31 décembre 2019. Ça faisait à peine 6 jours que Noah était décédé. Non, qu’il s’était donné la mort. Elle était en colère. Elle lui en voulait de ne pas avoir été capable de lui parler, de lui dire qu’il avait besoin d’elle. Elle aurait su être forte. Elle aurait arrêté l’alcool et elle aurait arrêté d’aller dans ce bar à pratiquement tous les jours de sa vie pour rester avec lui. Elle aurait été forte. Mais il avait décidé de la laisser seule à affronter la vie. Elle ne pouvait pas croire qu’il l’avait abandonné aussi lâchement un soir de Noël, à peine 6 jours avant le changement d’année. Elle n’avait pas le coeur à fêter. Noah était sa seule famille. Elle était maintenant toute seule contre le monde entier et elle avait l’impression de s’écrouler. Elle ne pourrait pas tenir dans une vie sans lui. Cette journée-là, elle l’avait passée assise devant la porte de la chambre où il avait décidé que sa vie arrêtait. Il avait choisi la pièce qui était censée être une chambre d’enfant. Était-ce un message qu’il avait tenté de lui lancer ? Si elle avait été capable de lui donner au moins un enfant il serait encore là ? Elle n’avait que des questions, pas de réponse. Et elle n’aurait jamais les réponses. Elle avait amené ses bouteilles de vin avec elle au pied de la porte de la chambre et elle a bu directement au goulot, en pyjama. Personne ne lui écrivait pour savoir comment elle allait. Elle n’avait pas vraiment d’ami, ayant éloigné tout le monde d’elle depuis bien des années avec son alcoolisme. Elle se sentait plus seule que jamais.
Il était désormais vingt-deux heures et elle n’avait plus rien à boire. Elle avait passé au peigne fin toutes ses armoires et ses cachettes secrètes. Ses réserves étaient à sec et elle ne pouvait pas passer la soirée du nouvel an à pleurer sans avoir de l’alcool. Elle décida de se secouer et alla revêtir une robe noire scintillante avec un décolleté plongeant. Elle se posta devant le miroir de sa salle de bain et entreprit de se maquiller pour cacher toutes les traces de sa détresse. Elle ondula ses cheveux blonds. En se regardant dans le miroir, elle vint à la conclusion que ses yeux vitreux ne laissa que deviner qu’elle avait commencé à fêter chez elle et non pas qu’elle était devenue veuve d’une manière violente et prématurée. Elle attrapa son sac à main, mis ses souliers à talon haut et se rendit au bar qu’elle avait l’habitude de fréquenter plusieurs fois par semaine. Il était assez loin pour que l’air frais lui fasse du bien lorsqu’elle retournait à la maison, mais pas assez pour qu’elle soit tenté de prendre son véhicule. Arrivé au bar, elle regarda autour d’elle, analysa qui était sur place. C’est alors qu’elle vit Cade, assis au comptoir du bar. En plein la personne qu’elle avait besoin pour se changer les idées. Un sourire aux lèvres, elle se fraya un chemin jusqu’à lui en essayant de ne pas trop tituber. ”Salut toi.” Elle se pencha pour lui faire la bise, faisant exprès de déposer son baiser sur la commissures de ses lèvres, s'attardant plus longtemps que pour une simple bise faite à un ami. ”Deux shooters s.v.p. Aaron !” Évidemment qu’elle connaissait le barmaid par son prénom. Elle se retourna vers Cade, sourire aux lèvres, essayant de mettre son décolleté en évidence. ”Prêt pour le passage à la nouvelle année ?”

C’était le dernier jour de 2019 et bizarrement, il ressemblait à beaucoup d’autres. Alors que tous les pays de la planète s’apprêtaient à tour de rôles à changer d’année et que tous les Brisbaniens se mettaient sur leur trente-et-un pour aller fête ça comme il se devait, Cade n’avait pas de projets particuliers. Il était pourtant installé sur le continent australien depuis plus d’un an et avait fait de sacrées rencontres, mais il ne se voyait pas accompagner qui que ce soit dans une soirée pour laquelle il devrait se trouver un costume ridicule, ou se munir d’un chapeau pointu et de quelques boulettes à envoyer avec une sarbacane. Quant à la fratrie Grimes, on ne pouvait pas dire que les retrouvailles familiales étaient au centre des festivités de cette année. Milena faisait son possible pour le voir, et Cade n’avaient pour l’instant pas plus de nouvelles de ses frangins qui menaient désormais une vie « autonome » et « libre ». 21h05, le quarantenaire attrapa son téléphone portable et tapa rapidement un message avant de s’en dissuader. « Je vais boire un verre. Si tu as la permission de minuit, tu sais où me trouver Cendrillon. » Il n’était pas certain d’être rejoint et il ne le faisait pas pour être moins seul. Après avoir envoyé cette quasi-invitation, il saisit les clés de sa voiture, leva ses fesses de son canapé et sortit sans enfilant une veste.

