Depuis, près de dix minutes, je ne cesse de faire glisser mon index sur l’écran de mon téléphone, dans l’espoir fou de voir une notification apparaître soudainement. Les minutes défilent sans qu’aucune activité ne se manifeste ce qui a le don de venir nourrir l’inquiétude et, dans le fond, la colère qui m’anime depuis plusieurs jours. Loin d’être complètement accroc à la technologie, je ne suis jamais la plus rapide pour répondre à un message texte, mais le silence de Megan perdure depuis des semaines désormais et je ne sais plus comment l’interpréter. Je sais à quel point elle peut être occupée parfois, j’ai conscience que l’on n’a jamais été à s’appeler tous les jours, mais la longueur de ce silence radio n’a rien de normal et vient me créer une véritable angoisse. Soudainement, j’ai la sensation de me retrouver à la place de mes proches lorsque du jour au lendemain, j’ai cessé de leur répondre parce que Lawrence en avait décidé ainsi. Je ne souhaite à personne de vivre dans cette attente, d’avoir cette petite angoisse qui vient réveiller les pires scénarios à se demander s’il n’est pas arrivé quelque chose de grave. Et les minutes s’écoulent sans que mon centième message de la semaine ne reçoive la moindre réponse. Une lettre morte qui vient tirer sur toutes les sonnettes d’alarme. Malgré tout mes efforts de ne pas rendre cela personnel, je ne cesse de me demander si elle n’en a pas simplement eu marre de devoir gérer mes angoisses et tous les problèmes que j’ai ramené dans sa vie depuis mon retour. « Réponds-moi Megan. » Mais mon téléphone n’émet aucun son et aucune notification ne vient éclairer l’écran qu’importe le nombre de fois où je viens vérifier si par miracle, je n’avais pas loupé un signe de sa part.

Et cette attente interminable a eu raison de ma patience.

Je n’ai réfléchi à rien en montant dans le premier taxi donnant l’adresse de mon amie. Tout ce que je voulais, c’est aller voir par moi-même, parce que si je n’obtiens aucune réponse, c’est forcément qu’il est en train de se passer quelque chose et j’ai besoin d’en avoir le cœur net. C’est un peu tremblant que je m’engouffre dans l’ascenseur qui mène à l’étage de l’appartement et c’est pourtant avec force que je frappe sur le panneau de bois entrecoupant mes coups par des appuis répétés sur la sonnette. Mon raffut à visiblement réveiller Bowie qui s’exprime de l’autre côté de la porte et donne au moins l’impression que quelqu’un est à la maison. J’allais frapper à nouveau lorsque j’entends le bruit du verrou que l’on tourne dans la serrure et la porte qui commence à s’entrouvrir. Sans savoir pourquoi, j’étais persuadée que j’allais me retrouver nez à nez avec un Damon attristé de m’apprendre que Megan n’était pas là ou je ne sais quoi. Ce n’est pas le mari de la blonde qui m’ouvre, mais bel et bien la demoiselle en question. « Oh donc t’es pas morte ! » Mes mots sont crachés sur un ton qui me surprends moi-même, emplis d’une colère que je ne saurais réellement expliquer. « Ravie de l’apprendre ! » Et alors que j’allais me lancer dans un monologue assassin, j’entends une notification de téléphone qui provient sûrement de la poche de sa veste. « Et ton téléphone fonctionne encore, mais c’est merveilleux ! » Je devrais être attristé, mais c’est une rage nouvelle qui s’empare de moi, me poussant à entrer dans l’appartement sans même y avoir été invité. « Trois semaines que j’essaye de te joindre Megan !! » Son silence me paraît tellement surréaliste que je bégaye sur mes mots, sans trop savoir par où commencer. « J’ai crue qu’il t’était arrivé quelque chose, la moindre des choses, c’est de répondre ! » J’ai conscience que ma remarque pue l’hypocrisie quand j’ai été la première à lui faire ce coup-là, mais je n’arrive pas à comprendre et dans le fond, je suis tout de même rassuré de la voir en chair et en os sous mes yeux. Je suis tellement énervée que je ne prenne même pas le temps de lui demander ce qu’il a bien pu se passer pour qu’elle soit aussi silencieuse, je continue à m’agiter dans tous les sens en marmonnant l’inquiétude que j’avais pu ressentir.

