A million feelings, a thousand thoughts, a hundred memories, one person.. -- @Iris Castillo

Debout devant son miroir de salle de bain, Caelan passa ses mains dans son visage à la recherche d’une nouvelle ride ou d’un nouveau poil blanc dans sa barbe de quelques jours qui trahirait son âge. Vieillir ne lui avait jamais vraiment fait peur, il voyait son anniversaire comme une raison de plus pour passer du temps en famille à manger pour dix et à le regretter ensuite. Néanmoins, les choses étaient différentes depuis qu’il avait pris la décision d’aller se dénoncer à la police pour son délit de fuite, il avait depuis l’impression de voir sa vie défiler devant ses yeux sans pouvoir la mettre sur pause le temps de reprendre son souffle. Il avait peut-être retrouvé sa liberté, mais il avait perdu une partie de lui derrière les barreaux. Peut-être que ce n’était que sa tête qui lui jouait des tours, mais le seul endroit où il ne se sentait pas comme le mouton noir, c’était au travail. Là-bas, personne ne le jugeait sur son parcours inhabituel, certains de ses collègues avaient commis des crimes bien plus graves que lui et ça l’importait peu. Il se sentait compris et il préférait passer du temps avec eux plutôt qu’avec les gens de qui il était proche dans sa vie d’avant pour cette raison. Pour quelqu’un de loyal comme lui, ça n’avait rien d’anodin et ça l’affectait malgré tout même s’il n’en parlait pas. Il suivait son instinct, celui qui lui avait permis de survivre à des mois en prison (ou à se prendre plus de coups qu’il l’aurait voulu). Aujourd’hui, il faisait exception, peut-être parce que ses sentiments pour Iris n’étaient jamais réellement disparus et qu’il arrivait difficilement à lui dire non. Elle lui avait proposé de sortir pour son anniversaire et il avait dit oui sans même tenter de s’esquiver.

« Tu as fait quelque chose de spécial pour ton anniversaire? » demanda le brun en s’arrêtant devant un kiosque où une dame vendait des produits faits à la main, joignant l’utile à l’agréable de cette sortie pour peut-être trouver des cadeaux de Noël pour sa sœur jumelle ou bien Julie et Aidan. « Oh, Julie et Aidan te disent bonjour en passant. Je pense que ça leur ferait vraiment plaisir de te voir un de ces quatre. » Ils n’étaient peut-être plus ensemble depuis plus de trois ans, elle ne demeurait pas moins leur tante à leurs yeux et même la marraine de Julie. De plus, la mexicaine était à l’époque une alliée de taille pour l’adolescente lorsque Caelan et Anwar débitaient blague après blague à leur grand malheur, mais pour le plus grand plaisir du rouquin. « Vous voulez goûter? » Gourmant, le Leckie arrivait difficilement à dire non lorsqu’il y avait de la nourriture d’impliquée, surtout lorsque les effluves des mets en question lui chatouillaient les narines. Il jeta un coup d’œil vers Iris à qui il sourit à pleines dents d’un air innocent avant de s’approcher de la dame qui poussa dans sa direction plusieurs piments qu’ils utilisaient dans divers mets, mais aussi dans des sauces piquantes qu’elle vendait sur place. Caelan observa les piments, puis il tendit la main en direction de l’un de ceux qui lui semblait inoffensif. « Vous êtes certain? » Il haussa une épaule en hochant la tête. « Oui. » Pourquoi pas? Ça ne pouvait pas être si pire que ça… Prudemment, il prit une petite bouchée qu’il mâcha lentement. « Ça va! » Il engloutit le reste du piment sans se méfier, réalisant seulement trop tard que les graines se trouvaient toutes dans cette partie du piment. Soudainement, il se mit à tousser en portant son poing sa bouche. « Bordel… » Il rit, à moitié sincère, à moitié désespéré par l’incendie qui faisait rage dans son organisme. Il tenta de s’envoyer de l’air en agitant une main devant sa bouche, la langue sortie. « Ahhhhh que ça va faire mal quand ça va sortir. Je vais avoir hâte que la crème glacée passe. » Il gémit en détournant le regard à la recherche de quelque chose à boire pour se soulager. Une fontaine ferait l’affaire, peut-être même les quelques larmes qui perlaient au coin de ses yeux sous la douleur. « T’as pas envie de goûter? » demanda-t-il à son ex en pointant les autres piments qui attendaient le prochain imbécile.

A million feelings, a thousand thoughts, a hundred memories, one person.. -- @Iris Castillo

