ghost from the past

≈ ≈ ≈
{Ghost from the past}
crédit/(tumblr:not specified) ✰ w/ @Ruben Hartfield

S’il y a bien une raison pour laquelle Dahlia ne se voyait pas finir à l’hôpital, c’est bien pour l’appendicite… Elle était avec Nicholas quand une violente douleur a traversé son flanc gauche, et si elle a juré mordicus que ça allait passé, force est de constater que deux heures plus tard, elle était dans la salle d’attente des urgences, incapable de se contenter de serrer les dents. Cinq heures plus tard, elle était prise en charge et six heures plus tard, c’est sur la table d’opération qu’on la trouvait, pour la sauver d’une péritonite qui, a quelques heures près, aurait pu être fatale. Dahlia a peine eu le temps de souffler au médecin que son dossier médical était secret (comprendre : que personne sauf elle n’était au courant de qui s’y trouvait et qu’il fallait que ça le reste) qu’elle dormait déjà sous l’anesthésie. Groggie de l’anesthésie générale, elle caresse doucement les doigts de Nicholas à son réveil, puisque lui s’est endormi sur son lit, et glisse ses doigts dans les siens pour voir si c’est comme il l’imagine. A ce moment-là, le médecin arrive et elle retire ses doigts en le réveillant doucement. Une fois rassuré sur son état, il accepte de partir, avec la promesse qu’il reviendra le lendemain, et Dahlia ne tarde pas à se rendormir.
Cela fait maintenant deux jours qu’elle est à l’hôpital, il est lundi seize heures quatre précisément, et Dahlia n’en peut déjà plus de cette chambre. Au-delà même du fait qu’elle lui rappelle tout ce qui l’attend à plus ou moins court terme, Dahlia s’emmerde terriblement. Elle a fait le tour des instagrams de personnes qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, a fini le seul livre qu’elle a pensé à réclamer, et non, vraiment, la télévision australienne, ce n’est pas sa came. Son seul réconfort réside dans le coca qu’elle tient à la main. Ce n’est pas recommandé par le corps médical - et encore heureux, quelque part - mais elle a réussi à soudoyer l’une des infirmières en promettant de faire son maximum pour obtenir une vidéo des Veronicas adressée à sa fille. Dahlia est honnête dans la manœuvre : elle a l’intention de faire tout son possible pour cela et a d’ailleurs mis un rappel sur son téléphone. Le problème est simplement qu’elle ne peut pas les contacter tant qu’elle n’est pas prête à dire “non” définitivement à ce contrat, parce qu’elle sait que c’est une réponse que les jeunes femmes ne sont pas du tout prêtes à accepter. Il suffit de voir leur réaction quand elles l’ont suggéré. Interrompue dans son fil de pensées par quelques coups sur la porte, Dahlia crie un “entre!”, persuadée que c’est son père qui vient lui rendre visite. Elle ne se gêne pas pour lâcher un rot, on ne peut moins distingué, tout le gaz du cola remontant dans son oesophage. “Oups.” dit-elle, à moitié morte de rire avant de se tourner vers… quelqu’un qui n’est absolument pas son patriarche. “Merde !” dit-elle, en se redressant ; un peu trop vite d’ailleurs, puisqu’elle grimace instantanément. “C’est un effet secondaire des anti-douleurs, j’y suis pour rien.” répond-elle, dans un sourire malicieux. Il n’y a aucun chance que Ruben, qui est sorti tout droit d’une autre vie, y croit une seconde mais peut-être aura-t-il la gentillesse de ne pas rendre la situation encore plus gênante en la soulignant. “Si j’avais su qu’il fallait être à l’hosto pour avoir de tes nouvelles…” reprend-elle, taquine, bien plus préoccupée par le fait d’avoir d’autres sujets de conversations que son manque de classe, que par le fait qu’ils se soient mutuellement ignorés suite à une dispute comme une autre, il y a plusieurs années de cela.