Comme pour respecter ses habitudes, Cade s’installa au comptoir et ne tarda pas à se commander un whisky. En attendant son verre, il balaya la salle du regard. Il n’y avait pas grand monde. Et c’était explicable. Ce groupe un peu plus loin devait commencer sa soirée et partirait sans aucun doute d’ici une petite heure pour rejoindre le lieu de leur débauche finale. Grimes adressa un hochement de tête de politesse au barman qui venait de poser son whisky devant ses yeux. En le portant à ses lèvres, Cade réalisait qu’il y avait peu de chance de faire une ultime rencontre cette année. Alors qu’il en était à son deuxième verre et que la salle s’était miraculeusement remplie, il sentit une présence derrière lui. ”Salut toi.” Il connaissait cette voix. Du moins, il pensait la connaitre car elle paraissait quelque peu déformée. L’ambiance de la salle ou un début de soirée bien arrosée comme la plupart des gens de ce bar ? Grimes eut à peine le temps de voir son visage que Faith le gratifia d’une bise plus que sensuelle. ”Deux shooters s.v.p. Aaron !” Une fois sa surprise de la voir débarquer ce soir passée, Cade l’observa avec un petit sourire en coin des lèvres. Deux shooters ? Elle avait décidément envie de s’amuser ! Ou l’envie de continuer dans sa lancée ? Car pouvait difficilement cacher qu’elle n’était pas sobre. « J’m’attendais pas à te voir ! » Lui envoya-t-il avec un petit air malicieux dans la voix. Faith et Cade se connaissaient depuis quelques temps et ce bar était le seul lieu de leurs entrevues, a défaut de ceux que l’ex agent fédéral proposait, en vain, à la jolie blonde. Combien de fois avait-il tenté de l’attirer ailleurs, quelque part où ils pourraient assouvir cette franche attirance physique ? ”Prêt pour le passage à la nouvelle année ?” Alors qu’Aaron le barman les servait en direct, Cade laissa ses yeux posés sur Faith. Elle lui faisait une offre sans retenue en mettant ses atouts en avant. Son comportement lui sembla déjà étrange. « Si ça signifie prendre des bonnes résolutions…je suis loin d’être prêt ! » Faith était une belle femme, il n’y avait qu’à la regarder. L’âge n’avait aucune emprise. Mieux, elle lui donnait un charme non négligeable. « Tu n’es pas en train de danser une queue leu leu endiablée en attendant les douze coups de minuit ? » Ironie… Faith avait une vie bien plus rangée que la sienne. C’était en partie pour ça qu’elle avait maintes fois refuser ses avances.

