Siham attendait dans la salle d’attendre de l’hôpital. Elle devait en avoir le cœur net, même si, elle savait très bien que c’était terminé…
Alors qu’elle était rentrée de l’école, elle avait trouvé son père sur le canapé, avec deux bouteilles vides sur la table basse et un verre encore à moitié plein. S’il avait l’habitude d’ingérer des quantités bien plus importantes parfois, celles-ci avaient été celles de trop… Elle avait vu, depuis des années, son attitude changer, elle avait vu son état se dégrader. Elle avait vu que petit à petit, il ne se cachait plus, il ne se cachait pas. Le matin, à midi, le soir, la nuit, il n’avait plus de pause, plus de répit, l’appel de l’alcool était plus fort que tout et il n’arrivait plus à luter. Siham le voyait sur la pente glissante, elle avait alerté, elle l’avait secoué, elle l’avait menacé mais rien n’y faisait, elle n’était pas aussi forte, elle n’était pas aussi convaincante que l’état désinhibant et anesthésiant de l’alcool. Son père était emporté, maintenant, la mort lui ouvrait les bras. Mais si elle le savait déjà, elle devait attendre les confirmations du médecin. « On devra procéder à des examens. » parce que Siham l’avait retrouvé chez lui, qu’elle était la première personne à l’avoir vu et à appeler les secours, il devait s’assurer qu’il était bel et bien mort suite à sa consommation excessive d’alcool et non pour une autre raison.
Elle trouvait l’attente terriblement longue et insupportable. Sa mère devrait la rejoindre rapidement, elle s’était confondue en excuses au téléphone quand Siham l’avait appelé en pleure pour l’informer. Et en même temps, sans aucune surprise dans sa voix, elle avait eu l’air soulagée. Et tristement, Siham aussi… soulagée pour son père, soulagée d’en avoir fini avec cette enfer, soulagée de ne plus le savoir en souffrance aussi. Mais elle, elle souffrait à présent. La douleur était présente, dans sa poitrine.
Elle se leva, quand un homme, plutôt jeune, sortie d’un bureau, vêtu d’une blouse, elle fit un pas vers lui. Elle attendait juste qu’il lui dit trois mots, qu’elle puisse enfin s’en aller et laisser son père reposer en paix. « Alors docteur ? » plus elle le regardait, plus elle le trouvait jeune, plus elle se demandait s'il était vraiment à sa place.

@Diego Gutiérrez

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Les études de médecine représentaient un chemin extrêmement long que Diego n’avait jamais eu peur d’emprunter jusqu’à ce que la réalité du métier le rattrape. Depuis peu, les cas de figure qu’il avait pu voir à l’école s’entremêlaient à sa vie et si cela lui permettait de prendre énormément de recul sur la maladie de sa petite soeur, d’en connaître tous les détails, il n’était pas encore sûr que cela soit réellement rassurant. Il devait jongler avec les questions de ses frères et soeurs qu’il refusait de faire paniquer, et plutôt que de sombrer dans une profonde tristesse, il se donnait encore un peu plus dans ses études et avait choisi le métier qu’il exercerait. Un métier qui l’aiderait à combattre le mal qui rongeait sa sœur. Pour le moment, il était encore loin de ce chapitre là et il participait à un stage à l’hôpital où il était chaperonné par toute une équipe. C’était un moyen de s’éloigner un peu de la monotonie des cours magistraux et de faire un premier pas dans le monde qui serait bientôt le sien, il l’espérait. Pourtant, cette première étape avait commencé par un cas extrêmement particulier qui l’avait fait réaliser ce à quoi il serait confronté quotidiennement : la mort. Diego n’en avait pas peur, ses professeurs les avaient assez préparé à y faire face, et pourtant, la pratique se révélait être bien plus compliquée que la théorie. « Alors docteur ? » avait lancé la fille du patient qui subissait les examens lorsqu’il était arrivé à son niveau dans le couloir. Docteur… Etait-il nécessaire de la corriger ? Son statut de simple étudiant ne changeait malheureusement rien à la réalité des faits. A la voir se tenir devant lui, ses grands yeux emplis de doute vissés dans les siens et ses mains qui se frottaient légèrement entre elles, Diego s’était senti perdu. Parce qu’il n’était pas totalement sûr qu’il trouverait un jour le courage d’annoncer la pire des choses sans ciller et parce qu’il n’était pas prêt à se retrouver un jour à la place de Siham. Maria avait été diagnostiquée d’une leucémie et si cela l’avait conforté dans le choix de spécialisation qu’il ferait, l’annonce n’en demeurait pas moins terrifiante et il se haïssait de ce parallèle qu’il était en train de faire. « Je suis sincèrement désolé… » avait-il commencé, sa voix tremblante, il pouvait sentir ses mains devenir de plus en plus moites et il se retenait comme il le pouvait de venir les essuyer sur sa blouse. Ce n’était pas simplement une discussion entre lui et la jeune femme, mais bel et bien une façon pour ses supérieurs de l’entraîner à un exercice qu’il jugeait être le plus difficile de tous. Ce moment, aussi naturel était-il pour ceux qui le formaient, lui paraissait extrêmement cruel. Il avait plongé le regard dans la petite planche en bois qu’il tenait en main, sur laquelle était attachée une simple feuille blanche qui contenait pourtant des informations si importantes. « Vous êtes seule ? » avait-il demandé en jetant des coups d’oeil inquiets à ses supérieurs, peu sûr de comment se comporter.  « Je… Alors, enfin je… » Il avait toussé légèrement pour s’éclaircir la voix. « Votre père est tombé dans un long coma durant lequel il s’est malheureusement étouffé. Il souffrait également d’une cirrhose avancée. » En d’autres termes, pris en charge à temps, il aurait pu être sauvé de son coma mais pour autant, il était de toute façon condamné. Ses yeux s’étaient enfins posés dans ceux de la jeune femme alors qu’il prenait conscience de la violence de ses paroles - existait-il des manières douces d’annoncer une telle chose ? « Nous sommes présents si vous avez la moindre question ou si vous avez besoin d’aide, des psychologues peuvent vous accompagner. » Il récitait les phrases toutes faites qu’on lui avait apprises et il détestait ce côté inhumain dont il faisait preuve.