Un seul regard appuyé d’Hayden avait suffi à faire comprendre à son amie que l’idée qu’elle venait d’avoir eu l’audace d’évoquer à voix haute n’était pas envisageable. Pour autant, cette dernière eut l’aplomb de lui adresser un regard équivoque, presque suppliant, papillonnant des cils comme si la comédienne allait être sensible à cette technique d’amadouement à laquelle elle était la première à avoir recours quand elle en avait besoin. « Je ne suis pas certaine de bien comprendre, Lana. » La dénommée Lana leva les yeux au ciel, abandonnant immédiatement l'appel des yeux doux en constatant que cela n’avait aucun effet sur la comédienne. Mais elle ne se laissa pas impressionner, et avala une gorgée de son café glacé, prenant le temps de peser chacun des mots qu’elle laissa échapper un ton plus haut, cherchant à couvrir le brouhaha environnant du café dans lequel elles se trouvaient. « Hayden, s’il te plaît. Je sais que tu n’avais pas du tout prévu de t’y rendre, mais pense à la personne que je vais laisser en plan si personne ne vient au rendez-vous. » La jolie blonde eut bien envie de préciser qu’elle ne voyait décemment pas en quoi une telle constatation la concernait, mais elle préféra soupirer longuement, reposant sa propre tasse de café sur la coupelle qui lui faisait face. Ce n’était pas comme si elle n’avait pas l’habitude des retournements de situation dans la vie de son amie, dont la prévisibilité était tout bonnement… imprévisible, justement. Lorsque Lana lui avait envoyé un message d’urgence une heure plus tôt, l’intimant de venir la rejoindre dans leur café préféré pour qu’elle puisse lui rendre un service "très important", la comédienne s’était immédiatement inquiétée, songeant au pire. Hayden avait alors été bien loin de s’imaginer que l’urgence en question s’articulait autour d’un speed dating auquel son amie ne pouvait finalement plus se rendre et de la demande suppliante de la remplacer à l’événement, argumentant qu’il aurait lieu dans à peine quelques heures et que le cadeau prévu pour l’occasion était acheté et emballé, trônant fièrement sur la table, les lumières artificielles faisant briller le ruban doré et le papier argenté. Elle n’avait d’ailleurs aucune once d’idée de ce qui pouvait bien se trouver à l’intérieur mais, connaissant Lana, il ne faisait aucun doute qu’il avait été choisi avec soin, au terme d’une longue réflexion visant à atteindre une perfection parfaite. « Est-ce que tu as au moins une idée de l’identité de la personne que tu es censée rencontrer ? » La brune haussa les épaules, levant les deux mains en signe d’une ignorance qui lui paraissait évidente. « C’est là tout le concept, tu sais. Et puis, c’est peut-être le destin : imagine que vous tombiez follement amoureux comme dans les téléfilms de Noël sur ABC ? La neige en moins, bien sûr. » Bien sûr. La neige en moins, l’envie en moins, mais surtout, surtout, un scénario digne des plus célèbres comédies romantiques, aux antipodes des envies actuelles d’Hayden qui ne savait que trop bien que ce genre de choses ne se produisait jamais dans la vie réelle.