Elle avait besoin de se changer les idées. Elle ne pouvait quand même pas commencer la nouvelle année seule à se soûler la gueule comme si elle n’avait pas d’autre option. C’était pathétique et elle se levait elle même le coeur. Lorsqu’elle vit que Cade était déjà installé au bar, elle se sentit soulagée. C’était probablement la seule personne qui acceptait encore de passer du temps avec elle et qui ne la jugeait pas. Il n’était pas au courant de ce qui se passait dans sa vie, ni de tout son passé et c’était exactement ce dont elle avait besoin. Elle savait qu’elle pourrait mieux profiter de la soirée comme ça. Lorsqu’elle s’approcha de lui, elle n’hésita pas à lui faire des avances, à lui démontrer son intérêt. Elle avait toujours réussi à le repousser, à ne pas franchir la ligne. Certes, elle avait goûté ses lèvres plus d’une fois, mais elle n’avait jamais été jusqu’au bout. Elle était fière de pouvoir dire qu’elle n’avait jamais trompé son mari. Elle avait bien des défauts, mais elle n’avait pas celui d’être infidèle. « J’m’attendais pas à te voir ! » Elle réussissait quand même à déceler dans sa voix que la surprise n’était pas pour lui déplaire. Elle lui fit un sourire avant d’attraper le shot qui avait été posé devant elle et de pousser le deuxième devant Cade. Elle ne serait pas la seule à se soûler certainement ce soir. Elle cogna le sien contre l’autre et avala d’un trait la vodka qu’il y avait à l’intérieur. Elle sentit la boisson brûler sa gorge et c’était exactement la sensation qu’elle aimait et qui lui rappelait que malgré la souffrance, elle était encore en vie. « Si ça signifie prendre des bonnes résolutions…je suis loin d’être prêt ! » Elle lui répondit par un rire. Des résolutions, c’était tellement cliché de toute manière. « Je crois que ce qui est amusant avec les résolutions, c’est qu’on sait pertinemment que l’on ne les tiendrait pas. » Elle se retourna vers Aaron et lui demanda un martini. Elle avait besoin de quelque chose de bien fort et non pas un verre qui contenait plus de jus que d’alcool. Elle avait envie de s’amuser. « Tu n’es pas en train de danser une queue leu leu endiablée en attendant les douze coups de minuit ? » Elle passa sa main dans ses cheveux, prit une gorgée de son verre. « Les seules personnes qui veulent bien de moi se trouvent ici. » Elle lui fit un petit clin d’oeil. C’était malheureusement la vérité. La seule personne qui lui restait était Noah, et il était parti. Mais il y avait Cade, présent au bar ce soir-là qui avait l’air d’être bien content qu’elle soit présente. « Mais si tu veux, on peut s’en partir une queue leu leu ici, je suis sûre que les cinq gars un peu éméchés dans le coin là-bas embarqueront avec nous. » Elle prit une gorgée de son verre et ajouta avec un petit sourire en coin : « Sinon on peut aller mettre un slow sur le jukebox. » Elle haussa les épaules, laissant choisir Cade. Elle prit le banc qui était à côté de lui, l’approcha de celui du brun et s’assit, devant lui, se penchant légèrement pour mettre son décolleté en valeur. Elle avait le goût de l’aguicher et il fallait dire que ce n’était pas la subtilité qui l’étouffait ce soir-là.

En cette nuit du nouvel an qui se voulait bien plus chaude que toutes celles que Cade avait connu à New York et même à Los Angeles, il fut bien étonné de voir Faith débarquer dans le bar où, pourtant, ils avaient eu l’habitude de se retrouver. Ce n’était pas l’endroit qui le surprenait, mais bien le moment. Il n’ignorait pas que la jeune femme était mariée et qu’elle tenait à sa vie de couple. Elle lui avait d’ailleurs fait comprendre plus d’une fois alors qu’elle était sur le point de céder à la tentation dans ses bras. Du coup, que fabriquait-elle ici alors même qu’elle devrait être vêtue de sa plus belle robe scintillante pour célébrer le passage à la nouvelle année, entourée d’amis, de cotillons et de coupes de champagne ? Faith était là, à côté de lui, et semblait avoir laissé chez elle cette pudeur qui avait donné à Cade du fil à retordre quand il avait dégainé son petit numéro de Dom Juan. Elle paraissait…différente. Sans rideau et comme libérée de son boulet de prisonnier. « Je crois que ce qui est amusant avec les résolutions, c’est qu’on sait pertinemment que l’on ne les tiendrait pas. » Elle marquait un énorme point. Bien qu’il mettait un point d’honneur à tenir ses promesses en règle générale, Grimes n’était pas du genre à prier pour que l’année à venir se déroule mieux que la précédente. Ou bien à se jurer de faire des efforts sur quelques plans que le destin choisi de définir de toute façon. L’ex agent fédéral esquissa un sourire en approuvant ce point de vue.

