresser Solas non plus. Ils ne s'étaient rien dit mais ça lui avait parut être l'évidence même : cette soirée ils la passeraient ensemble, et si Solas préférait ne pas côtoyer les mêmes abrutis qui avaient transformés sa scolarité en calvaire alors River le suivrait et n'irait pas non plus. Après, la question du bal s'était transformée. Il comptait y aller, férocement, et il ne le lui avait pas dit. Comment prononcer l'innommable ? Entre son désir et ses actions, aurait-il franchit la ligne si River n'était pas passée par sa fenêtre sans prévenir ce soir là ? Tout rendait la réponse claire dans le tableau qui s'était dévoilé au regard de l'adolescente après qu'elle ai tiqué à la vue du plan de l'école installé sur la table. Son corps s'était mit à trembler tandis qu'elle cherchait plus de preuves car elle savait ce que Solas pensait des autres, les mots de haine qu'il avait à leur égard, elle imaginait ce que le harcèlement pouvait produire en lui, elle avait veillé à l'aider envers et contre tous, quitte à prendre des heures de colle qu'elle n'expliquait pas à ses parents. Parfois sa simple présence semblait calmer le jeu, d'autres fois ils n'avaient pas meilleur recours que de trouver cachette après cachette, puis sauter des heures de déjeuner pour les prendre ailleurs. Tout ce qui pouvait éviter à Solas d'être battu ou de battre en retour et de manière disproportionnée était bon à prendre. River avait aussi vu le regard de son ami changer au fur et à mesure, il ne s'illuminait plus que lorsqu'ils évoquaient certains sujets, il ne semblait sourire plus qu'en ne la voyant. Et peu à peu tout ça n'existait même plus vraiment. Le quasi-mutisme dans lequel Solas s'était enfermé ces derniers jours l'avait poussée à venir le chercher directement sans prévenir en se glissant dans sa chambre comme à chaque fois, le sac rempli de livres et de CD. Elle appréhendait de tomber nez à nez sur son visage défait mais son absence lui avait permis de voir autre chose.
Près de trois ou quatre ans auparavant, à l'autre bout du monde, des jeunes américains avaient remués la planète et leur chambre devait à l'époque être à peu près similaire à celle de Solas à cet instant. Était-ce là toute l'étendue du mal-être de celui sur qui elle croyait veiller ou bien n'était-ce qu'une une idée fantasmée et caressée du bout des doigts afin de se donner le courage de tenir jusqu'au bout de l'année ? Les larmes accouraient à ses yeux, elles semblaient être trop nombreuses pour couler librement, s'embouteillant elle ne firent que lui brouiller la vue, si bien que River resta plantée devant le fusil automatique un moment avant de pouvoir en comprendre les contours.
Ca ne s'était produit que quelques semaines auparavant et pourtant le souvenir de cette soirée semblait s'être dissout. Qu'avait-il dit en la trouvant dans sa chambre ? Avait-il refermé le tiroir avant ou après qu'elle lui ai frappé l'épaule ? Frappée une fois ou trois fois ? S'est-il excusé ou l'a-t-elle imaginé ? Tellement d'idées, de pensées, lui ont traversées l'esprit que rien n'est bien clair à ce propos. Elle se souvient lui avoir demandé "Pourquoi ?", lui avoir demandé de lui dire qu'elle se trompait, quand bien même elle l'aurait mal prit qu'il la croit si bête. Elle avait sollicité tout les mots et gestes possibles pour que Solas admette que ce n'était pas vrai, que ça n'arriverait pas et qu'il ne le ferait pas. Lui a-t-il fait un bleu sans le vouloir en l'attrapant alors qu'elle espérait jeter au loin une arme plus lourde que ce qu'elle imaginait ? S'inquiétait-il qu'elle ne se blesse plus que de voir la thune passer par la fenêtre ? Ne me fais pas ça.  Elle se souvient de l'avoir dit, égoïstement. En revanche, comment a-t-elle lâché les trois mots, aucun souvenir. L'impression de les avoir vomi : ils sont sortis sans qu'elle n'ai rien demandé, prêt à en découdre, voulant se jeter à la figure de Solas comme pour lui assurer que rien n'était perdu. Mais elle a aussi l'impression d'à peine les avoir laissé sortir, enroués dans sa gorge, comme un adieu, un constat triste et douloureux. Si la formule n'a pas transformée la bête en prince charmant, quelque chose s'est apaisé un instant car ce dont River se souvient bien, en revanche, c'est le regard de Solas à ce moment là. Du baiser est sans doute resté une image, une idée : humide.