Quelques heures plus tard, Hayden se retrouva donc au pied de la grande roue du marché de Noël installé à Brisbane depuis le début de novembre, le cadeau à destination de son Secret Santa dans une main, et son téléphone dans l’autre. Lana lui avait transmis le numéro de la personne qu’elle devait rencontrer ce soir, lui précisant au passage qu’elle ne possédait pas beaucoup plus d’informations à son sujet, le but de l’événement étant, évidemment, de conserver la surprise jusqu’au bout. La comédienne savait simplement que le port d’un accessoire sur la thématique de Noël était le signe distinctif de l’événement, et Hayden avait donc décidé de revêtir sa plus jolie robe rouge, à défaut de posséder un pull qu’elle n’aurait de toute façon jamais envisagé de porter. Elle n’était pas sûre que cela fasse l’affaire, consciente que les organisateurs s’attendaient certainement à un détail un peu plus festif, mais c’était le mieux qu’elle avait pu faire compte tenu du peu de temps de préparation dont elle avait bénéficié depuis que Lana l’avait supplié de la remplacer ce soir. Hayden prit d’ailleurs soin de lui envoyer une photo de sa plus belle moue boudeuse posant devant les lumières des guirlandes décoratives aménagées pour l’occasion, comme pour la rassurer qu’elle était bel et bien présente, prête à sauver la réputation de son amie à tout moment. Quelle bonne copine, décidément. « Excusez-moi, est-ce que par hasard vous seriez le Secret Santa numéro 1 ? Je suis celle qui a tiré le numéro 10. » Après quelques longues minutes à scruter les alentours pour essayer de repérer celui ou celle qui pourrait correspondre au numéro de téléphone avec lequel elle avait changé un peu plus tôt dans l’après-midi, son regard avec accroché la silhouette de Deborah dont le signe distinctif lui avait paru faire honneur à la thématique de ce soir. « Enchantée de vous rencontrer. Je crois que j’ai quelque chose pour vous. » La comédienne lui tendit son cadeau avec un sourire, consciente du risque élevé d’erreur sur la personne. Mais elle jugea qu’elle n’était plus à ça près, dans le domaine du ridicule. Et puis, après tout, il lui serait toujours possible d’invoquer la carte de l’animation théâtrale pour éviter l’humiliation totale, si d’ordinaire les choses devaient mal tourner.

Si Deborah allait mieux, elle ne se leurrait pas pourtant. Sa fragilité était visible pour tous ceux l’ayant connue avant sa dépression. Moins encline aux sorties et aux nouvelles rencontres, elle trouvait son confort dans son entourage et les habitudes qu’elle avait du mal à quitter. Une attitude que Camil avait bien remarqué et quand bien même il lui laissait le temps de guérir de ces maux, il la connaissait assez pour savoir que si personne ne lui mettait gentiment un coup de pied au cul, elle allait se conforter dans le quotidien et se perdre dans une vie qui n’était pas faite pour elle, pleine de routine et sans aventure. Il l’avait connu tellement plus joyeuse et entreprenante qu’il lui semblait évident qu’il fallait entraîner la brune à reprendre sa vie d’avant, celle où les rencontres et les rires sont multiples – sans pour autant se cacher derrière un masque d’une fausse joie qu’il l’avait entraîné dans sa dépression. C’était ainsi que Deborah s’était retrouvée inscrite à un secret santa sans en avoir réellement le choix. Camil l’avait mise face au fait accompli, il ne lui restait plus qu’à se rendre au rendez-vous et accessoirement trouver un cadeau à une personne dont elle ignorait tout, du genre aux goûts. La mission n’avait pas été simple mais il fallait avouer que le blond avait rempli la sienne, de mission : la faire sortir, lui faire reprendre cette vie qu’elle avait trop longtemps délaissée. Elle s’était rapidement prise au jeu et avait fini par se laisser embarquer dans cette ambiance joyeuse des fêtes. Le graal trouvé, elle avait pris le temps de bien l’emballer, non sans une petite appréhension quant à l’idée que ça ne puisse pas plaire. Tant pis, ça pouvait toujours se revendre et avoir de l’argent en échange.

