Postée devant l’entrée de la Nothern Theater Company, Anna hésite sur ce qu’elle doit faire. Prendre la fuite ou prendre son courage à deux mains et entrer. C’est son premier jour ici et Anna ne sait pas trop si elle fait une bêtise ou non. De tenter ce job, de réaliser un rêve qu’elle a mis de côté depuis bien trop longtemps. Il y a forcément une anguille sous roche, un caillou qui va se greffer dans l’engrenage bien trop parfait de la situation. Après tous ces moments de galère, Anna ne peut croire qu’il puisse y avoir un moment aussi parfait. Elle doute de tout, méfiante comme si un monstre avec une matraque allait surgir des lieux et lui faire réaliser toute l’étendue de son erreur.
Elle se sent stupide de penser ainsi. Mais au fond, elle est terrifiée. Ally, sa meilleure amie, aurait déjà plaqué ses mains sur ses épaules et l’auraient secoué en lui demandant de se ressaisir. Elle lui aurait admonesté qu’elle a le droit d’être heureuse, de faire un métier passion. Et qu’au vu de tout ce qu’elle a traversé, elle puisse mériter de rire et de ressentir tous les bienfaits que la vie nous procure quand on se sent bien. Mais Anna hésite encore. Beaucoup trop.
Les traumatismes sont encore ancrés en elle. Ses yeux sont secs mais ils ont bien trop déversé des larmes. Elle a cru qu’il n’y aurait aucun arrangement dans cette situation infernale mais aujourd’hui, elle est devant ce rêve qui lui ouvre ses portes. Puisqu’a défaut de pouvoir parcourir le monde et de jouer du piano devant des millions de personnes, elle est désormais professeur de piano et pourra apprendre l’étendue de cet art qu’elle aime tant. Mais pour ça, faudrait qu’elle entre. Qu’elle saute le pas. Son téléphone sonne, annonçant un message qu’elle s’empresse d’ouvrir pour scruter autre chose que la devanture. C’est Ally qui lui envoie un message d’encouragement, qui lui rappelle qu’elle ne doit pas prendre la fuite. TU AS LE DROIT D’ÊTRE HEUREUSE lui saute au visage tant Ally a raison. Pour autant, l’éclat brillant lui rappelle le pourquoi de ces pensées négatives. Cette alliance qu’elle n’a pas encore eu le courage d’enlever. Cette alliance qui la relie encore à Malone. Cette alliance qui la fait parfois douter de sa décision de l’avoir quitté.
Anna soupire, s’empresse de répondre à sa meilleure amie qu’elle est a deux doigts de rentrer dans les lieux. Qu’elle a peur aussi parce qu’elle est honnête Anna. De base, parce qu’avec Malone, elle se tait quand elle doit lui faire face, évitant son regard pour ne pas faiblir. Son besoin de protéger leur fils est bien plus fort que l’idée de rattraper les lambeaux de leur histoire qui tombe en ruine. Et y penser, est le déclencheur qui la pousse à entrer dans les lieux. Il y a ce bruit en sourdine qui laisse comprendre que l’endroit est vivant. Il y a divers sons de musiques et Anna ne peut s’empêcher de sourire devant la magnificence des lieux qu’elle observe en sachant qu’elle est en avance. Ici, la pianiste va pouvoir réaliser son rêve. Jouer du piano et gagner de l’argent grâce à cela. Bien évidemment, ses parents ont accueilli la nouvelle avec une moue réprobatrice. De toute manière, Anna n’est pas devenue chirurgienne et peu importe ce qu’elle fera, elle sait qu’elle ne sera qu’une ratée à leur yeux. Il suffit de voir comment Alienor, sa petite sœur, est mise en avant. Mais là aussi, Anna s’efforce de ne pas y penser. Aujourd’hui, c’est le commencement d’une nouvelle vie. Un avenir qu’elle accorde à 100% pour son fils Oscar. Un avenir avec le métier de ses rêves. Comme dit Ally, elle a le droit d’être heureuse. Et portée par cette idée là, la jeune femme commence à évoluer dans les yeux, cherchant l’endroit où se déroulera ses premières initiations au sein de la compagnie.

C’est alors que le plus beau des sons arrive à ses oreilles. Et dans cette magie des notes, Anna se laisse porter par la mélodie. C’est comme si elle était hypnotisée, avançant presque avec détermination. Elle suit son destin en devenant la capitaine de son âme.