f r o m d u s k t i l l d a w n

ghost from the past
@dahlia meyer
(c) harley

***
De tous les noms qu’il aurait pu s’attendre à voir aujourd’hui dans la liste des patients qui avaient été admis ces dernières vingt-quatre heures aux urgences, Ruben ne s’attendait pas à voir celui de Dahlia. Des années, littéralement, que leurs chemins ne s’étaient pas croisés et qu’il n’avait pas eu de ses nouvelles; pourtant, dès l’instant où il avait compris qu’elle était au sein de l’établissent dans lequel il travaillait, il s’était penché sans attendre sur son dossier pour apprendre le motif de sa visite en ces lieux. Même si cela pouvait tourner au drame rapidement si des soins n’étaient pas prévus rapidement, il s‘avérait qu’elle n’était présente que pour une appendice capricieux. Dans un coin de son esprit, Ben nota alors la chambre dans laquelle elle était hospitalisée, et se laissa la journée pour savoir s’il allait au bout de ses idées ou non.

Il fallait croire qu’une journée complète de réflexion n’était pas dans ses plans, puisqu’il était à peine plus de seize-heures lorsqu’il avait frappé à la porte de la chambre où était Dahlia. Il avait tout de même demandé confirmation auprès de l’infirmière du service - qui avait été surprise plutôt deux fois qu’une de voir le jeune neurochirurgien dans les parages, sans trop comprendre ce qu’il pouvait faire dans son service - pour être sur de ne pas frapper à une porte qui ne le concernait en rien effectivement. « Entre! » Il avait reconnu sa voix au premier mot prononcé, sans avoir à faire le moindre effort. C’était presque un goût doux-amer qui se fit ressentir côté Hartfield, à cette pensée; il ne saurait donc se défaire de souvenirs, même dans le cas où ces derniers n’étaient pas des plus agréables à regarder dans l’ensemble. C’était surement le temps qui jouait en sa faveur, qui arrondissait les angles, qui donnait de nouvelles couleurs à certaines parties de son passé. Pour certaines personnes, cela ne fonctionnerait que trop peu et les rancoeurs avaient une accroche particulière; il fallait croire que pour Dahlia les choses pouvaient être un brin différentes, au premier abord.

Ou alors était-ce ses souvenirs qui étaient mal enregistrés, car lorsqu’il poussa la porte et qu’il fut accueilli par un joli rot de la part de la jeune femme, il fut surpris. « Oups. » Il avait un petit sourire en coin amusé accroché à ses lèvres, il devait l’avouer, car à voir l’expression qui envahit les traits de son visage à la seconde où le regard de Dahlia accrocha l visage de Ruben, elle ne s’attendait pas à le voir arriver ici aujourd’hui. « Merde ! » Promis qu’il fit le maximum d’efforts pour retenir le petit rire qui menaçait de se faire entendre. « C’est un effet secondaire des anti-douleurs, j’y suis pour rien. » Fronçant quelque peu les sourcils pour prétendre adhérer à cette idée, il referma malgré tout la porte à sa suite. « Les antidouleurs et les antispasmodiques, oui, bien sur. » Ce qui n’était pas tout à fait faux, sur l’idée de base, mais il savait surtout parfaitement que ce n’était pas le cas alors que la brune tenait une canette de Coca dans sa main et qu’elle ne s’attendait pas à le voir dans les parages. Après tout, quelle était la probabilité que leurs chemins se croisent de nouveau presque de façon hasardeuse, alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis des années ? Très basse, la réponse était.

