EDGE & JACKSON

Courir l'aide à se vider la tête. Un problème ? Quelques sprints et c'est réglé ; la frustration se fait la malle à proportion que l'acide lactique ronge ses muscles bodybuildés. Des tracas ? Dix kilomètres suffisent la plupart du temps à dissiper les nœuds mentaux, à alléger son esprit des détails pour ne garder que les grandes lignes et ainsi prendre des décisions plus adaptées. Mais comment faire quand le problème n'en est pas un et que les préoccupations qu'il engendre sont toutes plus importantes les unes que les autres ? La grossesse de Louisa l'obsède. L'idée de mal faire aussi. Jax a beau passer des heures sur internet à lire des témoignages sur tout ce qui touche de près ou de loin à la paternité, l'assimilation de savoir scientifique ne semble pas en mesure d'apaiser son stress prénatal.

Sûrement que cela touche à la perte de sa sœur, lorsqu'il avait 14 ans ; à ce sentiment d'impuissance refoulé depuis des années. Louisa n'est pas sa mère et l'agent imagine difficilement sa meilleure amie se faire agresser dans les transports en commun comme cela fut le cas de Gloria. L'inquiétude prend davantage sa source dans l'éventualité que quelque chose se passe mal. Après tout, Yasmine a bien fait une fausse-couche, preuve s'il en faut qu'être infirmière ne protège pas des coups du sort, qu'aucune femme dans ce bas monde n'est à l'abri de perdre un bébé. Son bébé. Que pourrait-il faire afin d'éviter que ce drame ne les frappe, eux aussi ? Mills ne sait pas et ne pas savoir lui donne l'impression de ne servir à rien, de subir l'attente entre deux rendez-vous médicaux avec la peur irrationnelle que quelque chose foire en cours de route. Il ne s'en remettrait pas. L'agent aime déjà trop cette cacahuète informe grandissant dans le ventre de Fleming. Il lui parle et lui chante, quand bien même Lou lui rappelle que cela ne sert à rien, que le fœtus n'est pas encore en mesure de l'entendre. Foutaises.

Il arrive short et baskets aux pieds, prêt à brûler quelques calories en compagnie de Price. Après avoir révélé la nouvelle à Khadji, Mills en a fait de même avec son ancien collègue et c'est tout naturellement que la proposition de se voir est venue dans la conversation. Suite au déménagement et avec l'arrivée des emmerdes (Marley, pour ne pas la nommer), les deux hommes n'ont pas eu beaucoup d'occasions de discuter. Jax a pris des nouvelles par le biais de Yasmine qu'il croise régulièrement à l'hopital mais, aujourd'hui, c'est à Edge en personne qu'il a envie de parler. À l'autre futur père. Quand Price se pointe, Jax l'interpelle d'un signe de la main destiné à attirer son attention sur le banc ou lui-même se trouve. Ils sont au parc, à l'entrée d'un chemin de promenade le long duquel courir à rythme de grands-pères tout en taillant le bout de gras s'apparentera à une promenade de santé. « Yo ! » Lance-t-il, brandissant le poing en direction de son acolyte avec le même aplomb qu'il avait plus de dix ans auparavant. Le temps passe si vite. L'album offert par le photographe en témoignait déjà la dernière fois qu'ils ont eu ce que l'on pourrait qualifier de vrai tête-à-tête entre potes. Bientôt, il faudra ajouter des pages à leurs recueils respectifs. Pages sur lesquelles se succéderont les portraits aux traits familiers de leur progéniture. Rien que d'y penser, Jax se prend un coup de vieux. Il réalise qu'il faudrait qu'il arrête avec ses checks d'ado. Quel père fait ça ? Les papas cool ? Ou les vieux has been se croyant encore dans le coup ? « T'imagines pas comme ça m'fait plaisir de te voir. » La sincérité de ses propos se lit dans son sourire amical. Clairement, Mills est heureux de retrouver son copain. Edge et lui ont partagé bien des choses : Des enquêtes glauques ; des nuits blanches à cogiter sur les photos des scènes de crime ; des verres ; des gonzesses draguées au bar ... Des disputes aussi. S'ils pouvaient désormais partager le positif de leur vie et se féliciter d'avoir mis leur partenaire enceinte, ça serait le début d'un chapitre plus joyeux de leur amitié.