Tu as le droit d’être heureuse… qu’elle songe. Se rappelant les larmes versées pour Malone. À serrer les poings quand il fallait parler pour deux pendant que son mari était trop défoncé par les anti douleurs pour réagir. Elle l’a suppliée pourtant. Elle aurait voulu qu’il choisisse sa famille plutôt que les opiacés. Mais il n’a pas cru en elle, en ce qu’elle était capable de faire pour protéger leur fils. Et cette séparation lui en a tant coûté. Mais aujourd’hui, Anna est métamorphosée. Elle a le droit de rire et d’être bien, et elle continuera de faire pour que cette lignée se poursuive. Le piano sera son nouveau but, pour Oscar et elle. Et c’est vers le son des touches qui s’allient ensemble qu’elle ouvre une porte, ne sachant pas si elle y trouvera des élèves ou autre. Mais la salle est déserte. Et il y a un piano et un homme qui se trouve devant et qui joue cette mélodie qui l’a attirée. Il joue merveilleusement bien, faisant douter la pianiste de ce qu’elle va apporter à ses élèves. Si elle doit rivaliser avec un tel niveau, Anna se sait foutue. Pour autant, elle ne bouge pas, elle écoute ce son qui l’apaise, n’ayant pas conscience qu’elle est un peu trop curieuse pour son premier jour.
Jusqu’à ce que sa présence soit remarquée, qu’elle se sente rougir comme une gamine prise la main dans le sac. « Euh… Je… Enfin… Euh… » Qu’elle bégaie sans parvenir à en placer une. Le coeur bat si fort face au regard clair qui lui fait face.  « Désolée… Je ne voulais pas vous espionner. » Elle se sent idiote, s’en voulant d’avoir fait preuve d’autant d’audace. Elle n’aurait pas dû.  « Mais ce que vous jouez, est magnifique… Je n’ai pas su résister. »
@Samuel Taylor  

Le début de journée avait été chaotique. C’était toujours le cas depuis que Mathilde vous avait quittés. C’était elle qui s’occupait de préparer Helena pour l’école, de faire les petits déjeuners et les sandwichs pour le midi. Toi, tu faisais ce que tu pouvais mais tu ne pourrais jamais la remplacer. Heureusement, tu avais pu compter sur l’aide de Jacob ce matin pour te donner un coup de main. Malgré le fait que ton fils n’habitait plus avec toi depuis qu’il avait commencé ces études, il n’était jamais très loin et cela te faisait plaisir. Tu n’arrivais pas à imaginer un monde dans lequel tu te serais fâché avec ton fils et vous ne vous parleriez plus. C’était lui qui avais préparé les encas pour midi alors que tu t’efforçais de faire des tresses à Helena qui ressemblaient à peu près à quelque chose. Ta fille était indulgente mais pas trop non plus. C’était compréhensible, elle ne voulait pas que ses camarades se moquent d’elle. Tresser les cheveux n’était pas un art dans lequel tu excellais malgré les dizaines de vidéos Youtube que tu avais regardé sur le sujet. Toutefois, peu importe la difficulté, tu voulais faire ton possible pour que ta fille ne manque de rien et soit heureuse. Depuis la mort de sa mère, elle n’était plus l’enfant pleine de joie qu’elle avait été, tu savais que cela allait certainement prendre un peu de temps voilà pourquoi tu trouvais cela important qu’elle voit un psychologue. Cela semblait lui faire du bien en tout cas. Après un petit déjeuner rapide, tu mis la vaisselle dans le lave-vaisselle avant de t’élancer vers le piano pour récupérer les dernières feuilles de musique que tu avais écrites hier soir pendant qu’Helena jouait. Tu devais présenter le premier mouvement de la pièce que tu écrivais pour le prochain spectacle de la Northlight Company donc tu allais passer la matinée à peaufiner ce mouvement directement dans les locaux pour ne pas perdre de temps.