Il la questionna, à sa façon, sur sa présence ici. « Les seules personnes qui veulent bien de moi se trouvent ici. » Cette réponse était curieuse et Cade n’était pas certain de bien la saisir. Faith vivait-elle une période compliquée avec son mari ? L’avait-il trompé en prétextant ne plus être heureux dans leur union ? Le martini que le serveur lui envoya finit de lui confirmer que la jolie blonde dévalait une piste dangereuse. Il allait pour se renseigner, ouvrit la bouche, mais elle poursuivit. « Mais si tu veux, on peut s’en partir une queue leu leu ici, je suis sûre que les cinq gars un peu éméchés dans le coin là-bas embarqueront avec nous. » Jetant un œil dans la direction des types au fond de la salle, Cade en oublia sa question. « Oublions la chenille ! » L’idée qu’un de ces abrutis puissent en profiter pour le tripoter au passage ne lui disait rien du tout. Il était loin d’aimer enfiler un chapeau pointu pour lancer des serpentins quand viendrait minuit. « Sinon on peut aller mettre un slow sur le jukebox. » Il l’observa boire cette gorgée. Faith buvait sans soif. Elle buvait comme lui lorsqu’il n’avait plus rien à faire des heures qui allaient suivre. Quelque peu suspicieux, il jugea que son idée n’était finalement pas mauvaise. Il lui sourit, leva ses fesses du tabouret et alla choisir un slow bien cliché sur le jukebox. Le disque tourna dans une animation colorée et attrayante et la chanson débuta pendant que Grimes revint sur ses pas pour attraper la main de Faith. Il l’entraina au centre de la salle et l’attira contre lui en gardant sa main dans la sienne et en posant l’autre contre sa taille. De cette façon, il l’éloignait de son martini et sans aucun doute, ils seraient assez proches pour qu’elle puisse, peut-être, lui en dire un peu plus sur ce qui se tramait. Sa bouche tout près de son oreille, il finit par chuchoter « C’est la nouvelle version de toi, pour la nouvelle année ? Ou bien j’ai loupé quelque chose… ? » Il saurait. Il saurait de quoi il en retourne si cette fois, elle cédait à son numéro de charme.  

Ce soir-là, avec Cade en face d’elle, elle essayait d’oublier les cinq jours qui venaient de s’écouler. Si elle était restée seule chez elle, avec sa colère et sa détresse, elle doutait que la soirée se serait mal terminée. Maintenant, avec l’homme devant elle, elle ne pouvait que s’accrocher à lui pour garder la tête hors de l’eau. Ce n’était pas qu’ils étaient si proches que ça, mais c’était de cette légèreté qu’elle avait besoin. Ils n’avaient jamais été du genre à se raconter leurs vies respectives. Cade savait bien qu’elle était mariée puisqu’elle avait toujours refusé plus que de seulement goûter ses lèvres quelques fois, prétextant ne pas vouloir tromper Noah, mais ils n’avaient jamais développé une relation assez forte pour qu’ils se confient leurs malheurs. Elle avait donc été soulagée de le voir assis au bar lorsqu’elle était arrivée. Elle savait pertinemment qu’elle ne résisterait pas à son charme ce soir-là s’il daignait vouloir d’elle. Elle l’avait toujours trouvé extrêmement sexy et elle ne pouvait nier qu’elle avait une forte attirance physique envers lui. Et elle savait que c’était réciproque puisqu’il avait tenté quelquefois de l’attirer dans son lit. Il avait par contre toujours respecté ses choix, n’essayant pas de la forcer à lui céder et elle lui en était reconnaissante. « Oublions la chenille ! » Elle devait avouer que de l’imaginer en train de faire le petit train était une image qu’elle trouvait fort drôle, mais ce n’était pas ce soir qu’elle allait pouvoir être témoin de ça. Lorsqu’elle lui proposa un slow, il acquiesça à sa demande, allant directement choisir une chanson sur le jokebox. Elle reprit une courte gorgée de son verre et attrapa la main qu’il tendait devant elle, lui suivait sur la piste de danse. Lorsqu’il l’attira à lui, collant leur deux corps ensemble, un frisson la parcourut. « C’est la nouvelle version de toi, pour la nouvelle année ? Ou bien j’ai loupé quelque chose… ? » Elle aurait dû s’attendre à ce que Cade se rende compte qu’elle n’était plus la même. Elle ne voulait pas gâcher la soirée en parlant de la mort de Noah. En même temps, elle n’était pas du genre à mentir. « Faith 2.0 pour la nouvelle année, ça sonne bien non ? » Elle savait qu’elle ne répondait pas à sa question, qu’il allait continuer à essayer de lui tirer les vers du nez. « Ne t’inquiète pas. Il ne viendra pas te mettre un poing dans la figure. Au pire, il te hantera dans tes cauchemars. Encore là, il ne tenait pas assez à moi pour ça. » Elle se pressa encore plus sur Cade. Elle devait le sentir contre elle. Elle voulait faire qu’un avec lui, avoir l’impression qu’il y avait au moins une personne sur cette terre qui voulait bien d’elle. Que ce soit seulement pour son corps, elle ne lui en tiendrait pas rigueur, mais elle avait besoin de sentir qu’elle n’était pas seule. Et la seule personne qui lui venait à l’esprit pour ça était cet homme, qu’elle avait toujours repousser puisqu’elle aimait trop son mari pour aller jusqu’à coucher avec un autre alors qu’il ne se passait plus grand chose dans leur propre chambre à coucher. Elle posa sa tête sur l’épaule de Cade, soufflant doucement dans son cou, seulement pour lui donner un peu la chair de poule. Elle n’était pas assez saoule ni désespérée pour sauter directement sur ses lèvres. Elle voulait quand même se faire désirer un moment. « Je suis maintenant libre comme l’air. » Elle lui avait chuchoté à l’oreille, cachant difficilement ses intentions.

