Le hasard avait plutôt bien fait les choses et Ava se réjouissait d’avoir pioché le nom d’une de ses connaissances pour le secret santa. Evidemment, le but du jeu était normalement différent et consistait à rencontrer de nouvelles personnes et à développer ses relations mais la jeune femme était loin de se décrire comme quelqu’un d’extravertie. Le fait que le sort l’ait associée à Winston venait lui donner une raison toute trouvée de le gâter pour Noël sans que celui-ci ne se plaigne des élans de générosité et de gentillesse de son amie. Il était pratiquement impossible pour quelqu’un comme Ava de résister à l’envie d’acheter des cadeaux de Noël à chacune des personnes qui comptaient pour elle et le fait de pouvoir utiliser l’héritage de ses parents pour gâter son prochain la faisait jubiler. Ils étaient loin de représenter la bonté et pourtant, l’image qu’elle avait d’eux ne se détériorait jamais. Ava pensait les rendre fiers en utilisant leur argent pour aider les autres mais en y réfléchissant, ils n’étaient que très rarement enclins à dépenser de l’argent pour quelqu’un d’autre qu’eux-même et les réveillons de Noël de la jeune femme ne correspondaient pas aux images clichés des familles aisées. Le sapin trônait au milieu du salon pour sauver les apparences lors des visites de la famille et des amis mais son pied restait bien maigrement orné quand venait le grand jour. Alors Ava se contentait de ce qu’ils avaient pu lui offrir, par manque d’idées ou manque d’argent se disait-elle. Ce manque l’amenait à être peut-être bien trop généreuse aujourd’hui, elle qui, l’héritage en poche, s’imaginait maintenant plus difficilement que ces privations étaient pas dû à un manque de moyens. Peut-être que ce manque d’attention avait dû servir à faire d’elle qui elle était aujourd’hui.

Les rayons du soleil venaient caresser son visage alors qu’elle rejoignait le marché de Noël sans trop se presser, connaissant la nonchalance de Winston et sa capacité à très souvent arriver en retard. Des petits défauts qui la faisait sourire plutôt que de l’agacer, elle profiterait d’ailleurs de ces quelques minutes avant son arrivée pour commander deux gaufres. Les mains chargées, Ava attendait l’arrivée de son ami au point de rendez-vous et en voyant sa silhouette se dessiner à l’horizon, la jeune femme s’était mise à rire jusqu’à ce qu’il la rejoigne. « Quelle était la probabilité qu’on tombe l’un sur l’autre ? Et surtout que tu t’inscrives ? » avait-elle demandé venant gentiment taquiner un Winston qu’elle savait joueur et rieur mais pas si altruiste. La plaisanterie d’Ava avait été accueillie par un sourire ravageur et la bonne humeur de cette dernière s’était immédiatement amplifiée. Sans attendre, elle était venue désigner son sac à main avec un air espiègle. « Ton cadeau est juste là dans mon sac ! » Le mouvement de désapprobation de Winston était venu lui faire comprendre que l’échange de cadeau ne devait pas se faire là, au milieu de la foule, et sans avoir profité avant des festivités alors elle avait haussé les épaules avant d’attraper le bras de son ami pour commencer à marcher à travers les allées. « Tu crois que je devrais piocher un numéro pour le speed dating ? » Ava en avait passé du temps à agrémenter les bouquets qu’elle préparait de petites cartes romantiques et elle n’était pas totalement hermétique à l’amour. Le mariage de ses parents était solide et la jeune femme avait été bien incapable de déceler à quel point il était toxique, elle qui possédait un véritable voile sur les yeux. Brisbane avait mis les petits plats dans les grands et Ava comptait profiter de toutes les animations de la même façon dont elle profitait de la vie.

