Blue Monday

How does it feel
To treat me like you do?
When you've laid your hands upon me
And told me who you are
I thought I was mistaken
I thought I heard your words
Tell me how do I feel

Ally &   @Archie Kwanteen     

Putain de sac à dos de merde.
Fichu amas de tissus et de plastique qui ne veut pas s’ajuster correctement sur mon dos! Soupirant, je finis par abandonner le combat et le jette à mes pieds, d’un geste violent et impulsif. Passant une main nerveuse dans ma chevelure capricieuse, je maudis cette journée, ces adolescents qui font office de camarades de classe, ces rires qui résonnent tout autour de moi. La jeune femme spontanée et quelque peu sociable que je suis n’a pas de ressentiments en leur égard, bien au contraire. Aux yeux des autres, je suis Ally la Bavarde, Ally la gentille, Ally la nana qui te prête une feuille ou un stylo si tu en as besoin, il suffit de demander, Ally la nana qui a toujours le sourire.
Mais parfois, j’suis juste qu’une merdeuse qui a envie de pousser une gueulante. Ça ne fait pas de moi une nana à éviter comme la peste… n’est ce pas?

Putain de Lundi de merde.
Non mais une sortie scolaire pour débuter la semaine, ça rime à quoi, hein? Quelqu’un peut m’expliquer? C’est n’importe quoi. Faut dire, j’suis vraiment pas d’humeur. Et c’est même pas la période rouge, en ce moment! Qu’est ce qui me prend, à la fin? C’est vrai, quoi, le ciel est bleu, le soleil brille, la température est idéale. Affublée d’un short en jean taille haute, d’un large tee-shirt vert pomme qui me tombe légèrement sur mon épaule gauche, d’une gigantesque paire de lunettes de soleil que j’ai piqué à ma Tante dans son dressing regorgeant de merveilles et d’une paire de Converse qui semble être au bout du rouleau, j’devrais sincèrement sourire à la vie, me dire que j’avais une existence de rêve et que tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Et pourtant.

J’sais pas, j’pouvais pas m’en empêcher. De penser à lui, de regretter qu'il ne m'adresse pas la parole. Dévorant des yeux Archie, non loin de là, qui s’adonne à son jeu préféré: faire le mariole, je soupire et sens mon exaspération grimper davantage. Heureusement que j’ai le champ libre grâce aux lunettes de soleil! Il trouverait ça sans doute bizarre, que j'fasse une finette sur lui. J’ai vraiment eu une idée de génie en les piquant à Patricia. Et puis, j’me dis qu’il est à la fois à l’origine de ma mauvaise humeur persistante mais aussi ce qui me pousse à sourire comme une putain de collégienne. Sortant de ma torpeur quand Kelly vient m’informer qu’on ne va pas tarder à prendre la route, je me contente de hocher la tête, ayant subitement la sensation que j’avais oublié quelque chose. Mais quoi?! Me penchant nerveusement vers mon sac à dos, je farfouille dans ses tréfonds durant de longues minutes, pestant contre mon cerveau malade qui ne sait pas passer à autre chose mais surtout envers Kelly qui me hurle dans les oreilles de me dépêcher. Non mais… faut se calmer là, dis donc! J'vais pas tarder, faut juste que je mette la main dessus... Préférant me concentrer sur ma tâche, je finis par débusquer les clés de chez moi, que j’étais certaine d’avoir fait tomber durant notre marche et les sort de la poche intérieure du sac, victorieuse! Je me redresse, passe ma main dans la anse de mon sac, prête à rejoindre Kelly.
Apercevant ainsi notre bus à quelques centaines de mètres de là, en route pour le lycée.

Et sans moi dedans.

Putain, mais quelle poisse!

Faut dire que je l’ai mérité, ce retour improbable du Karma. Pestant contre mes tocs qui parfois me mènent la vie dure, je me mets en route, n’oubliant pas d’attacher mes cheveux indomptables en un chignon lâche. Je sens que j’vais transpirer comme un boeuf, à devoir marcher sous un soleil cuisant pour rejoindre mes camarades qui vont sûrement me demander ce que j’ai foutu pour ne pas monter à leurs côtés.
Bah j’dirais la vérité… Que quand j’ai quelque chose en tête, je l’ai pas ailleurs, n’est ce pas?

