Le bar était bondé, vraiment bondé. Pourtant il n’était pas si tard que ça. Le combo vacance et vendredi soir avait fait des merveilles semblait il. Peut-être que la réputation du lieu en était en partie responsable aussi, jugé branché, c’était un des derniers petits nouveaux à la mode, celui que tout le monde voulait tester visiblement. En tout cas la musique était bien agréable et même s’il adorait son boulot, Andy appréciait l’idée de pouvoir se changer les idées avec du bon son dans les oreilles. Assis à une table haute dans un coin, il jeta un œil à sa montre, se demandant s’il devait faire durer le plaisir ou rentrer chez lui. Venu originellement pour afterwork avec deux collègues, il se retrouvait à présent tout seul. Le premier venait de le saluer en sortant au bras d’une jeune fille avec laquelle aucun d’eux n’étaient arrivés et le second, ils l’avaient mis dans un taxi trois quart d’heure plus tôt. Il y était allé un peu fort sur le lâcher prise, trop pour conduire, mais juste assez pour bien amuser ses collègues. Il risquait fort de ne pas se rappeler de toute sa soirée et risquait tout autant de se faire chambrer lundi au boulot. Finalement, c’était une chance pour lui qu’ils ne furent que deux à avoir assisté au spectacle.

Un coup d’œil à sa montre lui fit prendre conscience qu’il était à cette heure, où la soirée est déjà bien entamée et où pourtant il est beaucoup trop tôt pour quitter la soirée. Mais Andy n’est plus étudiant. Il a une épouse et deux enfants à la maison et même s’il n’a pas donné d’heure à Leah, une partie de lui sait que ce n’est pas être un très bon mari que de la laisser seule avec un garçon de huit ans et une petite fille d’un an et demi, le soir de la semaine où les enfants sont le plus excités. Et d’un autre côté ce n’est pas si souvent qu’il sort et se change ainsi les idées. C’est ce qu’il se disait pour se rassurer alors que ses deux collègues étaient encore présents mais maintenant qu’il n’y avait plus personne, il n’avait pas vraiment d’excuse pour rester plus longtemps. Il jeta un œil sur la porte d’entrée du bar se demandant s’il aurait le courage de jouer des coudes pour atteindre la sortie. C’était bien sûr une fausse excuse, une partie de lui préférait rester là, à écouter la musique en buvant une dernière bière et en observant la foule plutôt que de rentrer chez lui…

Son attention fut cependant attirée par un manège vieux comme le monde mais qu’il trouvait toujours aussi désespérant. Une jolie blonde était entrée pendant qu’Andy tentait de trouver la motivation nécessaire pour se décider à rentrer chez lui. Et avant même qu’il ne se soit avoué qu’il préférait rester là, deux hommes avaient emboîté le pas à la jeune femme. Soirée, bar, célibataires en chaleur. Rien de bien étonnant, si ce n’est que la dite blonde allait se retrouver avec deux prétendants, déjà un peu alcoolisé si l’on en croyait leurs expressions béates et leur démarches mal assurées. Andy observa la scène, la blonde au bar, les deux gars à ses côtés l’ayant déjà abordé. Avec le monde qu’il y avait, Andy n’entendait évidemment pas la conversation, mais le langage corporel était assez clair. Les hommes ne devaient pas être très convaincants car la jeune femme leur avait tourné le dos après leur avoir répondu quelques mots. C’était un refus clair et équivoque. Même de là où était Andy ça paraissait évident. Mais bon dans ces situations là les hommes ne sont pas toujours très malins et parfois vraiment lourds. Il en vit un mettre la main sur l’épaule de la jeune femme sans doute pour attirer son attention. Quand les mains commencent à se balader, ce n’est jamais vraiment bon. Personne d’autre que lui ne semblait faire attention à la scène, ceci dit ce ne serait pas la seule à avoir lieu en ce moment dans le bar qu’il n’en serait pas surpris. Entre les gens qui dansaient, le barman débordé, les groupes qui chahutaient, il y avait bien des choses à voir. Un nouveau refus de la blonde et des benêts pas l’air décidé à abandonner.

