I can't take it anymore

     @Chris Leckie   ft. Maritza Gutiérrez

L'air marin, le bruit des oiseaux, les rayons du soleil sur sa peau, rien ne parvenait à calmer les émotions tumultueuses que ressentait Maritza. Cela faisait plus d'une heure qu'elle marchait les pieds dans le sable, sans but ni direction précise. Elle avait juste eu besoin de souffler en sortant du travail. Ses journées se ressemblaient toutes pour son plus grand malheur. Comme à chaque fois depuis des années, elle se tuait à la tache afin de subvenir aux besoins des siens. Elle enchaînait les petits boulots, se rendait à l'hôtel où elle travaillait à mi-temps, cuisinait pour des particuliers, se cassait le dos en récurant les sols, se brisaient les ongles en grattant les amas de graisse séchés sur les cuisinières, la mexicaine s'usait la santé aussi vite que les minutes s'égrainaient. Lorsqu'elle terminait ses journées, elle rentrait chez elle où il fallait tout recommencer à nouveau. Il fallait s'occuper d'Alejandro, l'aider pour ses devoirs, lui préparer à manger. Lorsqu'elle avait un peu de chance, l'un de ses autres enfants était présent et l'aidait. Mais ça c'était avant. Depuis la mort de Maria, chacun semblait fuir le domicile familial. Le fantôme de la fillette planait sur la maison comme sur leur âme. Cesar était de plus en plus inaccessible, fermé à toute conversation, hostile et toujours à fleur de peau, prêt à exploser à tout moment. Sara s'évaporait de chez eux dès qu'elle en avait l'occasion, elle ne l'aidait d'ailleurs pas spécialement concernant les taches ménagères ou autre. L'ambiance était trop pesante pour la mère de famille qui tentait comme elle le pouvait de tenir les siens à bout de bras.

Ce jour-là alors qu'elle avait travaillé de nuit et qu'elle devait rentrer pour s'allonger quelques heures afin d'affronter une nouvelle journée, Maritza sentit une boule d'angoisse grandir en elle. Elle avait beau tout essayer, rien ne parvenait à la détendre. Elle avait mis du temps avant de comprendre ce qui se passait, ce fut seulement lorsqu'elle reçut un message de Sara l'informant d'un problème avec une sortie scolaire d'Alejandro que la cinquantenaire comprit : Elle ne voulait pas retourner chez elle. Elle n'en avait ni la force ni le courage. Elle était fatiguée, lasse de devoir tout gérer, de devoir cacher sa peine et sa souffrance. Dans un long soupir, la mère de famille choisit de quitter la plage. Elle ne pouvait pas rester ici indéfiniment.

Alors qu'elle s'apprêtait à rentrer chez elle, elle se rendit compte que perdue dans ses pensées, elle n'avait pas pris la bonne direction. Les sourcils froncés, Mari constata avec étonnement qu'en réalité ses jambes l'avaient menée dans une rue qu'elle connaissait bien : carmody road. Elle hésita quelques instants, se questionna, se demanda si elle devait continuer ou au contraire faire demi-tour. Finalement croyant au destin et aux signes qu'il pouvait envoyer, la brune se dirigea jusqu'au numéro 402. Elle prit une profonde inspiration puis sonna. Elle attendit avec une certaine nervosité et lorsque la porte s'ouvrit, elle sentit qu'elle s'empourprait quelque pas. « Salut... » souffla-t-elle à Chris qui lui faisait face. Elle se sentait un peu ridicule de débarquer de la sorte sans prévenir avant.

Cela faisait des mois qu'elle ne l'avait pas vu. Depuis l'enterrement de Maria en fait. Il était venu, pour apporter son soutien, il s'était tenu à l'écart de tous, mais Maritza lui avait été reconnaissante d'avoir fait le déplacement. Personne ne savait dans la famille que la mère et l'homme avait eu une relation. Elle n'avait pas duré très longtemps mais assez pour qu'elle se sente bien et en sécurité avec lui. C'était sans doute pour cette raison que son inconscient l'avait conduite jusqu'à lui. « Je... Je te dérange pas ? ». Elle ne savait même pas quoi dire. Nerveusement, la femme jouait à faire rouler une bague qu'elle portait au doigt tandis que son regard esquivait volontairement celui du jeune homme. « T'étais peut-être occupé avec Miles... Je peux repasser un autre jour ! Je t’appellerai avant. » dit-elle en commençant déjà à faire demi-tour.  

