@Abel Greetham  Le pire évènement de ma vie je l’ai subi quand j’avais à peine douze ans : la disparition de mon père. Il est décédé tellement soudainement que personne ne s’y attendait et ce fut un choc pour le tout le monde. L’adolescente que j’étais n’arrivait pas à gérer ces émotions. Et quand j’y repense, à ce jour je n’arrive toujours pas à les gérer comme je le souhaite. Mais en tant qu’adolescente rebelle je devenais agressive avec tout le monde, principalement avec ma maman alors qu’elle passait tout son temps à me protéger et faire tout ce qu’il faut pour m’aider du mieux qu’elle le pouvait. Les mois passaient et c’était vraiment difficile pour tout le monde que ma mère m’imposa une activité physique afin que je me concentre, l’espace de quelques heures par semaine, sur autre chose que sur mon mal-être et sur ma peine. Et mon choix se porta sur un sport de combat. J’étais une adolescente mal dans sa peau. A la moindre prise de parole en public, j’étais prise d’un stress tellement immense que je commençais à bégayer ce qui engendrait les moqueries de nombreux camarades. Je n’étais pas non une femme mince comme je le suis au jour d’aujourd’hui et la boxe me permit de libérer toutes les frustrations et de devenir une meilleure femme, telle que je le suis désormais.

Cependant la vie d’adulte ne permet pas toujours de faire ce que l’on souhaite. Surtout quand on est indépendante que son travail passe désormais avant toute autre chose. Mais le manque se fait ressentir. Le sentiment que bonheur que provoque en moi les quelques mouvements de boxe semble si lointain. Je me remémore souvent mes meilleures années où j’avais l’espoir de persévérer dans cette discipline, d’enchainer des compétitions et de devenir une professionnelle. Malheureusement les rêves ne deviennent pas toujours réalité. Heureusement pour moi celui de travailler le chocolat est devenu plus que réel et c’est mon quotidien que je n’échangerais pour rien au monde.

Dans le but de revivre un peu quelques bonnes sensations je me rends au Dojo. J’ai découvert cet endroit à mon retour de Belgique et même si je m’y rends que très peu souvent, je m’y sens comme chez moi. Je peux rester dans mon coin à évacuer toutes sensations en frappant dans un sac. Parfois il m’arrive de concourir contre quelques adversaires mais uniquement pour le fun. Alors que j’entre dans le bâtiment, je me sens comme à la maison. Le bruit et les odeurs me sont si familière que rien me dérange, même les odeurs de transpirations comme on peut facilement sentir dans ce genre d’endroit. Je passe rapidement par le vestiaire, la tenue de ville n’étant pas la plus pratique pour s’entrainer. Au vu de l’heure creuse de la journée, la foule n’est pas très présente et c’est ce que j’apprécie. Avant même de prendre place de prendre place devant un sac de frappe, je commence un petit échauffement comme c’est toujours conseillé pour tout sportif. Je me mets légèrement de côté pour faire un peu de corde à sauter. J’apprécie cet exercice et je peux l’enchainer de nombreuses minutes sans avoir l’impression de perdre un poumon. Le cardio c’est très important et j’y consacre assez de temps, surtout en faisant quelques footings.  

Si la vie avait pu me donner un second prénom, elle aurait sans doute opté pour « Maladresse ». Cet adjectif me caractérise vraiment bien. Après mon échauffement je tente quelques frappes légères devant le sac de frappe. Mais celui-ci prend une trajectoire que je n’ai pas prévue et frôle de justesse une silhouette qui se trouve à proximité. J’arrête le sac de mes deux mains, enfin de mes deux gants avant de pencher la tête pour voir la personne que j’ai manqué d’assommer. Je reconnus rapidement le plus grand passionné de chocolat que je connaisse après moi.  « Pardon. Promis la prochaine fois je te lance des œufs en chocolat plutôt que des kilos de cuir à la figure. ». L’humour fait partie de ma personnalité et j’espère qu’il accepterait mes excuses présentées de façon un peu étrange je l’avoue.