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Même les aboiements de Bowie parviennent à peine à me tirer de ma léthargie. Il faut que l’animal s’agite au pied de la porte d’entrée - oh pas pour me défendre d’un éventuel agresseur, certainement plus pour recevoir des caresses - pour que je me décide à mettre en pause l’épisode de Friends qui passait à la télévision sans que je l’écoute réellement et que je me lève du canapé.

Je vais mieux, c’est promis. A mon rythme certes, mais la vie reprend doucement son cours. Simplement, pour l’instant, je ne veux voir personne et me complais dans des journées vides de sens. Je n’ai plus de boulot fixe et puisque j’ai fait la morte ces trois dernières semaines, plus non plus de soirées ou autre événement social en prévision. Je peux donc passer mes journées enfermées dans l’appartement, réapprenant petit à petit à m’occuper de moi. Depuis le début de la semaine, je cuisine même à nouveau. Le tout a certes commencé comme une frénésie malsaine - le congélateur est rempli de plats que j’ai préparé les premiers jours pour m’occuper les mains et l’esprit - mais petit à petit, tout rentre dans l’ordre. La preuve en est, ce matin, je me suis douchée, j’ai enfilé autre chose qu’un jogging et j’ai même pris un petit-déjeuner.


Qui peut bien frapper à la porte avec autant d’insistance. Il va sans dire que je n’attends personne et Damon ne rentrera pas du boulot avec la fin de journée. S’il s’agit de démarchage, la personne de l’autre côté de la porte va passer un mauvais quart d’heure, puisque son obstination ainsi que le concert d’aboiements de Bowie me force à me diriger vers l’entrée, à déverrouiller les verrous et à ouvrir la porte en grand, prête à en découdre. Ma volonté et mon agressivité retombent comme un soufflé lorsque mes yeux se posent sur la petite blonde venue troubler ma tranquillité. Ses yeux à elle, en revanche, lancent des éclairs. « Oh donc t’es pas morte ! Ravie de l’apprendre ! » Devant son sarcasme et malgré tout mon amour pour elle, je lève les yeux au ciel. Je n’ai pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir ce que Shiloh me reproche : je ne réponds plus à ses appels et messages depuis la mort de ma mère. J’avais besoin de temps, et ce dernier a filé à une vitesse folle sans que je ne m’en rende compte. « Et ton téléphone fonctionne encore, mais c’est merveilleux ! » - « Epargne moi les leçons de morale s’il te plait. » C’est petit, mais je crève d’envie de lui rappeler qu’elle a joué la morte non pas pendant quelques semaines, mais plusieurs mois, quand elle était sous l’emprise de Lawrence.

La jeune femme qui entre dans mon appartement ressemble bien plus à une furie qu’à la douce Shiloh. Je lui ai fait peur, il n’y a pas besoin d’être un génie de la psychologie pour s’en rendre compte, mais mon attitude n’avait rien à voir avec elle. « Trois semaines que j’essaye de te joindre Megan ! » - « Essaie cinq mois, et on en reparlera. » Cinq mois. Le temps que je suis restée sans nouvelle lorsqu’elle était à Sydney et en couple avec la merde qui lui servait de petit ami. Ma remarque est injuste et, si j’ai toujours été piquante, je ne le suis pas avec elle en temps normal. Je n’aime juste pas le fait de me sentir agressée chez moi, et je n’ai plus une once de patience en moi, depuis la mort de ma mère. « J’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose, la moindre des choses, c’est de répondre ! » Sa dernière phrase trahit moins la colère que la détresse, et cela suffit à désamorcer mon agacement. Mes épaules roulent en arrière et retombent. Je pousse un soupir, avant de frotter mes yeux d’une main et de me laisser tomber sur l’un des tabourets qui entoure l'îlot central. « Ça n'avait rien à voir avec toi Shiloh. » Je secoue la tête avant d’ajouter. « Je suis désolée, okay ? Mais j’ai besoin de temps. » Un laps de temps pendant lequel je n’avais pas prévu d’avoir à m’expliquer auprès de celle qui est et restera ma meilleure amie. « Tu vas te sentir super mal quand je vais te dire pourquoi je t’ai pas répondu. Mais c’est pas le but. » Je n’ai pas l’intention de lui partager les récents événements pour la pousser à la culpabilité ou la pitié. Mais elle le mérite, je lui aurais tout raconté plus tard, lorsque j’aurais été prête, mais je l’aurais fait. Il n’a jamais été question de la tenir éloignée de ma vie. « Ma mère est morte. Elle a fait une overdose. » Et moi, j’ai besoin de temps, elle peut le comprendre, non ?