Ils s’étaient retrouvés plusieurs fois dans ce bar avant que Cade ne vienne s’installer à Brisbane. Pour ces déplacements en Australie avec le bureau fédéral américain, l’agent Grimes avait passé un peu de bon temps lors des soirées libres. Et il se souvenait bien de cette attirance physique qu’il y avait immédiatement eu entre eux. Faith n’avait pas nié que l’agent fédéral lui plaisait. Elle ne s’en était pas caché malgré son statut de femme mariée. Ce qu’elle avait refusé en revanche, c’était de céder à la tentation. Et bien qu’il fût privé d’un moment sensuellement délicieux, Cade le respectait et le saluait même. Toutes les femmes n’étaient pas comme ça, surtout après un numéro de charme et quelques baisers échangés. Faith s’était faite désirer et s’en était presque devenu un jeu, mêlant gestes affectueux et honorable retenue. A chaque fois, il l’avait laissé repartir en lui adressant un sourire complice qui remettait cette quête à une prochaine rencontre. Néanmoins, la jeune femme qui était là, à côté de lui ce soir, ne diffusait plus la même aura. Cette décence à laquelle elle l’avait habitué n’était plus. Faith commandait des verres d’alcool fort, jouait de ses atouts physiques pour l’aguicher alors même qu’elle n’avait pas eu besoin de ça par le passé pour retenir son attention. Elle cherchait à se donner un nouveau rôle et Grimes ne la reconnaissait pas.

C’était bien elle dans ses bras pourtant. Passée l’idée de se lancer dans un joyeux petit train, Cade avait entrainé Faith au milieu de la salle et il s’était rapproché d’elle. De là, il reconnaissait l’odeur de son parfum, ou peut-être juste celle de sa peau imprégnée des arômes de son quotidien. A cela se mêlait une touche d’alcool quand elle lui parlait. Il la reconnaissait pour l’avoir senti bien trop de fois. « Faith 2.0 pour la nouvelle année, ça sonne bien non ? » Elle admettait donc qu’elle n’était pas elle-même. Que subissait-elle pour s’adonner à un lâcher prise total qu’elle pourrait peut-être regretter dès le lendemain matin ? « Ne t’inquiète pas. Il ne viendra pas te mettre un poing dans la figure. Au pire, il te hantera dans tes cauchemars. Encore là, il ne tenait pas assez à moi pour ça. » Elle parlait de fantôme, de mort. Et pire encore, elle parlait au passé d’un mari qu’ils avaient parfois évoqué lorsqu’ils avaient eu envie, tous les deux, de franchir la limite. Ce n’était définitivement plus les représailles que Cade craignait désormais, mais l’état psychologique de Faith puisqu’il comprenait que son époux était récemment décédé. Elle se serra un peu plus contre lui comme si elle cherchait à se raccrocher à quelque chose, à quelqu’un. Déconcerté par ces aveux, Grimes fit glisser son pouce dans son dos pour lui signifier qu’il avait saisit et qu’elle n’était pas seule. « C’est ce qui explique que tu as commencé à boire avant même d’atterrir ici ? » Ils dansaient toujours l’un contre l’autre et Faith semblait ne plus répondre sobrement à ses désirs. Il sentit son souffle dans son cou. « Je suis maintenant libre comme l’air. » Combien de fois il avait espéré cette réponse ? Elle la lui donnait enfin alors que ses pensées étaient vraisemblablement altérées par un drame qui venait de bouleverser sa vie. Les lèvres de Cade vinrent frôler la joue de Faith et il lui murmura « C’est tentant. » Il le pensait. Mettre cette fille dans son lit avait été un réel défi et voilà qu’elle lui donnait l’opportunité d’assouvir une réelle envie, mais elle était bien trop parasitée par l’alcool et par les récents évènements. « Mais… ce n’est pas de ça dont tu as besoin. ». Il continuait de la guider dans cette danse lente et lascive. « Bien sûr qu’on pourrait se tirer d’ici tout d’suite et prendre une chambre et quelques bouteilles au passage pour profiter de la nuit. Je doute pourtant que tu le fasses pour de bonnes raisons. Ou même que tu te souviennes de quoi que ce soit demain matin. »
 