Finalement, Ruben fit quelques pas pour se rapprocher du lit de la jeune femme, mais n’eut pas le temps de rajouter la moindre parole que ce fut cette dernière qui prit les devants. « Si j’avais su qu’il fallait être à l’hosto pour avoir de tes nouvelles… » Cette fois-ci, il osa laisser son petit rire amusé se faire entendre. « C’est là où t’as le m-plus de chance de me trouver trois-quarts du temps. Au minimum. Il existe toujours plus de chances d’avoir de mes nouvelles une fois les portes de l’hôpital passées. » Et bien sur que c’était avec une pointe de fierté dans la voix qu’il prononçait ses paroles là. Oh, l’ambition du jeune homme n’était pas étrangère à Dahlia, qui avait connu le Ruben de l’époque qui visait déjà très haut et très loin dans les études. C’était d’ailleurs, une fois devenant presque coutume par la suite, la principale raison qui avait fait que leurs chemins étaient restés étrangers pendant tant d’années par la suite. « J’aurais préféré que ce soit pas ici que t’aies de mes nouvelles, par contre. » Et parce-qu’il ne venait pas là, dans cette chambre, en tant que médecin il retira sa blouse qu’il laissa tomber sur le dossier de la chaise en plastique, avant de s’asseoir dans cette dernière. « Disons que peu sont les personnes qui viennent à l’hôpital pour de bonnes nouvelles. » Il soupira quelque peu, haussant presque un brin les épaules au passage. « Alors même si je serais ravi de te donner de mes nouvelles, je vais plutôt prendre des tiennes pour commencer ? » Ruben n’était pas venu dans cette chambre en tant que médecin, mais cela ne l’empêchait pas d’avoir toujours ce petit quelque-chose qui s’y apparentait dans ses discours et sa façon d’être, de parler; ça lui collait à la peau en permanence et il ne faisait aucun effort pour s’en débarrasser.

La relation passée que Dahlia a pu avoir avec Ruben est sans doute la meilleure façon d’illustrer ce qu’elle est devenue peu de temps après le décès de sa mère. Au-delà d’un deuil que personne ne devrait avoir à vivre à un si jeune homme, l’adolescente qu’elle était, a appris au même moment qu’elle vivait avec une épée de Damoclès sur la tête. Une peur indescriptible s’est alors immiscée en elle, changeant l’adorable et sérieuse gamine qu’elle était en un véritable ouragan. Elle n’a pas perdue ses valeurs, est restée quelqu’un que l’on pourrait qualifier de bon, mais sa vie a été transformée du tout au tout. Elle a lu sur la maladie qui la menaçait pour en apprendre plus sur le sujet, pour se rendre compte que ce n’était pas si terrible (certains vivent vieux et longtemps avec) mais tout ce que Dahlia a pu voir, c’est le négatif, elle pourtant d’ordinaire si positive. Alors, elle a décidé de tout vivre intensément, complètement et sans se poser de questions, juste au cas où sa vie ne soit pas bien longue, juste pour pouvoir se dire qu’elle en a profité jusqu’au bout. Elle s’est lancée la tête la première dans tout : les histoires d’amour comme les disputes, les ruptures comme les réconciliations, et que ce soit en amitié ou en amour, d’ailleurs. Elle a saisi chaque opportunité qui se présentait à elle, presque sans hésitation et elle peut honnêtement dire, aujourd’hui, qu’elle n’a aucun regret sur la façon dont se sont déroulées les dernières années. Dahlia a profité pleinement, c’est indéniable. Pourtant, quand le diagnostic est tombé, tout ce qu’elle a su voir, c’est le temps qu’on lui a volé, pas celui dont elle a profité.