Dans le fond, je n’ai aucune idée de ce que j’attendais en venant tambouriner à la porte de Megan. Je voulais juste un signe de sa part, sans jamais réellement l’espérer, comme si mon inconscient avait quelque part déjà enregistré l’idée qu’elle est pu complètement disparaître de ma vie sans faire le moindre bruit. Je m’étais préparé au silence, à un accueil peu aimable de la part de son mari et encore tout un tas de scénarios en tout genre, sans jamais réellement mettre en première position celui où c’est tout simplement Megan qui finirait par m’ouvrir la porte de chez elle. « Épargne-moi les leçons de morale s’il te plaît. » Haussant un sourcil, je cherche à passer outre l’évident rappel de mes propres actions passées. « Non. » La réplique est vaine, pas réellement prononcer avec ardeur, mais tout ce que je voudrais qu’elle entende, c’est que je m’inquiète sincèrement de son silence. Ce n’est pas dans ses habitudes de m’ignorer ainsi et de la voir visiblement en forme ne cesse de m’apporter un trop-plein de questions que je me retiens de lui poser de manière trop précipitée. Mais Megan a toujours été plus forte que moi au jeu de la répartie. « Essaie cinq mois, et on en reparlera. » Elle est énervée et je ne devrais pas m’arrêter à cela, mais le coup bas me heurte plus que de raison. Le reproche frappe dans le mille et jamais elle ne s’était permise de faire une telle remarque. « Alors c’est ça ? Tu cherches à te venger ?! » J’aurais pu comprendre à mon retour, mais après autant de temps et avec tout ce que je lui ai raconté ? Elle savait que cela n’était en rien de ma propre volonté, que j’aurais mille fois préféré garder contact avec elle plutôt que de me laisser avoir par mes propres sentiments. Tout ce que je voudrais qu’elle comprenne, c’est que je me suis réellement inquiété pour elle, mais je me prépare également à une quelconque joute verbale celle que Megan maîtrise à la perfection, en particulier lorsqu’elle paraît en colère comme cela.