J’suis têtue. Et surtout une sacrée chanceuse, quand j’aperçois de l’autre côté de la route un Archie tout aussi embêté que moi et surtout… seul.
Une véritable aubaine.
Sautant sur l’occasion, je le rejoins, sans même prendre le temps de regarder si une voiture ne traverse pas la route et me tient à sa hauteur, lui demandant d’une voix essoufflée:

Oh, Archie, je… Toi aussi, t’as loupé le bus?

Franchement, Ally, en entrée en matière, t’as pas mieux qu’une question rhétorique à laquelle il va t’envoyer bouler, hein?
De toute façon, j’ai rien à perdre. Seuls, nous allons dans la même direction.
Sans doute pour la première fois depuis que nous nous sommes rencontrés…

BY PHANTASMAGORIA

 

2007.

Ils ne sont plus des bébés. Ils ne devraient pas avoir à faire la queue comme ça pendant que l’enseignant responsable de la sortie compte les têtes des adolescents. Archie a envie de fumer. Il jette des regards amusés à chacun de ses potes les hyènes hilares tandis que l’adulte procède à l’appel des noms, un carnet en main. Tout le monde est là. Cette sortie au musée n’a tué personne, c’est déjà une bonne nouvelle.  

« L’autobus devrait arriver d’une minute à l’autre. On nous a informé qu’il y avait du trafic sur le boulevard nord. Vous pouvez vous remettre à parler, mais ne vous dispersez pas s’il-vous-plaît. » Que leur informe mademoiselle Gilbert en plaçant nerveusement ses cheveux derrière ses oreilles. Il ne faut pas le dire deux fois à Archie qui se fraie un chemin jusqu’au fond du parking, suivi par ses sangsues de poche, avec lesquelles il échange quelques high five et fist bump. Ils s’installent à une table à pique-nique tout près de l’entrée du musée et le chef de la bande laisse sa tête basculer vers l’arrière pour accueillir les rayons du soleil contre la peau de son cou. Il n’est pas peu fier de son allure tout fraichement commanditée par le portefeuille de son père. Ses Air Jordan rouges et blanches rendent tout le monde jaloux, même les oiseaux qui chantent seulement pour attirer son attention. Mais il les ignore, les piafs bruyants, bien trop occupé à défroisser les plis de son jean baggy et à replacer sa coiffe débordante de gel à l’épinette. Du coin de l’œil, il reluque les fesses de Sabrina qui passe par là, se mord la lèvre inférieure et s’assure que ses amis ont bien vu sa réaction parce qu’il a des choses à prouver. Il se permet même de passer un commentaire tout droit venu d’un film misogyne de mauvais goût, puis ça rigole, comme d’habitude. Archie parle et les gens écoutent : c’est aussi simple que ça.

Soudain, il a envie de pisser. Nonchalant, il cède sa place et se dirige vers la porte d’entrée du musée mais il fait face à une impasse. La place a fermé cinq minutes plus tôt. Tant pis, il ira vider sa vessie dans les buissons de l’autre côté de la rue. La besogne terminée, il rezippe son pantalon, louche quelques secondes sur un gros insecte filiforme qui se prend pour une branche et grimace. Ew. Quelle bestiole dégoûtante. Pourtant, elle l’intrigue. Après avoir jeté un regard autour de lui pour s’assurer de n’avoir aucun témoin, il tend la main pour l’inviter à y grimper. Au début, l’insecte craintif recule, mais après avoir tâté le nouveau territoire avec ses antennes, il finit par faire confiance à cette surface venue du ciel et elle y grimpe avec adresse. Archie l’approche de ses yeux pour mieux l’observer. Il croit qu’il s’agit d’un phasme mais il n’en est pas certain. Il n’est pas encore bien grand, mais il n’a pas atteint sa taille maximale. Il en a déjà vu des trois fois plus gros, à la campagne. « Tu es vraiment laid, toi. » Il se surprend à murmurer d’une voix dénuée de reproches. Il s’agit d’un simple constat inoffensif. Plus de temps qu’il n’aurait cru passe et, quand il se retourne pour faire face au musée, il réalise que le groupe s’est évaporé. Il n’y a plus qu’une élève de sa classe qui traverse la rue en courant pour le rejoindre. « Oh, Archie, je… Toi aussi, t’as loupé le bus? » C’est quoi, déjà, son nom ? « Eum... Ouais. On dirait. Je me suis tourné cinq secondes et il avait disparu. » Ce n’est pas sa faute, c’était un tour de magie. Le phasme se trimbalant toujours dans sa main, il le soulève pour le mettre sous le nez de... A... Annie, peut-être ? « Regarde comme c’est laid, ce truc. » Qu’il pouffe de rire, visiblement très peu dérangé par l’idée d’avoir été abandonné par le reste de la classe. Il leur suffira de prendre l’autobus de ville. Il connait bien le coin. Même, à pieds la route se fait bien.  