Il était clair que la ville n’avait pas organisé l’activité du secret Santa dans le but de donner une idée de sortie aux personnes qui se connaissaient déjà mais Ava était ravie d’avoir trouvé là une excuse pour traîner Winston au marché de Noël. Elle ne connaissait que trop bien son caractère parfois grincheux et elle réalisait également que son ami était dans une période difficile alors, non, elle ne lui aurait probablement pas infligé ça. Les chants, la foule et l’odeur de brûlé des marrons chauds étaient autant de choses à supporter pour ceux qui n’appreciaient pas forcément Noël. Ava, elle, ne voyait déjà plus que les lumières annonciatrices d’une de ses périodes préférées de l’année quand Winston était apparu dans son champ de vision. Son sourire était communicatif et Ava l’avait accueilli avec une expression similaire à la sienne. « Il faut croire qu’on est liés. » avait-il simplement répondu alors qu’Ava se questionnait sur une telle coïncidence. « Je suis content que ce soit toi. » Son sourire s’était étiré encore un peu plus et elle était venue taper joyeusement dans ses mains, bien trop excitée à l’idée de recevoir un cadeau de la part du garçon. « Le tien est à l’appart. Il était un peu trop ... encombrant. » Sa curiosité maintenant piquée au vif, Ava s’apprêtait à passer à l’échange des cadeaux mais Winston avait visiblement d’autres projets. « On s’en occupera après? » Ouvrir des cadeaux au beau milieu d’une foule n’était peut-être pas la meilleure des idées alors Ava avait ignoré la pointe de déception à l’idée de devoir encore patienter un peu avant de nourrir sa curiosité et avait attrapé le bras de son ami pour parcourir les allées du marché. Brisbane avait organisé un speed-dating et en passant devant le stand, Ava avait demandé si elle devait piocher un numéro et, devant son air surpris, elle avait haussé les épaules innocemment. « Seulement si je ne pioche pas. On serait capable de tomber sur le même numéro. » La blonde avait penché la tête en arrière pour rire à sa réponse, assez de coïncidences pour la journée. « Même si sincèrement, ça me ferait bien rire. J’suis sur que tu serais mon meilleur rencard de la journée. » « Oui c’est évident. Et puis pas besoin de speed dating pour que je sache que t’es l’homme de ma vie mon Win. » avait-elle répondu sur le même ton tout en resserrant son étreinte sur le bras du garçon. « Pourquoi tu veux y participer? » Vouloir y participer était un bien grand mot, Ava s’émerveillait juste devant le choix d’activités proposées. « Non c’était une idée comme ça, pour profiter de toutes les animations. Mais en voyant la liste je vais m’abstenir. » Jetant un œil à une pancarte colorée qui indiquait l’ensemble des animations, certaines étaient loin, très loin de lui correspondre. « On peut se prendre un vin chaud et un truc à manger, c’est plus safe. » Ava avait lancé un regard entendu à un Winston dont les sourcils arqués soulignaient sa crainte de voir son amie l’embarquer dans le concours de surf, par exemple. Elle était imprévisible et encore plus en période de fêtes, alors sa crainte était justifiée. Pourtant, la blonde préférait de loin se promener avec un verre de vin chaud malgré les températures agréables de l’Australie tout en prenant des nouvelles. « Comment tu vas, toi? T’en es où avec la fille ? Ou les filles, je sais plus ? » avait-elle demandé innocemment tout en payant les deux verres de vin chaud et les croustillons, en espérant que Winston apprécierait.

