Ce qui peut être difficile quand on quitte tout pour partir vivre dans un autre pays c’est la solitude. Quitter les Etats-Unis je le sais était une bonne décision, mais devoir tout reconstruire en repartant à zéro c’est difficile. Et encore j’ai de la chance, je ne suis pas arrivé dans l’inconnu total. Mon petit frère et mon père étaient déjà installés depuis plusieurs années et ça m’arrivait de passer mes semaines de vacances à Brisbane. Malgré tout ça j’ai dû tout recommencer, à commencer par retrouver un travail, de nouveaux collègues. Puis il y a mes amis. Je suis toujours en contact avec de très bons amis à Miami mais maintenant tout est différent. Je suis loin et on ne se voit qu’à de très rares occasions quand je rentre voir ma mère. Même si je me suis plutôt bien adapté à la vie australienne et que je me suis fait quelques amis j’ai toujours envie de rencontrer de nouvelles personnes. J’ai envie de m’imprégner aussi de la vie et des traditions locales, alors quand j’ai vu passer l’affiche sur le grand speed dating organisé par un des restaurants du coin, je n’ai pas hésité.

Pour préparer ce secret santa à grande échelle j’ai donc passé la matinée en cuisine : objectif pâtisserie. J’ai beaucoup réfléchi à ce que je pouvais offrir à cette personne que je ne connais pas encore mais sans savoir qui sera en face de nous c’est une tâche difficile. Alors j’ai décidé de faire simple en faisant un gâteau. C’est un bon moyen de plaire à un public plus large, je crois beaucoup au langage universel de la pâtisserie pour créer des liens. Et puis la pâtisserie c’est un domaine que je maîtrise bien et surtout où je m’épanouis énormément. Quand je suis dans ma cuisine je m’amuse beaucoup, ça me permet d’être créatif, de tester tout un tas de choses avec précisions. La pâtisserie c’est comme des maths, tout est une question de précision, de dosages précis, de temps de cuisson minutés et c’est quelque chose qui me plait. Contrairement aux plats salés où il est simplement écrit “assaisonnez à votre goût”, c’est si imprécis que je n’arrive jamais à obtenir un bon assaisonnement ou un bon plat. Enfin, offrir un gâteau c’est une bonne chose parce que si j’aime faire des gâteaux j’aime moins les manger. Donc si je peux faire plaisir à quelqu’un avec une de mes créations c’est avec grand plaisir. Pour le speed dating j’ai choisi de réaliser une tarte au citron meringuée. Un gâteau que j’ai l’habitude de faire mais pour l’occasion j’ai confectionné des macarons pour décorer le gâteau. Je suis plutôt content du résultat et j’ai hâte de pouvoir l’offrir.

A l’heure indiquée sur l’affiche je me rends devant le restaurant où je tire au sort un numéro au hasard qui correspond à celui de la personne avec qui je vais passer le speed dating. Je suis un peu stressé, c’est un peu bizarre de rencontrer quelqu’un comme ça. Pourtant l’ambiance générale est bonne, une légère musique d’ambiance de noël se fait entendre et je peux voir de nombreux sourires dans la foule, c’est plutôt rassurant. Ma boîte à gâteau à la main, je me dirige vers la table qu’on m’a indiquée. L’autre personne n’est pas encore arrivée alors en l’attendant je regarde un peu les personnes qui sont autour de moi et je suis ravi d’avoir l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Puis quelqu'un s'avance vers la table, quelqu'un qui a l'air d'avoir mon âge avec un air plutôt sympathique. "Salut, c'est le numéro 22 que tu cherches ?" Je lui adresse un petit sourire avant d'ajouter. "Alors c'est cette table oui, enchanté moi c'est Mica."  

@Asher Buckley

Tu as bien changé Asher Buckley. Jamais de la vie tu te serais inscrit à un speed dating de Noël avant. Au début tu as cru que c’était un véritable speed dating pour faire des rencontres et tu t’es dit pourquoi pas. Histoire de passer un moment avec une nouvelle personne et speed dating ça veut dire que ça dure sept minutes non ? C’est ce que tu pensais en premier lieu et puis tu as vu qu’il s’agissait plutôt d’une sorte de secret Santa avec des personnes de la ville. Ca sonnait déjà bien plus abordable car bien loin de toi l’idée de chercher quelqu’un de manière romantique.

