La standing ovation de laquelle le public de Sydney gratifie les danseurs du spectacles est amplement et totalement mérité. Si le Lac des Cygnes fait toujours son petit effet tant la féerie du spectacles est magique, je dois avouer que celle qui nous a été présenté des dernières deux heures était incroyable. Tout était parfait, tout était beau, les danseurs et les danseuses étaient talentueux et respectaient à la lettre le rôle pour lequel ils ont été choisi. Un danseur en particulier m'a le plus touché. D'après le prospectus fourni à l'entrée, il s'agirait d'Abel Greetham. Vu la courte biographie annotée à côté de sa photo, je dois avouer que le palmarès du danseur est époustouflant.

Cela aurait pu s'arrêter là, à un certain fantasme naissant, si je n'avais pas décidé, au dernier moment, d'aller à la réception dont l'invitation était incluse avec le prix du billet. Arrivé sur place, j'accepte volontiers la coupe de champagne qui nous est offerte à l'entrée et m'avance dans la salle. Observant les alentours et les personnes présentes, mon regard fini par s'attarder sur un blond en particulier et je m'immobilise lorsque je croise son regard cobalt : devant moi, à quelques mètre, se trouve le danseur dont la réputation n'est plus à refaire ! Sans trop savoir pourquoi, mon cœur s'accélère subitement. D'ordinaire j'ai le contact très facile et je n'ai aucun mal à aller vers les autres, mais là j'ai l'impression d'être une adolescente qui se trouve face à son crush et qui pense qu'il est absolument au courant de tout ce qui se passe dans sa tête.

Je détourne un instant le regard, juste le temps de finir ma coupe comme si l'alcool allait me donner du courage puis, dans un soupire, je reporte mon attention sur le danseur et m'avance vers lui.  « Bonsoir » l'interpellais-je poliment en lui offrant un sourire  « Loin de moi l'envie de vous déranger, mais je tenais à vous féliciter sincèrement pour votre performance sur scène tout à l'heure » dis-je en hochant la tête  «Vous étiez ...mais incroyable ! Même si vous n'étiez pas le danseur principal, j'ai réellement été subjugué par votre prestance et votre beauté » intérieurement, je grimace un peu après mes paroles. Ne font-ils pas un peu trop ...gay ? En sois, un homme peut trouver un autre homme beau sans qu'il y ait une quelconque marque d'homosexualité, mais est-ce que ça se dit réellement ? J'avoue que, pour le coup, je me surprends moi-même à me poser autant de questions alors que le principal est qu'Abel a fait une performance de dingue. C'est tout ce qu'il faut retenir en vrai.

Le jeune danseur accepte sans retenue le fait que je l'aborde pour le féliciter de sa performance et le sourire qu'il m'offre me réchauffe de l'intérieur tant il me semble angélique. Il a une prestance de dingue, autant sur scène qu'ici, avec un verre en main. Ses cheveux encore un peu humide, montrant qu'il a pris une douche il n'y a pas si longtemps que ça, lui donne cet air abordable et adorable. J'arque un sourcil et hoche la tête, montrant bien à quel point je suis impressionné par sa performance et par ce qu'il me décrit, alors qu'il m'explique que cette représentation est une première à domicile et surtout avec une compagnie qui le fait rêver depuis de nombreuses années déjà « Eh bien… Félicitations !» Annonçais-je presque solennellement « Vous avez dansé où avant ? Parce que ça se voit que vous avez de l'expérience et que ce n'est clairement pas la première représentation de votre vie !» expliquais-je en laissant échapper un rire amusé.

Vu comment il était sur scène et combien il semblait être à l'aise, il est évident qu'il est un professionnel depuis plusieurs années. Ou alors il a juste un putain de talent et assurance naturelle. Ou peut-être est-ce un joli mélange des deux ? Dans tous les cas, ça force le respect surtout pour quelqu'un comme moi qui apprécie sincèrement les belles choses.