@Abel Greetham  Une fois mon entrainement terminé, je ne pourrai m’empêcher d’appeler ma maman comme je le fais tous les jours. On se raconte nos journées et j’imagine déjà le sourire qu’elle va aborder dès qu’elle apprendra mes mains ont de nouveau porté des gants de boxe. Depuis une petite année, j’ai enfin réalisé le rêve de toute une vie, j’ai ouvert ma boutique. De nombreuses heures par jour, je m’affère à essayer de développer les papilles de mes clients ou de simplement apporter de la joie dans les yeux de jeunes enfants. Pour certains, je donne l’apparence d’une femme au cœur de pierre, d’autres qui creuseront un peu plus sous ma carapace comprennent rapidement que je suis plus heureuse de voir le bonheur dans les yeux d’autrui que de faire un bénéfice plus grand que la veille. Mise à part travailler, j’ai que très peu d’occupations. J’essaye tout de même de profiter de la vie, de sortir, de voir mes amis mais j’en délaisse les activités qui me rendent tout aussi heureuse comme celle de la boxe. C’est pour cette raison que ma maman sera ravie d’apprendre que j’ai enfin retrouvé le chemin d’un endroit que je ne pouvais pas quitter quand j’étais encore une adolescente.

Etant une jeune femme souvent à l’écoute des autres, concernant ma vie personnelle, je suis plutôt mystérieuse. Féminine à souhait, il est difficile d’imaginer que je puisse m’épanouir dans un sport de combat telle que le boxe. Mais j’aime montrer que les apparences sont souvent trompeuses et qu’il faut éviter de s’y fier. Alors que je m’échauffe, je regrette déjà de ne pas avoir emporté avec moi mes écouteurs. Depuis un tragique évènement dont j’ai été victime, je souffre d’acouphènes. Handicap non visible mais assez difficile à vivre. Avec le temps on s’y habitue et pourtant aujourd’hui, j’aurais bien aimé m’enfermer dans ma bulle essayant de mettre de côté ces légers bourdonnements qui se mêlent au bruit de tout ce qui m’entoure.

« Je suis une jeune femme dotée d’une générosité assez importante mais une centaine, je m’en voudrais surtout que tu frôles la crise de foie. Mais en effet c’est moins radical que l’assommement. ». Répondis-je à Abel. Heureusement pour moi, ma maladresse n’avait pas évoqué en lui un énervement ou une réaction négative à mon égard. On peut facilement en rire et je suis ravie de faire face à une connaissance même si je suis aussi surprise que lui de le croiser dans cet endroit. D’un geste du bras je pousse le sac de frappe pour faire face au jeune homme et discuter de façon plus agréable avec lui. « Je suis autant surprise que toi. ». A m’entendre, je donne l’impression que les gens n’ont pas une vie en dehors de celle que je leur connais. Et mise à part le croiser dans ma boutique, il est normal que ce jeune homme ait une vie active bien chargée et non limitée à être un simple client, passionné de chocolat. « Pour tout te dire, c’est vraiment une chance que nos chemins se croisent ici. Juste un brin de nostalgie qui m’a donné envie de revivre quelques sensations perdues. ». Je reste vague. Mais je n’ai pas envie de passer pour une jeune femme qui raconte sa vie. Il n’est peut-être pas très intéressé à m’écouter et je ne voudrais pas le faire fuir. Il est venu ici dans un but précis et sans doute pas pour m’écouter parler de mon passé. « Et toi tu viens souvent ici ? Ou bien tu as eu besoin d’éliminer toutes les sucreries ingurgités au cours des derniers jours ? ». Je parlais avec humour. J’aime rire et ça se voit immédiatement sur mon visage. Je profite de cette petite pause pour attraper ma bouteille d’eau non loin de là et ingurgiter quelques gorgées sachant que l’hydratation est très importante.  