Elle s’attend peut-être à ce que je fasse demi-tour que, comme trop souvent, je refuse d’aller à l’avant du conflit. Je n’ai clairement pas envie de me battre contre elle et si Megan persiste à me faire comprendre que ma présence n’est pas la bienvenue, je finirais par m’en aller. En attendant, je reste camper face à la blonde sans jamais baisser le regard. On a été séparé pendant un long moment, il est vrai, mais je sais encore lire les signes et il y a clairement quelque chose qui ne va pas. « Ça n'avait rien à voir avec toi Shiloh. » C’est comme si elle avait su lire dans mes pensées et je m’en veux qu’elle peut m’imaginer égoïste à ce point. Dans le fond, je me doutais bien que cela n’avait pas grand-chose à voir avec ma personne, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser tout de même un peu. « Je suis désolée, okay ? Mais j’ai besoin de temps. » - « D’accord. » Je n’ai pas l’intention d’insister, pas quand elle présente les choses ainsi. Je suis loin d’être rassurée, mais je sais que lui forcer la main n’amènera rien de bon. « Tu vas te sentir super mal quand je vais te dire pourquoi je t’ai pas répondu. Mais c’est pas le but. » Même si je suis arrivée plus énervée que jamais, j’ai parfaitement conscience que ce n’était pas le but de mon ami que de me faire me sentir mal. « Dis-moi Megan, je suis là pour toi… » Je ne voudrais pas qu’elle l’oubli, je sais que j’ai bien plus eu besoin d’elle que l’inverse, mais il ne faut pas que cette relation soit basée sur un sens unique. « Ma mère est morte. Elle a fait une overdose. » - « Oh… » Une fois encore, je crois que je m’étais préparé à toutes les éventualités, sans jamais considérer celle-ci. Un instant, je reste figée sur place, incapable de savoir comment réagir. La relation de Megan avec sa mère a toujours été… Particulière. Pourtant, Megan vient de perdre sa maman, qu’importent les ressentiments et tout ce qui avait bien pu se dérouler par le passé. Un instant, je m’apprête à la prendre dans mes bras, pour la réconforter, pour lui rappeler ma présence, mais je me souviens de ses paroles et m’arrête à quelques centimètres de mon amie pour mieux laisser ma main glisser vers la sienne. Je serre ses doigts entre les miens. « Je suis désolée. » C’est bateau, les paroles les plus clichées qui soit, et pourtant ces mots-là sont emplie d’une sincérité sans faille. « Si tu préfères que je m’en aille, je peux y aller. » que je souffle tout doucement, sans brusquer les choses comme j’ai pu le faire quelques minutes auparavant. « Sinon je suis là pour toi. Qu’importe ce dont tu as besoin. » Une fois encore, je serre sa main dans la mienne, pour lui rappeler ma présence et essayer de lui transmettre toute mon affection sans m’étaler dans les émotions. Je doute réellement qu’elle ait envie de parler de Bonnie, mais les mots me brûlent les lèvres. « Tu veux en parler ? »

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« Alors c’est ça ? Tu cherches à te venger ?! » Shiloh comprend tout de travers, et moi je secoue la tête en poussant un soupir, mes mains agrippées à la porte d’entrée qui me sert d’appui, un appui dont j’ai besoin pour rester debout plus de quelques minutes dans la situation présente. Je n’aime pas avoir l’impression que la discussion est en fait mon procès, alors les mots m’échappent et je suis cruelle envers Shiloh, mais aucune partie de mon être n’a envie de lui faire du mal. Shiloh est l’une des personnes à laquelle je tiens le plus au monde. Pour elle, je serais prête à tuer quelqu’un, creuser une tombe en plein désert pour cacher un corps et j’en passe. Mais je ne pouvais pas l’avoir à mes côtés pendant ma période de deuil, pour une raison simple et inavouable : j’étais à peine assez forte pour gérer mes états d’âmes à moi. Je ne voulais pas du poids de la tristesse de mon amie, parce qu’elle le sera dès qu’elle apprendra ce qu’il est arrivé, c’est sa nature profonde : elle est bonne, empathique et sensible. « Dis pas des conneries. C’est mon genre peut-être ? » A vrai dire, oui, mais pas avec elle. Jamais avec elle. Le reste du monde a peut-être le droit aux aspects les plus vengeurs, les plus perfides de ma personnalité, mais pas Shiloh, elle a toujours eu un statut privilégié.