C’est Helena que tu déposais en premier à l’école. Tu laissais Jacob l’accompagner jusqu’à l’entrée où la maîtresse l’attendait. Malgré leurs nombreuses années de différence, Jacob et Helena s’entendaient parfaitement bien. Comme tu l’avais prévu, ton fils s’était très bien adapté à son rôle de grand frère. Il arrivera certainement un moment où ta fille le trouvera trop protecteur mais pour l’instant, elle était encore assez jeune pour apprécier toute cette attention. Tu déposais ensuite ton fils à l’université pour qu’il ne soit pas en retard non plus puis tu pris la direction de Redcliffe où se situait le Southern Cross Theatre. Une fois la voiture garée, tu accèdes facilement au bâtiment grâce au badge que t’a confié la direction. Même si tu ne viens pas tous les jours sur place, tu dois avouer que les instruments et les salles mises à ta disposition sont bien plus propices à la création que ton salon. Donc tu n’hésites pas à en profiter. Vérifiant dans ton sac que tu avais stylos et crayons, tu te dirigeais vers une salle qui contenait un magnifique piano à queue et que tu avais réservée pour la matinée. A partir du moment où la partition fut posée sur le pupitre et où tes doigts se posèrent sur les touches du clavier, tu perdis pieds. C’est comme si tu t’étais transporté dans un autre monde, un monde où rien d’autre n’existait que la musique. La partition n’était là que pour t’assurer que tu avais bien tout retranscris parce que tu n’en avais pas besoin pour te repérer. Tu te laissais porter par la musique, déviant quelques fois de la partition pour essayer autre chose, voir si tu t’étais arrêté sur le meilleur accord possible. Il y avait des changements de nuance par-ci, un bémol à rajouter par-là mais globalement, tu étais satisfait de cette composition. Ou du moins de ce premier mouvement, les autres n’étaient pas encore écrits.  Une fois les derniers ajustements faits, tu te lançais dans une lecture de bout en bout. Tu n’étais qu’à la moitié du mouvement quand tu sentis des yeux posés sur toi. Tournant la tête, tu réalisais qu’une jeune femme était en train de t’écouter. Finissant ta phrase mélodique, tu t’arrêtais de jouer et la regardais ce qui sembla la sortir de ses pensées. « Euh… Je… Enfin… Euh… Désolée… Je ne voulais pas vous espionner. » Un sourire amusé se dessina sur tes lèvres. Sa confusion et le rose qui lui montait aux joues t’amusait. Cela ne t’avait jamais dérangé d’avoir des spectateurs, cela n’allait pas commencer aujourd’hui. « Mais ce que vous jouez, est magnifique… Je n’ai pas su résister. » C’était ça le vrai pouvoir de la musique. Le conte pour enfant avec le joueur de flûte prenait tout son sens. Tu étais persuadé qu’il était possible d’envouter les âmes avec des notes de musique. « Merci. Et ne vous en faites pas, je pensais avoir fermé la porte. La musique est faite pour être écoutée et vous êtes la première à entendre ce morceau. » Lui dis-tu avant d’ajouter : « Je me dis qu’avec un peu de chance, s’il vous a envouté, je devrais arriver à convaincre les directeurs artistiques de me commander les autres mouvements. » En toute vérité, tu ne te faisais pas de soucis. Pas parce que tu étais persuadé qu’ils allaient choisir ta composition mais plus parce que tu n’avais pas besoin de ça pour rebondir et trouver un autre moyen de vivre de ta musique. Que ce théâtre semble convaincu que tu sois le nouveau Mozart de l’Australie te semblait complètement ridicule, ce qui t’importait à toi étais d’écrire de la musique. Alors que cela faisait quelques minutes que tes yeux étaient posés sur la jeune femme, tu remarquais que tu ne l’avais jamais vue dans les couloirs auparavant. « Vous êtes musicienne ou juste une amoureuse de la musique ? » Tu ne savais pas vraiment expliquer pourquoi mais tu avais envie de continuer la discussion. Il y avait quelque chose chez cette jeune femme qui attirait ton attention.  

@Anna Constantine

La musique st sa bouffée d’oxygène. Et à chaque fois qu’Anna a vécu des moments de doute, de peur ou de peine, cet art a toujours su la rassurer, lui ouvrir des portes vers l’apaisement et en même temps, vers les réponses qu’elle attendait. Pouvoir travailler ici est la chance de sa vie. Anna le sait et comprend également qu’il n’y en aura pas d’autre.  Bien évidemment, elle aurait souhaité vivre une vie faite de flash de photographies et de robes de soirée, pouvoir briller sur scène, s’avancer vers le piano à queue et jouer de toutes ses forces et de toute son âme.