C’est d’ailleurs ce à quoi elle réfléchit, essayant de positiver et de suivre les conseils de son médecin sur le sujet quand son fil de pensée est interrompu par quelqu’un frappant à la porte. Elle prend une seconde pour détendre son visage et s’assurer qu’aucune tension n’y apparait avant de dire à son paternel - du moins, c’est ce qu’elle s’imagine - qu’il peut entrer. Elle l’accueille on ne peut moins dignement avant de réaliser que son invité n’est absolument pas la personne qu’elle attendait. Gênée - fait assez notable puisque ce n’est pas un sentiment dont elle est coutumière, elle cherche la première excuse qui lui vient en tête et répond à Ruben d’un sourire entendu quand il fait référence à son traitement médicamenteux. “C’est le quatorzième effet secondaire sur la liste. Tu peux vérifier.” dit-elle d’un air amusé mais pas tout à fait sérieux tout de même. En tant que médecin, il connaît sans doute et sans même avoir besoin d’y réfléchir, la liste des effets secondaires principaux de chacun des médicaments qu’il est susceptible d’administrer.
Dahlia est curieuse de savoir ce qu’il vient faire dans cette chambre, même si elle se souvient de la spécialité qu’il souhaitait avoir quand ils étaient ensemble. Elle essaie de rester légère et détachée mais se demande s’il est venu la voir par rapport aux autres informations qu’il y a sur son dossier. De ce qu’elle comprend de sa maladie, il n’y a aucune opération qui puisse l’aider d’une façon ou d’une autre mais peut-être que Ruben a dû se résoudre à faire autre chose que de la chirurgie, au final ? “Je suis contente de voir que tu as atteint tes objectifs, tu as toujours tout donné pour.” Cela ne signifie pas que cela permet nécessaire de réaliser ses rêves mais quelque chose souffle à l’oreille de Dahlia que s Ruben avait eu la moindre chance d’échouer, il aurait réussi à retomber sur ses pieds et à trouver quelque chose à la hauteur de ses ambitions, même s’il aurait sans doute était déçue. Elle ne relève pas le fait qu’il y trouve tout son temps, parce que si c’est quelque chose qu’elle ne comprenait nullement à l’époque, elle a tout à fait conscience qu’elle aussi pourrait passer sa vie à bosser sur sa musique sans avoir nécessairement besoin de temps de repos. Au final, elle comprenait Ruben, même si leurs passions étaient bien différentes.
“Ah, tu me connais, j’ai toujours adoré avoir l’attention sur moi, t’en fais pas.” répond-elle, qu’à moitié ironique. Dans la vie de tous les jours, ce n’est pas nécessairement quelque chose qui l’attire, mais cela ne l’effraie pas non plus - il suffit de voir à quel point elle est extravertie pour cela. En revanche, dans le milieu professionnel, c’est exactement ce dont elle a besoin. “Une simple appendicite, ne t’inquiète pas.” précise-t-elle, même si elle doute qu’il n’ait pas jeté un oeil à son dossier avant de venir lui rendre visite. “Je vais bien, j’ai hâte de sortir.” préicse-t-elle, avant de se redresser pour s’installer en tailleur sur son lit. Elle grimace en s’installant, cela tire sur son incision et elle hésite une seconde avant de préciser : “Ecoute… on va pas faire semblant que t’as pas lu mon dossier ; je me doute bien que t’es pas de passage juste comme ça. En résumé, ça craint, la sclérose en plaques, c’est pas marrant et bien flippant mais y a pas grand chose à faire à part être suivie régulièrement… Alors je l’accepte et j’évite d’y penser au maximum, ok ?” dit-elle, cherchant à lui faire comprendre qu’elle n’a aucune envie d’en discuter. Son ton est sans doute un peu dur, mais c’est bien la première fois qu’elle en parle aussi librement avec quelqu’un qui fait partie de son entourage - en faisait partie en tout cas, et pas qu’un peu. Elle conclut, avec le plus important : “Seule mon équipe médicale est au courant et j’aimerais que ça reste comme ça.”