Même si Andy doutait que ça puisse vraiment mal tourner au vu du monde qu’il y avait dans le bar, il ne se voyait pas partir comme si de rien était. Il se leva, prenant soin de laisser sa veste et son verre entamé sur la table en espérant que ça suffirait à ne pas se faire piquer la place. Il lui fallut quelques secondes pour se frayer un chemin à travers les quelques personnes qui le séparait du trio. Les deux hommes lui tournaient le dos mais la jeune femme lui faisait face. Il croisa son regard juste un peu avant d’arriver et lui fit un signe de tête désignant l’un des gars, espérant qu’elle comprendrait qu’il n’était pas là pour l’embêter d’avantage. Andy se glissa entre les deux hommes comme s’ils n’étaient pas là et aussitôt s’adressa à la blonde sur un ton joyeux. « Hey ma puce ! » Il lui passa un bras autour des épaule, sans trop serrer et sans laisser se balader aucun doigts, le but était de faire comme si, pas d’en profiter. Toujours sans s’intéresser aux deux hommes il ajouta : « Enfin tu es là, je nous ai trouvé une table. Viens. » Alors qu’il allait l’entraîner avec lui, il fit sembla de voir enfin les gars. Faisant comme s’il pensait que lui-même et la blonde leur bloquait le passage il dit : « Messieurs pardon,  on vous libère l’accès au bar. » Il fila entraînant la blonde, lâchant ses épaules au profit de sa main. Il conduit rapidement à la table où il était quelque peu avant, ravi de voir que les deux hommes n’insistèrent pas. Bah, ils se consoleraient avec le bar. Il indiqua le second tabouret à la jeune femme et repris place sur le sien, sa veste était toujours là. Une bonne chose vu qu’il avait laissé son portefeuille dedans. Pas très malin. « Je pense qu’ils vont vite se désintéresser de vous. Vous pourrez reprendre votre soirée tranquillement dans quelques minutes. » dit-il à la blonde. « Et désolé de m’être montré si…amical. Mais j’avais l’impression qu’ils devenaient un peu insistant non ? »

Sortir avait quelque chose de bien plus amusant à Brisbane parce qu’elle pouvait le faire sans s’assurer de rentrer et sortir par la porte de derrière pour éviter de donner aux paparazzis ce qu’ils voulaient. A Londres, ses faits et gestes étaient scrutés à cause de son lien de parenté avec les Sighbury, elle n’était ni créatrice comme ses parents, ni mannequin comme son frère, elle n’était que Greta Sighbury, la cadette, mais cela suffisait à intéresser les gens. Depuis la sortie de son livre et sa tournée de séance de dédicace, c’était une vérité encore plus réelle et si sa rupture avait précipité son départ, beaucoup de facteurs étaient entrés en compte au moment de sa décision. Alors ce soir, elle avait accepté la proposition de quelques-uns de ses nouveaux amis Australien pour sortir. Ils avaient choisi un bar, quand elle avait l’habitude de traîner dans des boîtes de nuit huppées où le son était trop fort et la présence de drogue trop importante, notamment dans l’espace VIP. Ici, tout était simple. C’était du moins ce qu’elle s’était dit en arrivant, commandant son premier verre de vin pour entamer une discussion avec des personnes avec qui elle n’était pas complètement sûre de pouvoir un jour créer de réels liens. Mais cela lui passait le temps, lui permettait de s’évader un peu de ses problèmes, le syndrôme de la page blanche, ses regrets concernant Isaac et la façon dont elle avait abandonné sa famille. Il fallait qu’elle saisisse la chance qu’était ce second départ, à commencer par l’opportunité de sortir en étant elle-même, chose qui n’avait visiblement pas suffi à garder l’attention de ses amis pendant plus d’une heure. Très vite, la blonde s’était retrouvée seule au bar et son côté british avait visiblement énormément de charme à Brisbane, au point que deux garçons l'interpellent en même temps. Greta n’était pas intéressée mais ils ne semblaient pas le comprendre.