Ce rêve évanoui reprend un peu forme sur ce job qui s’offre à elle. Et la pianiste le sait : ici, elle ne tolèrera pas d’échouer, de se tromper ou pire de perdre sa place tant désirée. A l’aube de sa trentaine tout juste obtenue, l’australienne ne désire qu’une seule chose : aller de l’avant, oublier son mariage raté, et réussir cette vie qu’elle s’est tant imaginée. Pour elle et surtout, pour Oscar. Elle s’en veut pourtant. Parce que toutes les bonnes attitudes qu’elle s’est répétée inlassablement, sont très vite oubliées par la musique qui la guide et la pousse à entrer dans cette salle dans laquelle, la brune n’est pas attendue. Malgré elle, portée par la mélodie de cet air si beau. Presque mélancolique. Tout est irréel, un poil magique. Et toute cette magie se brise aussitôt quand l’inconnu la remarque. Elle bégaie, terriblement confuse de se trouver là où il ne faudrait pas.
Merveilleux pour un premier jour… qu’elle songe en sentant son ventre se nouer, presque prête à se pleurer si la tension devient trop forte. Elle s’excuse mais c’est trop tard. Son intrusion a brisé l’envoûtement, elle attend alors de recevoir les foudres, si novice pour son premier jour.
« Merci. Et ne vous en faites pas, je pensais avoir fermé la porte. La musique est faite pour être écoutée et vous êtes la première à entendre ce morceau. » La voix est étonnamment douce pour une remontrance. Et la soulage un peu bien qu’elle ne se sente pas entièrement rassurée. Cela dit, Anna ne peut s’empêcher d’être d’accord : la musique apaise, guérit mais elle se doit d’être entendue « Je me dis qu’avec un peu de chance, s’il vous a envouté, je devrais arriver à convaincre les directeurs artistiques de me commander les autres mouvements. » Les derniers mots lui font l’effet d’une boule de ciment qui coule dans son estomac. S’il compose pour les directeurs artistiques, c’est qu’il doit avoir une place importante au sein du Théâtre. Piteuse, elle sent ses joues la brûler un peu.  « Je suis sûre qu’ils seront convaincus. Si j’étais une des directrices, j’aurais largement approuvé. » Qu’elle répond, le souffle un peu court. Il y a si longtemps qu’elle ne s’est pas sentie aussi mal, presque en faute. Il faut dire que ces derniers temps, les émotions qu’elle a pu ressentir ont plus ressemblé à de la colère, du chagrin, de la frustration.
Mais ce sentiment là… Anna a presque l’impression de revenir à l’école. D’être prise en faute par le professeur. Et pourtant, elle pourrait se contenter de s’excuser et rebrousser chemin. Aller directement là où elle est attendue mais elle en est incapable. Ses jambes sont désormais faites de plomb.
« Vous êtes musicienne ou juste une amoureuse de la musique ? » La question la fait passer par plusieurs ressentis. D’abord la surprise parce qu’il a l’air d’être quelqu’un de gentil, rien à voir avec un prétentieux qui pourrait se sentir un peu trop doué. Et puis, le soulagement malgré tout, parce qu’elle a fait son intrusion mais il n’a pas l’air de lui en tenir rigueur. Et puis… Le sourire s’étire sur les lèvres de la pianiste, parce que cette question répond au but de sa présence dans ces lieux.  « Disons que je suis une musicienne amoureuse de la musique. » Ne pouvant s’empêcher de pouffer légèrement, elle se reprend bien vite.  « Je ne réponds pas franchement à votre question, j’en suis navrée… Mais la musique c’est vraiment précieux pour moi. » Pour toutes les fois, où elle a laissé ses doigts semer l’empreinte de tous ses sentiments. Elle a souvent joué parce qu’elle était malheureuse ou heureuse. Pour elle même, puis pour Malone et désormais pour Oscar. La musique a toujours été une part importante de sa vie. Ça ne pourra jamais changer. « Mais plus sérieusement… C’est mon premier jour ici. Je… Je vais donner des cours de piano. » Elle se tortille un peu sur ses jambes, soudainement mal à l’aise parce qu’elle espère juste qu’il ne sera pas son élève. Ce serait une ineptie tant le niveau est haut. Ou alors, une raison confirmant l’erreur de bosser ici car elle n’a clairement pas le même niveau que lui. Le manque de confiance en elle est flagrant et tous les derniers évènements de sa vie ne l’ont pas épargnée.  « Enfin… Vu votre talent, je doute que ce soit à vous que je donnerai ces cours… Enfin je pense. » Et elle l’espère parce qu’elle sent qu’elle perdra très vite la face.  « Vous… Enfin je suppose que vous travaillez ici… N’est-ce pas ? Peut-être donnez vous des cours ? Si c’est le cas … Alors vos élèves sont vraiment chanceux de vous avoir. »