« Dis-moi Megan, je suis là pour toi… » Le problème, ça n’a jamais été que j’en doute. Le problème, c’est que mes sentiments sont déjà bien assez à gérer pour moi qui ai l’habitude d’encaisser et de ne rien dire, absorbant mes émotions jusqu’à ce qu’elles finissent par déborder. Mais elle est là, et si je ne lui dis rien, elle va se faire des centaines de films, à présent. Alors je déballe la vérité, l’entière vérité. Elle connaît l’histoire de ma mère et ses travers. Je n’ai pas besoin de prétendre qu’elle a eu un accident de la route ou qu’elle a fait un infarctus, en nous prenant par surprise. La vérité est laide : ma mère s’est certainement étouffée dans son vomi. Heureusement, elle avait été “nettoyée”, quand j’ai dû aller la reconnaître. « Oh… Je suis désolée. » Je m’y attendais à ça. Mais pas à ce que Shiloh fasse un pas dans sa direction et arrête finalement son geste, considérant mes besoins et mes sentiments plutôt que d’écouter son envie irrépressible de me prendre dans les bras. Plutôt qu’une effusion d’empathie, elle se contente d’attraper mes doigts et de les serrer entre les siens, et je lui en suis reconnaissante au point de devoir chasser quelques larmes qui menaçaient de couler. « Si tu préfères que je m’en aille, je peux y aller. Sinon je suis là pour toi. Qu’importe ce dont tu as besoin. » - « Ne dit pas de bêtise. Damon est pas là, entre. » Damon qui, je le sais, fait tout ce qui est en son pouvoir pour être le plus possible auprès de moi depuis la nouvelle mais qui ne peut pas complètement être aux abonnés absents chez MHI. « Bowie, au pied. » Le jeune chien, complètement excité d’accueillir une nouvelle personne à l’intérieur de l’appartement - une personne de plus pour remplir son besoin d’attention et de caresses - s’approche déjà en remuant la queue, prêt à lui sauter dessus. Je m’efface pour laisser la blonde entrer, refermer la porte derrière elle et, mal à l’aise, je joins mes mains fermées. « Tu veux en parler ? » - « Y’a pas grand chose à dire. Ça lui pendait au nez. » Ce n’est pas moins douloureux parce que je savais que cela finirait par arriver. Me retrouver seule n’est pas moins douloureux. « Je l’ai enterrée, j’ai vidé et rendu l’appartement. » Il n’y avait pas grand-chose à l’intérieur mais, sans le secours de Jo, envoyée par Damon - jamais je n’aurais demandé de de l’aide - je me serais effondrée avant d’y être parvenue. « Et voilà. C’est comme si elle avait pas existé. » Cela pourrait paraître insensible, mais la douleur est présente et perceptible dans ma voix. Plus encore que la mort de ma mère, je souffre du fait qu’elle ait succombé dans l’ignorance la plus parfaite. « C’était y’a trois semaines. Mais tu le sais déjà. » Puisqu'elle a elle-même souligné parmi ses reproches.

Après des semaines de silence, Megan venait de me balancer sa vérité sans prendre de gants, me jetant à la figure mes reproches et faisant naître un véritable sentiment de culpabilité. J’avais débarqué avec mes gros sabots, prête à lui rappeler que l’on s’était juré d’être toujours présente l’une pour l’autre, quand j’avais été la première à ne pas respecter ma part du contrat. Sans jamais virer dans la méchanceté, Megan a tout de même pris le temps de me rappeler cela, avant d’exposer son point de vue sur les trois dernières semaines, ramenant à vif sa propre blessure. Mon instinct premier à l’attente de la raison qu’il l’avait tenu éloigné était de m’approcher pour la prendre dans mes bras. C’est ce que je fais habituellement, une étreinte en signe de paix, pour apaiser les douleurs, il s’agit de la seule technique que je connaisse et celle que je maîtrise probablement le mieux. Ce n’est clairement pas celle qui pourra fonctionner avec Megan, pas dans cette situation, et même si cela me coûte de laisser une distance entre nous, je me contente simplement d’attraper sa main entre la mienne. Rappel silencieux de la promesse que l’on s’était faite à mon retour, toujours être présente pour l’autre.