« Thomas» finissais-je par me présenter lorsqu'il me le demande, m'avançant pour lui tendre la main « Vous avec d'autres représentations de prévu ? Genre… Est-ce que vous pensez venir à Brisbane un jour ? Parce que c'est là que j'habite et j'aurais vraiment envie de vous revoir sur scène » je souris et hausse les épaules « Mais si vous restez seulement à Sydney, ma foi, je trouverais bien un moyen de revenir vous voir ici, dans l'opéra » je souffle avec amusement alors que je commence déjà a réfléchir au meilleur moyen de lui demander d'accepter un verre de ma part.

J'arque un sourcil, impressionné, lorsque le danseur m'avoue avoir été de passage à l'opéra de Paris. « C'était à quel moment ? On aurait presque pu se croiser plus tôt ! » Lançais-je, sourire éternel sur les lèvres « En tant que marin, j'ai été basé pendant quelques mois à Brest en 2007, en Bretagne. Mais j'ai passé plusieurs week-end à Paris et je suis à chaque fois allé voir un spectacle à l'opéra. Il est incroyable cet endroit et dégage quelque chose de magique» expliquais-je rapidement « Et tous les spectacles étaient merveilleux »

Apprendre tout cela du jeune homme renforce davantage encore ma curiosité et mon respect à son égard et me confirme qu'il doit avoir un sacré don pour avoir réussi à monter à un tel niveau de danse. Ainsi, n'ayant clairement pas envie que ce soit le seul spectacle que je vois avec lui, je lui demande clairement si sa compagnie et lui comptent passer par Brisbane un jour. Malheureusement, la réponse est non et j'avoue que je ne peux retenir une petite grimace de déception, avant que mon visage ne s'éclaircisse à nouveau lorsqu'il m'avoue être, lui-même, originaire de Brisbane et qu'il compte bien y passer de façon personnelle.

Puis, avant même que je ne puisse dire quoi que ce soit, il s'approche de moi, réduisant à néant la distance que nous nous étions imposé et murmure à mon oreille qu'il a bien l'impression que je n'ai pas envie de le revoir seulement sur scène. Un long frisson descend le long de mon échine alors que mon cœur s'emballe et que mon souffle se coupe. Est-ce que je suis tellement peu discret quand je parle ? Où est-il juste hyper réceptif aux signaux que je peux envoyer ?

Je déglutis un peu alors qu'un léger sourire vient étirer mes lèvres « Tu as absolument raison » soufflais-je observant, du coin de l’œil, les lèvres d'Abel qui sont très proches de ma joue « On n'irait pas boire un coup autre part ?» Reprenais-je en me reculant pour faire à nouveau face au danseur « Je connais un bar un peu plus… intimiste, que ce genre de grosse réception »

Savoir que j’aurais pu croiser cet homme déjà bien des années avant, ne me laisse pas indifférent et me rappelle mes week-end parisiens que j’ai vraiment adoré. Lorsqu’il m’annonce avoir été nommé Etoile de l’opéra, j’arque un sourcil appréciateur et siffle entre mes lèvres « Ah ouais ! ça ne m’étonne pas, je dois avouer, vu ton niveau » souriais-je, n’ayant jamais été avare de compliments lorsqu’il s’agit de reconnaître le talent des uns et des autres à leur juste valeur. « J’ai quitté Paris en novembre 2007 » expliquais-je « Mais je ne crois pas t’avoir vu sur scène. Je m’en serais rappelé ! » car il a un visage et une prestance qui ne s’oublie clairement pas.

Le jeune danseur fini par réduire la distance qui nous sépare et, avançant son visage vers le mien, prononce des paroles qui me font frissonner. Est-ce que cela signifie qu’il n’est pas insensible à mes signes ? En tout cas, je ne suis clairement pas insensible à son charme et décide de jouer le tout pour le tout en lui avouant que, oui, j’aimerais bien le revoir en dehors d’un spectacle avant de lui proposer de quitter cette réception. Abel ne met pas longtemps avant d’accepter, expliquant que je suis l’excuse parfaite pour partir puis me propose de l’accompagner chercher ses affaires.

« Je te suis » dis-je en hochant la tête, souriant, avant que nous ne nous mettions en route. Nous traversons la salle de réception et sortons dans le couloir qui mène vers, ce que je suppose être les loges. « ça fait longtemps que tu es de retour en Australie ?» demandais-je, curieux alors que nous nous immobilisons devant une porte. Je laisse l’étoile de la danse ouvrir cette dernière et le suis à l’intérieur.