Elle tentait de profiter de son verre en regardant son amie se déhancher sur la piste du bar bondé et ignorait tant bien que mal les relances des deux hommes à ses côtés. C’est à ce moment-là qu’un autre s’était dirigé vers elle, la fixant et désignant du menton ses voisins. « Hey ma puce ! » Et avant qu’elle n’ait eu le temps de tenter une nouvelle fois de faire comprendre à ces deux-là qu’elle n’était pas intéressée, Greta avait senti le bras du jeune homme s’enrouler autour de ses épaules. « Enfin tu es là, je nous ai trouvé une table. Viens. » Sans poser aucune question, elle avait cru comprendre le stratagème de l’inconnu et elle avait joué le jeu avec un sourire satisfait en direction des deux hommes. Pourquoi n’avait-elle pas pensé plus tôt à jouer la carte du petit-ami ? Probablement parce qu’elle n’avait aucune idée que quelqu’un serait disponible et réactif pour endosser ce rôle afin qu’il soit assez crédible. « Messieurs pardon,  on vous libère l’accès au bar. » Et il l’avait entraîné par la main un peu plus loin dans le bar, à une table où l’attendaient ses affaires. « Merci, vraiment. » Certes, l’idée première était de se faire des amis parce qu’elle ne s’était installée ici que depuis peu - une petite année si l’on ne prenait pas en compte sa première tentative à Brisbane qui s’était soldée par un retour forcé chez elle - mais si elle avait fui la presse, le danger résidait maintenant dans ces hommes qui se pensaient irrésistible. « Je pense qu’ils vont vite se désintéresser de vous. Vous pourrez reprendre votre soirée tranquillement dans quelques minutes. » Greta lui avait souri, à cet inconnu là qui était bien plus à son goût, mais, très vite, elle avait repéré la bague qui ornait son annulaire et elle s’était contentée de retrouver son regard. « Et désolé de m’être montré si…amical. Mais j’avais l’impression qu’ils devenaient un peu insistant non ? » Il était charmant, il avait une certaine aisance pour discuter et s’excusait maintenant de l’avoir tirée d’une situation délicate. Si tous les australiens pouvaient être comme lui, l’intégration serait bien plus simple. « Vous avez très bien fait, je ne savais plus comment m’en débarrasser… » Greta avait laissé échapper un soupir, parce que même si les avances de ces hommes avaient été appropriées et qu’ils avaient été à son goût, elle était encore sous le coup d’une rupture un peu trop douloureuse. Et de cette nuit avec Isaac, avant que celui-ci ne commette la pire erreur de sa vie. « Vous aussi, vous vous êtes fait planter par vos amis ? Ou vous venez ici dans l’unique but de secourir les demoiselles en détresse ? » Elle avait planté son regard dans le sien en lui souriant. « Je vous offre un verre pour vous remercier, qu’est ce que vous buvez ? » avait-elle demandé avec un accent anglais qui ne s'amenuisait pas au fil des mois, espérant que l’inconnu ne disparaisse pas pour rejoindre sa femme ou même les personnes qui l’accompagnaient parce que Greta, elle, avait beau regarder de gauche à droite, elle était désespèrement seule.

Andy préféra s’excuser d’entrée de jeu pour ses gestes vis-à-vis de la jeune femme afin de lever rapidement toute ambigüité. Il avait entendu parler de ces gars qui intervenaient en faveur de jeunes femmes en détresse pour ensuite essayer d’en profiter. C’est un comportement dont le sens lui échappait mais il faut dire qu’en termes de séduction, il s’en était tenu à peu d’expériences dans sa vie, surtout auprès des femmes. Par précaution, il préférait faire comprendre à la jeune femme ce qu’il en était de ses intentions potentiellement cachées, à savoir aucune. « Vous avez très bien fait, je ne savais plus comment m’en débarrasser… » Andy avait repris sa place, vérifiant rapidement qu’un pickpocket ne serait pas passé par là mais tout était ok. La blonde s’installa en face de lui. « Vous aussi, vous vous êtes fait planter par vos amis ? Ou vous venez ici dans l’unique but de secourir les demoiselles en détresse ? » Il sourit. « Disons que j’ai remis le premier ami dans un taxi il y a un petit moment et que le second m’a en effet planté. Ah les amis, c’est fou c’est trucs là, on peut pas compter sur eux. » fit-il d’un air faussement agacé et volontairement exagéré. Il plaisantait évidemment. D’autant plus que qualifier ses collègues d’amis était un peu exagéré. « Dans votre cas aussi, c’est eux qui vous ont fait venir ? » Andy haussa les épaules. « Enfin sans ça, j’aurai sûrement pas eu l’occasion de jouer les princes charmants. Ca aura au moins eu une utilité. » « Je vous offre un verre pour vous remercier, qu’est ce que vous buvez ? » « Vous n’êtes pas d’ici non ? » Il avait noté son accent lorsqu’elle avait parlé. « Une bière, merci. » ajouta-il.

