he ran into my knife ten times
@Angus Sutton ☆ crédit/ssoveia

Sa chaussure à talon bringuebalait au bout de ses orteils, ses jambes sagement croisées. Un sourcil en accent circonflexe dressé sans en avoir l’air, l’expression de son visage mandant le défi à quiconque de la sommer de descendre de son perchoir — soit le comptoir du bar qu’elle avait investi après les premières minutes de son arrivée sur place —, Jo battait la mesure avec ses longs ongles contre l’acajou. Tac, Tac, Tac. Elle se sentait bien dans cette ambiance, elle y avait suffisamment traîné pour ne pas être impressionnée par l’impression de bond dans le temps que procurait l’ensemble. En fait, elle s’y sentait à sa place, se mouvant entre les tables en ne donnant pas l’impression d’y mettre les pieds pour la toute première fois, laissant même le sentiment d’être sur ses terres, le galbe de sa silhouette moulée dans sa robe du jouer épousant les lueurs des lumières tamisées pour les répétitions. Elle se sentait bien mieux ici qu’à l’Electric Playgroud, ou les basses saturées par des boum et de l’électro provoquaient des migraines aux hypersensibles dont elle faisait secrètement partie. Aussi étrange que ça pouvait paraître quand on la connaissait de loin, c’était dans le calme d’une ambiance feutrée qu’elle faisait meilleure figure, et ce festival de jazz était une aubaine pour le prouver. Ça tranchait  vif avec ses premières séances de travail en studio, et ça n’était pas pour lui déplaire, ça lui rappelait seulement à quel point elle ferait ce qu’elle pourrait pour avoir l’honneur des choix qui jalonneraient sa carrière quand répondre aux caprices d’un label appâté par le gain était pour l’heure la seule liberté qu’on lui laissait vraiment. Le temps ferait son oeuvre, elle craignait moins l’image qu’on tenait à lui coller sur le dos parce qu’elle anticipait de plus en plus loin, de plus en plus fort, et que se référant à des modèles concrets, elle savait que son succès futur lui permettrait de vivre le rêve de sa vie à un moment donné — le vrai, pas celui que constituait une victoire amenée sur un plateau aussi doré que la cage dans laquelle on l’avait enfermée en même temps. La perspective était alléchante, faisait briller ses yeux d’une lueur déterminée, sans pour autant qu’elle ne laisse de côté les potentielles difficultés qu’elle rencontrerait. C’était à prendre en compte, et quand on avait son caractère, c’était important de ne pas se laisser aller à croire à la réussite sans encombres.

Elle l’avait dit à Angus : c’était tentant d’imaginer que vivre de sa musique était une partie de plaisir, mais la réalité ne collait pas toujours au fantasme collectif autour de tout ça. Elle-même l’avait appris à ses dépens, alors peut-être qu’avoir envie de conseiller quelqu’un qui lui avait laissé le sentiment d’être dépassé par les événements, c’était sa façon de corriger ses propres manquements en matière de pragmatisme. Putain de mère Teresa, c’était bien sa veine de côtoyer des gens bons et sympas, ça avait une influence plutôt positive sur sa propension notoire à s’en cogner à peu près de tout quand ça ne la concernait pas e près. Il lui avait fait pitié le jeune homme à se croire dans un film, manager du dimanche qui rend service à des potes qui se contentaient du moins bien quand il y avait de vrais pros qui savaient déjà comment s’y prendre. L’opportunité étant trop bonne pour lui faire réaliser les choses, elle l’avait fait venir ici pour qu’il s’imprègne de l’effervescence d'un événement organisé en grandes pompes. Elle l’attendait donc, perchée sur le bar, à compter les secondes qui s’égrainaient en sachant très bien sans avoir besoin de poser ses grands yeux de biche soulignés d’eye-liner sur un quelconque cadran qu’il était en retard, et pas qu’un peu ; c’est la première réflexion qu’elle lui fit quand elle le vit enfin arriver, sa hauteur massive se dressant au-dessus du petit peuple qui leva la tête pour mieux le voir tandis que Jo bascula doucement en arrière sur son comptoir, les épaules dégagées, le buste en évidence, un balancement relatif accompagnant l’oeillade scrutatrice et critique qu’elle lui accorda quand il arriva enfin à sa hauteur — jamais elle ne serait autant à égalité avec lui d’un point de vue taille que maintenant "Règle numéro un du bon manager : arriver à l’heure, c’est la base." Décroisant les jambes en même temps, elle poursuivit en continuant de le regarder avec le soupçon de réprobation sarcastique qu’elle apposait à tous ses dialogues avec ceux qu’elle considérait à peine "C’est pas toi qui dois te comporter en diva. Tu dois être carré sur la manière dont t’envisages les entrées du planning de tes artistes, et anticiper tous les scénarios possibles pour respecter tes horaires de rendez-vous, sinon tu te traîneras une réputation de tire-au-flanc, et c’est pas ce que tu veux, si ?" Le balancement qu’elle maintenait depuis tout à l’heure s’accentua juste un peu, un sourire malicieux bomba ses pommettes graduellement alors qu’elle marquait davantage l’espèce de challenge qu’elle lui donnait avec le culot qui était le sien.