f r o m d u s k t i l l d a w n

ghost from the past
@dahlia meyer
(c) harley

***
« C’est le quatorzième effet secondaire sur la liste. Tu peux vérifier. » L’air amusé que portait Dahlia sur son visage poussa Ruben à en faire de même un instant supplémentaire, alors qu’il mettait déjà derrière eux cette entrée en matière que peu importante finalement. Il se mit à naviguer assez rapidement dans la chambre, s’y installant presque comme s’il était chez lui - ce qui n’était pas tout à fait faux, simplement que ce n’était pas dans son service qu’il se trouvait pour une fois. « Je suis contente de voir que tu as atteint tes objectifs, tu as toujours tout donné pour. » Cette fois-ci, le sourire qui ornait les lèvres de Hartfield se mua d’une expression amusée à une de fierté. « Merci, Dahlia. » Il en avait profité pour tirer la chaise en plastique et pour s’asseoir dans cette dernière. « Je l’avais prédit, et je pense que je t’en ai rabâché les oreilles à l’époque, que j’y arriverais. » Il disait à qui voulait bien l’entendre qu’un jour il serait neurochirurgien et que rien ni personne ne pourrait le détourner de cet objectif. Cela avait heurté quelques personnes sur le chemin - l’une d’elle se tenait dans le lit face à lui, aussi simplement que cela -, mais aux yeux de Ben remplir son objectif personnellement associé au professionnel valait tous les sacrifices qu’il aurait pu faire depuis le début du parcours.