Il avait vu la jeune femme regarder autour d’elle comme si elle cherchait quelqu’un et il ne se voyait pas la laisser en plant de suite. Etrangère et jolie. C’était le combo gagnant pour attirer les gros lourds en soirée. Si ses amis l’avaient abandonné, ils n’étaient vraiment pas cool. C’est ce qu’il se disait, mais la vérité, il le savait bien, c’était d’avantage que plus il tardait à rentrer chez lui et mieux il se portait. « Vos amis sont peut-être juste en retard. » dit-il dans une volonté de rassurer la jeune femme. Il fit signe à un serveur qui passait par là pour qu’il vienne prendre leur commande. Une façon de lui assurer qu’il n’allait pas la laisser là seule. « Ou vous vous êtes trompés de bar. » ajouta t’il pour plaisanter. Cette réplique jouait sur le fait qu’elle était peut-être nouvelle en ville. C’était risqué de parier ça sur un accent. Mais Andy était à l’aise, plutôt d’humeur malicieuse. Pour sa défense, contrairement à la jeune femme, il ne commençait pas sa soirée. Il avait déjà quelques bières au compteur. Pas beaucoup, il n’était pas un gros buveur, il était donc loin d’être sou. Mais fin de semaine et absence de repas étaient aussi à prendre en compte, aussi il devait bien avouer que ses premières bières faisaient quand même légèrement effet. D’où probablement son aisance à plaisanter autant avec une inconnue. En temps normal, s’il n’était pas timide, il avait tendance quand même à rester un peu en retrait et son humour tournait d’avantage autour de l’ironie et du sarcasme que de la plaisanterie. Mais c’est cette dernière option qui semblait de mise ce soir. Il ne savait pas vraiment sur quel compte il devait mettre son bien-être actuel. Peut-être tout simplement au profit de cette rencontre inattendue. C’était agréable que quelque chose de nouveau se passe. Quelque chose d’innocent et sans conséquences. Aussi jolie soit la jeune femme, elle laisserait Andy complètement indifférent. Rien à craindre que les choses ne dégénèrent de ce côté-là. C’était donc une occasion de se poser, de profiter, sans tout calculer. Oui c’était agréable. « Votre journée s’est bien passée ? » Il rit tout seul. « C’est nul comme début de conversation. J'ai perdu l'habitude faut croire. » Il l'avait plutôt jamais prise, si on excluait quelques occasions similaires vécues à la fac. Ca remontait à loin mine de rien.