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     @Chris Leckie   ft. Maritza Gutiérrez

Lorsqu'il ouvrit la porte Chris parut surprise de trouver Maritza devant chez lui. Ce n'était pas étonnant, cela faisait des mois qu'ils ne s'étaient ni vus ni contactés. La matriarche avait eu besoin de temps pour elle et l'esprit encombré par la perte de sa fille et par sa famille qu'elle devait soutenir à bout de bras l'avaient éloignée de ses proches avec lesquels elle ne partageait aucun lien de sang. Elle s'était sentie stupide face à lui et avait rapidement regretté de s'être rendue chez lui alors que la journée venait à peine de commencer et qu'elle ne l'avait pas prévenu de son arrivée. Lorsqu'il la salua avec un petit sourire, Gutiérrez fit instantanément marche arrière et lui indiqua qu'elle allait repartir. Il secoua la tête de manière à lui faire comprendre que ce n'était pas nécessaire mais elle commençait déjà à reculer. « Non, non, pas du tout, entre. Tu sais comment sont les ados, Miles dort encore. » Un bref sourire barra le visage de la jeune femme qui se demandait si Alejandro dormait toujours ou si au contraire il était déjà en train de rendre dingue Cesar. Elle n'avait presque pas vu le petit dernier de la famille – depuis que Maria était décédée, il occupait à nouveau cette position – ces derniers jours et voilà qu'elle refusait de rentrer chez elle. Quelle mère agissait de la sorte si ce n'était une femme indigne de ce rôle. Nerveusement la brune passa une main dans ses cheveux alors qu'elle se sentait de plus en plus fébrile. Chris ne lui laissa pas vraiment le temps de cogiter puisqu'il se décala afin de la laisser entrer. Les jambes de Maritza prirent la décision à la place et passèrent le pas de la porte. Elle se dirigea jusqu'au canapé dans lequel elle se laissa tomber de fatigue et de tristesse. « Je t’offre quelque chose à boire ? Un café ? Thé ? ». Difficilement, la matriarche plongea son regard dans celui du père de famille et murmura : « Un thé, merci. ». Elle avait du mal à soutenir l'échange visuel et finit par regarder autour d'elle alors que ses jambes bougeaient nerveusement sur le canapé. Son pied n'avait de cesse de taper le sol alors qu'elle jouait avec l'une de ses bagues.

Lorsque Chris finit par revenir avec la tasse chaude, elle le remercia puis demanda timidement : « Comment vas-tu depuis... » l'enterrement. C'était lorsqu'ils avaient mis en terre Maria qu'elle l'avait vu pour la dernière fois. Au milieu de cette journée orageuse où le sol s'était littéralement effondré sous ses pieds, Chris avait été le rayon de soleil qui était venu réchauffer son cœur l'espace de quelques secondes. Leur relation avait toujours été vouée à l'échec. Les deux le savaient parfaitement et s'en accommodaient parfaitement. Ils avaient eu besoin l'un de l'autre à un moment donné de leur vie. Ils avaient eu besoin des mots doux, des gestes tendres, des caresses qu'ils n'obtenaient plus et d'une oreille attentive. Chacun avait trouvé cela chez l'autre jusqu'au moment où la maladie de Maria avait pris le pas sur tout le reste. Ils avaient alors décidé de tout arrêter d'un commun accord et avait promis de garder le contact. Cette dernière chose avait été plus difficile que prévue et Maritza savait qu'elle était en grande partie responsable. Gênée elle lui dit : « J'avais promis que je t'écrirais mais j'avais la tête ailleurs... » Elle savait que Chris comprendrait mais ce n'était pas pour autant qu'elle ne s'en voulait pas. La mexicaine était une femme de parole et elle détestait par-dessus tout ne pas la respecter. Elle inspira profondément, tentant de calmer ses nerfs et dans un sourire doux demanda : « A part le fait qu'il dorme encore, comment va Miles ? ». Le garçon qui entrait en plein dans l'adolescence était un jeune homme plein de vie et agréable. Du peu qu'elle l'avait vu, elle l'avait toujours trouvé gentil et débordant d'énergie. Maritza avait perdu une fille mais Chris avait toujours son fils et la mère savait à quel point il comptait dans sa vie.   

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