@Samuel Taylor  

Quand tu venais au théâtre, tu partais du postulat que tu n’étais pas chez toi. Même une porte fermée n’était jamais vraiment fermée car il y avait toujours quelqu’un qui avait une clé et pouvait venir vous déranger. Ce n’était pas le cas de cette belle inconnue, elle semblait tellement déstabilisée de s’être faite prendre à t’écouter que tu doutais qu’elle aurait ouvert la porte pour s’introduire dans la pièce si tu ne l’avais pas laissée ouverte. Dans la précipitation, l’envie de perfectionner les dernières notes de ce mouvement, tu n’avais pas dû la fermer correctement. Dans cette aventure, tu auras au moins gagné une chose, la conviction que le mouvement que tu allais présenté avait plu à quelqu’un donc il avait des chances de plaire à d’autres personnes. La jeune femme semblait émue et pour toi, il n’y avait pas de plus belle preuve que tu avais écrit un morceau qui valait la peine d’être entendu. « Je suis sûre qu’ils seront convaincus. Si j’étais une des directrices, j’aurais largement approuvé. » Tu l’observes curieusement cette jeune femme qui te complimente et qui ne se démonte pas. Elle semble pourtant si fragile … C’était étrange comme elle pouvait dégager à la fois une fragilité décuplée et une force inattendue. A tes yeux, cela ne la rendait que plus intrigante. En grandissant, tu avais passé des heures (en particulier à l’église) à observer les gens autour de toi. La nature humaine t’avait toujours fascinée et cela continuait aujourd’hui. C’était même encore plus important aujourd’hui parce que tu avais pu voyager, ouvrir ton esprit et étendre cette découverte. Tu essayais de veiller à ce que tes enfants privilégie le contact humain réel au contact virtuel mais tu te prenais souvent à la figure une remarque comme quoi tu étais vieux jeu donc tu n’insistais pas trop non plus. « J’espère qu’ils seront aussi clément que vous. » Lui dis-tu simplement. Tu avais déjà écrit pour des commandes du théâtre, ce n’était pas une première. Et depuis qu’on t’avait passé commande, aucune de tes pièces n’avait été refusée. Mais cela ne t’avait pas fait gagner en confiance, au contraire, tu avais toujours l’impression que c’était la première fois que tu présentais une de tes compositions. C’était tellement plus simple quand tu t’occupais des mariages … Tu en referas certainement de temps en temps pour t’amuser et parce que le monde de l’art était un monde remplit de faveurs que les gens aiment se rendre. Ce n’est pas toi qui va cracher sur le fait d’avoir quelques personnes qui te seront redevables …

La jeune femme en face de toi t’est totalement inconnue. Tu ne prétends pas connaître tous les employés de la maison mais tu les as quasiment tous croisés. Alors tu lui poses une question, une question pour continuer la conversation et essayer de percer le mystère de ton auditrice surprise. « Disons que je suis une musicienne amoureuse de la musique. Je ne réponds pas franchement à votre question, j’en suis navrée… Mais la musique c’est vraiment précieux pour moi. » Cela vous faisait déjà un point en commun. La musique avait toujours eu une place importante dans ta vie, même quand tu passais tes journées sur le ranch familial à t’occuper des divers animaux pour aider tes parents et leur permettre de souffler un peu. Cette vie te paraissait parfois avoir été la vie de quelqu’un d’autre. Surtout quand tu te trouvais dans ce théâtre, ce lieu sophistiqué et chic qui était à des années lumières du monde dans lequel tu avais grandi. « Mais plus sérieusement… C’est mon premier jour ici. Je… Je vais donner des cours de piano. » Cela expliquait donc que tu ne l’aies jamais vue, elle commençait à peine. Et cela expliquait aussi sa nervosité ou une partie de sa nervosité, elle devait penser qu’elle avait mal fait. Refermant le piano, tu pliais les différentes pages que tu avais composées. « Si la musique est précieuse pour vous, vous être au bon endroit. Je ne connais aucun amoureux de la musique qui ne s’épanouit pas dans ces murs, je suis certain que vous allez vous y plaire. » Est-ce que tu essayais de la rassurer ? Peut-être un peu. Tu n’avais pas envie qu’elle pense qu’elle venait de mettre les pieds dans un établissement remplit d’artistes aux égos surdimensionnés avec qui il était difficile de travailler. « Enfin… Vu votre talent, je doute que ce soit à vous que je donnerai ces cours… Enfin je pense. » Tu n'as jamais considéré que tu avais un talent quelconque pour le piano ou les autres instruments que tu pratiquais. Tu en jouais bien et tu te débrouillais mais appeler ça du talent te semblait extrême pour toi. « Vous… Enfin je suppose que vous travaillez ici… N’est-ce pas ? Peut-être donnez vous des cours ? Si c’est le cas … Alors vos élèves sont vraiment chanceux de vous avoir. » Ton égo venait d’être parfaitement boosté dans les cinq dernières minutes. Cette jeune femme alternait entre compliments déguisés et compliments directs. Si elle était sincère, cela signifiait que tu l’avais réellement touchée avec les notes qui étaient dessinées sur la page. Tu te levais du piano pour venir à sa rencontre. Tu avais assez répété, cela suffira pour cette première présentation. « En vérité, je ne travaille pas réellement ici. Le théâtre m’a gentiment offert une clé pour que j’utilise les lieux. Je compose des pièces pour les différents projets qui peuvent être montés ici et quand je peux je m’amuse à les diriger moi-même. » Oui, ça c’est ton petit plaisir personnel. Tu n’en as pas toujours l’occasion mais en général, tu arrives à faire quelques représentations, ne serait-ce que quand le chef d’orchestre attitré est malade ou a une urgence. « Mais je donne des cours à l’extérieur du théâtre, de piano mais pas seulement. Je le fais dans une école de musique dans un quartier que certains disent défavorisés. La musique a toujours dépassé les limites sociales et j’aimerais que cela continue. » Il fallait des professeurs de musique partout et tu avais la chance de pouvoir vivre de tes compositions sans avoir à dégager un revenu trop important de ces cours. C’était du pur plaisir de ta part, l’envie de transmettre à de futures générations. « Je suis très intrigué de vous entendre jouer. Vous êtes venue un peu en avance ou je vous mettrai en retard ? » Tu regretterais de ne pas l’entendre jouer mais tu n’avais pas envie de la faire stresser non plus. Tu étais à peu près certain de pouvoir la sortir d’affaire, peu importe qui était son chef mais tu ne voulais pas passer pour monsieur passe-droit. Lui tendant la main, tu ajoutes : « Samuel Taylor, enchanté. » Tu préférais faire les présentations, ce sera quelque chose de moins à faire par la suite.

@Anna Constantine

Le plus sage serait, sans doute, de réaliser qu’elle a importuné l’homme et qu’il vaudrait mieux, pour elle, de quitter la pièce. Pourtant Anna reste plantée là. Presque hypnotisée par la mélodie l’ayant poussée à franchir les portes du sanctuaire sacré. Heureusement, la gentillesse de l’homme et ses réponses la rassurent un peu. Ou alors c’est parce qu’elle l’a complimenté qu’il fait preuve de bienveillance. Elle manque bien trop de confiance en elle pour oser penser que tout ira bien. Elle a mis tant de temps à se relever et aller de l’avant pour le bien être de son fils.
Face à l’artiste, Anna se dévoile un peu au travers des réponses qu’elle donne. La musique a toujours eu une place importante dans sa vie. Elle ne se souvient plus à quel âge elle a commencé mais les photos le prouvent : elle était vraiment petite et en a toujours gardé cet amour. Lui au moins, et elle le sait, ne la décevra pas. « Si la musique est précieuse pour vous, vous être au bon endroit. Je ne connais aucun amoureux de la musique qui ne s’épanouit pas dans ces murs, je suis certain que vous allez vous y plaire. » Les paroles sont rassurantes et lui font du bien. Beaucoup de bien. Laissant apparaître un fin sourire, un peu trop timide, Anna se contente d’acquiescer parce qu’elle espère beaucoup de ce travail et qu’il pourra marquer le top départ d’une nouvelle vie à faire ce qu’elle aime vraiment. À s’épanouir et s’occuper de son fils. telles sont ses priorités absolues. Elle n’est pas prête à refaire sa vie, ou même à revoir quelqu’un d’autre et elle le sait pertinemment : il lui faudra du temps pour panser ses blessures béantes et y voir, un jour, une fine cicatrice presque invisble à l'oeil de ses peines.