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@Angus Sutton ☆ crédit/ssoveia

Une main tendue devant elle, les doigts repliés qu’elle remua par deux fois pour lui faire comprendre de lui apporter le gobelet qu’il lui avait ramené pour qu’elle évite de se bouger le derche de son trône de fortune, Jo mis à disposition ses travers de diva pour profiter de l’offrande faite par Barry. De son autre main, elle le pointa d’un doigt surplombé d’une manucure impeccable, un clin d’oeil de cinéma accompagnant sa manoeuvre, comme si elle venait de lui tirer une balle entre les deux yeux "Bien joué pour le thé." Elle pouvait lui accorder un bon point d’entrée de jeu, ça le motiverait peut-être à se comporter comme une grande personne — no pun intended. Cela dit, ça l’attendrirait presque de le voir prendre les choses autant au sérieux, sapé comme un prince, avec son costume et sa mallette qui lui fit ravaler un sourire, son nez s’enfonçant dans son gobelet dont elle but une gorgée en l’écoutant rebondir sur son entame et démontrer les premiers signaux de son impatience, confrontée à la délicatesse d’un camion poubelle à 17 heures de Josephine Carter.

Peut-être qu’il ne prenait pas tant les choses au sérieux que ça s’il estimait que la manière dont elle l’avait accueilli n’était pas bonne. Mais de ce qu’elle avait compris en échangeant quelques messages avec lui, il avait du pain sur la planche, alors pourquoi s’appesantir sur des politesses dont elle se foutait royalement au demeurant ? Elle avait accédé à sa requête pour des raisons nébuleuses, ça ne voulait pas dire qu’elle était à sa merci, ou pire encore qu’elle serait gentille, et surtout, qu’elle avait vraiment le temps pour ça. À l’arrière de son crâne se jouait le sentiment de gratitude immense qu’elle ressentait à l’égard de Maisie pourtant, et elle sut que, malgré l’évidence même qui mettant l’accent sur l’idée qu’elle et Angus ne seraient jamais amis, elle serait prête à l’aiguiller pour alléger sa conscience qui pesait lourd depuis qu’elle s’était aperçu que finalement, elle avait fait peser trop de choses sur les épaules de la frêle Maisie.