Blue Monday

How does it feel
To treat me like you do?
When you've laid your hands upon me
And told me who you are
I thought I was mistaken
I thought I heard your words
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Ally &   @Archie Kwanteen     

Je suis en train de marcher aux côtés d’Archie.
Je suis en train de marcher aux côtés d’Archie.
Je suis en train de marcher aux côtés d’Archie.
Je suis…

OH PUTAIN, ALLY, ARRÊTE TON CIRQUE, DÉSTRESSE, À LA FIN!

Oui, voilà donc le combat qui fait rage dans mon esprit tordu depuis plusieurs minutes, tandis qu’en réalité, je conserve un silence presque religieux. C’est que cet instant, en tête à tête, je l’ai drôlement désiré. Comme un espèce de fantasme que je ne pensais jamais se voir réaliser, tant il était aussi stupide qu’incongru. Archie me fait craquer, c’est indéniable. Et grâce à la fameuse providence ou en tout cas, un heureux hasard, nous avons l’opportunité de discuter. De nous rapprocher.
Excitée comme une petite puce, je tente pourtant de conserver mon calme, avec brio, je l’espère. Faudrait pas le faire fuir, le coco.
Mais on dirait plutôt que c’est de son côté que ça coince. À priori, il ne semble pas ravi de cette conversation et de cette rencontre forcée… Tant pis, je décide de passer outre, l’occasion est trop belle. Je serais enthousiasmée pour nous deux, ça, je sais faire.
Il me tend un insecte étrange qu’il tient dans ses mains et luttant contre l’envie de bondir face à cette vision, je me contente de murmurer, détournant pourtant le regard vers son visage complexe:

Ouais… Mais ça reste un être vivant, faut le traiter avec respect.

Putain, Ally, c’est plus fort que toi, hein? Blablater au sujet de l’écologie, du respect des autres, etc. Après tout, c’est un élément fondamental de mon caractère. Je n’y peux rien, je suis comme ça. J’vais pas changer du jour au lendemain, tout de même! Nanmého.
Tout comme je ne résiste pas à la tentation de continuer cette discussion, sans réellement savoir où elle va nous mener, levant le nez vers le ciel parfaitement bleu:

Fait beau, aujourd’hui… Ils auraient dû nous conduire au zoo ou un truc du genre au lieu de nous enfermer dans un musée!

Et voilà, Ally, c’est le retour de tes sourcils froncés, de ta mine assombrie. En réalité, le zoo, ça n’aurait pas été un programme plus alléchant, à mes yeux. Enfermer des animaux dans des cages… Un spectacle désolant. Non, en réalité, ce qu’ils auraient dû faire, c’est…

… Ou alors, la plage! Franchement, nous apprendre le surf, ou un truc du genre… T’en as déjà fait, toi?

Putain mais Ally, t’es sérieuse, là? LE SURF? Tu sais à peine tenir debout sur tes patins quand tu t’amuses à parcourir le parc, ton casque bien enfoncé sur tes oreilles, à écouter des compils des années 80’, pensant secrètement que tu aurais été beaucoup plus à l’aise à cette époque où tout était possible.
Parce que oui, c’est une réalité, parfois, tu ne te sens pas très en phase avec le monde.
Mais ça, c’est un secret que tu entretiens jalousement… Personne ne te connaît car tu ne laisses personne, au fond, avoir l’occasion de te découvrir.
Mais aux côtés d’Archie, tout semble différent…
Je découvre la vie sous un prisme différent. Je me surprends à être perturbée, interloquée par son visage, par ses mimiques, par son attitude et sa démarche qui…
… Me font craquer. Littéralement.
Au secours, Docteur, je crois que je suis amoureuse! C’est donc ça… et c’est si grave…?