Par contre tu as cherché un cadeau plutôt utile et la première utilité fut de t’occuper pendant toute une matinée afin de trouver le cadeau en question. Tu finis par jeter ton dévolu sur une bouteille de champagne qui coûte son prix. Un bon. Du pays pour rester local. Y’avait peut être une mention de prix, genre maximum dix dollars mais tu t’en moques plutôt pas mal. C’est pas comme si ça te faisait un trou dans le budget et en plus tu es certain par ce biais que ça va plaire. Non ?

A l’heure, même un peu en avance, tu es au restaurant où le speed dating va se faire. Tu as mis la bouteille dans un sac en carton pour que ça soit un peu plus discret. Y’a du monde. Tu n’aurais pas cru et tu sais que tu vas pouvoir te faire une ou deux connaissances de plus aujourd’hui. Tu espères que ton futur binôme sera sympathique et que ça pourra être le début d’une éventuelle amitié. Tu vas tirer ton numéro. Le 22. Tu relèves la tête pour voir où il faut que tu te diriges. Tu vois 18, 19, 20… "Salut, c'est le numéro 22 que tu cherches ?" 22. Un sourire se forme sur ton visage alors que tu fais oui de la tête. « Ouais. 22. » « Alors c'est cette table oui, enchanté moi c'est Mica." « Enchanté. Asher. » Mica. Que tu te répètes dans ta tête pour essayer de ne pas l’oublier. Tu tires la chaise pour t’installer en face de lui. « Hem… Joyeux Noël. » Tu poses ton sac sur la table. « Attention c’est fragile. » Que tu dis pour pas gâcher tout ce bon alcool. « Comment t’en es arrivé à participer à ce speed dating? » Tu demandes pour meubler le silence éventuel; C’est pas très très naturel tout ça mais tu fais de ton mieux et ça se passe plutôt bien pour l’instant non ? Oui.

Je suis installé à la table qu’on m’a indiquée à l’accueil du restaurant et j’attends. J’attends que quelqu’un se présente mais le serveur m’a assuré que la personne qui correspondait à mon numéro allait arriver d’une minute à l’autre. D’un côté ça me rassure, je me sentirais bien bête si je devais finalement me retrouver ici tout seul à la table d’un restaurant avec un gâteau dont la confection m’a pris des heures. Au bout d’une dizaine de minutes quelqu’un s’approche de ma table. Je lui demande s’il cherche le numéro 22, ce qu’il me confirme. Je l’accueille donc avec un sourire et je me présente. « Enchanté. Asher. » Il s’installe en face de moi et c’est lui qui brise le silence en premier. « Hem… Joyeux Noël. » Il pose son sac sur la table, pas très loin de la boite opaque qui contient la tarte au citron meringuée. “Merci, joyeux noël à toi aussi.” Le sac fait un drôle de bruit, un bruit de bouteille pour être exact. « Attention c’est fragile. » Aïe c’est bien ce que je me disais : c’est sûrement de l’alcool. L’intention est belle, c’est gentil d’avoir amené une bouteille mais ça tombe mal, je ne bois pas. Ou plutôt je bois très rarement, pour des occasions spéciales et en très petite quantité. La dernière fois que j’ai bu un verre c’était il y a peu, avec Iris au marché de noël pour essayer de faire passer l’amertume de l’entretien raté qu’on venait d’avoir avec un gros client. Mais avant cette fois cela devait faire plusieurs mois sans que j’ai touché à un verre, pour la simple raison que je n’aime pas l’effet que ça me fait. Je déteste cette sensation de perte de contrôle, je deviens extrêmement maladroit et c’est quelque chose qui me met plutôt mal à l’aise. Pas d’histoire d’addiction ou quelque chose de plus grave, une simple histoire de goût et d’habitudes. « Comment t’en es arrivé à participer à ce speed dating? » Je me posais la même question en regardant la foule rassemblée dans le restaurant. Je n’ai aucune idée de ce qui peut les pousser à tous venir, c’est peut-être une tradition locale. Mais de mon côté c’est la volonté de faire des rencontres qui m’a poussée à pousser les portes du restaurant. “J’ai vu une affiche en ville et je me suis dit que ça pouvait être bien de rencontrer de nouvelles personnes. Je ne suis pas vraiment d’ici.” J’aurais bien du mal à prétendre être né ici, mon accent me trahit instantanément. Et j’ai toujours du mal à comprendre l’accent australien à certains moments. “Et toi ? Tu sais s’ils organisent ça chaque année ?”