C’était une technique vieille comme le monde, de se faire sauver des griffes des détraqués qui semblaient courir les rues par un homme qui prétendait être son petit-ami. L’idée que ce petit jeu soit nécéssaire ailleurs que dans les films avait laissé la blonde s’interroger quant à la sécurité dans une ville comme Brisbane. Mais elle resterait optimiste, elle connaissait Londres comme sa poche et ne fréquentait que des lieux huppés où les risques se cachaient ailleurs : dans les excès et sous les traits de gentlemen. Au final, elle préférait se concentrer sur ce garçon là qui par son action avait maintenant toute son attention - également parce que Greta était à présent totalement seule. « Disons que j’ai remis le premier ami dans un taxi il y a un petit moment et que le second m’a en effet planté. Ah les amis, c’est fou c’est trucs là, on peut pas compter sur eux. » Elle avait ri face à sa meilleure imitation de l’homme passablement agacé et se rassurait encore un peu en voyant qu’il était en train de vivre la même chose qu’elle. « Dans votre cas aussi, c’est eux qui vous ont fait venir ? » Greta avait soupiré, relâchant un peu la pression qu’elle exerçait sur son sac à mains depuis qu’elle s’était retrouvée dans cette situation compliquée. « Vous avez deviné, c’est exactement ça. Un jour peut-être on nous expliquera l’intérêt d’insister pour que l’on soit présent si c’est pour disparaître en seulement quelques minutes… » La discussion était fluide et finalement, l’absence de ses amis devenait un atout permettant à une Greta incognito de se faire des connaissances. De réelles connaissances, pas le genre de personne qui s’approchait d’elle pour réussir à mettre la main sur Carmine. « Enfin sans ça, j’aurai sûrement pas eu l’occasion de jouer les princes charmants. Ca aura au moins eu une utilité. » Greta avait fait un mouvement de la tête pour confirmer, ses yeux s’écarquillant en réalisant qu’il partageait ses pensées. Confiante en la présence de cet inconnu là, elle lui avait offert un verre qu’il n’avait accepté qu’après une question qui l’avait de nouveau fait rire. « Vous n’êtes pas d’ici non ? » Sa main s’était levée face à elle pour confirmer l’évidence. « Une bière, merci. » Il avait fait un signe au barman et elle avait commandé le même verre de vin pour elle et la bière la plus chère de la carte - par réflexe - pour lui. « Je viens d’Angleterre et je sais, je sais, les accents sont incomparables, à se demander si on parle la même langue ! » Un nouveau monde, l’occasion de repartir de zéro, à commencer par ces soirées à se trouver de nouvelles connaissances. « Vos amis sont peut-être juste en retard. » Elle avait poussé un long soupir et l’avait laissé reprendre avant d’avoir pu répondre. « Ou vous vous êtes trompés de bar. » Cette fois-ci, Greta avait éclaté de rire. Il avait énormément de charme, et son humour et sa bienveillance faisaient de lui le genre de garçon qu’elle aurait souhaité découvrir un peu plus. Mais c’était ce qu’elle avait fait avec Arthur et plus d’un an après, la jeune femme était encore incapable de développer l’envie de séduire car le risque de tomber amoureuse était trop important. « Mes amis ont disparu et je serai très inquiète si je ne les connaissais pas aussi bien. » Elle s’était approchée de lui pour murmurer la dernière phrase comme si elle lui confiait le secret le mieux gardé du monde. La vérité, c’était que Greta savait pertinemment que ces amis-là n’avaient aucun mal à nouer des liens un peu plus intenses que de simples amitiés et qu’elle restait le plus souvent seule, derrière, à les regarder profiter de quelque chose en quoi elle ne croyait plus. « Et après plus d’un an dans le coin, je commence à me repérer. Vous avez toujours vécu ici ? » La blonde avait beau déceler un accent différent du sien, elle ne savait pas encore dire s’il était bel et bien australien. Attrapant son verre enfin arrivé pour en boire une gorgée, elle avait fixé le jeune homme un temps avant de s’exclamer.  « Je ne me suis même pas présentée… Je m’appelle Greta ! » Lui serrer la main aurait semblé un tantinet pompeux alors à la place, elle avait brandi son verre, attendant qu’il vienne trinquer avec elle. « Votre journée s’est bien passée ? » Le voyant rire directement après sa question, elle avait arqué un sourcil. « C’est nul comme début de conversation. J'ai perdu l'habitude faut croire. » Il était définitivement drôle, à moins que ce ne soit l’alcool qui venait la rendre réceptive à ce type d’humour, dans tous les cas, il permettait que cette soirée ne devienne pas un immense fiasco.  « C'est rien, je vous pardonne, on avait pas prévu ce rencard improvisé. J’ai passé une bonne journée, oui, merci. » La question avait eu pour effet de faire prendre conscience à Greta que ses journées n’avaient plus rien d’extraordinaire. C’était ce qu’elle avait souhaité en arrivant ici et pourtant, elle aurait adoré avoir tout un tas de choses à raconter concernant l’avancée de sa carrière d’écrivaine.  « Et vous ? Qu’est ce que vous faites dans la vie ? » Son menton était venu trouver la paume de sa main et elle était prête à écouter, un sourire ornant son visage. « Laissez-moi deviner, flic ? » Et c’était sa tentative d’humour à elle, sa grimace venant prouver combien elle n’était pas convaincue de sa réussite.

Spoiler:

