Il y a quatre ans…

Ses doigts tremblent si fort qu’elle peine à récupérer les clés de sa voiture dans son sac à main. Il y a trop de fouillis à l’intérieur, et l’extrémité de ses phalanges rencontrent bien trop d’objets qui n’est pas ce qu’elle cherche. Le doudou d’Oscar, sa gourde d’eau au cas où il aurait soif, des documents d’identité qu’elle n’a pas sur elle d’ordinaire, mais qu’elle a mis dans l’urgence. Elle a le souffle court parce qu’elle est partie si vite. Parce qu’elle tient son fils de cinq ans dans ses bras et qu’il commence à peser un poids certain. Les yeux sont encore humides d’avoir pleuré. Les larmes ont tracé ce sillon qui reste mouillé encore. Et Anna galère toujours devant sa voiture, à chercher ses clés. Pourtant elle se souvient les avoir mises à l’intérieur. Alors pourquoi ne viennent-elles pas ? Pourquoi ça l’angoisse autant de ne pas la trouver. Elle ne devrait pas être inquiète. Il n’est même pas vingt deux heures et la rue où elle vit est encore bien animée. Pourquoi son coeur bat à mille à l’heure. Son estomac est tellement tordu qu’elle pourrait en vomir sur le champ si elle ne tenait pas son fils dans ses bras. Pire même, Anna est terrifiée. Elle n’est pas en danger, pourtant. Ni poursuivi. Mais elle a peur. Peur de ce qu’elle est en train de faire. Peur des conséquences. Peur qu’il se décide à descendre de leur appartement et à l’empêcher de s’en aller avec leur fils. Ce qu’elle ne pourrait supporter, Elle ne pourrait pas le laisser prendre Oscar. Ce serait bien trop insupportable. Et surtout elle sait que s’il lui demandait, sur le champ, de lui accorder une énième chance, Anna serait incapable de contester. Les sentiments sont là : elle l’aime tellement même si elle lui en veut terriblement.

Heureusement elle finit par trouver les clés et s’empressent d’ouvrir la portière où il y a le siège auto du petit et elle le dépose doucement, tendrement comme si deux secondes avant, Anna n’était pas au bord de l’hystérie pour trouver ses putains de clé de voiture. Elle ferme la porte, puis se dirige vers la porte conducteur et s’y engouffre en jetant le sac de sport qu’elle a rempli de vêtements pour Oscar et pour elle. Et sans attendre, sans un regard vers l’entrée de l’immeuble, elle s’en va pendant qu’un sanglot lui étreint la gorge.
Pendant qu’elle roule, Anna se penche pour prendre son téléphone dans son sac à main, pour appeler Ally et la prévenir. Mais le tremblement de ses mains est tel que le combiné tombe au sol et vient se loger sous son siège. « Merde… » Gémit Anna, étant incapable de s’arrêter une seconde pour le récupérer. Elle préfère se rendre chez sa meilleure ami à l’aveugle. Sans la prévenir de ce qu’il s’est produit. Ce déclic qui l’a poussée à s’en aller sans un regard en arrière. Peut-être qu’elle ne sera pas étonnée. Après tout, était ce vraiment sensée arriver à un moment donné ou à un autre ? Anna est rongée par la colère, le chagrin mais pire encore, il y a cet amour qu’elle ressent qui lui fait se sentir minable, comme la pire des personnes. Mais c’est plus fort qu’elle. Aujourd’hui, elle a besoin de penser à son fils et elle, la brune a tant donné, tant inspiré. Aujourd’hui, sa tête lui dit stop quand son coeur murmure que quoi qu’il arrive, elle l’aimera toujours. Parce qu’il est l’amour de sa vie. Parce qu’elle l’aime à en crever.

Elle ne sait même pas comment elle fait pour arriver chez Ally sans renverser personne, sans percuter un poteau, une voiture tant elle a tremblé et paniqué. Elle a souvent jeté des regards à Oscar toujours perdu dans son sommeil. Et puis, elle a fini par arriver chez sa meilleure amie, se gérant, récupérant le sac de sport dont elle passe la lanière sur son épaule. Récupère Oscar dans ses bras. Et finit par monter jusqu’à l’appartement d’Ally, par chance un voisin lui a tenu la porte de l’immeuble ouverte. Puis doucement elle toque à la porte. Puis plus fort, presque précipitée, le souffle hagard. Le coeur a deux doigts d’exploser. Son visage n’est que témoin d’une souffrance immense. D’un sentiment puissant qui affiche clairement que tout a volé en éclats ce soir. en lambeaux. La porte s’ouvre sur ce visage familier qu’elle adore, qu’elle voit comme une constante de son univers. Elle n’a même pas pensé à sa sœur ou ses parents mais à Ally.
« Je l’ai… Quitté.. » Articule t-elle pendant que son visage se tord dans cette souffrance horrible. De ces mots qui révèlent sa présence ici. Après des années, des mois, des jours à lutter et à espérer un changement. « Ally… J’ai quitté Malone… » Et le prénom sur ses lippes éveille les brasiers de sa peine. Les flammes la dévorent de l’intérieur, lui sommant de rebrousser chemin et de ne pas l’abandonner. Mais aujourd’hui elle n’y arrive plus.

@Ally Barlow