Une seconde gorgée de son thé, et elle avala rapidement pour répondre à Angus "Hey, si tu crois que t’es venu pour qu’on fasse la causette, tu t’es planté de rendez-vous." Et de personne, s’il avait envie de raconter sa vie, c'était au café du coin qu’il aurait dû faire sa recherche de mentor, le grand gus. Elle ne lui demanderait pas comment il allait, elle ne lui demanderait même pas pourquoi il était arrivé en retard ; son joli geste, il s’arrêtait aux conseils qu’elle pouvait lui donner, aux gens qu’elle pouvait lui présenter, il ne fallait pas espérer autre chose de la farouche Jo qui ne se laissait approcher que quand elle l’avait décidé. Quelque chose lui disait que de toute façon, il avait bien conscience d’à qui il avait à faire, ce n’était pas comme si elle se cachait derrière le vernis épais des apparences pour paraître plus douce et bienveillante qu’elle ne l’était. D’accord, les apparences comptaient, mais pas celles qui déterminaient la nature profonde du caractère de quelqu’un, et jamais elle ne mentait sur ce qu’elle était. Quand il s’agissait d’admettre qu’elle était quand même vachement chiante, vaguement lunatique, profondément antipathique, elle était la preums à lever la main : elle était honnête avec elle-même autant qu’elle l’était avec les autres, à défaut d’avoir toutes les qualités d’une putain de princesse Disney. Elle les avait sans doute, mais à sa façon, et ça passait bien souvent par une triple dose de sarcasme qui lui valait les réclamations constantes de son entourage, trop sensible pour supporter son tempérament.

Au moins, Barry l’appréciait à peine, ça lui laissait une marge assez large pour s’en foutre d’entamer son petit coeur fragile "Qu’est-ce que tu crois, qu’on se la coule douce dans le show-business ?" qu’elle lui demanda lorsqu’il semble surprit par le branle-bas de combat aux alentours. Il posa sa mallette à ses côtés, et Jo lui demanda en posant son gobelet par-dessus, se redressant de toute sa petite taille pour lui demander avec un sourire en coin, signe annonciateur d’une réplique soit tranchante, soit moqueuse "Y a quoi dans ta mallette, agent K ?" Il bossait dans un cinéma, il mettrait le doigt sur la référence. Ou pas. Elle s’en tapait dans le fond puisque, déjà repartie pour un tour, elle poursuivit comme si elle ne s’était pas interrompue "Si tu me réponds de la coke, tu perds le pactole, et zéro possibilité de retenter ta chance, alors réfléchis bien à ce que tu vas dire." Elle profita d’être fière de sa connerie pour enfin consentir à sauter de son comptoir, non pour échapper à la question qu’il lui posa ensuite, mais pour amortir une envolée vers un ailleurs.
Elle se stoppa cependant, reprenant son gobelet en se parant de la mine agressive qui était la sienne, se sentant constamment prise à partie pour des raisons aussi évidentes qu’elle n’avouerait jamais qu’être sans cesse sur ses gardes, ça lui venait d’une enfance et d’une adolescence passée à attendre que la main levée au-dessus d’elle ne lui tombe sur le nez. Elle le regarda, menton rentré, sourcils  et tête — il était vraiment grand, cet abruti — levés "Est-ce que j’ai vraiment l’air d’être stressée ?" Elle l’était. Parce que sa prestation avec Midas concordait avec la sortie de leur titre, qu’ils en attendaient beaucoup, elle plus particulièrement, et que ça représentait quelque chose de tellement gros finalement que, sortant de son éternelle confiance en elle qui en agaçait certain, en impressionnait d’autre, elle se mettait à retourner et retourner tout un scénario de catastrophe pour anticiper si ce n’était un désastre, peut-être une déception qui la rendrait tributaire de l’idée qu’elle était une indésirable, qu’il fallait qu’elle se résout à faire ce qu’on lui demandait de faire, point final. Fixant le jeune homme, elle n’attendit pas vraiment sa réponse, et reprit pour lui demander, repoussant d’un coup d’épaule le long rideau de cheveux lisses qui reposait en cascade le long de son bras, ses yeux roulant dans leurs orbites, ses paupières papillonnant juste après "T’en es où dans ce que je t’ai demandé de faire par messages la dernière fois ?"