Tandis qu’il fouille un peu la pièce pour récupérer les quelques affaires, j’entre à mon tour et referme la porte derrière moi, m’y adossant, mon regard suivant les mouvements d’Abel. Encore une fois, je me surprends à penser qu’il est fortement élégant, même en dehors de la scène me demande, l’espace d’un instant quel serait le goût de ses lèvres. Décidant toutefois d’être raisonnable et de ne pas suivre les pulsions de mon cœur, ne sachant pas forcément comme réagira le jeune homme, je me redresse simplement lorsqu’il se retourne vers moi avec son sac sur son épaule. Réaffichant mon sourire, j’ouvre la porte et fait un pas sur le côté « Après vous » dis-je, solennelle en m’inclinant légèrement en avant, désignant le couloir « Est-ce que tu connais un peu Sydney ? Ou pas du tout ? »

A quelques mois près Abel et Moi aurions pu nous avoir rencontré en 2007. Le rencontrer, donc, aujourd’hui est un sacré coup du destin et je dois avouer que je remercie ce dernier d’avoir fait croiser nos routes. Car même si nous venons de nous adresser la parole, j’ai comme la sensation que cette soirée ne pourra que magnifiquement bien se finir.  C’est donc, sans aucune hésitation, que je le suis vers les loges afin que nous allions récupérer ses affaires. En chemin j’apprends que ça ne fais pas longtemps qu’il est à Sydney ce qui m’arrange un petit peu car je pourrais lui faire découvrir quelques endroits fort sympathiques.

Toutefois, dans la loge, je suis brusquement pris par une envie de ne pas attendre la fin de la soirée pour découvrir ce qui se cache sous les vêtements du danseur. Mais je me ravise à temps, ne sachant pas comment il pourrait réagir et, même s’il semble pas mal réceptif à mes avances, ça ne fait même pas 20 minutes que nous discutons, lui et moi. Autant laisser durer un peu plus le plaisir !

Ainsi donc, c’est avec un sourire que je lui ouvre la porte pour indiquer la sortie tel un gentleman, rigolant doucement à son commentaire en le suivant à l’extérieur « ça tombe bien car je suis né ici donc je connais très bien les endroits qui peuvent potentiellement être intéressant » répondais-je en souriant « Mais du coup … est-ce que tu as faim ? Il y a un incroyable restaurant coréen pas loin d’ici ! » expliquais-je « Ou alors un petit bar familier à la plage qui est très fréquenter par les marins  » proposais-je « Celui-ci propose aussi quelques repas, mais c’est plutôt du fast food à base de burger et frites » j’hausse les épaules en sortant de l’opéra [colo=darkblue] « Mais l’ambiance est incroyable là-bas »[/color] je pince légèrement les lèvres « On risque de croiser mes collègue par contre, mais ça ne change rien » la plupart connaissent mon orientation sexuelle et n’ont aucun problème avec celui-ci. De toute manière ils étaient quasiment tous à mon dernier mariage.

Une chance de découvrir la ville avec moi ? Je ne suis pas tout à fait sûr. Mais je ferais, dans tous les cas, du mieux que je peux pour lui montrer. Tout en sortant de l’opéra, je lui dis de la façon la plus naturelle du monde que le bar que je propose est très fréquenté par mes collègues marins, information que le danseur a tôt fait de soulever. « Oui, on peut dire ça comme ça » répondais-je en rigolant doucement lorsqu’il me demande si je suis un navigateur aguerrie «Je suis amiral de la royal navy et mais je ne suis plus embarqué depuis que j’ai décidé de reprendre le chemin de l’école militaire pour monter en grade » je souris « Si tout va bien, d’ici l’année prochaine je serais contre-amiral et j’aurais encore plus de responsabilité » expliquais-je « Mais pour l’instant, à quelque années de la quarantaine je me retrouve à nouveau sur les banc de l’école et c’est pas ce qu’il y a de plus évident » haussais-je les épaules « ça fait tellement longtemps que je n’ai plus dis ça mais … je suis en vacances actuellement » je rigole à nouveau en secouant la tête, tant cette idée de ‘vacances’ me semble presque absurde.