“Merci, joyeux noël à toi aussi.” C’est tellement pas ton genre habituellement de souhaiter joyeux Noël a des parfaits inconnus. Ca te fait bizarre de faire autant d’efforts pour rencontrer des gens. C’est vraiment pas encore une habitude. Tu ne réfléchis pas tu fais. Tu sais que c’est ça qui fonctionne avec toi. C’est pas du tout une solution permanente mais pour l’instant c’est ce qui marche. Tu navigues comme tu peux avec ce que tu as, ce que tu sais. T’as l’impression d’être tellement seul au monde c’est absolument terrible. Tu veux éloigner ce sentiment le plus loin, le plus souvent.

Alors tu fais des efforts oui et tu lances la conversation. “J’ai vu une affiche en ville et je me suis dit que ça pouvait être bien de rencontrer de nouvelles personnes. Je ne suis pas vraiment d’ici.” Tu hoches la tête à ses mots, une raison qui est plutôt proche de la tienne quand on y pense un petit peu. “Et toi ? Tu sais s’ils organisent ça chaque année ?” « J’ai aucune idée nan. C’est la première fois que je participe. » Tu marques une brève pause avant de reprendre. « Envie de rencontrer des nouvelles personnes aussi. » Ta vie a drastiquement changé cette année et tu ne vas pas lui donner les détails qui sont plutôt très lourds nan. Il ne faut pas lui faire peur, ça gâcherait certainement tout. Tu sais que les gens que tu rencontres ne sont pas tes psychologues. Ils sont là pour te distraire, pour remplir ton quotidien. « Ca va tu te plais dans le coin? » Tu demandes naturellement. « Qu’est ce qui t'a fait changer des US ? » T’as bien capté à son accent qu’il vient des USA. « Si c’est pas indiscret. » Tu sais bien qu’un changement si radicale peut être accompagné d’un événement pas très agréable. Ce fut ton cas. T’es revenu dans ta ville natale après avoir perdu ton groupe… Oui tu seras amer toute ta vie à propos de cette injustice. Car ça en est absolument une de ton point de vue. Ta vie a été changé du tout au tout et de manière hors de ton contrôle.

Je suis curieux. J’ai toujours été curieux en fait. J’étais le genre de gamin qui posait toujours et systématiquement la question “pourquoi” après n’importe quelle affirmation d’un adulte. Et c’est quelque chose que j’ai gardé. Quand je me pose une question -souvent très random- je suis obligé d’aller chercher la réponse sur internet sinon je serais incapable de trouver le sommeil ou de me concentrer sur le reste de la conversation. Ce qui peut être parfois gênant quand en rendez-vous professionnel je me demande est-ce que les langoustes ont un cri et si oui comment l’appelle-t-on. La suite de l’entretien est une bataille pour rester concentré sur ce que le client me dit et dès qu’il est parti je cherche discrètement la réponse. Heureusement qu’on a pas inventé de machine à lire les pensées, sinon j’aurais perdu quelques gros contrats.