« Ne dit pas de bêtise. Damon est pas là, entre. » Est-ce qu’il avait été là pendant ces trois semaines malgré tout ? Où est-ce que Megan a voulu garder son masque de femme forte même devant son époux ? Un millier de questions me trottent dans la tête, mais je n’ai pas le temps de les formuler que Bowie vient se frotter à moi en s’agitant dans tous les sens. « Bowie, au pied. » Le jeune chien tourna la tête vers sa maîtresse avant de tout de même revenir à la charge dans ma direction ce qui m’arracha un sourire. « C’est rien. » que j’assure auprès de Megan avant d’abaisser lentement ma main vers la truffe humide de l’animal. « Bonjour Bowie, je t’ai pas oublié ! » Je viens lui gratter les oreilles pour satisfaire son besoin d’attention avant de reporter toute mon attention vers Megan. Elle se fait discrète, restant près de la porte avant de se faufiler un peu plus loin dans l’appartement sans jamais réellement croiser mon regard. Lorsqu’elle finit par le faire, je réalise à quel point elle paraît fatiguée. J’ai toujours vu Megan comme une fille solaire, elle mettait un point d’honneur à ne jamais laisser les autres entrevoir la moindre de ses émotions, mais aujourd’hui, c’est comme si le masque, c’était quelque peu fissuré. « Y’a pas grand chose à dire. Ça lui pendait au nez. » Le constat est douloureux quand bien même il n’en reste pas moins véridique. Je n’ai jamais réellement connu Bonnie, elle était la mère de ma meilleure copine, mais celle que l’on ne voyait jamais vraiment dans les parages. « Je l’ai enterrée, j’ai vidé et rendu l’appartement. Et voilà. C’est comme si elle avait pas existé. » Elle a tiré un trait sur cette partie de sa vie. Je voudrais croire que cela a été aussi facile pour elle, mais j’en doute de plus en plus à mesure que ses mots semblent vouloir combler tous les silences pour mieux m’empêcher de m’approcher d’un peu trop prêt de la vérité. J’ai toujours connu les problèmes que Megan avait rencontrés avec sa génitrice, mais est-ce qu’elle ne restait pas sa mère malgré tout ? « C’était y’a trois semaines. Mais tu le sais déjà. » Je hoche doucement la tête avant d’annoncer tout doucement. « Excuse-moi de m’être emporté comme cela. » Je ne suis plus vraiment fier de mon action désormais. « Je m’inquiétais vraiment pour toi. » Et il faut croire que j’avais eu raison, mais Megan n’avait pas eu besoin de ma présence à ses côtés, tout du moins pas de suite. « Tu l’avais vu récemment ? » Est-ce que tu avais pu tout lui dire Megan ? Où est-ce qu’elle lui avait laissé tout un tas de regrets que mon amie allait devoir se traîner pour le reste de sa vie ?

Effrayée à l’idée de dire une bêtise qui la ferait se renfermer comme une huître, je prends un instant pour observer mon amie. Il est rare de voir Megan ainsi et tout ce que je souhaite, c’est lui offrir un peu de soutien, qu’importe la forme que pourrait prendre ce dernier. « Je me doute que ce doit être beaucoup d’émotions contradictoires tout ça et que leur donner un sens maintenant, ce serait trop rapide. » Autrement dit, je ne la forcerais pas à vider son sac si elle ne sait pas comment se dépêtrer de tout cela. « Mais si ça te dérange pas, j’aimerais rester avec un toi un petit moment. » Je lui offre un doux sourire sans jamais me rapprocher plus. « Si tu as besoin de vider ton sac, je peux écouter sans rien dire ou on peut parler de Bonnie. » Parce que malgré tout, je connaissais un peu sa mère et il y avait quelques souvenirs pas si mauvais parfois dans le lot. « Ou alors, je peux faire tes cheveux. » Comme on avait l’habitude de le faire avant. « Et te raconter comment j’ai failli tomber sur Trent au lit avec sa petite amie. » On passera sous silence les émotions contradictoires que cela a éveillées chez moi. L’important aujourd’hui reste Megan, qu’importe ce qu’elle décide après toutes mes propositions.

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Megan Williams & @Shiloh Atkins

«  Bonjour Bowie, je t’ai pas oublié ! » Le chien, adopté pour faire office de chien de garde, nous prouve une fois de plus qu’il n’a pas les compétences requises en se frottant contre les jambes de la moindre personne qui se présente à la porte. Certes, Shiloh n’est pas une inconnue. C’est loin d’être la première fois que le canidé reçoit des caresses de la blonde. Mais le résultat est le même quel que soit l’identité du visiteur : je suis sûr que si Saül se pointait à nouveau pour m’agresser, Bowie lui montrerait son ventre pour recevoir des gratouilles.