 @Abel Greetham « C’est simplement une façon de nous rappeler qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses. ». dis-je le sourire aux lèvres. Ce n’est pas la meilleure façon de promouvoir mes produits mais je suis quelqu’un de réaliste. Bien entendu je sais très bien de quoi je parle, de ce sentiment quand on n’est pas encore une adolescente qui apprécie manger toutes les bonnes choses qui s’offrent à soi. Cependant le corps, lui il emmagasine tout ce qu’il ingurgite et puis ce sentiment de gonfler tel un ballon vient s’inviter et les moqueries qui s’en suivent. Une période de ma vie bien loin derrière moi mais qui malgré tout à laisser des traces indélébiles. Quand on est jeune, nous ne sommes pas toujours prêt à affronter la méchanceté des autres et mon côté fragile ne m’a pas aidé. Avec le temps j’ai muri je me suis endurcie et j’ai surtout totalement changé physiquement. L’avantage c’est que jamais je ne me permets de juger les autres ayant moi-même été victime de propos blessants durant une longue période de ma vie.

De nature un peu curieuse, c’est naturellement que je m’interroge sur la présence d’Abel ici. Je n’aurais jamais pensé le croisé aujourd’hui. Habituellement nous nous voyons dans ma boutique et nous n’avons que très rarement le temps de parler. Pourtant c’est ce que j’apprécie le plus dans mon travail, de pouvoir discuter avec des personnes provenant de différents horizons mais comme la société actuelle manque de patience ce n’est pas toujours aisé de satisfaire les clients tout en discutant un peu. J’écoute d’Abel parlé. Il m’a toujours paru comme une personne intéressante et en apprendre plus sur sa personne me plaisait. C’est agréable de pouvoir analyser quelqu’un sur un angle différent des habitudes. Comme quoi sa vie ne tourne pas autour du chocolat. « J’aime aussi quand les choses restent telles qu’elles sont. Pour être honnête je suis le genre de personne qui n’apprécie pas vraiment le changement. ». ajoutais-je en haussant simplement des épaules. Pourtant dans ma vie des changements j’en ai souvent rencontré. A chaque fois cela m’a tellement déstabilisé que j’ai beaucoup de mal quand la routine prend un tournant auquel je ne m’attends vraiment pas. Mais quand j’y pense ma vie est tellement routinière qu’elle manque de piment. A part mon travail et les quelques sorties que je m’octroie assez souvent, autant reconnaître que ma vie de femme est un peu fade. Je balaye ces pensées me préoccupant sur la proposition d’Abel. J’étais surprise mais dans le bon sens. Je ne pensais pas qu’Abel puisse être intéressé à s’entrainer et passer un peu de temps avec moi. « Je vais te rassurer, mon niveau est loin d’approcher la perfection. J’ai beaucoup trop décroché ces derniers temps que j’espère pouvoir enchainer deux mouvements de suite. ».  Je ne parle pas dans le but de me dénigrer juste pour être honnête. J’étais venue par nostalgie mais surtout parce que m’entrainer me manque vraiment. « Je vais essayer, comme toute femme, de faire deux choses en même temps mais il est possible que si on parle, ma maladresse prenne une nouvelle fois le dessus.   ». et j’ajoute immédiatement. « Promis je vais éviter de te blesser. ».  Je n’aime pas trop répondre aux propositions des gens par des « oui » ou des « non » il faut toujours que je déborde du sujet plutôt que de répondre simplement. Je ne me suis plus entrainer avec quelqu’un depuis longtemps et j’espère que je n’ai rien perdu. Une fois bien hydratée je repose mon eau. « On se met un peu plus loin ? ». Je ne voudrais pas l’assommer encore une fois avec les sacs de frappe. Alors que je me prépare et me mets en position. « T’as commencé la boxe en étant jeune ? » demandais-je avec curiosité.