BY PHANTASMAGORIA

 

« Ouais… Mais ça reste un être vivant, faut le traiter avec respect. » Le regard subtil qu’il dévie sur le côté traduit son embarras d’entendre une telle phrase. Cela fait des années qu’il a oublié toute notion de respect, prônant l’individualité avant tout. Alors, si ça l’enchante, il peut bien le dire que cet insecte est laid. De toute façon, c’est un fait, pas une insulte. Ce truc difforme et déséquilibré n’a de toute façon pas l’intention de s’inscrire à des concours de beauté, et il ne peut pas se qualifier pour tenter de devenir roi du bal. Ce titre est déjà pris, d’ailleurs, par nul autre qu’Archie et tout le détachement dont il peut faire preuve en marmonnant « ah ok » tandis qu’il repose le bidule dans le buisson en lâchant un soupir amusé. La police des animaux est arrivée, weee woooo weeee wooooooo.  

« Fait beau, aujourd’hui… Ils auraient dû nous conduire au zoo ou un truc du genre au lieu de nous enfermer dans un musée ! » Il repose son attention sur elle et l’observe en silence tandis qu’elle baigne son visage de soleil. Il n’arrive toujours pas à se rappeler son prénom. Ce n’est pas faute d'essayer à s'en souvenir ; cette élève est plutôt discrète et Archie traîne avec la bande de populaires, dont il est le leader, bien évidemment. Il n’a d’yeux que pour ceux qui peuvent le remonter, encore et encore, jusqu’à ce qu’il touche le sommeil du monde. Il est un aspirateur à popularité et à reconnaissance, une boule d’énergie - ou un trou noir – autour duquel les autres peuvent se compter chanceux de graviter. « … Ou alors, la plage! Franchement, nous apprendre le surf, ou un truc du genre… T’en as déjà fait, toi? » Passant sa main dans sa coiffe remplie de gel, il opine du chef en s’humectant les lèvres. Sa réponse est aussi brève que l'intérêt qu'il porte pour le surf. « Ouais. » Et il laisse tomber son sac le long de son épaule et dézippe la pochette principale pour fouiner dans le fond, où il trouve son paquet de clopes. Maintenant que les yeux des professeurs sont ailleurs, il peut se permettre une petite séance d’intoxication. « Scuse-moi, c’est quoi déjà, ton nom ? » Aucun tact, aucune douceur dans cette manière qu’il a de l’interroger en haussant le sourcil, parce qu’il est à mille lieux de deviner qu’elle puisse avoir un quelconque intérêt pour lui. Leurs regards ne se sont jamais croisés, et il ne cherche pas à décortiquer sa timidité plus en profondeur. Il n’est de toute façon pas reconnu pour sa grande empathie, qu’il a enterrée en même temps que sa sœur ainée, afin de se départir de sa sensibilité à tout jamais. Il l’avait fait pour rendre fier son père et ça fonctionnait ; depuis qu’il a renoncé à son cœur jadis immense, tout semble plus facile. Rien ne le blesse, les lames effleurent sa peau sans la couper et il peut répondre présent pour ses deux sœurs cadettes qui ne peuvent plus compter que sur lui. Alors, bien sûr, ce sera le monde entier qui écopera de sa brutalité, surtout dans les situations où les témoins sont nombreux. Il a une réputation à garder, et elle monte la garde devant tout ce qu’il comprime dans sa poitrine. « Tu fumes ? » Il demande finalement en lui tendant son paquet de clopes ouvert après en avoir coincé une entre ses palettes.            

Blue Monday

How does it feel
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Ally &   @Archie Kwanteen     

Cette discussion n’a aucun putain de sens.