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@Angus Sutton ☆ crédit/ssoveia

"Pourquoi, tu veux postuler ?" Elle avait une assistante, elle la libérait juste plus souvent qu’à son tour parce qu’elle ne l’avait pas choisie, qu’elle lui tapait sur les nerfs, et que de toute façon, Jo se comportait toujours comme si on lui devait le ciel et ses étoiles. Angus avait au moins le mérite d’atteindre le ciel sans trop lever la tête, ça lui faciliterait la tache pour négocier avec Jo, et ce n’était sûrement pas parce qu’elle s’était engagée à lui filer un coup de main qu’elle le traiterait autrement. Elle lui fila un petit sourire, nez froncé et yeux plissés, un air de dire sans le faire qu’avec elle, il pouvait tendre toutes les perches, elle serait toujours rattrapée. Ce n’était rendre service à personne, ça faisait souvent tourner le dialogue en rond, mais le besoin viscéral de Jo de toujours avoir le dernier mot, c’était à peu près toujours ce qui lui causait des soucis, alors sûrement qu’un jour, ça causerait sa perte aussi.

Elle sera aimable quand elle sera morte. Là, son entourage se rendra compte à quel point c’était fun de l’avoir dans son sillage, à quel point ça rendait la vie moins monotone d’avoir cette petite boule d’énergie vindicative à ses côtés, rendant tout imprévisible, une aventure constante avec ses aléas, ses surprises et ses coups durs. Elle était sûre qu’on lui ferait un bel éloge, c’était une certitude qui rendait les potentiels accidents moins effrayants, encore qu’elle espérait avoir de beaux jours devant elle. Buvant son thé par petites gorgées, les yeux posés sur Barry, elle roula ses lèvres l’une sur l’autre pour en dissiper le miel qui s’y était déposé, et secoua la tête, faisant sauter sa queue de cheval haute, quand il sembla la ficher dans la liste des gens non-civilisés "Si j’étais pas civilisée, tu serais même pas ici. C’est pas parce que j’aime pas faire des courbettes que je suis pas humaine. Tu préférerais que quoi, je te caresse dans le sens du poil ? Qu’est-ce que ça t’apporterait ?" Je suis pas Maisie, pensa-t-elle, le visage neutre. Reprenant son thé, elle arqua un sourcil à la suite de ses mots. Il pensait vraiment qu’elle était paresseuse ? Voilà l’exemple parfait du désavantage de se fier aux apparences. Elle était debout depuis cinq heures, et pas seulement pour se refaire la gueule à coup de blush et de bronzer : elle était travailleuse Josephine, et ça l’ennuyait de devoir se justifier quand absolument tout le monde savait à quel point elle ne se reposait pas sur ses lauriers malgré cette attitude qu’elle avait. Elle en aurait des choses à apprendre à Angus, sur l’éthique de travail, mais chaque chose en son temps. Pour l’heure, elle s’en cognait qu’il la pense fainéante : il voulait se documenter à son sujet ? Qu’il repasse en revue les dix derniers mois, ce serait facile. Il prendrait peur de la montagne de boulot qu’elle avait abattue sans un cheveu de travers, mais en attendant, elle lui dit "Je t’attendais, parce que moi, j’ai eu la décence de me pointer un quart d’heure avant l’heure fixée pour être sûre de pas te rater. Alors, c’est qui la personne pas civilisée, hm ?" Du gland, aurait-elle pu ajouter. Cela dit, elle s’était pointée en avance parce qu’elle était déjà sur place, à faire sa balance, à prendre de l’avance sur les répétitions, et à vérifier le moindre petit détail de sa prestation avec Midas en attendant que ce dernier n’arrive, lui aussi.