Les jours qui suivirent, River était hantée, elle avait insisté pour aller couler quelques éléments dans un lac ou à l'océan, s'assurer que les éléments cauchemardesques de cette soirée soient loin et ne viendraient pas tenter à nouveau celui qui avait, dans un cadre presque macabre, répondu favorablement à ses sentiments. En fait, il semblait plus enclin à la tâche qu'elle ne l'avait redouté, et durant quelques jours la tendance s'était même presque inversée, comme s'il veillait à son tour à ne plus voir en River les yeux qu'elle avait eut ce soir là. Comme s'il voulait s'assurer à son tour qu'elle continue de sourire en le regardant. Ainsi l'idée du bal de fin d'année était redevenu une préoccupation légère. Il lui a proposé à sa manière gauche et intense de l'y accompagner. En y repensant, il avait sans doute fait ça plus pour elle que pour lui, mais le sourire qu'ils arboraient quand elle eut dit oui était unanime. On porte quoi à un bal de promo, du coup ? Probablement pas la même chose que Jessica et ses copines qui ont succombées à la mode du taffetas synthétique dans toutes les gammes de roses et de bleus. Certainement pas un corset comme la plupart le feraient non plus. Les robes longues l'emmerdent un peu, River se considère trop spéciale pour faire comme les autres et elle n'a pas vraiment envie ou besoin d'être vue ou remarquée et en ce sens les chaussures que sa mère a tenu à lui prendre pour l'occasion sont déjà de trop. Finalement, c'est sur une simple robe prune et courte, à bretelles et au décolleté échancré que l'adolescente a craqué. Avery a beau dire que ce serait une insulte envers les Jimmy Choo cristallisés à 3k, River ne veut rien entendre. Elle prévient au même moment qu'elle ne veut pas de la traditionnelle photo, bien qu'il se soit engagé à venir la chercher, River ne veut pas mettre Solas mal à l'aise avec ces idioties. Mais la soirée avançant c'est devenu une évidence. Matthew ricane dans un coin, s'amuse du lapin qu'on pose à sa soeur mais accepte de la déposer chez son partenaire. J'ai mal compris, c'est tout. J'avais pas envie qu'il vous rencontre de toute façon. Insiste-t-elle dans la voiture avant de confirmer une fois de plus qu'il peut s'en aller tranquille. Après s'être assurée que son aîné soit bel et bien reparti, River avance vers le porche, hésitante. Elle jette un coup d'œil vers le côté de la maison, hésitant à prendre le chemin habituel avant de voir une ombre. Sol ? lance-t-elle inquiète en déviant vers le jardin, à son encontre.

T’as rien vu toi, si t’en parles au retour de mes parents la prochaine fois que tu viens je te noie et fais passer ça pour un accident. River redresse la tête vers la voix de Solas et esquisse un sourire triste. Cette manière de parler, brute et imagée l'a toujours plus ou moins divertie, c'est le constat des images évoquées en mots qui pourraient devenir un jour réelles qui l'empêche de vraiment se fendre la poire, pas la mesquinerie dont il fait preuve envers le gamin qui est encore là à cette heure à gagner deux trois sous parce qu'elle a assez constaté que sans un coup de pression du chien de la baraque une fois ou deux il cracherait bien sur leur passage s'il le pouvait. Alors cette conversation à sens unique l'amuse car c'est de leur âge, mais River n'arrive pas à s'autoriser ce réflexe entièrement car elle se demandera toujours maintenant si elle a trop prit à la légère ce que Solas disait. Sans vouloir jamais rebondir sur tout ce qu'il pourrait exprimer, la jeune fille souhaite seulement tout comprendre et deviner alors que ce n'est malheureusement pas ainsi que va la vie. Monte. River se retourne vers monsieur Piscine et pose un doigt sur sa bouche, comme pour passer derrière Solas et renforcer sa demande, ou comme pour ajouter que s'il a de quoi trembler face à son partenaire, il n'est pas encore près de la mort, ils jouent pas aux adolescents meurtriers elle et lui, donc pas besoin de chialer.
L'absence des parents de Solas rassure River bien qu'ils ne lui aient jamais rien dit ou fait. C'est commun à son âge de préférer éviter les parents mais c'est encore plus compréhensible quand ils sont du genre encore plus cryptiques que sa propre famille. En fait c'est surtout le père qui a l'air aussi poli que désapprobateur qui la met mal à l'aise en général, il n'a pas l'air de penser quoique ce soit de négatif à son propos bien que son "Shears hein ?" l'avait turlupinée quelques jours, mais ça n'avait pas l'air d'être "la morale" non plus qui le poussait à être froid et presque menaçant sans que ce soit jamais évident. Ce qu'elle détestait le plus c'était la mine de Solas quand son père était là, aussi ce soir, ça simplifiait beaucoup de choses qu'ils soient seuls et que River puisse passer le porche sans appréhension ou presque.

Tu es Belle.

Toi aussi. Mais pas parce qu'il a mit ses habits de lumière, ce n'est pas le cas et c'est peut-être, outre la pudeur, ce qui l'empêche de répondre au compliment. Solas n'est pas prêt pour le bal et le fait qu'il ne semble pas s'être préparé pour y aller l'inquiétait plus que son retard. L'embrassade ne facilite pas le traitement des données non plus. River sent un réconfort à se être enveloppée dans ses grands bras, humer son parfum singulier et en même temps l'inédit du geste ne l'aide pas à se détendre. Pourtant ses mains finissent par se plaquer sur les omoplates du grand brun et sa tête se blottir contre son torse. C'est un automatisme nouveau qu'elle découvre et accepte finalement d'étreindre en espérant faire taire toute angoisse et accueillir l'affection de Solas sous toutes ses formes. Pardon. De ? River se surprend à rouvrir les yeux qu'elle ne s'est pas vue fermer avant de répondre. Tu ne veux plus y aller ? Demande-t-elle simplement avant de relever la tête. Tu pouvais me le dire tu sais c'est pas grave... Elle s'arrête en cours de phrase car elle voit enfin la face que tient Solas et ce n'est pas le visage de quelqu'un qui a juste changé d'avis. En fait, en y réfléchissant un peu, River sait qu'il le lui aurait tout simplement dit si ça avait été le cas, voire il serait venu la chercher pour finalement l'amener ailleurs ou lui proposer autre chose. Ses doigts se raccrochent instinctivement au vêtement de Solius qui semble lui échapper sans qu'elle ne réussisse à mettre le doigt dessus. Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il se passe ?