Lorsqu’elle avait décidé de se rendre au bar à la recherche de Cade ce soir-là, elle n’avait eût qu’une idée en tête : passer une bonne soirée en compagnie de quelqu’un. Ironiquement, la seule personne qui pouvait être présente pour elle était une personne qu’elle ne connaissait pas en dehors de cet endroit que Noah détestait. Il tentait souvent de lui faire comprendre qu’elle devait délaisser l’alcool, qu’elle devait se reprendre en main puisqu’elle n’était plus la même qu’il avait connu dans leur jeune vingtaine. Si elle avait été un peu moins affectée par l’alcool, elle se serait rendu compte à quel point sa situation était triste, à quel point elle était descendue bas. Elle n’avait pas d’amie avec qui parler de ce qui venait de se passer, avec qui elle pouvait laisser échapper sa tristesse, sa détresse. En même temps, elle faisait ce qu’elle savait faire de mieux : enterrer son mal-être sous l’alcool. Lorsqu’elle avait vu Cade assis au bar, elle savait instantanément qu’elle allait passer une belle soirée, qu’elle n’allait pas être seule pour passer le cap de la nouvelle année et c’était au fond tout ce qu’elle voulait. Et ce n’était pas un inconnu. Pour le peu qu’elle savait d’elle, elle avait l’impression qu’il ne la laisserait pas tomber. Elle était éméchée, essayant de lui faire comprendre ses intentions sans aucune retenue. Elle avait l’impression que ça avait fonctionné puisqu’il répondit à son offre de danser un slow.
Elle n’avait pas eût l’intention de lui parler de ce qui c’était passé dans sa vie dans les derniers jours, mais il avait sût lire en elle. Il avait rapidement compris qu’elle n’était pas dans son état normal. Elle avait tenté de rester vague, de ne pas lui dire directement le drame qui se jouait dans sa vie depuis la nuit de Noël. « C’est ce qui explique que tu as commencé à boire avant même d’atterrir ici ? » Il était compréhensif, il voyait sa détresse. Elle ne voulait pas embarquer là-dedans. Non, elle ne pleurerait pas en cette nuit du nouvel an. Le mouvement de son pouce contre son dos lui faisait du bien, mais menaçait de la faire basculer dans la détresse alors qu’elle tentait de rester loin de cet état d’esprit. Elle hocha légèrement de la tête, prenant de bonnes inspirations pour essayer de ne pas basculer. « C’est tentant. Mais… ce n’est pas de ça dont tu as besoin. » Elle se raidit légèrement. Il était qui pour se permettre de juger de ce qu’elle avait réellement bien. Ça faisait cinq jours qu’elle pleurait Noah. Elle avait besoin de se permettre une nuit où elle n’y pensait pas. Elle n’eût le temps de lui répondre avant qu’il continue de lui exposer son point de vue.. « Bien sûr qu’on pourrait se tirer d’ici tout d’suite et prendre une chambre et quelques bouteilles au passage pour profiter de la nuit. Je doute pourtant que tu le fasses pour de bonnes raisons. Ou même que tu te souviennes de quoi que ce soit demain matin. » Elle avait l’esprit embrumé pour l’alcool, mais elle savait exactement ce qu’elle voulait quand même. Elle devait essayer de s’exprimer le mieux possible pour lui faire comprendre. Sinon, elle allait trouver un autre homme et elle allait probablement le regretter. « Ça fait 5 jours que je pleure un homme qui a décidé de ne pas s’accrocher à la vie, qui a décidé de me laisser seule ici. Tout ce que j’ai besoin, c’est de profiter de ce soir. » Cade n’allait tout de même pas lui glisser entre les mains alors qu’elle avait enfin décidé d’aller de l’avant avec cette attirance physique ? « Je suis venue ici ce soir avec une idée en tête, c’est de te retrouver. Je sais pas comment je vais être demain, mais j’ai besoin d’une pause. » Elle se pressa encore plus contre lui. Approcha ses lèvres de son oreille pour lui chuchoter la suite. « Je ne veux pas une promesse d’un avenir, je veux une promesse d’une belle soirée, une belle nuit. Demain est une autre journée qui n’est pas encore arrivée. » La balle était dans son camp. Elle ne pouvait pas lui exposer mieux ce qu’elle désirait..

