The big bang theory -- @Bellamy Shin

« Ça a été refusé monsieur. » Je fronce les sourcils en fixant ma carte bancaire que je tiens entre mes doigts. Est-ce que je suis arrivé au bout de mes ressources une fois de plus? Il reste encore tant de jours avant ma prochaine paie… « Je vais essayer une autre carte, il doit y avoir un problème avec la puce de celle-ci. » dis-je en riant nerveusement alors que je sais très bien que si ma carte a été refusée, c’est par manque de fonds et non parce qu’elle fait défaut. Je sors de mon portefeuille ma carte de crédit que je tape contre le terminal le regard rempli d’espoir. « Celle-là aussi a été refusée. Je suis désolée. » La caissière m’offre un sourire désolé tandis qu’elle pose derrière elle le sandwich que je tentais de m’acheter. L’estomac dans les talons, je range mes cartes l’air penaud et je quitte la boutique sans oser regarder les clients qui faisaient la file derrière moi. Je sais que je pourrais m’inviter chez mes parents ou même chez Tessa, ou que je pourrais aller chez Adriel en prétextant que ma laveuse est encore brisée pour pouvoir me prendre à manger dans son réfrigérateur ensuite, mais ils vont finir par se douter de quelque chose si je passe trop de temps chez eux et j’ai beaucoup trop honte de me retrouver à la rue pour leur en parler. Je préfère me débrouiller seul.

Mes pas me guident jusqu’à un café un peu plus loin où je vois une employée sortir les poubelles. Pour avoir déjà travaillé dans des restaurants et des cafés, je sais qu’ils jettent bien trop souvent de la nourriture qui est encore bonne et que c’est donc ma chance de trouver quelque chose à me mettre sous la dent. Je m’approche discrètement en essayant de faire le moins de bruit que possible et lorsque je suis sûr que le champ est libre, je grimpe sur le conteneur pour saisir un sac dont j’étale le contenu par terre ensuite pour voir ce qui pourrait me servir. Trop concentré sur ce que je fais, je n’entends pas l’homme s’approcher de moi. « Excusez-moi. Je dois déposer les restes du restaurant pour OzHarvest, le chef a préparé des petites boîtes, si ça peut vous dépanner. » Je sursaute en entendant la voix de cette âme charitable qui s’adresse à moi. Je songe à m’enfuir parce que c’est difficile pour moi d’avouer que je suis dans une situation de vulnérabilité et que j’ai besoin d’aide, mais j’ai tellement que j’ai la nausée et je salive rien qu’à penser à la nourriture qu’il me propose sans même savoir de quoi il s’agit. « Mais… c'est Lincoln ? » Je fronce les sourcils en entendant mon nom et c’est alors que je reconnais Bellamy avec qui je dansais à l’époque où j’étais encore étudiant. « Bellamy? » Je me redresse le dos, mais mes épaules se courbent de honte. J’aurais préféré qu’il s’agisse d’un inconnu. « Ce n’est pas ce que tu crois, c’est pour une étude… » tenté-je de le convaincre en me massant la nuque d’une main tandis que je regarde le contenu du sac que j’ai vidé sur le sol juste avant de me faire trahir par les gargouillis bruyants de mon estomac. « N’en parle pas à personne s’il te plait? » Je le supplie du regard en poussant un long soupir. « C’est juste une mauvaise passe, je vais avoir ma paie bientôt… » Ma paie qui partira aussi vite qu’elle est arrivée à cause de mes dettes. « Tu travailles ici? » demandé-je en désignant le restaurant d’un mouvement de tête.

The big bang theory -- @Bellamy Shin

Même avant de me retrouver moi-même dans cette situation précaire, je ne me serais jamais permis de juger la situation d’un itinérant, encore moins sans savoir ce que cette personne avait traversé pour en arriver là. On fait tous de notre mieux pour subvenir à ses besoins, mais parfois un imprévu peut venir tout faire basculer en un claquement de doigts. Je n’avais pas prévu perdre mon logement le mois dernier, même si je ne peux qu’en vouloir à moi-même pour mes problèmes financiers. Si mon année sabbatique ne s’était pas transformée en décennie sabbatique, j’aurais probablement un meilleur salaire aujourd’hui qui me permettrait de subvenir à mes besoins sans devoir me serrer la ceinture chaque mois. Si je m’étais pris un coloc, mon loyer aurait été moins cher et je n’aurais peut-être pas perdu mon logement. Si je n’avais pas aussi honte pour parler de mes ennuis avec mes proches, je dormirais sans doute chez mes parents, un ami ou même ma sœur plutôt que de squatter la banquette arrière de ma voiture dans un stationnement quelconque. On ne peut pas dire que j’ai fait de très bons choix de vie jusqu’à maintenant, mais j’ai besoin de m’en sortir par moi-même sans devoir dépendre de mon entourage une fois de plus. Je dois leur prouver que je suis capable de me sortir la tête de l’eau sans leur aide.

“De qu-? Oh. Non t’inquiètes je dirais rien” Bellamy me sourit sincèrement et j’avoue que je ne suis pas certain de comment réagir alors que ma situation ne semble pas du tout le déranger. Il a plus l’air content de me voir que surpris de me trouver en train de fouiller dans le conteneur à déchets du restaurant avoisinant. Est-ce que je dois comprendre que j’ai l’air d’un itinérant et que ma situation ne le surprend pas? Je pense que j’aime mieux ne pas le savoir… « Merci, j’apprécie… » Après, je ne sais pas à qui il aurait bien pu en parler, à part Tessa je ne suis plus vraiment en contact avec les membres de notre troupe de danse et, à ma connaissance, Bellamy et ma sœur ne sont plus en contact non plus. “Ça arrive aux meilleurs” Je ris, plutôt d’accord quand je pense à mon frère Freddy qui est blindé malgré son caractère de merde et les mauvaises décisions qu’il a prises au courant de sa vie. Pourquoi lui et pas moi? Je me suis toujours posé la question et je n’aurai probablement jamais la réponse… Freddy, c’est la fierté de la famille et je l’emmerde. « Tu as raison. Ça doit être un test pour qu’on puisse montrer qu’on est assez fort. » Est-ce que j’essaie vraiment de trouver du positif dans cette situation merdique? Peut-être… j’essaie surtout d’éviter de montrer à Bellamy à quel point c’est difficile en ce moment.

“Hm hm, jsuis serveur, viens, ya plus que moi, jpeux te passer ce qu’on a, tu peux même rester manger dedans” Les mains dans les poches, je lance un regard furtif en direction du restaurant en soupirant. J’hésite, je ne veux pas abuser des bonnes choses, mais aussi accepter que je suis rendu là, à devoir accepter la charité d’autrui pour avoir quelque chose à me mettre sous la dent. C’est mon ventre qui gargouille qui finit par me convaincre, j’avance donc vers mon ancien partenaire de danse sans trop le regarder. « T’es sûr? Je ne voudrais surtout pas t’attirer de problèmes… » J’ai déjà bien assez de m’en causer à moi sans entrainer les autres dans mes conneries. Tessa s’est suffisamment faite entrainer sans que lui aussi se retrouve à être une victime collatérale. Malgré ma question, j’entre dans le restaurant où les effluves de nourriture chatouillent mes narines et réveillent un peu plus mon estomac. « Tu fais encore de la danse? Tu deviens quoi? » Je l’interroge, n’importe quel sujet pour détourner l’attention de ma situation gênante.