J’ai l’impression de flotter hors de mon corps… De me regarder de loin, d’être devenue une putain de projection astrale… J’ai entendu ce terme dans un film… Lequel? Pff. J’suis incapable de m’en souvenir, ma mémoire, je l’ai laissé au placard pour la journée.
Archie me regarde… De travers, certes, mais c’est déjà une victoire. Mes propos l’interpellent? Tant mieux! Au moins, je provoque chez lui une réaction… Ça me change de son dédain perpétuel qu’il veut bien m’accorder, d’habitude. Mais la situation est différente aujourd'hui. Il n’est pas entouré de sa bande de potes habituelle, je ne suis pas en train de l’épier, au loin, mordillant ma lèvre inférieure tandis que j’espère un geste d’attention de sa part.
J’sais pas vraiment si ce que je baragouine l’intéresse mais j’suis pas vraiment capable de mieux. Ma Tante me disait souvent, quand j’étais plus jeune, à quel point j’étais une pipelette et que ça pourrait sans doute me porter préjudice à l'avenir.
Bah voilà. Le préjudice est arrivé… J’vais l’exaspérer au plus haut point et dès qu’il le pourra, il me tournera le dos.
Bien joué, Ally, vraiment. T’es une championne quand il s’agit de tout faire de travers… Tu mérites vraiment le premier prix. Oui, je remercie ma Tante, mon grand frère pour leur soutien éternel! J’aimerais aussi rendre hommage à…

Putain mais qu’est ce que je raconte, là? Encore mon imagination débordante qui me porte vers des sphères encore inconnues de mon esprit.
Reprends toi, Ally, t’es en train de tout gâcher, là, et t’as clairement pas ce luxe, tu m’entends?

Heureusement que j’ai une conscience, un flash de lucidité qui me permet d'agripper toujours plus fort les sangles de mon sac à dos, qui me pousse à appuyer mes lunettes de soleil bien contre mon nez, afin qu’elles arrêtent de glisser à cause de la fine pellicule de sueur qui recouvre à présent mon visage moite. Quelle chaleur, bordel! C’est indécent, désagréable… Rien n’est évident, aujourd’hui. Et surtout pas l’échange que je tente d’animer entre Archie et ma pauvre carcasse tremblante d’excitation.

Ouais.
La seule réponse accordée après mon pitoyable laïus.
Bah c’est mieux que rien ma grande, n’est-ce pas?
Se satisfaire du peu… Voilà la grande leçon de morale qui va devoir dicter ta vie, on dirait.

Tandis que je l’observe sortir son paquet de cigarettes, amas agréable et choyé de poison, il me demande mon nom. Alors, pas de manière aussi conventionnelle mais le fait est qu’il ne se souvient pas de mon prénom.
NON MAIS C’EST UNE FICHUE BLAGUE N’EST CE PAS?
Je bouillonne, j’ai suffisamment de colère pour arracher un tronc d’arbre à mains nues. J’ai envie d’hurler, de jeter mon sac le plus loin possible, de briser de la vaisselle, de déchirer les feuilles de chacun de mes livres d’école, de…
Mais je ne fais rien de tout cela. Rien du tout.
Un sourire crispé vient se glisser sur mes lèvres, mes yeux s'écarquillent et je réponds simplement, la mâchoire si serrée que je ne suis pas certaine qu’il comprenne un traître mot de ce que je vais lui dire:

Aliénor… Euh, Ally. Ally Barlow.

Ouais, le nom de famille, c’était gratuit. Histoire que je réponde le plus favorablement possible à sa question.
Il me propose une clope. C’est gentil, sur le fond. Le seul hic? Je n’ai jamais grillé une cigarette de toute ma vie. Je déteste l’odeur du tabac, je hais l’idée de devoir dépendre de ce tube d’amas d’herbes et…
Pourtant, j’opine du chef, attrape du bout des doigts une des cigarettes tout en ajoutant:

Ouais, merci. T’as du feu? J’ai dû le prêter à Fiona, elle ne me rend jamais mes affaires.

Et maintenant tu te mets à MENTIR? Rien n’est vrai dans ce que tu viens de dire, pas un traître mot.
Mais Archie me fait cet effet-là: il m’impressionne. J’perds tous mes moyens, à son contact, et je ressens le besoin de me faire mousser.
Jusqu’à quand? Où me mènera donc ce comportement puéril?
Mais je l’adore, cette attitude. Je me sens plus confiante, je marche la tête encore plus haute, j’ose sourire. Attrapant le briquet qu’il me tend, j’allume maladroitement ma cigarette, inspire une trop longue bouffée et manque de m’étouffer. Pourtant, je réussis à articuler, laissant ma curiosité prendre toute la place, une fois de plus:

Alors… T’as prévu quoi, pendant tes vacances? Elles ne vont pas tarder et heureusement, j’en peux plus des cours!