Enfin bref, là c’est pareil. De voir tout ce beau monde s’affairer autour du speed-dating ça me fait me poser plein de questions : est-ce que c’est la première fois que c’est organisé ou est-ce que c’est une tradition locale ? « J’ai aucune idée nan. C’est la première fois que je participe. » Je me note dans un coin de ma tête de poser la question à mon père. Il habite ici depuis plusieurs années, il saura peut-être. Si Winston n’était pas un petit con je lui aurais sûrement posé la question mais bon je n’ai aucune envie de lui adresser la parole. “Je trouve que le concept est plutôt sympa.” Il me demande ce qui m’a poussé à participer et la réponse est simple : rencontrer de nouvelles personnes. « Envie de rencontrer des nouvelles personnes aussi. » Je hoche la tête, ça nous fait un point commun. « Ça va tu te plais dans le coin? » Je hausse légèrement les épaules avant de répondre avec un petit sourire timide. "Ça va. Je commence à être habitué à la vie ici, ça fait quatre ans que je suis là.” Et les années filent à une vitesse folle. J’ai toujours tendance à dire que je suis nouveau mais bon la réalité est là : ça fait déjà quatre ans, bientôt cinq dans quelques mois. « Qu’est ce qui t'a fait changer des US ? » J’affiche une mine surprise. « Si c’est pas indiscret. » “Je vois que mon accent me trahit.” La situation m’amuse, je pense que je pourrais aller n’importe où, il suffise que je parle deux minutes pour qu’on reconnaisse d’où je viens. Mais ça me gêne pas, au contraire, ça permet de lancer la discussion ici. “Mon frère et mon père habitent ici, j’avais envie de me rapprocher d’eux. Et j’avais envie de changer de la Floride, alors Brisbane c’est bien pour un nouveau départ.” Enfin, j’avais envie de me rapprocher de mon père, et Winston, bon il était là quoi. “Tu es d’ici toi ?” Ce serait un deuxième point commun s’il était nouveau lui aussi. “Oh et j’oubliais, j’ai fait ça, j’espère que t’es pas diabétique.” Je place la boite du gâteau face à lui, en espérant que mon cadeau lui plaise.

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“Je trouve que le concept est plutôt sympa.” Sur le papier tu trouves ça cool aussi. Ca correspond exactement à tes attentes du moment. Pour l’instant tu trouves que c’est sympa ouais car tu es tombé sur quelqu’un qui a l’air de plutôt très normal. Tu es rapide à juger oui. Tu sais que c’est pas une bonne chose mais tu sais aussi que personne ne peut lire tes pensées et que tu es donc bien libre de juger autant que tu veux. Tu n’es pas de ceux qui partage ce qui est dans ta tête de toute façon.

"Ça va. Je commence à être habitué à la vie ici, ça fait quatre ans que je suis là.” Oh effectivement ça fait un bon moment. Tu te dis aussitôt qu’il doit être particulièrement introverti pour venir à un endroit comme ça pour faire des nouvelles connaissances alors qu’il est dans les parages depuis autant d’années. Un peu comme toi en somme. “Je vois que mon accent me trahit.” Au moins tu te sens intelligent à l’avoir remarqué et mentionné. Ca fait un sujet de conversation surtout, ce qui n’est pas toujours aisé de trouver avec des inconnus totals quand toi tu n’es pas très avenant de manière générale. Je suis fier.e de toi Asher. Tu te débrouilles comme un chef. Tu souris de voir son visage s’éclairer. “Mon frère et mon père habitent ici, j’avais envie de me rapprocher d’eux. Et j’avais envie de changer de la Floride, alors Brisbane c’est bien pour un nouveau départ.” Tu hoches la tête pour lui montrer ton attention. “Tu es d’ici toi ?” Nouveau hochement de tête par la positive. “Oh et j’oubliais, j’ai fait ça, j’espère que t’es pas diabétique.” Il reprend la parole rapidement sans que tu n’aies le temps de confirmer verbalement ta réponse précédente.

Tu ouvres le paquet qu’il a mis devant toi et tes yeux s’illuminent complètement. « C’est le meilleur cadeau que tu aurais pu faire. » Tu te mords la lèvre alors que tu es déjà amoureux du gâteau. « Manger c’est une de mes raisons de vivre. » Tu dis sur le ton de la plaisanterie mais c’est la triste vérité en même temps. « J’ai commencé à faire du sport cette année pour ne pas avoir à arrêter de manger mais prendre un peu plus soin de moi. » Eh ben Asher, tu en dis beaucoup des choses. Des détails sur ta vie. Ta langue se délie devant ce magnifique gâteau. « On a rapporté de quoi faire un beau goûté là. » Tu lui as donné à boire, il t’a filé à manger, vous vous complétez bien. « C’est toi qui l’a fait ? T’es pâtissier ou cuisinier ? » Un truc dans le goût tu te dis.

