Une semaine que je suis ici. Sept jours que je suis dans l'attente d'une réponse à toutes mes questions. Cent soixante-huit heures, dont une moitié passée à dormir et l'autre à retrouver des sensations plus ou moins normales dans mon corps. Si celles dans ma jambe gauche commencent déjà à revenir, tout mon côté droit reste difficilement utilisable. J'arrive à bouger mes articulations, mais la commande entre mon cerveau et les différents muscles qui composent mes jambes et mes bras est compliquée à utilisée. Tout est au ralenti, tout est lourd et rien ne va comme je le voudrais. Le kiné, et même l'ergothérapeute passent tous les jours et les progrès, bien que minimes, sont quand même là. Ne serait-ce que le fait de pouvoir rester au fauteuil plusieurs heures d'affilées. Apparemment, c'est un exploit et tout le monde dans le service est super content, mais je dois avouer que pour quelqu'un comme moi qui a dédié sa vie au mouvement et qui se retrouve confiner dans un vieux fauteuil roulant peu maniable et un corps qui ne répond plus correctement, c'est une réelle torture mentale.

Fort heureusement, je peux compter sur mon frère et surtout sur Madison. Dans notre couple, c'est toujours moi qui étais celui qui l'épaulait elle, celui sur qui elle se reposait et celui qui la rassurait quand ça n'allait pas. Mais depuis une semaine, les rôles sont inversés et je pense sincèrement que sans elle, je me suis déjà laissé sombrer. Sans Madison et ses encouragements, je ne me serais pas forcément pris en main aussi rapidement et surtout, je n'aurais sans doute pas trouvé le courage d'accepter la patience qui m'incombe.

C'est d'ailleurs avec elle que je suis actuellement. Après avoir profité des quelques rayons de Soleil de cette fin d'été, nous sommes de retour dans la chambre qui a été peu à peu personnalisée depuis quelques jours. « Normalement je devrais voir le médecin aujourd'hui » dis-je alors qu'elle m'aide à me débarrasser de ma veste « J'espère vraiment avoir des réponses rapidement » je secoue la tête en soupirant « Ils ont exclus l'AVC il y a deux jours, mais n'ont toujours pas trouvé d'explication à tout ça» je me passe la main valide sur le visage puis attrape le verre d'eau sur l'adaptable et en prends une gorgé, au moment où la porte s'ouvre et que le médecin, toujours flanqué de ses quatre internes qui ne rendent pas la choses plus rassurante, n'entre dans la chambre.

❀ i'm not the answer for the questions that you still have « and there is no time like the present to drink these draining seconds but seldom do these words ring true when i'm constantly failing you | walls that we just can't break through until we disappear so, tell me now, if this ain't love then how do we get out?  »

Madison tient la barre. Elle vient à l’hôpital, elle sourit, elle est rassurante, elle discute avec les infirmières, elle ne regarde pas sur internet les symptome d’Oliver pour ne pas se faire de films catastrophes. Elle est calme, elle est posée, elle garde tout en elle. Elle ne parle pas du fait que la chambre blanche et aseptisée lui rappelle Lola, son cancer, ce traumatisme d’enfance dont elle ne s’est jamais défaite. Non, ça, elle le garde pour elle, elle chasse les regards inquiets de son petit-ami, elle est celle qui est forte, qui tient sur elle. Et étonnement, elle tient même plutôt bien ce rôle, elle se rend compte qu’une fois qu’elle en a compris les rouages, elle arrive à le tenir. C’est même reposant de devoir être force, de complétement enfouir ses propres angoisses. En un sens, elle est habituée, ce n’est pas la première. N’est-ce pas ce qu’elle fait au quotidien sur bien des aspects ? Alors elle se regarde dans le miroir, elle inspire, elle s’entraîne à sourire, et elle y retourne avec calme et aplomb.

Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’il y a un prix à payer pour tenir cette facade. Les verres qu’elle se sert sont de plus en plus chargés et réguliers, et quand elle dit à Oliver qu’elle sort faire un tour pendant qu’il a des examens médicaux, elle marche en réalité jusqu’à la supérette du coin où elle s’achète des canettes de cocktails qu’elle boit assise sur les bancs jusqu’à que sa vision soit un peu floue, elle mâche des chewing-gums à la menthe pour cacher l’odeur de l’alcool, elle se parfume pour maintenir la facade, jusqu’à pouvoir revenir à l’hôpital où elle tient sans broncher le stress de ces derniers jours. Oliver a besoin d’elle, elle le sait, et elle est là.

« Normalement je devrais voir le médecin aujourd'hui » Madison murmure un hmm tandis qu’elle aide Oliver à ôter sa veste. « J'espère vraiment avoir des réponses rapidement. Ils ont exclus l'AVC il y a deux jours, mais n'ont toujours pas trouvé d'explication à tout ça. » Elle a suivi les pistes, les suppositions, elle a discuté avec Oliver et les médecins, elle sait. Elle commence à s’inquiéter, elle aussi, parce qu’elle sait que plus cela prend du temps et moins c’est bon signe, plus Oliver peut avoir quelque chose de grave et de rare. Mais ça, elle ne le dit pas. Elle se contente de dire d’une voix ferme et rassurante : « C’est une bonne équipe médicale, je suis sûre qu’ils vont trouver. » Elle s’apprête à rajouter quelque chose, mais la porte de la chambre s’ouvre et le médecin rentre accompagné de ses internes, il a le visage sombre et fermé, comme toujours. Mais cette fois-ci, Madison sent que quelque chose a changé. Elle prend la main d’Oliver et lui lance un coup d’oeil avant de regarder le médecin qui lève son sourcil comme pour lui demander silencieusement si elle veut rester. Madison se tourne vers Oliver. « Tu veux que je reste ? » Demande-t-elle, anxieuse. Elle sent que la sentence va tomber et elle a peur d’être là, peur de quitter Oliver en même temps. Elle sait qu’elle restera à ses côtés s’il lui demande.

@Oliver Oaks  

Je savais que j'allais voir le médecin aujourd'hui, mais j'avais un petit espoir que ce soit lorsqu'Abel serait là et non Madison. Non pas que je ne veuille pas qu'elle sache ce qui cloche, je me dis juste que de nous trois, c'est mon frère qui serait le plus à même de garder la tête claire et d'écouter avec attention les recommandations et la suite des événements. Malheureusement, on ne choisit pas la disponibilité de l'équipe médicale et lorsque celle-ci débarque dans la chambre, je me fais rapidement une raison, hochant la tête en entendant Madison qui me demande si je souhaite qu'elle reste. « Oui, s'il te plaît » soufflais-je avant de profonde une profonde inspiration, me préparant à n'importe quelle annonce.

Mais au final, je me rends compte que je n'étais absolument pas près à ce qu'on m'annonce avec exactitude ce que j'ai. Le Dr. Jones commence par parler des examens médicaux et des résultats qui étaient clairs et net : la sclérose en plaques. Dès lors qu'il a prononcé ces trois mots, mon cerveau à totalement décroché. J'entends que le médecin parle, mais je ne comprends pas le sens de ses mots tant j'ai l'impression que c'est une sentence irrévocable et que c'est tout un monde qui s'écroule pour moi. Je ne réagis pas lorsqu'il me demande si j'ai des questions, je reste stoïque, le regard dans le vide et je pense qu'il comprend très rapidement qu'il ne sert à rien d'insister. Je l'entends encore dire qu'il repassera plus tard et qu'il en parlera à mes parents et à mon frère, avant de se détourner et de sortir avec les autres.

Ce n'est que la porte qui se referme qui me fait revenir sur terre. Pinçant les lèvres, je déglutis difficilement et ferme un instant les yeux alors que je me passe une main sur le visage comme si ça pouvait m'aider à reprendre contenance. Après avoir pris une profonde inspiration, je fini par hocher doucement la tête « Au moins ils ont trouvé ce qui n'allait pas » dis-je « c'est déjà une bonne chose et ... » je lance un coup d’œil vers Madison « ... il est encore temps pour toi de partir si tu le souhaites » ça fait une semaine que la jeune femme est d'un soutien sans faille, mais est-elle réellement capable de supporter toute cette situation sur le long terme ? Car c'est bel et bien ce qui va se passer : ça n'ira pas en s'arrangeant. Madison, a-t-elle les capacités et la force mentale nécessaires pour réussir à vivre avec moi maintenant que nous savons tout cela ? J'ose espérer que oui, mais je ne suis pas certain de vouloir lui faire subir toute cette situation.