Cependant, comme il n’était pas la personne hospitalisée aujourd’hui et qu’il avait un minimum de bienséance tout de même, avant de faire un résumé détaillé de comment il était parvenu à réaliser son grand rêve et démontrer à la jeune femme au passage qu’effectivement, il avait réussi tout ce pour quoi il se donnait déjà du mal à l’époque, il prit de ses nouvelles à elle en premier lieu; c’était le minimum. « Ah, tu me connais, j’ai toujours adoré avoir l’attention sur moi, t’en fais pas. » Il saisissait l’ironie; il savait aussi et surtout que ce n’était pas uniquement de cette dernière dans les mots de Dahlia. « Une simple appendicite, ne t’inquiète pas. Je vais bien, j’ai hâte de sortir. » Hochant quelque peu la tête, ses quelques mots résumèrent le peu qu’il avait attrapé dans son dossier lorsqu’il avait croisé son nom aux urgences. En réalité, avec ce type de procédure, c’était plutôt commun que le seul sentiment en ressortant soit de désirer rentrer au plus vite chez soi. « Tant mieux. Que ce soit pas grave, finalement. On se remet d’une appendicite. » Comme de plein d’autres choses - là n’était pas la question.

« Ecoute… » Il ne s’était passé qu’un seul instant entre les paroles du brun et celles que Dahlia se mit à prononcer plutôt rapidement à la suite. « On va pas faire semblant que t’as pas lu mon dossier ; je me doute bien que t’es pas de passage juste comme ça. En résumé, ça craint, la sclérose en plaques, c’est pas marrant et bien flippant mais y a pas grand chose à faire à part être suivie régulièrement… Alors je l’accepte et j’évite d’y penser au maximum, ok ? » A peine avait-elle prononcé le quart des mots que déjà, Ruben fronçait les sourcils. « Seule mon équipe médicale est au courant et j’aimerais que ça reste comme ça. » Le ton employé était, à défaut d’être tranchant, au moins un minimum incisif; surtout, ce dernier était sans appel et la façon dont elle précisait les choses laissait à penser qu’aucune discussion n’avait ici sa place. Ce n’était pas tant ça qui chiffonnait le brun en cet instant, en vérité: si elle ne désirait pas discuter de ses soucis de santé avec lui, il pouvait l’entendre sans trop de soucis. Certes, il était plutôt bien placé pour comprendre ce dont elle parlait, étant plutôt bien calé en neurologie et pathologies associés. Mais le problème ne résidait pas là: Ruben ne savait absolument pas de quoi elle parlait. « D’accord. » Fronçant toujours les sourcils, il décolla son dos de la chaise dans laquelle il s’était installé à peine arrivé dans la chambre, afin de désormais s’appuyer sur ses cuisses à l’aide de ses coudes. « On va prétendre pendant un instant que j’ai vraiment pas lu ton dossier. » Parce-que c’était le cas, en réalité: il s’était contenté d’attraper les informations qui étaient reliées à l’hospitalisation actuelle, et avait fait fi du reste de tout ce qui pouvait être mentionné dans ce dernier - parce-que pour une fois, il n’avait pas fait en sorte de mettre son nez dans des affaires qui ne le regardaient pas, aussi incroyable que cela pouvait l’être. « Une SEP, sérieusement ? » Il la savait avec un sacré tempérament, mais pas non plus assez vicieuse pour lui faire croire qu’elle était atteinte d’une maladie incurable pour le faire culpabiliser d’une chose contre laquelle elle avait gardé une dent depuis toutes ces années. « Je suis pas venu là pour discuter de ça pour de vrai, Dahlia, j’ai vu ton nom dans les dossiers d’admission du jour et je me suis dit que ce serait sympa de prendre de tes nouvelles. Dans des circonstances un peu étranges, mais comme j’ai dit: c’est à l’hôpital que c’est plus simple de me trouver plutôt que partout ailleurs. » Plus simple que chez lui, par exemple, s’il ne fallait citer qu’un seul endroit parmi tant d’autres. « Tu le sais depuis longtemps ? » Avant d’ajouter rapidement, puisque cela semblait être un point dérangeant et important à la fois pour la jeune femme: « Je suis pas là en tant que médecin mais je suis en tous cas soumis au secret médical, si ça peut te rassurer. » Même s’il n’y avait aucune version de cette discussion qui existait où il en profitait pour lui soutirer des informations et pour les distribuer en dehors de cette chambre d’hôpital - autant parce-qu’il était effectivement soumis à un serment, que parce-que cela ne lui serait jamais venu à l’idée de le faire tout simplement.