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Je commence à raconter ma vie à un inconnu et ce n’est clairement pas quelque chose que j’ai l’habitude de faire. D’habitude je suis plutôt sur la réserve tant que je ne me sens pas à l’aise mais le sens de cette journée c’est de s’ouvrir aux autres, de rencontrer de nouvelles personnes, alors je me prête volontiers au jeu. Je lui parle de mon père, de la Floride, de Winston aussi même si j’aurais préféré éviter d’encore et toujours parler de lui. Et je me rappelle après mon récit que je ne suis pas venu les mains vides, j’approche donc la boite de lui, en espérant que mon cadeau lui plaise. Je suis un peu stressé, tout le monde n’aime pas le sucré, les gâteaux alors j’ai un peu peur que mon gâteau fasse un flop. Ou pire qu’il me dise qu’il est diabétique ou qu’il est allergique à quelque chose, ce serait catastrophique pour moi. « C’est le meilleur cadeau que tu aurais pu faire. » Mes yeux s’illuminent et je suis soulagé d’entendre que mon cadeau a l’air de lui plaire. “Ah oui ça te plaît vraiment ?” Je ne voudrais surtout pas qu'il se sente obligé de me dire que ça ne lui plait pas. Mais il regarde le gâteau avec des étoiles dans les yeux, ça brille fort et j’ai l’impression de voir un enfant devant un cadeau de noël, et je trouve ça génial. « Manger c’est une de mes raisons de vivre. »  La scène m’arrache un énorme sourire, s’il est heureux alors je suis heureux. “Alors j’ai fait le bon choix !” De toute façon je ne sais pas trop ce que j’aurais amené sinon. J’aurais pu aller acheter quelque chose de random dans une boutique du centre ville mais j’avais envie de quelque chose de personnalisé, de fait maison et de plus personnel qu’une écharpe ou un portefeuille. « J’ai commencé à faire du sport cette année pour ne pas avoir à arrêter de manger mais prendre un peu plus soin de moi. » Il a une belle philosophie, j’aime ça et je suis tout de suite intrigué par le sport dans lequel il s’est lancé pour se maintenir en forme. “Super ça, c’est quel sport ?” C’est vrai que le sport c’est quelque chose que j’ai toujours soigneusement évité, les cours de danse en ce moment pour moi c’est déjà beaucoup. Je n’ai jamais été un grand sport et je ne le serais jamais mais ce n’est pas quelque chose qui me manque. Je préfère largement la gymnastique intellectuelle aux échecs ou la précision de la pâtisserie à de la course à pied. « On a rapporté de quoi faire un beau goûté là. » Je hoche la tête. “C’est ça ! Bon d’habitude je ne bois pas, mais je peux bien faire une exception.” Je ne veux pas le mettre mal à l’aise en refusant alors j’accepte par politesse avec le sourire mais l’idée de boire du champagne ne me tente pas vraiment. Mais c’est l’intention qui compte et c’est super qu’il ait pris le temps de trouver un petit quelque chose. « C’est toi qui l’a fait ? T’es pâtissier ou cuisinier ? » La question me surprend un peu mais surtout elle me flatte beaucoup. Elle gonfle un peu mon égo tout en me gênant légèrement parce que même si lui trouve le gâteau magnifique je sais qu’à certains endroits mon pochage n’est pas parfait et que j’ai pu manquer de précision sur certains détails donc j’ai encore une marge de progression. Et surtout je suis loin d’avoir le talent ou les compétences d’un professionnel. “Oui c’est fait maison mais je suis pas du tout pâtissier ou quoi. Je suis architecte d’intérieur en fait.” Quelque chose qui n’a absolument rien à voir mais c’est un boulot dans lequel je m’épanouis pleinement, surtout dans mon entreprise actuelle où je m’épanouis beaucoup aux côtés d’Iris. “Donc on peut dire que je suis un amateur passionné plutôt.” Passionné c’est sûrement ce qu’il dirait en voyant mon placard qui déborde de moules, de poches à douille et d’ustensiles en tout genre. “Et toi, tu bosses dans quoi si c’est pas indiscret ?”

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“Ah oui ça te plaît vraiment ?” Tu plaisantes pas sur la bouffe mais ça il ne le sait pas. Vous vous rencontrez tout juste. Ton visage parlera pour toi de toute façon. Il n’y a pas de soucis à se faire de ce côté là. Tu es même en train de saliver d’avance et tu risques de l’entamer avant même de rentrer chez toi parce que pourquoi attendre ? Il est juste là et il est à toi ce beau gâteau. “Alors j’ai fait le bon choix !” Il aurait pas pu mieux tomber, vraiment. Tes yeux brillent.