Je lève les yeux au ciel, me montre désinvolte.
Ally, Ally, Ally…
Tu es incorrigible quand tu as un coup de cœur…

BY PHANTASMAGORIA

 

TW : misogynie (bien sûr)

Elle est chelou, celle-là. Elle ressemble à un petit chiot qui a envie de pisser et qui n’ose pas libérer le contenu de sa vessie sur le tapis. Archie a l’impression de lire ses pensées, bien qu’elles ne constituent qu’un amas bordélique de réflexions insensées. Il ne pourrait pas dire à quoi elle pense vraiment, mais son cerveau est utilisé à sa pleine capacité. Ça se voit dans ses iris qu’elle pose partout et ses lèvres qui s’entrouvrent constamment pour laisser s’échapper des idées trop timides. Alors, quand le sujet du surf atterri sur lui sans l’avoir prévenu, il n’était pas prêt à l’intercepter. Plutôt que de se lancer dans cette direction, il préfère enfoncer la pédale du freint et quémander une information qui sera cruciale s’ils veulent arriver à se comprendre sur toute la durée du trajet jusqu’à l’école. « Aliénor… Euh, Ally. Ally Barlow. » Il l’observe en silence, la couvre de son regard sondeur, tandis qu’il analyse ses traits pour les noter sur une échelle de un à dix. Si ses amis étaient présents, il soulèverait la note à voix haute. Un sept. Elle n’est pas trop laide, mais elle manque cruellement de sensualité. Et ses amis auraient approuvé sans trouver le courage de confronter cette décision que le chef de la bande a prise. « Ah, ouais, c’est ça. Je me souviens. » Il révèle enfin en détournant son attention vers ce paquet de clopes qui fait un poids dans la poche de son pantalon. Vraiment, le cerveau d’Archie a ses failles. Il passe pour un idiot bien trop souvent, mais c’est parce qu’il accorde son attention aux choses les plus importantes : la réputation, les résultats scolaires et, surtout, les victoires. Parce qu’il n’y a que les victoires dont son père veut entendre parler. Quel mauvais fils il ferait s’il ne rendait pas fier celui qui l’a modelé à son image ? Archie n’avait pas besoin de se rappeler du prénom d’Ally. Elle ne l’a jamais intéressé. Elle est une particule en orbite autour de lui, comme tous les autres élèves. C’est sûrement mieux ainsi, pour l’adolescente qui ne sait pas encore dans quoi elle se lance, à ainsi partir à la pêche aux requins. Elle s’en tirera pas sans quelques morsures. « Ouais, merci. T’as du feu? J’ai dû le prêter à Fiona, elle ne me rend jamais mes affaires. » Pour seule réponse, il lui tend un briquet et il s’assure de bien le récupérer. Du coin de l’œil, il l’observe tirer la première latte, et il esquisse un sourire, sceptique. Elle paraît maladroite. Elle n’a pas coincé entre ses doigts le bâtonnet de cigarette de la bonne façon et il jurerait qu’elle vient de s’époumoner. Elle cache quand même bien son jeu. « Alors… T’as prévu quoi, pendant tes vacances? Elles ne vont pas tarder et heureusement, j’en peux plus des cours! » Ah, non, pas les banalités ! Plutôt crever que de passer la prochaine heure à raconter ses plans pour les vacances. C’est Archie qui décide la tournure que prend la conversation. D’abord, il veut creuser les soi-disant habitudes de consommation d’Ally. « Fiona ne fume pas. » Fiona est un neuf. Elle a su attirer l’attention du roi de la jungle dès la première journée de cours et ils se sont échangés bien plus que des banalités dans la salle de conciergerie. « Je me demande ce qu’elle a bien pu faire avec ton briquet si c’n’était pas pour allumer une clope. » Qu’il ajoute avec ironie, faisant signe à Ally de le suivre pour au moins rentrer à l’école avant que le soleil ne se couche. « C’est inquiétant. Si j’étais toi, j’lui en parlerais, elle a peut-être des tendances de pyromane. » Sa démarche est nonchalante. Sa main libre est enfoncée dans sa poche, et il se donne volontairement des allures de bad boy tandis qu'il s'élance sur le trottoir.