Lorsque le jour J avait pointé le bout de son nez, la brune avait pris le temps de se préparer – sans en faire des caisses non plus, il n’était pas question pour elle d’y aller pour draguer ou quoi que ce soit d’autre. Même si son couple avec Camil n’avait rien d’authentique, il se devait de le rester aux yeux du monde. Elle prenait donc le temps d’être présentable, prête à mettre les points sur les i concernant ses intentions si cela était nécessaire. Comme convenu, elle avait mis un signe distinctif pour permettre à la personne de la repérer sur le lieu donné : un serre-tête imitant des bois de rennes, clignotant qui plus est. On ne pouvait définitivement pas la louper au pied de la grande roue. Finalement, elle n’avait attendu que quelques minutes avant qu’une voix ne vienne à s’élever près d’elle, l’interpellant sur son identité numérique du Secret Santa. « Oui, c’est bien moi le numéro 1. » Répondait-elle non sans un sourire ravie de rencontrer cette personne mais aussi soulagée que ce soit une femme – à la fois pour le cadeau mais aussi des raisons qui lui étaient propres. Depuis Jackson, rencontrer des hommes ne la mettait pas spécialement à l’aise. « Enchantée aussi. Ça tombe plutôt bien, j’en ai un pour vous également. » lançait-elle pour détendre l’atmosphère, procédant à un échange en lui tendant également son cadeau : un carré de soie qui pouvait autant se porter par un homme que par une femme. Pas du grand luxe mais pas de la première marque non plus. « Ça vous dirait d’aller boire un verre ? J’ai vu un petit chalet sur le marché de noël qui propose des boissons typiques de cette saison. » De quoi se mettre à l’aise et rentre le contexte moins formel qu’un secret santa. « Je peux ? » interrogeait-elle sur l’ouverture du cadeau. Elle avait bien envie de l’ouvrir – curiosité maladive, bonjour – mais elle avait aussi conscience que certaines personnes pouvaient être mal à l’aise lorsqu’on déballait le cadeau devant eux. La peur de décevoir l’autre probablement. Deborah préférait donc demander, loin d’elle l’envie de mettre qui que ce soit dans l’embarras.

Spoiler:

Hayden déballa son cadeau avec délicatesse, ayant soudainement la sensation de se retrouver des années en arrière, alors qu’elle n’était qu’une enfant ne parvenant pas à dissimuler son excitation à l’idée de peut-être recevoir ce jouet ardemment désiré. La comédienne se souvenait qu’à l’époque, les fêtes de fin d’année étaient presque aussi sérieuses qu'un mariage, ou tout du moins l’occasion parfaite d’inviter l’ensemble de la famille en déployant des efforts surhumains pour que les dîners soient irréprochables – voire plus encore. Les décorations s’étaient toujours étendues à perte de vue, et Hayden conservait le souvenir ému de rencontrer le Père Noël chaque année, se sentant toujours privilégiée de constater que ce grand barbu pourtant fort occupé en cette soirée du 24 décembre prenait toujours le temps de venir lui rendre visite. William l’amenait à l’étage supérieur, l’entraînait à guetter par la lucarne du couloir, là-haut dans le ciel, si loin que la petite fille qu’elle était à l’époque avait toujours l’impression d’apercevoir un traineau tiré par des rennes, dont un au nez lumineux. L’émotion n’était certes pas tout à fait la même, et elle avait grandi depuis, laissant parfois son âme d’enfant enfoui un peu trop loin au fond d’elle : pour autant, le plaisir d’offrir et de recevoir des cadeaux était toujours aussi similaire. « Il est magnifique. Merci beaucoup pour cette attention. » Le carré de soie était à la fois simple et élégant et, étrangement, Hayden n’en possédait pas encore dans sa garde-robe. Elle s’empressa de retirer délicatement l’étiquette, avant de passer son cadeau à son cou, un sourire plaqué sur les lèvres. « Au fait, je m’appelle Hayden. Et vous ? » La comédienne n’était pas encore tout à fait à l’aise dans la situation vécue, et il lui semblait que débuter par des présentations en bonne et due forme serait un bon début pour détendre l’atmosphère. « D’ailleurs, on peut se tutoyer ? Vu la situation, le vouvoiement ne me paraît pas très adapté. » Hayden laissa échapper un léger rire, et emboîta le pas à Deborah lorsque cette dernière proposa de se rendre au cœur du marché de Noël, situé non loin de là. « Est-ce que tu es une habituée de ce genre de rencontres à l’aveugle ? Je dois avouer que j’étais un peu mal à l’aise, au début. » "Mal à l'aise" était un euphémisme pour qualifier le peu d’entrain que la comédienne avait manifesté à l’idée de se rendre à un événement de ce genre, mais elle était bien trop fière pour l’avouer, et bien trop polie pour risquer de faire croire à Deborah que sa compagnie puisse être autre chose qu’agréable.