Faith avait toujours montré de l’intérêt lorsqu’il s’agissait d’entamer un jeu de séduction avec Cade. Elle avait répondu présente, ne cachant pas l’attirance qu’elle avait aussi pour lui. Pourtant, elle n’avait jamais franchi la limite, celle qui prouverait explicitement qu’elle était en train de tromper son mari avec un autre, celle qui scellerait peut-être moralement son histoire et son mariage. Qu’est ce qui la retenait ? Puisqu’elle ressentait déjà l’envie de se laisser aller dans les bras de Grimes, n’était-ce pas justement que son union était un échec ? S’ennuyait-elle dans cette vie bien rangée ? Désirait-elle vivre quelque chose de plus exaltant ? De plus passionné ? Quoi qu’il en soit, Cade avait toujours respecté sa volonté de ne pas aller plus loin. Il avait tenté de la convaincre, à maintes reprises, mais elle demeurait fidèle et s’interdisait de craquer. Jusqu’à ce soir-là… Ce soir où elle semblait être une autre personne que la femme mystérieusement réservée qu’elle lui avait toujours montrée. Le comportement de Faith était étrange et reflétait un évènement inhabituel. Tous les deux s’étaient rapprochés pour danser au milieu de la salle et bien vite, Cade comprit à quoi il avait affaire : A une femme qui venait de perdre son mari et qui en était complètement chamboulée. Elle le lui avait dit explicitement. « Au pire, il te hantera dans tes cauchemars. » Il n’y avait plus aucun doute. Quelque peu ennuyé par ces confessions, l’enquêteur fit bien vite le lien avec l’état de Faith, et cette note alcoolisée qui sortait de sa bouche lorsqu’elle parlait. « Je suis maintenant libre comme l’air. » Etait-ce vraiment ce qu’elle pensait ? Cade le savait bien, le choc mêlé à une certaine quantité d’alcool pouvait facilement altérer les pensées.

Un type sans scrupules aurait facilement su en profiter. Faith se jetait presque dans ses bras et le priant de réserver une chambre pour lui faire oublier tous ses tracas. Mais même s’il la trouvait merveilleuse et qu’il aurait volontiers passer la nuit en sa compagnie, Cade ne voulait pas profiter de la situation. Elle se serrait contre lui, et ses quelques phrases paraissaient étonnamment bien construites pour une jeune femme sous l’emprise de l’alcool. « Je suis venue ici ce soir avec une idée en tête, c’est de te retrouver. Je sais pas comment je vais être demain, mais j’ai besoin d’une pause. » Une pause ? Et comment le vivrait-elle en se réveillant le lendemain et en réalisant que son mari l’avait bien quitté à jamais, et que rien ne saurait éponger correctement le malheur qui s’abattait sur elle ? « Faith… » Commença-t-il avec une approche négative dans la voix. « Je ne veux pas une promesse d’un avenir, je veux une promesse d’une belle soirée, une belle nuit. Demain est une autre journée qui n’est pas encore arrivée. » Elle était convaincante. Et nul doute que si elle était sobre, Cade aurait cédé sans qu’elle n’en fasse plus. Il rencontra son regard de nouveau et après un court instant silencieux, il s’approcha pour poser ses lèvres contre les siennes en fermant les yeux. Ce baiser, plus délicat que vraiment fougueux, il le fit durer plusieurs secondes. Un petit temps durant lequel il pu ressentir à la fois le goût sucré de l’alcool mais aussi tout l’enivrement de Faith et cette ardeur, guidé par un état second. Quand il libéra sa bouche, il ouvrit les yeux et la fixa sereinement. « Je ne profiterai pas de ton chagrin. » Fut-il pour la perte d’un amour, ou la peur de ce qui l’attendait après cette perte. « Je veux la Faith gracieuse. Charmante. Séductrice. » Comme il la connaissait. Car ce soir, ce n’était pas elle. « Je peux te raccompagner chez toi. Et on reparlera de cette promesse la prochaine fois. Quand tu auras digéré les changements dans ta vie et que tu réalisera que tu as toujours envie de me retrouver… » Il se pencha à son tour pour souffler au creux de son oreille. "Je serai là."