T’occupes voulait dire la petite expression qu’elle lui donna quand il s’étonna de ses références cinématographiques. Descendue de son perchoir, elle avançant le menton pour voir ce qu’il y avait dans cette fichue mallette, prit un air un peu sévère quand il la referma après lui avoir fait la liste de ce qu’elle ne contenait sûrement pas et le pointa vaguement du doigt "Richard est sur le coup pour les prétendants. Je lui ai dit de viser direct dans le haut du panier, il prend son rôle très à coeur." Un peu de douceur dans ce monde, c’était quand même possible quand on s’appelait Josephine Carter. Rien n’était plus authentique que sa propension à fondre comme une guimauve dans un mug de chocolat chaud quand il s’agissait de personnes âgées, et ce n’était pas compliquée d’en tirer certaines conclusions. Ava ne l’avait toujours pas remise depuis la dernière fois, mais elle préférait encore ne pas en parler que se remettre à pleurer comme elle l’avait fait devant Maisie "Assieds-toi en vrai, tu me donnes le mal des montagnes." Lever la tête pour le regarder devenait handicapant. Elle en avait l’habitude, la majorité de son entourage était plus grand qu’elle, mais Angus explosait le compteur et si elle avait eu le temps de s’arrêter sur ça, ça l’aurait impressionnée. Ça l’impressionnait dans une certaine mesure, sauf qu’il avait beau faire peur avec sa carrure, c’était inscrit sur son visage qu’il ne ferait jamais de mal à une mouche. Presqu’instinctivement, ça la fit jeter un regard par-dessus son épaule pour vérifier si son père n’était pas dans les parages pendant qu’elle s’asseyait aussi, passant sur le raclement de gorge qu’il lui offrit pour répondre à sa question sur le stress qu’elle dégageait.

Elle préféra se concentrer sur le concret, retournant son minois pas vilain sur le jeune homme qui, assit, était plus facile à regarder. Son coude se posa contre le bord du bar après qu’elle eut posé son gobelet, et sur un ton grimaçant, elle lui fit "J’ai la réf." Et par ailleurs, au contraire des jumelles de Miranda Priestly, elle s’en carrait d’Harry Potter. En revanche, elle ne s’en carrait pas autant que ça de ce qu’il lui dit juste après, répondant enfin à sa question en lui présentant les documents attestant des efforts qu'il avait fait alors qu’elle lui avait conseillé de vérifier une liste de choses qui l’aideraient à faire le point sur le management de ce groupe dont il lui avait parlé "J’ai écouté ce qu’ils font au fait." glissa-t-elle entre deux hochements de tête, un ongle suivant les lignes relatives à ce qu’il lui racontait, vérification silencieuse quand son avis, lui, elle l’exprima à voix haute sans démontrer autre chose que du respect malgré l’évidence que ce n’était pas sa tasse de thé : à part Katy et Ariana, Jo estimait qu’il devait y en avoir pour tous les goûts, même si elle aimait faire mine d’être une snob patentée. Ce n’était pas le cas. Elle avait ses guilty pleasures, elle aussi "Ils sont bons. Pourquoi leur manager a préféré les quitter ?" Ça ne sentait pas souvent bon, ce genre de choses. Quand un manager quittait le navire en pleine ascension, même lente, c’était qu’il devait y avoir de vilaines histoires là-dessous.