Le trajet fut rapide, la seule difficulté notable émanant de la foule grossissante qui s’étirait à perte de vue autour d’elles. Malgré le temps extérieur qui ne prêtait pas réellement à l'ambiance habituelle que l'on imaginait pour des fêtes de fin d’année, surtout pour Hayden qui avait connu les Noël londoniens, l’événement était toujours très populaire à Brisbane. Les familles déambulaient en riant, et tout le monde semblait passer un bon moment : la comédienne ne put s’empêcher d’envier légèrement ces vies familiales qui semblaient presque parfaites. « Je t’offre un verre, c’est non négociable. » Les deux femmes se placèrent à la suite de la file d’attente qui desservait le stand de boissons adaptées à la saison, et Hayden en profita pour encourager d’un signe de la main Deborah, qui venait d’avoir la politesse de lui demander l’autorisation d’ouvrir son cadeau. « Bien sûr. J’espère que le cadeau te plaira. » La comédienne observa son rendez-vous du soir déballer son propre présent, félicitant intérieurement Lana pour son choix : à l’intérieur de l’écrin aux couleurs de sa robe se trouvait une paire de gants unisexe en laine, parfaitement adaptés à l’hiver prochain qui s’annonçait rude à Brisbane. Son amie avait même pensé à fournir un ticket cadeau, sans aucun prix mentionné, au cas où Deborah n’appréciait pas la couleur ou le modèle. Entre temps, la file avait déjà considérablement avancé, et les deux femmes se retrouvèrent rapidement au niveau du comptoir, où Hayden en profita pour jeter un coup d’œil à la carte qui était proposée. « Plutôt vin chaud, ou jus d’orange aux épices ? » Pour elle, le choix était déjà fait : le vin était le seul alcool qu’elle appréciait réellement boire, en dehors des galas et des événements où les cocktails étaient de mise. Le chalet était joliment décoré, les lumières installées ci et là égayant la structure en bois, clignotants faiblement étant donné le soleil encore présent pour quelques dizaines de minutes. La comédienne avait hâte que la nuit tombe pour admirer au mieux le sapin illuminé qui surplombait l’entièreté de la place, et que les deux femmes pouvaient déjà apercevoir à quelques centaines de mètres devant elles.

« Avec plaisir. » disait-elle sincèrement concernant le carré de soie. « Deborah et oui on peut se tutoyer, je préfère à vrai dire. » avouait-elle non sans un certain soulagement. Pour sûr qu’elle aurait eu du mal à être à l’aise si elles avaient continué à se vouvoyer. Autant dans certaines circonstances, elle trouvait cela normal – comme par exemple lorsqu’elle était face à ses aînés ou une personne de haut rang (quoi que là encore, ça dépendait qui) – autant dans leur cas, deux jeunes femmes qui semblaient plus ou moins du même âge dans le contexte d’un secret santa, la formalité du vouvoiement n’était pas appropriée et serait vite devenue gênante. « Absolument pas, c’est même la première fois. J’imagine que c’est ta première fois aussi si tu étais mal à l’aise et aussi stressée que moi. Je crois que je n’ai jamais mis autant de temps à trouver un cadeau. » Un rire se glissait entre ses lèvres, marquant les souvenirs de galère pour choisir, le facteur « inconnu » venant se faufiler dans l’équation. Elle avait même maudit un peu Camil de l’avoir embarquée là-dedans avant de se prendre finalement au jeu. Si ce petit moment se passait bien, peut-être même qu’elle remercierait Camil pour cette idée finalement brillante.