« Excuse-moi de m’être emporté comme cela. » Je lui adresse un signe de la main qui signifie que ce n’est pas grave, même déjà oublié. Je sais que Shiloh ne pensait pas à mal. Je sais qu’elle s’est laissée porter par ses sentiments, et je la connais assez pour également savoir qu’elle devait avoir envie d’exploser en larmes autant que de me crier dessus. « Je m’inquiétais vraiment pour toi. » - « Je sais Shiloh. C’est pas grave. » Je suis capable d’en vouloir à Shiloh, mais il faut pour ça qu’elle soit allée bien plus loin que ça. Ce n’est pas pour ce genre de connerie, parce qu’elle est simplement sortie de ses gonds parce qu’elle avait peur - que je vais lui faire la guerre plus longtemps. Notre relation remonte bien trop pour que des choses si futiles ne soient pas digérées en quelques secondes à peine, de mon côté en tout cas. « Tu l’avais vue récemment ? » Je hausse les épaules, ne sachant pas trop ce qu’elle met en temporalité derrière le mot récemment.. « Y’a trois semaines, pour lui filer son chèque. » Et lors de notre seule rencontre mensuelle, réglée comme une horloge depuis presque cinq ans. Shiloh sait tout ce qu’il y a à savoir de notre relation : tous les mois, je rendais visite à ma mère pour entretenir l’illusion d’une relation parentale, d’appartenance à une famille, et pour lui donner un chèque, de quoi subsister à ses besoins. Si au départ j’avais peur qu’elle dépense son argent dans ces merdes qu’elle s’enfilait à longueur de temps, j’ai fini par lâcher prise. Elle le faisait certainement, et tant pis, ou en tout cas, c’est ce dont je tentais de me convaincre. « Elle a rien dit de particulier et elle m’a pas semblé dans un état pire que d’habitude. Elle était fidèle à elle-même quoi. » Je donne l’illusion de parvenir à rester de marbre. Shiloh sait que je suis loin d’être insensible à tout ça. Que les yeux brillants de ma mère m’ont toujours serré le cœur, et que ses supplications me l’ont toujours poignardé. Mais je ne peux pas le montrer. Je ne peux pas m’effondrer à cause de Billie, sans quoi je passerai mes journées à ça.

« Je me doute que ce doit être beaucoup d’émotions contradictoires tout ça et que leur donner un sens maintenant, ce serait trop rapide. » Je secoue la tête. J’ai pas envie d’en parler, Shiloh. Voilà ce que ça veut dire. Voilà aussi pourquoi, pour l’instant, je n’avais pas pris contact avec ma meilleure amie, consciente que cela impliquerait des discussions où je devrais vider ce que j’ai sur le cœur alors que je n’ai aucune envie de le faire. « Mais si ça te dérange pas, j’aimerais rester avec un toi un petit moment. Si tu as besoin de vider ton sac, je peux écouter sans rien dire ou on peut parler de Billie. » Ma gorge se noue. Non, pas ça. Je ne veux pas de ça. Je n’ai rien à dire sur elle, et je n’ai rien à dire sur la façon dont je me sens. Ma mère est morte d’une overdose après une brève vie d’excès en tout genre. Il n’y a rien à dire de plus. « Ou alors, je peux faire tes cheveux. Et te raconter comment j’ai failli tomber sur Trent au lit avec sa petite amie. » Le sourire que je lui présente manque de joie et de conviction, mais il a le mérite d’exister. « Tu peux rester autant de temps que tu veux. Mais on parlera pas d’elle. » Ni elle, ni moi, c’est ma condition et celle-ci n’est pas négociable. Après plusieurs minutes à être tendue comme un ressort, je laisse un soupir m’échapper difficilement, avant de refermer les pans de mon gilet léger blanc autour de moi, et de me laisser tomber sur le canapé. « Tu peux faire mes cheveux si tu veux. Et me parler du dernier plan cul de ton incapable de colocataire. » Dans les faits, je n’ai pas grand chose contre Trent. Sauf que depuis que j’ai appris que Shiloh avait traversé une période difficile sans qu’il ne me prévienne et, pire, sans qu’il ne remarque rien ou pas grand-chose, je le considère comme un idiot incapable. « Elle était comment, sa petite amie ? » Certainement horrifiée de voir Shiloh débarquer dans la chambre, salon ou je ne sais quelle pièce dans laquelle ils avaient choisi de faire leurs petites affaires. « Qu’est ce que t’as ressenti toi ? » Lui, la petite amie en question, je m’en fous royalement. C’est Shiloh qui m’intéresse.