Son regard avait glissé des papiers d’Angus à son visage. Jo pinça les lèvres, faisant mine de retenir un sanglot "T’as écouté mes conseils, Angus ?" Aww, semblait dire la main qu’elle posa sur son coeur avant de retrouver un air neutre, presque sans expression "Garde tes archives à jour. T’as peut-être l’impression que c’est un détail, mais ça l’est pas. C’est pas seulement pour tout le pan juridique que ça t’aidera si jamais je sais pas, leur ancien manager décide de les attaquer en justice, c’est aussi pour la postérité. S’ils explosent dans les Charts à un moment donné, ils voudront s’assurer du chemin parcouru, et c’est important pour les artistes de garder une trace de leur début." Un nouveau conseil qui partait de son propre ressenti. Elle avait la chance d’avoir des archives d’a peu près tout ce qu’elle avait fait depuis qu’elle était petite en terme de musique, même les prestations les moins glorieuses. Son père était dur, il restait néanmoins un homme qui avait gravité dans ce monde toute sa vie en rêvant de réussir. Ça n’avait pas été le cas, alors il avait reporté tout ça sur ses enfants dont il avait gardé photos, vidéos et autres, certainement pour les revendre si l’un d’eux venait à percer. Jo ne serait pas étonnée de voir du contenu privé, des vidéos d’elle petite notamment, soudainement apparaître sur la toile. Se redressant quand Angus lui tendit un t-shirt, elle ne lui dit pas merci, mais elle l’accepta "Je l’offrirai. Il ira mieux à quelqu’un d’autre." À Midas en l’occurence. C’était bien son style, ce qu’ils faisaient, les Sand Witches. Malgré l’estampille de popstar qu’on voulait lui graver au burin sur le front, il rêvait de ça : de rock alternatif, sûrement moins accessible à un public de jeunes filles en fleur, mais Jo le connaissait assez pour savoir que ça le rendrait heureux de pouvoir un jour faire ça. Elle posa son cadeau à ses côtés, lança au jeune homme un regard par-dessous ses longs cils, les faisant battre avec une pointe de malice lorsqu’il mit les réseaux sociaux sur le tapis "Et j’y gagne quoi, à part un t-shirt ?" Elle plaisantait pour le coup, elle n’avait besoin de rien Jo. Alors vite, elle reprit "J’ai pas mon téléphone sur moi, mais c’est qu’un pouce à écraser sur un écran. Je le ferai, t’en fais pas." T’en fais pas, putain c’était qu’elle s’attendrissait la petite Jo. Considérant qu’elle ne suivait que dix comptes sur Instagram, ce nouveau follow ferait sûrement parler les curieux. C’était une bonne stratégie, elle tenait à le dire à Angus qu’elle aurait pu applaudir si elle n’avait pas une main occupée par son gobelet de thé "T’as déjà les bons réflexes, c’est bien." Elle l’observa brièvement, un petit regard suspicieux qui appela une question plus personnelle "À quel point tu crois en eux ? C’est important que tu le fasses parce que t’es convaincu qu’ils peuvent réussir tu sais." Reposant son gobelet sur le comptoir, elle croisa les jambes en le faisant tourner du bout de ses doigts en continuant "Si c’est que parce que tu veux rendre service, revois ta méthode." Il ferait ce qu’il voudrait de ce conseil qu’elle ne balaya pas, mais qu’elle laissa de côté pour s’arrêter sur ce que lui, ajouta.

"T’as peur de te faire plumer en tombant sur des propriétaires malhonnêtes ? C’est le risque, mais tu sais quoi, c’est pour ça que je suis là." Elle se désigna des deux mains, sa tête s’inclinant en même temps un air de dire et ouais, poto. Elle retrouva vite une expression à la hauteur de sa réputation : indifférente "Je commence à enregistrer dans peu de temps, et même sans ça, je sais où aller pour éviter ce que tu redoutes. Pas besoin de mon équipe pour te faire une liste, si t’as confiance, je peux m’en charger et te l’envoyer par mail dés que possible. Tu pourras m’utiliser comme garantie, je ferai en sorte de parler de vous quand je peux. Comme ça, t’auras même pas besoin de justifier quoi que ce soit." Ce business, c'était du bouche-à-oreille, et Jo ne l’ignorait pas. Mauvais caractère certes, elle connaissait l’importance du soutien apporté par ses pairs — sans celui de Midas, elle savait qu’elle ne serait pas grand-chose, et quand bien même il lui arrivait d’être une insupportable ingrate, qui pensait être sortie de la cuisse de Jupiter, elle avait dans le viseur de rendre ce qu’on lui avait donné. Peut-être qu’aider Angus, c’était un moyen pour elle d’adoucir sa culpabilité, elle qui avait le sentiment d’avoir sans le vouloir cherché à ce qu’on lui serve son futur succès sur un plateau doré. Elle eut un léger rire, ses épaules se haussant à l’entente des derniers mots d’Angus "Qu’il aille se faire foutre, leur ancien manager. Regarde où tu te trouves, et ce que t’es prêt à faire." Elle désigna le Jazz Club avec une main englobant l’ensemble, et lui affirma avec le culot de ceux qui doutaient rarement — pas ouvertement en tout cas, plutôt crever "Tu vas le refaire leur carnet d’adresses, et je peux t’assurer qu’il sera même plus fourni que celui avec lequel il s’est barré."