“Super ça, c’est quel sport ?” « Du rugby. » Tu n’en dis pas plus car tu restes très novice et tu ne fais pas de match ou quoi que ce soit. Les entrainements suffisent à te mettre KO mais aussi à faire des rencontres supplémentaires. Là tu jettes un coup d’oeil circulaire si jamais y’a moyen de trouver des assiettes et un couteau pour couper le gâteau. “C’est ça ! Bon d’habitude je ne bois pas, mais je peux bien faire une exception.” Tu te refocalises sur lui à sa phrase. Il ne boit pas habituellement ? Mais il va boire là donc ça n’a pas l’air d’être un si grand échec de ton côté. Après tout, tu ne le connaissais pas. Tu es déjà plutôt nul dans les cadeaux à tes proches, alors à des parfaits inconnus, faut pas être surpris. “Oui c’est fait maison mais je suis pas du tout pâtissier ou quoi. Je suis architecte d’intérieur en fait.” Ah oui rien à voir effectivement. “Donc on peut dire que je suis un amateur passionné plutôt.” Tu es impressionné par ce gars qui sait cuisiner et qui a un métier que ton père qualifiait d’honorable.

“Et toi, tu bosses dans quoi si c’est pas indiscret ?” « Hem… Je suis dans un groupe de musique. » C’est pas vraiment un boulot mais c’est effectivement ce que tu fais de ton temps et c’est aussi ta passion. « J’ai pas de passion comme toi à côté. Enfin… C’est ça ma passion en fait. » T’es bête Asher. T’es chou aussi moi je trouve. « Peut être que c’est le rugby ma passion. Ma nouvelle passion. » A force de dire passion tu vas plus savoir le sens qu’il a Asher. « En tout cas chapeau parce que je sais pas cuisiner. J’ai jamais trop essayé non plus. » Ce serait peut être une bonne chose à faire là que tu as du temps Asher. « C’est quoi ta spécialité en bouffe ? » Et puis t’es distrait de nouveau. « Tu crois que je peux trouver un couteau quelque part pour nous couper une part ? » Peut être qu’en tant que passionné de cuisine il se balade avec un couteau sur lui tout le temps. Ce serait pratique là c’est certain.

Je suis plus que soulagé de voir que mon cadeau lui plait, j’aurais été bien trop mal à l’aise pour la suite du speed dating sinon. Je sens qu’il est sincère, son sourire parle pour lui et ça me rassure. Il me parle de sport et spontanément je pense à un abonnement de salle de sport. Dans le genre des résolutions que l’on prend d’habitude en début d’année mais j’aimerais en être sûr. « Du rugby. » Alors là je suis plutôt surpris, je ne m’attendais pas à ça. “C’est chouette ça. Tu ne te blesses pas trop ? Ça a l’air assez violent des fois.” Je ne connais absolument rien au rugby et encore moins les différentes règles mais les quelques images que j’ai pu voir m’ont conforté dans l’idée que c’était brutal. Une chose est sûre : je ne suis absolument pas taillé pour un sport comme ça. Si je faisais du rugby je pense que je serais balayé comme une brindille sur le terrain. Il m’offre ensuite son cadeau : une bouteille de champagne. Je lui explique que l’alcool d’habitude c’est pas mon truc, mais pour ne pas le mettre mal à l’aise je fais un effort et j’accepte un verre. Il me demande par la suite si je suis pâtissier professionnel et ça me fait sourire parce que mon boulot est à l’opposé de la pâtisserie. Je suis curieux de savoir ce qu’il peut bien faire dans la vie, difficile de deviner comme ça en le regardant. « Hem… Je suis dans un groupe de musique. » Mes yeux s’écarquillent de surprise. “Wow génial !” Et je suis sincère, c’est plutôt atypique de croiser quelqu’un qui est dans un groupe. « J’ai pas de passion comme toi à côté. Enfin… C’est ça ma passion en fait. » Il a beaucoup de chance de pouvoir faire ça. “Ça doit être beau de faire de sa passion son activité à plein temps.” Même si j’aime beaucoup pâtisser j’aime beaucoup trop mon travail pour faire de la pâtisserie mon emploi à temps plein. En plus j’aurais peur que cette passion perde en saveur pour ne devenir qu’une tâche à effectuer sans que je n’y prenne aucun plaisir. Alors je ne suis pas mécontent de garder les deux séparés. « Peut être que c’est le rugby ma passion. Ma nouvelle passion. » Je hoche la tête et je laisse ma curiosité parler. “Ah tu t’y es mis il y a pas longtemps ?” J’espère ne pas paraître trop intrusif avec mes questions mais il attise réellement ma curiosité. Et à ce moment je suis ravi d’avoir sauté le pas en participant au speed dating. Il y a vraiment des personnes très sympas dans cette ville. « En tout cas chapeau parce que je sais pas cuisiner. J’ai jamais trop essayé non plus. » Je dois légèrement rougir, j’ai toujours du mal à accepter les compliments sans être gêné. “Merci, mais la pâtisserie c’est pas compliqué, il suffit de suivre avec précision la recette et ça fonctionne comme sur des roulettes.” Comme je dis souvent, la pâtisserie c’est comme des maths : c’est précis et régulier. C’est bien pour ça que je m’en sors bien d’ailleurs.« C’est quoi ta spécialité en bouffe ? » Je prends quelques secondes pour réfléchir avant que l’évidence me saute aux yeux. “Les macarons. J’en ai fait des tonnes et des tonnes, il va falloir que je change un peu.” Je ne compte plus les nombreux tests de goûts, de forme ou de cuissons avant de trouver LA recette qui convient à mon four. Mais en général c’est quelque chose que les gens aiment bien donc j’en fais souvent, trop peut-être. « Tu crois que je peux trouver un couteau quelque part pour nous couper une part ? » Zut c’est vrai que je n’ai pas pensé à amener un couteau  “On peut peut-être demander au serveur ?” Justement en voilà un qui passe non loin de la table. Je l'interpelle poliment avant de demander. “Est-ce qu’on pourrait avoir un couteau s’il vous plaît ?” Le serveur me répond par la positive avant de s’éclipser. “C’est quel genre de musique que vous faites avec ton groupe ?”