« Awww. » Son air arrogant gommé par ce sourire niais venait rapidement faire se dessiner un sourire sur le visage de la blonde qui, après plusieurs années, savait qu’elle n’avait pas besoin de tenter d’être quelqu’un d’autre qu'elle-même avec Winston. A les voir ainsi, certaines personnes devaient s’imaginer qu’ils étaient un couple et d’autres hausser un sourcil un brin accusateur devant la différence d’âge évidente entre les deux. Du moins, c’est une différence qui se voyait comme le nez au milieu de la figure selon une Ava protectrice comme une grande soeur envers son ami. « C’est réciproque Westy. » Elle avait secoué la tête en riant, ses nombreuses tentatives pour que ce surnom cesse n’ayant jamais abouti.  « C’est peut être une meilleure idée. » La blonde avait acquiescé, consciente de son engouement parfois un brin trop excessif pouvant les amener à se lancer dans des activités risquées. « Tu sais comment me parler. » Et les rires avaient continué pour un duo rarement en désaccord. Ava appréciait la compagnie de Winston pour cette raison, si certains devaient jongler avec le côté impulsif du garçon, elle pouvait se vanter de toujours côtoyer son côté enjoué et positif. Publiant un instant le côté festif de l’endroit, Ava était entré dans le vif du sujet, désireuse de se mettre à jour sur la vie un peu trop tumultueuse de son ami. « Mais pour qui tu me fais passer? » Sa consternation était feinte, et Ava avait levé un sourcil narquois pour l’encourager à continuer. « Bon ok, on parle de laquelle? » Fourrant un croustillon dans sa bouche, Ava avait levé les yeux au ciel comme simple réponse, ne s’attardant pas sur l’effort de Winston pour tenter de redorer son image. Après tout, le nombre de conquêtes ne faisait pas de lui quelqu’un de mauvais.  « A vrai dire je sais plus trop où j’en suis. Avec la dernière dont je t’ai parlé, je sais pas, c’est compliqué. Je sais pas à quoi elle joue, ni à quel point elle se fout de ma gueule. On s’est revu quelques fois en octobre ou novembre, je sais plus, tout allait bien et puis... Je sais pas, elle a vrillé. » Ava ne connaissait pas son prénom, ni son visage, pourtant, elle savait pertinemment de qui Winston était en train de parler. « Enfin après y’a eu plusieurs problèmes qui se sont enchainés et... Je sais plus trop. Elle me casse un peu les couilles. » Le rire qui s’était échappé des lèvres d’Ava ne s’était pas fait attendre. « Surveillez votre langage, jeune homme. » lui avait-elle répondu en venant pointer son index sur le bout de son nez. Il détestait son côté maternel et ce genre de détails qui venait rendre la différence d’âge soudainement évidente. Cinq petites années qui s’oubliaient facilement sauf à certains moments quand il était évident que Winston n’avait pas encore franchi la barre fatidique de la trentaine.  Croquant joyeusement dans un énième croustillon - ces choses se mangeaient un peu trop vite - avec un air satisfait d’avoir déclenché chez lui cette moue boudeuse qui la faisait sourire, Ava continuait à arpenter les dédales du marché avec enthousiasme. « Tu dois être sacrément accro pour t’emporter comme ça en parlant d’elle, hin ? » Elle le taquinait mais cherchait par la même occasion à savoir le fond de sa pensée pour mieux le conseiller. Winston n’était pas du genre à se confier, un exercice qu’il maîtrisait toujours un peu plus au fil du temps et aux côtés d’une Ava dont l’absence de jugement était propice à un peu plus de liberté. « Plus sérieusement, elle n’a pas l’air de savoir ce qu’elle veut, c’est dommage… Mais tu as le temps, pour quelque chose de sérieux. » Lui oui, elle peut être un peu moins et il était venu appuyer sur cette corde sensible. « Et toi? Tu vois quelqu’un? » « Non… » Sa réponse avait été empreinte d’un peu plus d’amertume qu’elle ne l’aurait désiré alors elle avait vite repris. « J’ai pas vraiment le temps tu sais, avec le gîte. » Un projet qui devenait l’excuse pour à peu près tout : refuser une sortie, et justifier son célibat. En prononçant ses mots, la blonde avait jeté le sachet de croustillons à la poubelle, s'était essuyé les mains pour sortir le fameux cadeau de son sac.  « Je peux plus attendre, tiens. » Parce qu'elle avait hâte de l'offrir et, surtout, hâte de changer de sujet, Ava avait tendu le paquet contenant le fameux cadeau à Winston, une jolie peluche requin dont il apprécierait sûrement le lien direct avec son histoire.