En tout cas, si elle se pouvait se sentir bien ici, elle panique intérieurement à l’idée que les cours soient donnés à cet homme là. Au vu de ce qu’il joue, il va de soi qu’elle n’a pas le niveau alors Anna l’interroge sur ce qu’il fait, ignorant son cerveau qui la gronde et lui rappelle qu’elle a fait irruption sans avoir été invitée. Et ce n’est, sans doute, pas une bonne pub pour elle que de se taper l’incruste n’importe où. D’avoir déjà une mauvaise étiquette alors qu’elle n’est là que depuis quelques minutes.
Elle voit l’homme se lever de son piano et venir alors à elle. Le stress est tel que durant une seconde, Anna imagine qu’il ira vers la porte pour lui faire savoir qu’elle peut s’en aller avec ses questions indiscrètes et qu’il lui a assez fait perdre de temps comme ça. Mais rien de tel… Ce n’est que pour continuer à parler.  « En vérité, je ne travaille pas réellement ici. Le théâtre m’a gentiment offert une clé pour que j’utilise les lieux. Je compose des pièces pour les différents projets qui peuvent être montés ici et quand je peux je m’amuse à les diriger moi-même. » Ah oui d’accord, c’était carrément un autre niveau. Et Anna se sent impressionnée et surtout tellement petite face à ce qu’il sait faire, déjà qu'il lui en faut peu pour perdre toute once de confiance en elle. « Mais je donne des cours à l’extérieur du théâtre, de piano mais pas seulement. Je le fais dans une école de musique dans un quartier que certains disent défavorisés. La musique a toujours dépassé les limites sociales et j’aimerais que cela continue. » Elle ne put empêcher son sourire d’apparaître et d’être attendrie face à tant de générosité. « Je suis vraiment . Si tous les membres de cette compagnie ont un cv aussi prestigieux que le vôtre, je crois que je vais me mettre à pleurer. » Un rire léger franchit ses lèvres pour atténuer le dramatique de ses mots. Anna se débrouille bien au piano mais forcément, il s’agit là de l’opportunité de pouvoir vivre de ce qu’elle aime faire. Auparavant elle avait déjà donné des cours de piano, parfois c’était à titre gracieux, des amis d’amis. Et puis lorsqu’elle s’est retrouvée seule avec Oscar, elle a commencé à en donner plus souvent, à être payée pour pouvoir payer les factures. Et maintenant…« Je suis très intrigué de vous entendre jouer. Vous êtes venue un peu en avance ou je vous mettrai en retard ? » La prenant de court, Anna reste silencieuse pendant quelques secondes. Ne réalisant même pas qu’il lui a tendu la main et se présentant « Samuel Taylor, enchanté. » Elle la voit alors, cette main. Ces doigts qu’il lui tend et qu’elle serre sans hesiter, le coeur qui s’emballe parce que c’est bien trop de stress. « Je suis ravie de faire votre connaissance, je m’appelle Anna Constantine et ma spécialité c’est d’arriver en avance pour mon premier jour. » Elle jette un œil sur le piano avant de replonger son regard dans les iris clairs de Samuel. « Et je serai ravie de vous montrer ce que je sais faire même si… Ça me fout un stress immense… » Elle rit, gênée. « Et j’espère que ça vous plaira. » Elle pose son sac à main, et sans attendre se dirige vers le piano. Légèrement fébrile, elle ressent la chaleur du corps qui s’est tenu ici même quelques instants auparavant. « Je vais jouer Married Life. Je ne sais pas si vous connaissez le dessin animé Là haut mais c’est une des musiques préférées de mon fils.. » Elle n’a pas hésité sur le choix de la musique, encore moins de se laisser donner un morceau qu’elle ne connaîtrait pas, au risque de passer pour une incompétente. Son regard remarque les doigts qui tremblent un peu. Elle inspire doucement, ferme les yeux, sa peau touche les notes et elle se met à jouer, pensant uniquement à son fils, Oscar. Pour qui elle se bat fort. Pour qui elle donne tout. Pour qui elle se sacrifie tant qu’elle sait qu’il est et sera protégé. Elle s’envole dans sa bulle au gré de la mélodie. À ce moment là, Anna oublie tout.