« Qui suis-je pour refuser si je n’ai pas le choix ? » disait-elle à son interlocutrice dans un sourire tandis qu’elles fendaient la foule pour se mettre à la suite d’une file d’attente. S’il était toujours étrange pour Deborah d’être dans l’ambiance de Noël avec cette météo clémente, elle se plaisait à penser que le calme se posait sur la ville en cette période et elle adorait ça. Comme si chacun avait le droit a un peu d’apaisement et dans ce cas, cette année, ce n’était pas de refus. La fin d’année n’avait pas spécialement bien tourné et cette sensation de pause, de parenthèse dans le temps était la bienvenue. Tandis que la file avançait, Deborah déballait son cadeau sous l’accord d’Hayden. Une jolie paire de gants se dévoilait à elle, les essayant sans hésiter en dépit de la chaleur pour admirer la finesse du tissu pourtant chaud sur ses mains gantées avec délicatesse. « Ils sont très jolis, merci beaucoup. » disait-elle avant de les retirer et de les glisser soigneusement dans son sac. « Vin chaud s’il te plait. Blanc si possible sinon jus d’orange, ça ira très bien. » Pour sûr que jamais son palet ne parviendrait à se faire au goût du vin rouge. Rares étaient les marques qui trouvaient grâce à ses yeux alors elle ne prenait jamais de risque et optait toujours pour le vin blanc.

« Dis-moi, je suis curieuse du coup. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’inscrire à ce genre d’événement si tu n’étais pas à l’aise à l’idée de rencontrer quelqu’un ? » D’autant plus lorsqu’on savait qu’à la base, c’était un secret santa speed dating, tout était fait pour pousser à la rencontre et bien au-delà. De quoi la rendre curieuse sur cette nouvelle rencontre. Les verres en main, l’addition payée par sa camarade de ce soir, Deborah emboitait le pas pour continuer la marche, sirotant quelques centilitres de boisson, réchauffant déjà son corps qui n’avait pourtant pas besoin de l’être davantage. Son regard se redressait et se posait d’abord sur l’énorme sapin qui trônait là puis, sans surprise, à la hauteur d’yeux, ses iris s’arrêtaient sur les gens émerveillés par la patinoire artificielle installée là. Les plus soucieux s’inquiétaient de savoir comment il était possible de maintenir de la glace sous une telle température tandis que d’autres se contentaient d’apprécier sans se poser plus que de questions que cela. « J’exige un petit tour sur la glace quand les verres seront vides. » Ce n’était pas une question, elle imposait et ces derniers temps, c’était plus rare qu’elle ose.

@Hayden Siede

Plus le temps passait, plus Hayden se sentait se détendre au contact de Deborah qui, grâce à son naturel sociable, avait réussi à dissiper la méfiance que la comédienne avait pu ressentir à l’égard de ce genre de rendez-vous organisés. Finalement, elle passait un bon moment, la jolie brune semblant aussi agréable qu’ouverte à la discussion sur de nombreux sujets. Elle avait d’ailleurs accepté sa proposition de passer à un tutoiement plus naturel sans rechigner, et Hayden devait avouer qu’elle se sentait soulagée de ne pas s’être retrouvée à devoir passer la soirée en compagnie d’une personne qui aurait rendu le tout plus malaisant que confortable. « Enchantée, Deborah. » Le sourire était sincère, tout comme la confession honnête de son malaise initial à l’idée de se retrouver dans ce genre de situation. Son interlocutrice semblait d’ailleurs totalement partager son point de vue, puisqu’elle avoua à son tour qu’il s’agissait de sa première expérience de ce genre. Cette annonce eut l’effet de rassurer Hayden un peu plus encore, constatant avec soulagement qu’elle n’était pas la seule à ne pas posséder les codes de ce genre d’événement. « Tu as tout juste, je n’ai jamais participé à un rendez-vous à l’aveugle auparavant. » Ses lèvres s’étirèrent en un léger sourire. « Si ça peut te rassurer, je suis d’avis que tu as parfaitement su rentabiliser ton temps de recherche pour ce cadeau. » N’accorder ne serait-ce qu’un peu de son temps à dénicher le présent parfait pour une totale inconnue représentait, dans tous les cas, une attention plus que louable.