« Tu imagines bien qu’Adriana a pensé à tout et m’a organisé une journée du tonnerre pour l’occasion. Je ne peux pas me plaindre, elle m’a chouchoutée. » Considérant la proximité des deux sœurs, Caelan n’avait aucune difficulté à imaginer le genre de journée qu’avait pu organiser pour sa grande sœur la cadette des Castillo. Adriana et lui auraient probablement même été de mèche si Iris et lui étaient encore mariés aujourd’hui, mais il devait bien se rendre à l’évidence que ces surprises - parfois ratées par la faute de sa grande gueule, soyons honnêtes - étaient choses du passé en ce qui le concernait. « Je n’ai aucune difficulté à le croire. Qu’est-ce qu’elle avait organisé? » lui demanda-t-il même en sachant très bien que ça allait lui faire un pincement de savoir ce qu’il avait manqué une fois de plus à cause de la décision qu’il avait prise quelques années plus tôt, ce soir où toute sa vie avait basculée comme celle de sa victime. Après quatorze ans de relation, Iris n’était pas la seule avec qui il avait perdu contact à la suite de leur séparation, il y avait aussi la famille de la mexicaine qui était devenue la sienne tout comme ses proches à lui qui n’avaient plus eu de nouvelles d’Iris étant donné le secret qu’il lui avait imposé de garder. Le Leckie n’avait aucune idée de l’opinion que les Castillo avaient à son sujet depuis leur divorce, encore moins depuis qu’il avait décidé de se dénoncer, ce qui avait sans aucun doute dû entacher sa réputation auprès d’eux, mais ils lui manquaient malgré tout. « Tu leur rendras. Ça me ferait plaisir de les revoir aussi, peut-être que la prochaine fois on pourrait s’organiser quelque chose avec eux » La prochaine fois, ces trois mots qui furent responsable de l’esquisse de sourire qui apparut au coin de ses lèvres même si la petite voix dans sa tête lui disait de ne pas se faire d’attente pour qu’il ne soit pas déçu comme lors de son incarcération, mais c’était plus fort que lui. « C’est une bonne idée, je suis certain qu’ils seraient contents et puis ça donnera une petite pause à Norah. » Pas que ses enfants étaient difficiles à vivre, mais étant monoparentale depuis six ans maintenant, elle méritait bien d’avoir du temps pour elle de temps à autre. « Ta sœur raconte quoi de bon? »

Incapable de ne rien faire de ses mains plus de deux minutes, il ne put se retenir de goûter à un des piments du stand auquel Iris et lui venaient de s’arrêter. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’il se faisait prendre de la sorte, mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Il fallait qu’il fasse le brave, Caelan, qu’il montre qu’il était capable quitte à se ridiculiser. Il avait au moins l’avantage de ne pas avoir peur du ridicule. « A croire que tu n’as pas retenu la leçon. » Une main devant la bouche et le regard voilé, il désigna la dame qui s’occupait de ce stand de son autre main. « Comment je suis supposé me méfier? Elle a l’air inoffensive… » Comme le piment qu’il venait d’engloutir, oui. Il était pourtant bien placé pour savoir qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. « Tu te fais avoir à chaque fois. » Il ricana et il se racla longuement la gorge en se caressant la poitrine du bout des doigts. « Et toi tu ris de ma gueule à chaque fois. » La souffrance qu’il ressentait valait la peine rien que pour lui décocher un sourire. Même le haut-le-cœur qu’il eut en s’approchant juste au cas où de la poubelle la plus proche dans laquelle il cracha à l’abri des regards. « Ma bouche est en train de fondre. Comme la paire de ciseaux que j’ai oubliée sur la plaque de cuisson avant de mettre mes côtes levées au four. » Elle en était ressortie toute déformée et, heureusement, à part provoquer l’hilarité d’Iris, n’avait causé aucun dégât dans le four. « Tiens, bois ça, estupido » Une main posée sur le bord de la poubelle, il attrapa le verre de lait que lui tendait son ex et il le but d’une traite avant d’expirer de soulagement. « Merci. Gracias. » ajouta-t-il à l’intention de la dame qui riait en secouant négativement sa tête, probablement découragée de le voir aller. Pourquoi était-il le seul à se mouiller? Iris n’avait-elle pas envie d’y goûter elle aussi? « Non, merci. Tu cherchais à m’impressionner, encore une fois ? » Il leva les yeux au ciel en souriant légèrement. « C’est encore nécessaire que j’essaie? » demanda-t-il sur le même ton plaisantin qu’elle lui avait posé la question avant de reprendre un air plus sérieux, voire même triste, en posant son regard sur elle, aussitôt ramené à la réalité, celle où ils ont pris des chemins différents. « Ou tu voulais qu’on se lance encore dans un concours de celui qui arrive le mieux à supporter une dégustation de piment ? » Il tenta de chasser les pensées qui lui torturaient l’esprit. « Un jour je vais gagner, je le sais. » Son esprit de compétition reprenait le dessus, ou était-ce son côté mauvais perdant? « Regarde. Je suis sûre qu’on est meilleur qu’eux » Il suivit du regard ce que son ex lui montra, souriant en observant ces enfants s’amuser avec innocence en frappant cette immense piñata. Les lèvres pincées, Caelan hocha lentement la tête avant de donner un petit coup de coude à son ex. « Si tu ne me frappes pas cette fois, on a peut-être des chances. » Nostalgique, il lui adressa un sourire attendri avant de se diriger vers l’autre stand où, cette fois-ci, ce ne serait pas lui qui se ridiculiserait. Il attrapa le bâton qu’il tendit sans plus attendre à la jeune femme avant de se placer derrière elle pour lui bander les yeux après avoir soigneusement dégagé son visage de quelques mèches du bout des doigts. « À toi l’honneur. » Après l’avoir placé devant la piñata (ou du moins c’est ce qu’il prétendait), il lâcha ses épaules. Place au spectacle.