Dahlia hoche la tête sans la moindre hésitation quand Ruben dit lui avoir répété ses ambitions en boucle, encore et encore à l’époque où ils se fréquentaient. Il l’a tant et si bien fait qu’elle en est presque encore agacée à cette seule pensée. Pas de là à ne pas être heureuse pour lui qu’il est atteint ses objectifs mais assez pour se souvenir de l’état d’énervement dans lequel ça la mettait. Si Dahlia n’est toujours pas une experte dans la gestion de ses émotions (elle est intimement persuadée que c’est en grande partie pour ça qu’elle écrit des chansons), à l’époque, elle sait à quel point ça la rendait folle, hors d’elle, de devoir passer après des révisions, de ne pas avoir toute l’attention de Ruben dans les moments qu’il avait à leur consacrer. Et pourtant, il faut croire que son attention était concentrée sur la bonne chose ; au-delà même du fait que son rêve s’était réalisé, il n’y a probablement monde dans lequel Dahlia et Ruben font une paire compatible. Les hormones étaient simplement sans doute trop en ébullition pour qu’elle s’en rende compte. “Oui, mais entre nous, je pense qu’il aurait fallu être idiot pour en douter. T’aurais recommencé autant que fois nécessaire pour y arriver.” A ses yeux, la résilience du médecin est sans doute sa principale qualité.
“Oui, j’avais pas besoin de quelques jours de repos forcés mais j’ai conscience de ma chance.” Aussi difficile que ce soit pour Dahlia de tenir en place, elle préférait mille fois être là pour l’appendicite que pour autre chose. Le problème réside principalement dans le fait qu’elle sait que cela ne saura probablement pas son seul séjour et qu’elle souhaite être là le moins possible. Dahlia a l’impression de voir ses minutes de vie sans handicap s’égrener et lui être volées une fois de plus par son corps. Elle tâche, depuis son diagnostic, d’en prendre meilleur soin qu’elle ne le faisait avant mais une part d’elle ne peut s’empêcher de le détester : il est à la fois son pire ennemi et son meilleur allié. Elle pourrait sûrement rejoindre des groupes de paroles, lire des témoignages sur des forums consacrés à la maladie et répondre à certains mais la seule personne à qui Dahlia a véritablement envie de s’en confier n’est plus. Ça la travaille pourtant, vraiment, de savoir comment sa mère a pu cacher ça. Dahlia est-elle si égoïste, si aveugle ? Comment peut-on passer à côté de ça, quand cela atteint des stades terminaux ? Dahlia soupire et finit par mettre carte sur tables avec Ruben. Elle vient de parler de sa chance, et elle a beaucoup trop conscience de la perche qu’elle vient de lui tendre pour ne pas s’en saisir elle-même.
N’imaginant pas une seule seconde qu’il puisse ne pas avoir lu son dossier, elle prononce à haute voix des mots qu’elle avait promis de garder aussi longtemps que possible pour elle et chercher, dès qu’elle referme la bouche, la trace d’un moindre soulagement. C’est peine perdue et elle ne peut s’empêcher d’être déçue. Rien que quelques minutes, elle voudrait que le poids sur ses épaules soit porté par quelqu’un d’autre, qu’elle puisse prendre une grande inspiration. Jusqu’ici, Dahlia n’avait pas imaginé qu’on puisse autant manquer d’air alors que nos poumons fonctionnent parfaitement (pour l’instant). L’air sur le visage de Ruben la fait froncer les sourcils et elle soupire, prenant son visage entre ses mains quand il lui fait comprendre que son dossier n’avait pas été ouvert par ce dernier. C’est mieux d’avoir trop parlé en présence de Ruben que d’un de ses proches mais elle aurait pu avoir quelques minutes de répits à penser à autre chose, à parler de choses plus joyeuses… Les traits de ce dernier n’aident en plus pas une seconde à dédramatiser la situation.
Dahlia se contente d’acquiescer à sa question rhétorique, sachant pertinemment que cela ne sert à rien de lui souligner que ce n’est généralement pas le genre de choses sur lequel on s’amuse à faire une blague. Elle soupire et secoue à nouveau la tête en l’écoutant. Elle le croit et se sent d’autant plus stupide d’avoir vendu la mèche aussi facilement mais maintenant que le mal est fait… Dahlia se lève et soupire, faisant quelques pas dans la chambre avant de se poster vers la fenêtre. “Je te crois.” répond-elle, tout simplement à défaut d’avoir autre chose à dire. Elle soupire et secoue la tête avant de se tourner à nouveau vers lui quand il lui rassure sur le fait d’être tenu au secret médical. Elle retourne s’asseoir sur le lit, face à lui et précise avant toute chose : “Si tu n’étais pas quelqu’un de confiance, le secret médical n’y changerait rien”. Elle le pense sincèrement et sait aussi que même si elle se repose sur son expérience d’un Ruben bien plus âgé, ce n’est pas le genre de choses sur lequel les gens changent, bien au contraire. “Un peu plus d’un mois et demi. J’étais en tournée et j’ai été plus fatiguée qu’à l’accoutumée, peu importe le nombre d’heures où je dormais. Mes muscles ont commencé à plus réagir aussi vivement qu’avant…” Elle se pince les lèvres, notant l’effet cathartique d’en parler mais aussi le fait que si elle ne fait pas attention à parler lentement, toutes ses émotions vont se bousculer et sortir en un torrent de larmes - et de sanglots. Elle soupire et reprend une gorgée de coca avant de continuer : “Je suis allée faire des examens directement mais ma mère a eu la même chose, alors je n’avais pas vraiment de suspense sur le résultat. On est en train de déterminer le traitement le plus approprié… Mais la crise est passée et on sait pas quand sera la prochaine… Enfin, je t’apprends rien hein.”