“C’est chouette ça. Tu ne te blesses pas trop ? Ça a l’air assez violent des fois.” Tu fais oui de la tête. « Souvent. Mais ça fait parti du plaisir. » Car tu es totalement fucked up Asher oui oui. « Ca défoule bien. » Tu aimes avoir mal, faut pas trop chercher à comprendre car toi même tu sais pas trop pourquoi. Juste histoire de te sentir bel et bien en vie sûrement.

La surprise remplie le visage de Mica quand tu parles de ton groupe de musique. “Wow génial !” C’est pas autant glamour que ça en donne l’air quand on dit ça comme ça. “Ça doit être beau de faire de sa passion son activité à plein temps.” Tu confirmes d’un hochement de tête car tu sais très bien ce que c’est de bosser pour joindre les deux bouts. C’est la merde. Y’a rien que tu aimes faire à part de la musique. Si tu étais barman c’est parce que tu es amoureux de l’alcool et que c’était passable comme activité pour gagner salaire, mais tu détestes avoir un patron et suivre des règles. Bizarrement t’es juste docile pour ce qui concerne la musique. Ce que tu aimes vraiment. Ca se voit.

“Ah tu t’y es mis il y a pas longtemps ?” « Cette année ouais. » C’est récent mais tu vois les changements sur ton corps et pas que en fonction des bleus que tu as régulièrement. Et puis t’as la sensation que vous avez parlé un peu trop de toi alors agilement, tu retournes la conversation sur lui. “Merci, mais la pâtisserie c’est pas compliqué, il suffit de suivre avec précision la recette et ça fonctionne comme sur des roulettes.”  C’est nettoyer le bordel de la cuisine et acheter tous les ingrédients qui te saoule de ton côté. “Les macarons. J’en ai fait des tonnes et des tonnes, il va falloir que je change un peu.” Tu hausses les sourcils. « Les macarons ? J’entends toujours que c’est super dur à faire. » Tu es convaincu que ce type a vraiment ça dans le sang pour réussir avec facilité des macarons. Tu te demandes quels exploits il pourrait faire s’il en faisait son boulot.