 

« Faith… » Faith comprit alors au ton de la voix de Cade qu’il ne changerait pas d’idée, qu’il ne se laisserait pas guider par le désir qu’ils avaient tous les deux depuis qu’ils s’étaient rencontrées dans ce bar. Si elle avait été un peu moins sous l’effet de l’alcool, elle aurait été contente de voir qu’il n’était pas un profiteur, qu’il avait du respect et qu’il savait reconnaître qu’elle était plus ou moins dans l’état de réfléchir adéquatement. Par contre, son ivresse faisait en sorte d’avoir de la difficulté à accepter le refus. Ça faisait si longtemps qu’elle se retenait, qu’elle le repoussait puisqu’il avait tenté de la séduire et de l'emmener dans son lit tant de fois, qu’elle ne comprenait pas pourquoi il ne saisissait pas l’occasion en cette dernière soirée de l’année. « Je ne profiterai pas de ton chagrin. » Quelle idée de con aussi de lui avoir fait comprendre que Noah était décédé. Si elle ne lui en avait pas glissé un mot, il ne la repousserait pas et elle n’aurait pas eût à se ridiculiser en l’implorant d’oublier ce qui se passait et de profiter de la soirée pour passer un moment de passion ensemble. Elle avait pourtant l’impression qu’il avait peut-être changé d’idée lorsqu’il posa ses lèvres sur sa bouche. Elle avait les mains autour du cou de Cade, ferma les yeux, profita de ce baiser qui était d’une douceur qu’elle ne lui connaissait pas. Elle avait l’habitude que ce soit plus passionnée entre eux. Elle ne voulait pas mettre fin à ce moment, mais il se recula aussi doucement que le baiser avait été. « Je veux la Faith gracieuse. Charmante. Séductrice. » Elle se raidit à ses mots. Elle ne se rendait pas vraiment compte de comment elle agissait, mais elle se mit à douter à cet instant même qu’elle devait faire pitié à voir, qu’elle devait ressembler à une vraie loque pour qu’il lui mentionne les traits qu’il retrouvait normalement chez elle et qu’il ne voyait pas ce soir-là. Tout ce qu’elle avait envie c’était de se retourner et d’aller chercher un autre homme dans le bar qui voudrait bien d’elle. Elle ferait alors un doigt d’honneur à Cade tout en quittant à son bras, mais elle n’était pas encore descendue aussi bas. Elle avait encore un minimum de respect d’elle-même pour ne pas prendre de risque inutile. « Je peux te raccompagner chez toi. Et on reparlera de cette promesse la prochaine fois. Quand tu auras digéré les changements dans ta vie et que tu réalisera que tu as toujours envie de me retrouver… Je serai là. » Le souffle dans le creu de son oreille lui donna le frisson. Elle savait une chose, elle ne pouvait pas retourner chez elle ce soir-là. Elle dormirait sur un banc de parc si c’était le seul endroit qu’elle trouvait, mais elle ne retournait pas dans l’endroit où Noah s’était enlevé la vie. Tout d’un coup, la détresse qu’elle éprouvait reprit possession de ses yeux, de son âme. Elle dût s’accrocher à Cade pour ne pas que ses jambes cèdent sous elle. Était-ce la douleur ? L’alcool ? Probablement un mélange des deux. « Amène-moi où tu veux, mais s’il te plaît, pas chez moi. Le crochet est encore au plafond. » Sa voix se cassa sous sa confidence. Jusqu’à maintenant, Cade pouvait penser qu’il était décédé au terme d’une maladie. Par contre, maintenant c’était dit, il n’y avait plus d'ambiguïté, il savait que Noah avait mis lui-même fin à ses jours. Faith se détacha de Cade, se rendit au bar et demanda au barman un shot de vodka suivi d’un gin tonic. Elle se retourna en chancelant vers l’homme qui lui avait refusé ses avances, essaya de lui faire un sourire du mieux qu’elle pu. « Tu peux quand même pas me quitter avant qu’on change d’année. Barman, amène un autre whisky à Cade. Ce n’est pas parce qu’il ne veut pas de moi qu’on va gâcher cette soirée. » Bien que le Grimes avait évoqué l’idée de la raccompagner chez elle, elle n’avait pas vraiment le goût d’aller se coucher immédiatement. Elle ne voulait pas passer le nouvel an seule avec sa peine.