Vent d’angoisse. Vent de renouveau. Vent d’ancien. Vent de panique. Vent de marée. Vent de tu veux que ça arrête et ne plus jamais avoir à réfléchir un seul jour de ta vie.
Ouais, ça fait une méchante tempête tout ça.

Ce n’est pourtant pas quelque chose de compliquée. Ce n’était qu’un appel de l’hôpital pour te rappeler que ton congé de maternité tirait à sa fin. Ce qui voulait inévitablement dire que tu allais devoir reprendre ton poste d’infirmière à l’hôpital dans les prochaines semaines. Un métier que tu exerçais depuis quinze ans, un métier que tu connaissais par cœur, dans un poste qui était aussi chamboulant qu’exaltant. Tu avais toujours apprécié ton poste dans l’unité de soins de fin de vie, jusqu’à ce que tu te retrouves dans le rôle de la famille et non de l’infirmière. Le renvers de la médaille avait été difficile à avaler et depuis, tu n’étais pas certaine d’être la meilleure personne pour offrir soins et soutien à des familles sur le point de commencer leur deuil quand un an plus tard, c’est à peine si tu avais réellement pris le temps de traiter le tien, de satané deuil. Tu savais néanmoins qu’il n’y avait pas que les soins en fin de vie, que si tu en parlais avec tes supérieurs, il ne serait sûrement pas impossible pour toi de prendre une place dans un autre département de l’hôpital, mais même cette idée-là suffisait à te figer sur place et te forçait à remettre en question quelque chose que tu étais persuadée de savoir depuis longtemps déjà : et si tu n’étais plus capable d’être une bonne infirmière, après ce que tu avais vécu? Et si tu n’avais plus l’empathie, le temps, la patience et la douceur à mettre dans ce métier, toi qui n’avais pourtant jamais songé à faire quoique ce soit d’autre? Les pensées sont terrifiantes, elles prennent toute la place, se mélangent avec bien trop d’aisance aux souvenirs de Nico, aux responsabilités qui sont maintenant complètement et seulement tiennes de veiller aux bien-être de vos enfants. Et si ton horaire d’infirmière t’empêchait d’être une bonne mère pour Eli et Isobel? Tu soupires longuement, détestant avec ardeur le cheminement de tes pensées, ayant besoin d’extérioriser le tout avant de te retrouver complètement ensevelie sous l’immensité de tes émotions. Et c’est sans hésitation que tu avais demander à ta mère de venir s’occuper des enfants quelques heures pour que tu puisses sortir, faire le vide dans ta tête en compagnie de quelqu’un qui saurait rationaliser l’irrationnel de ton esprit.

La porte d’entrée de la résidence des Lowell claque lorsque tu stationnes ta voiture devant la maison. Tu sors du véhicule et aperçoit Thomas qui quitte la résidence, non sans remarquer ta présence. Son sourire habituel est absent, tout comme la légèreté que tu retrouves normalement dans le fond de ses yeux. Tu ne saurais dire exactement ce que tu y lis, tout ce que tu sais c’est que quelque chose ne va pas. Tu n’as toutefois pas le temps de lui demander ce qui se passe qu’il te fait un signe de la main avant de disparaître dans sa propre voiture, un autre comportement qui est loin d’être typique pour ton ami. Les sourcils froncés, tu détournes le regard et effectues les quelques pas qui te sépare de la porte d’entrée. Tu cognes quelques coups mais c’est sans attendre l’apparition de Cassidy que tu ouvres la porte et rentres dans la maison, comme tu l’as fait des centaines de fois par le passé. « Cass? C’est moi. » que tu cries, surprise par absence et l’absence des enfants qui sont généralement les premiers à te sauter dans les bras lors de tes visites surprises. Quand tu poses enfin les yeux sur ton amie, l’impression que quelque chose ne va pas ne fait que s’intensifier. « Est-ce que j’arrive à un mauvais moment? » que tu lui demandes doucement, ayant l’impression de déranger alors que jamais auparavant tu n’avais ressenti ce sentiment auprès de la blonde et de sa famille.