Une fois à l’extérieur, j’avoue être pas mal surpris lorsque le jeune homme sort un paquet de cigarette et encore plus lorsqu’il m’en propose une « Non, merci, mais je ne fume pas » secouais-je la tête. C’est assez surprenant de se dire qu’un danseur de son niveau ait une telle tare, mais chacun ses défauts ! ça ne l’a pas empêcher d’être hyper performant. « par ici, suis-moi » dis-je en prenant le chemin du port.

Il nous faut une petite dizaine de minutes de marche jusqu’à ce que nous passions la porte du bar. Je laisse Abel passer devant puis lui emboîte le pas et nous dirige vers une table, saluant au passage le barman qui m’offre un large sourire « Beauregard ! Incroyable de te revoir ici !» lance-t-il alors que plusieurs pairs d’yeux se tournent vers nous « salut Bernie » répondais-je en m’avançant vers le cinquantenaire « Y a moyen que nous trouve une table » demandais-je doucement « Tu veux dire … virer quelques recrues pour te libérer deux places ?» reprend-t-il en lançant un coup d’œil vers Abel. « C’est comme si c’était fait » annonce-t-il avec un clin d’œil complice avant de sortir du bar. Tandis qu’il s’en va vers le fond du bar, je me tourne vers Abel et lui lance un regard entendu « ça a parfois ses avantages d’être haut placé en vrai » dis-je en m’adossant contre le comptoir « T’as déjà une envie de boisson ? Ils ont des bières qu’ils importent de Belgique ici, c’est vraiment à tester !»

C'est un rire franc qui s'échappe de mes lèvres lorsque mon compagnon de soirée me demande s'il doit m’appeler d'une certaine façon « On m'appelle Amiral Beauregard sur la base et sur les bâtiments de guerre, mais toi, je t'autorise à m’appeler Tom, tout simplement » haussais-je les épaules en lui adressant un clin d’œil complice « Et si je retourne à l'école, c'est juste exceptionnellement pour passer d'Amiral à contre-amiral… Mais bref, c'est surtout de l'administratif. Et je ne pense pas être à nouveau embarqué par la suite » haussais-je les épaules « Je ne suis même pas sûr de vouloir repartir en mer en vrai » depuis mon deuxième divorce et avec la garde partager des enfants, je n'ai plus autant de liberté que je le voudrais bien. Mais je ne suis pas sûr de vouloir l'avouer tout de suite à Abel

Nous entrons finalement dans le bar où je suis rapidement reconnu, tant je suis un habitué les lieux lorsque je suis à Sydney. Après un court échange avec Bernie, le gérant, celui-ci s'en va pour nous trouver une table et je me tourne vers le danseur en haussant les épaules « Si un jour t'as envie de tester le restaurant trois-étoiles pas loin de l'opéra, mais que tu as 3 mois d'attente, tu m'envoies un message et j'arrangerais la chose pour toi ! » Annonçais-je avec humour. Mais en vrai, ma notoriété est telle qu'elle me permet ce genre de folie. « Pour les bières, je te conseille la Chimey bleue» annonçais-je avec un accent français des plus pourris

« Si messieurs veulent bien me suivre » nous interrompt Bernie en désignant le fond de la salle. Je lance un coup d’œil vers Abel qui s'est vachement approché de moi et pose une main sur son épaule. Même si c'est un simple geste pour le pousser légèrement et lui signifier de se mettre en route, je dois avouer que ce contact a quelque chose d'électrisant. Sans plus attendre, nous suivant le cinquantenaire et nous nous installant, profitant en même temps de commander les bières avant qu'il ne s'en aille.

« J'ai trois questions pour toi, Abel» reprenais-je finalement relevant mon regard sur lui « Qu'est-ce que tu écoutes comme musique ? Quel est ton film préféré ? Et est-ce que tu as des obligations ce soir ? » traduction : est-ce que tu peux rester aussi longtemps que tu veux ou est-ce que tu es attendu à la maison ?