f r o m d u s k t i l l d a w n

ghost from the past
@dahlia meyer
(c) harley

***
« Oui, mais entre nous, je pense qu’il aurait fallu être idiot pour en douter. T’aurais recommencé autant que fois nécessaire pour y arriver. » Bien sur qu’il esquissa un petit sourire autant fier qu’amusé, en cet instant. En réalité, il n’aurait pas eu besoin de recommencer autant que nécessaire puisqu’il n’était pas question, à aucun moment, d’échouer. Il aurait réussi du premier coup, coûte que coûte. Mais le fait que Dahlia souligne cette partie là de sa façon de faire et de sa personnalité de cette façon là, avec une pointe d’humour appréciée, il le prenait bien. « J’aurais jamais lâché. » Elle avait fait partie des premières personnes à pouvoir le voir de près, qui plus était. Bien sur, c’était une autre époque, mais la détermination de Ben avait été à son paroxysme au début de ses études, quand il faut bien placer ses pions.

« Oui, j’avais pas besoin de quelques jours de repos forcés mais j’ai conscience de ma chance. » - « Va falloir les prendre quand même, ton corps en a besoin. »

Il commentait de façon presque systématique, ne se rendant pas encore compte d’à quel point il pouvait avoir raison en cet instant. Effectivement, son corps allait avoir besoin d’écoute et de repos car les mots qu’elle lui adressa ensuite n’étaient pas ceux de quelqu’un apportant une bonne nouvelle; et non, Ruben n’avait pas lu dans son dossier une telle chose et non, ce n’était pas la raison de pourquoi il lui rendait visite aujourd’hui. Cette dernière était réellement de courtoisie, mais peut-être aurait-il du fouiller un peu plus comme il le faisait d’ordinaire. regard de Ben comportait une épaisse couche de compassion, en cet instant. Ce n’était pas de cette façon là bien sur qu’il avait envie de prendre de ses nouvelles. Et lorsqu’il la vit se lever, alors qu’elle n’était pas tant à distance que ça de l’opération qu’elle avait subi, il se leva à son tour avec les yeux écarquillés. « Je suis pas sur que tu peux te lever comme ça… » Mais ses mots se firent de moins en moins audibles, voyant bien que l’esprit de la jeune femme était totalement ailleurs et en rien focalisé sur le problème médical du moment, mais bien sur autre chose qui prendrait bien plus de place d’ici à quelques temps - voire dès maintenant. « Je te crois. » Heureusement que c’était le cas, car c’était la vérité: il n’était pas venu là pour lui parler de sa SEP mais simplement parce-qu’il avait saisi l’occasion de prendre de ses nouvelles, aussi étrange cette dernière puisse être. « Si tu n’étais pas quelqu’un de confiance, le secret médical n’y changerait rien. » La regardant les mains posées sur ses hanches, se retenant d’intervenir auprès d’elle pour l’aider à se remettre dans son lit - il avait promis qu’il n’était pas là en tant que médecin aujourd’hui, il devait s’y tenir -, il ne sut cependant là retenir un petit soupire. « Tu sais très bien que pour les médecins, le secret médical change tout. » Il pinça ses lèvres un instant. « Mais merci de me considérer comme quelqu’un de confiance tout de même. » Même si ce n’était clairement pas le coeur du problème ici.

« Un peu plus d’un mois et demi. J’étais en tournée et j’ai été plus fatiguée qu’à l’accoutumée, peu importe le nombre d’heures où je dormais. Mes muscles ont commencé à plus réagir aussi vivement qu’avant… » Elle s’était assise de nouveau - il en avait fait de même, même s'il ne savait s'empêcher de garder un regard sur les gestes qu'elle effectuait pour être sur qu'aucun d'eux ne vienne abimer l'appendicectomie qu'elle avait subi. « Je suis allée faire des examens directement mais ma mère a eu la même chose, alors je n’avais pas vraiment de suspense sur le résultat. On est en train de déterminer le traitement le plus approprié… Mais la crise est passée et on sait pas quand sera la prochaine… Enfin, je t’apprends rien hein. » Il baissa un instant la tête, pinçant les lèvres. « Tu m’apprends rien, effectivement. » Il aurait aimé que ça puisse être le cas, presque; que ce soit un quelque-chose qui ne soit pas aussi négatif et qu’elle ait réellement des connaissances à lui apporter sur le sujet. Mais dès que cela touchait la médecine, et que cela concernait un minimum la neurologie, effectivement il n’y avait pas grand chose dont Ruben n’avait pas déjà entendu parler si cela touchait des maladies plutôt connues. « Tu te sens comment ? » C’était une question idiote, et surement que peu adaptée à la situation alors qu’elle venait pour quelque-chose complètement annexe au problème dont ils débattaient en cet instant, mais de son point de vue cela tombait presque sous le sens qu’il la pose. « T’es suivie ici ? Ou avec un médecin extérieur ? » Là, c’était de la curiosité de sa part - simplement pour savoir si le nom allait lui dire quelque-chose, et surtout si cela apportait ou non une bonne nouvelle. « Si tu dis que ça t’est arrivé en tournée, c’est que tu peux continuer à bosser pour le moment j’imagine ? » Pare-que c’était le genre de maladie tellement imprévisible qu’il n’était pas possible d’anticiper, effectivement, quand la prochaine crise aurait lieu; simplement, nombreuses étaient les personnes qui préféraient tout arrêter au cas où les crises soient déclenchées par une mauvaise habitue de vie liée au travail ou à la répétition de tâche; ce n'était que rarement le cas, mais cela servait principalement d'excuses pour changer de mode de vie et s'approprier un de ces derniers qui permettaient de profiter davantage d'un quotidien qui se verrait être chamboulée sans retour possible bien plus rapidement que cela était prévu pour la majorité du commun des mortels.

Contenu sponsorisé