Donc c’était bien ça, la jeune femme avait aussi été abandonnée par ses amis alors que c’était eux qui avaient sollicité sa présence. Comme elle le signalait, cela manquait de cohérence. « Ouai. Peut-être que cela n’ait qu’une horrible conspiration de leur part ? Ils estiment qu’on ne sort pas assez et ont eu envie de nous jeter dans le vaste monde ? Ou alors ils nous aiment pas et espèrent qu’on ne retrouvera pas le chemin de la maison. » Andy accompagna ses derniers mots d’une fausse moue désolée. Il ne pouvait pas vraiment en tenir rigueur à ses amis de l’avoir planté vu qu’il savait ce qui avait conduit à leur départ à chacun. Mais sur le principe il était assez d’accord avec sa nouvelle connaissance. Si on invite quelqu’un à sortir, c’est bien pour passer la soirée avec non ? « Nous n’avons plus qu’à nous venger et à passer une bonne soirée sans eux. » Histoire de les faire râler le lendemain. Andy appréciait même que Harvey soit parti en galante compagnie un peu avant, nul doute sinon qu’en ce moment il tiendrait la chandelle en l’observant essayer de draguer la jolie blonde en face de lui. Jouer les acolytes c’est moins glorieux que de jouer les princes charmants mine de rien. L’inconnue riait à ses plaisanteries et c’était agréable aussi. La conversation s’enchaînait de façon fluide, le courant passait bien. L’absence de pression, qu’il y a forcement quand on cherche à séduire, absente permettait de se montrer plus libre. Il n’y aurait à priori pas de suite à cette soirée, alors autant en profiter pour passer un bon moment. A son accent, on devinait que la jeune femme n’était pas de Brisbane, probablement pas Australienne même, ce dont Andy s’enquit pour poursuivre la conversation le temps que leurs boissons arrivent. « L’Angleterre, je n’y suis jamais allé. Il faudrait que j’y songe un de ces jours. » Ne serait-ce que pour visiter Londres, on lui avait dit que ça en valait la peine. «  Je me fais la même remarque quand je rencontre des américains. » grimaça t’il à sa remarque sur les accents. « Si ce n’est pas indiscret, qu’est-ce qui vous amène à Brisbane ? Le travail ? »

Bien qu’Andy profita du fait que Greta était étrangère pour caser une autre blague sur ce qui pourrait expliquer l’absence de ses amis, blague qui fit plus mouche que les autres d’ailleurs, la jeune femme ne semblait pas plus inquiète que lui face à l’évaporation de ses amis. « Je vois, c’est pas la première fois qu’il vous font le coup. » lui fit il d’un air complice. Elle s’était rapproché comme pour mimer une confidence et Andy joua le jeu. Au moins si les types qui avaient embêté la jeune femme au départ guettaient encore, ils auraient de moins en moins de doute sur la mise en scène du faux couple. Sur le même ton, il poursuivit : « Vu qu’ils ont l’air du même genre, on pourrait peut-être jouer les entremetteurs. Allez savoir, ce serait peut-être le début d’une grande collaboration scientifique sur les mystères de l’évaporation ? Ou Llittéraire ? Ils nous pondraient un mémoire sur Comment disparaître en un instant en dix leçons ? »

Andy apprit que la jeune femme était ici depuis près d’un an quand même, ce qui signifiait qu’elle devait commencer à appréhender correctement son nouvel environnement. Elle lui retourna la question sur ses origines. « Je suis né ici. Dans cette ville même. L’avantage c’est que Brisbane est une ville suffisamment bouillonnante pour qu’on ne s’y ennui pas. » Comme une idée soudaine, elle se rappela, et lui rappela de ce fait, qu’ils ne s’étaient pas présentés. Greta, le nom était noté. Il vînt trinquer. « Andy. Je suis ravi de vous rencontrer. » Le tout accompagné d’un clin d’œil et d’un sourire. Sourire qui ne le quittait pas vraiment depuis le début de la rencontre, si ce n’est pour de fausses mimiques et grimaces accompagnant leurs plaisanteries respectives. Il enchaîna sur des questions bateaux, qui pour le coup, faisait vraiment trop premier rendez-vous. Elle ne lui en tînt pas rigueur et Andy ne tiqua pas au mot rencard. Entre son mariage et sa préférence pour les hommes, l’idée même des rendez-vous étaient un truc qu’il avait tendance à très mal gérer même face à une jolie femme qu’il appréciait déjà. « Laissez-moi deviner, flic ? » Andy lui fit les gros yeux avant de rire. C’est bien la première fois qu’on lui sortait ça et la jeune femme n’en était visiblement pas convaincue. «  Ne soyez pas déçue, vous aviez une chance sur un million. Non je suis chef de projet dans un groupe immobilier. » D’un air faussement sérieux, à la méthode d’un interrogatoire, il demanda : « Et vous que faites vous dans la vie ? Humm, voyons, je réfléchis… Pas actrice, vous auriez été accompagnée de paparazzi ou de garde du corps qui aurait rendu mon intervention à la fois inutile et ridicule. Mannequin ? »

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