❀ i'm not the answer for the questions that you still have « and there is no time like the present to drink these draining seconds but seldom do these words ring true when i'm constantly failing you | walls that we just can't break through until we disappear so, tell me now, if this ain't love then how do we get out?  »

Madison n'était pas dans la pièce le jour où Lola a été diagnostiqué de son cancer. Elle sait qu'on lui a annoncé, ensuite, mais elle ne se souvient pas du moment. Comme la plupart de ces instants de vie où tout bascule, il ne reste qu'un souvenir diffus aux contours désaturés. Pourtant, elle sait que dans cette chambre d'hôpital, elle ressent sensiblement la même chose que lorsqu'elle était enfant : l'incompréhension, l'injustice, la tristesse, une forme de culpabilité ici qu'elle ne sait pas comment saisir et comprendre. Le temps se ralentit et s'étire, elle est un peu hors de son corps à observer la scène, mais elle écoute attentivement le médecin parce qu'elle sait que si l’annonce est difficile pour elle, ce n’est qu’un dixième de ce que doit ressentir Oliver. Elle ose à peine le regarder. Alors elle se concentre, elle écoute, elle se dit que bientôt, elle va devoir faire ses propres recherches, pour mieux comprendre, mieux accompagner Oliver. Elle ne connait pas bien cette maladie, mais elle en a entendu parler et elle sait qu’elle touche le système nerveux mais surtout la motricité et l’équilibre. Oliver est danseur, se dit Madison avec angoisse, de toutes les maladies, il fallait que ça soit celle-là ?

Et surtout, même si elle ne connaît pas bien cette maladie, Madison sait une chose : on ne guérit pas la sclérose en plaques.

Le médecin ferme la porte, et dans ce clac, toute la vérité retombe sur les épaules de Madison, d’Oliver, elle sent que l’air de la pièce a changé et qu’ils sont tous les deux au fond d’un puit profond et sombre. Ils accusent le coup et Madison songe à la quantité d’alcool qu’elle boira en rentrant chez elle, comme la seule bouée qui peut l’aider.

« Au moins ils ont trouvé ce qui n'allait pas  » Dit Oliver d’une voix lointaine. Son visage est fermé, il a l’air ailleurs. Elle se demande même s’il a compris ce qu’on venait de lui annoncer. « c'est déjà une bonne chose et ... » il semvle hésiter et se tourne vers Madison, la regarde « ... il est encore temps pour toi de partir si tu le souhaites. » Elle le regarde, ne comprend pas. « Hein ? Je t’ai dit, j’ai décalé mon shooting de cet après-midi, je peux rester », répond-t-elle avec un sourire encourageant, avant de comprendre ce qu’Oliver voulait vraiment dire et de se redresser : « Ooooh. Oh. Mais non. » Même si elle sait qu’elle n’a pas les épaules, même si l’angoisse l’étrangle, même si elle sait qu’elle n’aime pas Oliver correctement, elle sait qu’elle l’aime, qu’elle l’aime vraiment, et que si elle sait qu’elle ne peut pas rester, elle peut encore moins partir. Et elle enterre totu au fond d’elle la petite voix qui lui dit que maintenant, elle ne pourra jamais le quitter, pas maintenant qu’elle est malade, et que si cela la terrifie, c’est aussi une réponse comme une autre à toutes ses inquiétudes autour de son couple. Le choix est maintenant fait pour elle. « Je ne vais pas partir parce que tu es malade. » Madison s’assoit à côté dans le lit et lui prend la main. « Il faut que tu te laisses le temps de processer tout ça. Ensuite, si tu veux, on pourra faire une liste des questions que tu veux poser aux médecins. Je leur demanderai s’il y a quelque chose que je peux faire aussi. Et… et on va affronter ça ensemble. » Elle inspire et tente un petit sourire brave. « Tu veux que j’appelle Abel ? »

@Oliver Oaks