Les deux femmes s’étaient dirigées, comme prévu, vers le stand de boissons chaudes, Hayden se sentant d’ores et déjà convaincue par les effluves d’épices qu’elle pouvait sentir dans l’air. Dans la file d’attente, tandis que la comédienne étudiait le tableau du menu avec attention, Deborah avait à son tour déballé son cadeau, qu’elle sembla sincèrement apprécier. Hayden hocha la tête avec un sourire, accueillant les remerciements de la jolie brune qu’elle ne trouvait pas nécessaire pour autant. Après tout, c’était bien la moindre des choses. « Pour être tout à fait honnête, ce n’est pas moi que tu étais censée rencontrer ce soir. » Elle s’était justifiée à la suite de la question légitime qui lui avait été adressée, à savoir la raison de sa présence ici alors qu’il ne s’agissait pas d’un contexte qui la mettait pleinement à l’aise. « Je remplace une très bonne amie à moi qui a eu un empêchement de dernière minute. A toi de voir si tu as gagné au change. » Elle récupéra les boissons tendues par la serveuse avec un léger rire, tendant la sienne à son interlocutrice, notant à quel point elle n’était nullement sérieuse. Il ne faisait aucun doute que Deborah aurait passé un très bon moment avec Lana également. « Tu sais en faire, du patin à glace ? » La question était sans doute plus rhétorique que réellement interrogative, Hayden se doutant que sa date du jour ne lui aurait probablement pas proposé cette activité dans le cas contraire. Pour autant, elle était curieuse de savoir à quelle occasion Deborah avait pu pratiquer ce sport auparavant. Les températures clémentes de Brisbane laissaient peu de place à la formation de glace où que ce soit, et encore moins au développement d’une activité de patinage artistique autre que sur un terrain artificiel. Pour sa part, et si la comédienne avait déjà eu la chance de chausser des patins à Londres et à New-York, elle n’était pas en mesure d’affirmer avec certitude qu’il s’agissait de l’activité sportive dans laquelle elle s’illustrait le mieux, bien au contraire. Au moins, elle savait tenir sur ses deux jambes sans s’en briser une en chutant : c’était toujours mieux que rien. « Je n’en ai pas fait depuis des années. Mon niveau n’a jamais été très haut, alors je n’ose pas imaginer après autant de temps sans réessayer… » Hayden mima une chute dramatique, laissant échapper un léger rire tandis qu’elle l’exécutait. « Mais c’est d’accord. Tu noteras que je suis prête à sacrifier ma vie pour te faire plaisir, ce soir. » Un clin d’œil faussement charmeur plus tard, la comédienne trempait avec précaution ses lèvres dans son propre vin chaud, en appréciant chaque goutte après s’être assurée qu’il avait suffisamment refroidi pour ne pas risquer de se brûler la trachée, comme un préambule des chutes à venir une fois rendue sur la patinoire. « Tu veux goûter ? Je ne peux pas te promettre que ce sera la meilleure chose au monde pour toi mais, personnellement, c’est au moins dans mon top 10. » Hayden tendit son verre à la portée de Deborah, ne parvenant pas très bien à définir si cette dernière avait choisi le vin blanc par préférence personnelle ou par rejet total des autres vins. La deuxième possibilité aurait été à ses yeux, plus que dommage ; mais, après tout, les goûts et les couleurs ne se discutaient pas.