Spoiler:

« Ou peut être simplement parce que ça a été une vraie connasse. » Ava n’avait pas insisté et avait de nouveau levé les yeux au ciel, pourtant, elle en était persuadée parce qu’elle ne le connaissait que trop bien : cette histoire n’était pas terminée pour lui. Si elle l’était, il parviendrait plus aisément à en rire et ne serait pas aussi véhément en abordant le sujet. Ava avait pourtant appris à laisser le dernier mot à un Winston qui était devenu un petit frère légèrement incontrôlable à ses yeux. « J’suis pas pressé. » A la place, elle avait donné son propre avis sur la brune dont elle ne connaissait que le caractère que lui contait Winston et la couleur de cheveux. « J’prends les choses comme ça vient écoute. » Elle avait hoché la tête en continuant à marcher. « Ne la laisse pas jouer avec toi, c’est tout ce que je te demande. » Parce qu’il pouvait faire semblant autant qu’il voulait avec elle, elle n’avait pas envie de le ramasser à la petite cuillère quand cette fille en aurait fini de s’amuser avec ses sentiments. Ava était pacifiste, n’avait pas de grande capacité à critiquer ses semblables et pourtant, cette fille là lui laissait une très mauvaise impression. Il avait changé de sujet et s’était intéréssé à ses amoures à elle mais avec beaucoup d’habilité, Ava avait reporté la discussion sur un sujet qu’elle maîtrisait - presque - mieux, le gîte. « Hm. C’est pas grave, après celui là on pourra faire des dates bricolage ensemble. » « Je t’aime et tu le sais mais pour ce qui est DIY je fais plus confiance à Mica… » Elle savait combien il détestait être comparé à son frère mais cela l’amusait, elle qui avait toujours eu une relation privilégiée avec les deux sans jamais les différencier ou les mettre à un niveau différent de préférence. Il était clair que son architecte de frère était bien plus à même de l’aider, lui était un peu plus maladroit et peu appliqué à la tâche, même si elle savait qu’il serait capable de tous les efforts pour l’aider. Merci. Je crois. » Avant qu’il ne puisse lui reprocher cette dernière remarque, Winston s’était retrouvé avec l’incarnation de sa plus grande phobie entre les bras et Ava avait sorti son téléphone pour immortaliser le moment. « Je vois qu’on a le même humour de merde. » Et elle avait esquissé une légère révérence sans se soucier des regards des passants. « Vivement le mien ! » avait-elle dit avec l’enthousiasme d’une enfant devant un sapin de Noël rempli de cadeaux.

« Regardez qui voilà. » Sergio Guttiérez se reconnaissait sans grande difficulté au milieu d’une foule, lui qui était extrêmement chic même pour une sortie sur le marché de Noël. Alors elle l’avait laissé venir à eux avec un sourire non dissimulé, trépignant jusqu’à ce qu’il la gratifie d’une étreinte et d’un baiser sur la joue. « Pourquoi est-ce que je ne suis pas surpris de te voir ici ? » Son sourire s’était étiré parce qu’elle aimait qu’on l’associe à des choses positives. « Je ne peux pas en dire autant de toi ? Qu’est ce que tu fais ici ? » Son étonnement était réel parce que Sergio aimait le business, les affaires et le confort de son bureau et il n’y avait probablement rien qu’il ne détestait plus que la foule et les chants de Noël. Jetant un oeil au paquet entrouvert qu’il tenait dans la main, elle avait aperçu de tout petits costumes. « Oh, je vois. Des cadeaux pour Pao. » Elle avait accordé un sourire sincère à son ami, lui apportant avec pudeur un soutien nécessaire alors qu’il devait batailler entre des sentiments ambivalents, entre la perte d’un enfant et la naissance d’un nouveau. « Winston. Je commençais à me demander si je te reverrais un jour. » Pourtant, ils n’avaient pas eu le temps de réellement s’attarder sur le sujet et elle n’était pas sûre que la direction que s’apprêtait à prendre le trio soit bien plus réjouissante. « Ce n’était pas prévu. » A côté d’elle, Ava pouvait sentir Winston se crisper et elle savait pertinemment ce qu’il ressentait face à cet homme venant la saluer chaleureusement - une réaction qui la confortait dans le choix qu’elle avait fait de se confier à Michael plutôt qu’à lui concernant son passé. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était qu’une partie de ce passé surgisse face à eux. « Un ami à toi ? » Elle avait encore moins prévu que Sergio connaisse Winston et la situation était devenue soudainement plus compliquée encore et elle réalisait que l’attitude de son ami n’avait rien à voir avec la façon dont Sergio l’avait saluée. « Oui. » avait-il répondu pour elle, sans la laisser prendre le temps de parler. Légèrement déstabilisée, elle avait pourtant pris la parole. « Vous vous connaissez ? » La question était la plus banale possible mais elle se devait de la poser. Premièrement, pour tenter de briser cette tension qui devenait de plus en plus important et deuxièmement, parce que la curiosité était bien trop importante. Winston n’avait jamais parlé de Sergio, Sergio n’avait jamais parlé de Winston. Ava comprenait assez aisément pourquoi, ils semblaient se haïr et ce qui jaillissait de leurs pupilles respectives ne trompait pas. « Sergio est un vieil ami à moi ! » Son enthousiasme n’avait pas aidé mais elle avait tenu à vite présenter Sergio comme elle souhaitait qu’il le soit face à Winston qui n’avait aucune idée des activités passées de son amie.