“On peut peut-être demander au serveur ?” Et tu le vois déjà demander. “Est-ce qu’on pourrait avoir un couteau s’il vous plaît ?” Aussi simple que ça, car vous allez en avoir un de couteau. Tu en salives d’avance de pouvoir goûter - manger - ce gâteau sans attendre plus longtemps. T’es vraiment un estomac sur pattes. Tu regardes le gâteau avec les yeux en coeurs presque - totalement plutôt oui. “C’est quel genre de musique que vous faites avec ton groupe ?” Tu redescends sur la planète Terre. « Rock alternatif on peut dire… » Tu jettes un coup d’œil si le serveur est de retour avec le couteau. Pas encore. « T’écoutes quoi comme musique ? Ton artiste favoris tu dirais qui ? » Et puis voilà le couteau qui est arrive enfin. Ton visage est tout illuminé. Tu en salives d’avance et ça se voit. Tu coupes deux parts. Il ne pouvait vraiment pas te faire un meilleur cadeau que celui là. T’as eu de la chance, pas lui, car il ne boit pas. Mais tu sauras changer la donne à l’avenir car tu comptes bien lui demander son numéro de téléphone avant de vous quitter. Il pourra entendre un gémissement quand tu prendras enfin une première bouchée du gâteau. Délicieux. Vraiment.

« Souvent. Mais ça fait partie du plaisir. » Prendre du plaisir en souffrant, bon hum si ça lui va tant mieux. C’est pas ma vision des choses mais bon le sport et moi on est pas vraiment amis. Je me souviens que mon père désespérait un petit peu quand j’étais petit. Il se disait que je ne serais jamais un champion. Au final il a eu tort, bon je ne serais jamais champion de boxe ou de quelque chose comme ça mais j’ai gagné plusieurs prix aux échecs. Ce n’est sûrement pas ce qu’il avait en tête quand il parlait d’un champion mais je m’en fiche, j’ai toujours fait ce que j’aimais et c’est le principal. « Ça défoule bien. » Je hoche la tête, ça a l’air physique tout ça. “Ah ça c’est sûr que ça doit bien défouler.” Même si je n’aime pas le sport je me dis qu’il faudrait quand même que je m’y mette un peu pour rester en bonne santé, aller courir de temps en temps par exemple. Nous parlons ensuite de son groupe de musique, ce qui m’intrigue énormément. Je n’ai pas de musiciens dans mon entourage, et encore moins de musiciens professionnels. La discussion s’oriente à nouveau sur les passions et sur le rugby. « Cette année ouais. » “Ah c’est récent oui!” Il me demande ensuite si la pâtisserie est mon métier. La question me fait sourire parce que dans la vie je fais quelque chose qui est complètement à l’opposé de la pâtisserie. Et je suis bien content que la pâtisserie reste un loisir. Je m’épanouis beaucoup dans mon travail et je n’ai pas envie de faire de la pâtisserie une corvée alors garder ça comme loisir c’est le meilleur moyen de garantir que j’y prenne toujours du plaisir. Lorsqu’il me demande ma recette préférée, j’hésite un petit peu avant de lui parler des macarons. « Les macarons ? J’entends toujours que c’est super dur à faire. » Je hoche la tête, je ne compte pas le nombre de fournées ratées et les tests que j’ai dû faire pour avoir un résultat qui me plaisait. “Au début c’est un peu difficile de comprendre comment faire. Mais une fois qu’on a compris la technique et qu’on connait bien son four c’est pas si difficile.” Je profite d’apercevoir le serveur s’approcher de nous pour demander un couteau pour couper le gâteau. Pendant qu’il s'éclipse, j'en profite pour lui demander quel genre de musique fait son groupe. « Rock alternatif on peut dire… » Rock ça me dit quelque chose, alternatif ça m’a perdu. ”Oh je vois.” C’est faux, je ne vois pas exactement mais je chercherai en rentrant chez moi, je n’ai pas envie de passer pour un inculte. « T’écoutes quoi comme musique ? Ton artiste favoris tu dirais qui ? » Là il me pose une question difficile, le choix n'est pas évident. Le serveur arrive avec le couteau, me laissant un peu de temps pour réfléchir. “Mmmh, je dirais Bastille, il y a vraiment un truc spécial.” Je ne suis pas un grand fan de concerts mais j’aimerais beaucoup assister à un de leurs concerts. “Et toi ?” Je prends la part de gâteau qu’il me tend avant de prendre une bouchée, je suis plutôt content de moi même si j’aurais pu faire mieux pour le glaçage qui manque un peu de précision.