31 décembre 2019. Ça faisait à peine 6 jours que Noah était décédé. Non, qu’il s’était donné la mort. Elle était en colère. Elle lui en voulait de ne pas avoir été capable de lui parler, de lui dire qu’il avait besoin d’elle. Elle aurait su être forte. Elle aurait arrêté l’alcool et elle aurait arrêté d’aller dans ce bar à pratiquement tous les jours de sa vie pour rester avec lui. Elle aurait été forte. Mais il avait décidé de la laisser seule à affronter la vie. Elle ne pouvait pas croire qu’il l’avait abandonné aussi lâchement un soir de Noël, à peine 6 jours avant le changement d’année. Elle n’avait pas le coeur à fêter. Noah était sa seule famille. Elle était maintenant toute seule contre le monde entier et elle avait l’impression de s’écrouler. Elle ne pourrait pas tenir dans une vie sans lui. Cette journée-là, elle l’avait passée assise devant la porte de la chambre où il avait décidé que sa vie arrêtait. Il avait choisi la pièce qui était censée être une chambre d’enfant. Était-ce un message qu’il avait tenté de lui lancer ? Si elle avait été capable de lui donner au moins un enfant il serait encore là ? Elle n’avait que des questions, pas de réponse. Et elle n’aurait jamais les réponses. Elle avait amené ses bouteilles de vin avec elle au pied de la porte de la chambre et elle a bu directement au goulot, en pyjama. Personne ne lui écrivait pour savoir comment elle allait. Elle n’avait pas vraiment d’ami, ayant éloigné tout le monde d’elle depuis bien des années avec son alcoolisme. Elle se sentait plus seule que jamais.
Il était désormais vingt-deux heures et elle n’avait plus rien à boire. Elle avait passé au peigne fin toutes ses armoires et ses cachettes secrètes. Ses réserves étaient à sec et elle ne pouvait pas passer la soirée du nouvel an à pleurer sans avoir de l’alcool. Elle décida de se secouer et alla revêtir une robe noire scintillante avec un décolleté plongeant. Elle se posta devant le miroir de sa salle de bain et entreprit de se maquiller pour cacher toutes les traces de sa détresse. Elle ondula ses cheveux blonds. En se regardant dans le miroir, elle vint à la conclusion que ses yeux vitreux ne laissa que deviner qu’elle avait commencé à fêter chez elle et non pas qu’elle était devenue veuve d’une manière violente et prématurée. Elle attrapa son sac à main, mis ses souliers à talon haut et se rendit au bar qu’elle avait l’habitude de fréquenter plusieurs fois par semaine. Il était assez loin pour que l’air frais lui fasse du bien lorsqu’elle retournait à la maison, mais pas assez pour qu’elle soit tenté de prendre son véhicule. Arrivé au bar, elle regarda autour d’elle, analysa qui était sur place. C’est alors qu’elle vit Cade, assis au comptoir du bar. En plein la personne qu’elle avait besoin pour se changer les idées. Un sourire aux lèvres, elle se fraya un chemin jusqu’à lui en essayant de ne pas trop tituber. ”Salut toi.” Elle se pencha pour lui faire la bise, faisant exprès de déposer son baiser sur la commissures de ses lèvres, s'attardant plus longtemps que pour une simple bise faite à un ami. ”Deux shooters s.v.p. Aaron !” Évidemment qu’elle connaissait le barmaid par son prénom. Elle se retourna vers Cade, sourire aux lèvres, essayant de mettre son décolleté en évidence. ”Prêt pour le passage à la nouvelle année ?”

C’était le dernier jour de 2019 et bizarrement, il ressemblait à beaucoup d’autres. Alors que tous les pays de la planète s’apprêtaient à tour de rôles à changer d’année et que tous les Brisbaniens se mettaient sur leur trente-et-un pour aller fête ça comme il se devait, Cade n’avait pas de projets particuliers. Il était pourtant installé sur le continent australien depuis plus d’un an et avait fait de sacrées rencontres, mais il ne se voyait pas accompagner qui que ce soit dans une soirée pour laquelle il devrait se trouver un costume ridicule, ou se munir d’un chapeau pointu et de quelques boulettes à envoyer avec une sarbacane. Quant à la fratrie Grimes, on ne pouvait pas dire que les retrouvailles familiales étaient au centre des festivités de cette année. Milena faisait son possible pour le voir, et Cade n’avaient pour l’instant pas plus de nouvelles de ses frangins qui menaient désormais une vie « autonome » et « libre ». 21h05, le quarantenaire attrapa son téléphone portable et tapa rapidement un message avant de s’en dissuader. « Je vais boire un verre. Si tu as la permission de minuit, tu sais où me trouver Cendrillon. » Il n’était pas certain d’être rejoint et il ne le faisait pas pour être moins seul. Après avoir envoyé cette quasi-invitation, il saisit les clés de sa voiture, leva ses fesses de son canapé et sortit sans enfilant une veste.

Comme pour respecter ses habitudes, Cade s’installa au comptoir et ne tarda pas à se commander un whisky. En attendant son verre, il balaya la salle du regard. Il n’y avait pas grand monde. Et c’était explicable. Ce groupe un peu plus loin devait commencer sa soirée et partirait sans aucun doute d’ici une petite heure pour rejoindre le lieu de leur débauche finale. Grimes adressa un hochement de tête de politesse au barman qui venait de poser son whisky devant ses yeux. En le portant à ses lèvres, Cade réalisait qu’il y avait peu de chance de faire une ultime rencontre cette année. Alors qu’il en était à son deuxième verre et que la salle s’était miraculeusement remplie, il sentit une présence derrière lui. ”Salut toi.” Il connaissait cette voix. Du moins, il pensait la connaitre car elle paraissait quelque peu déformée. L’ambiance de la salle ou un début de soirée bien arrosée comme la plupart des gens de ce bar ? Grimes eut à peine le temps de voir son visage que Faith le gratifia d’une bise plus que sensuelle. ”Deux shooters s.v.p. Aaron !” Une fois sa surprise de la voir débarquer ce soir passée, Cade l’observa avec un petit sourire en coin des lèvres. Deux shooters ? Elle avait décidément envie de s’amuser ! Ou l’envie de continuer dans sa lancée ? Car pouvait difficilement cacher qu’elle n’était pas sobre. « J’m’attendais pas à te voir ! » Lui envoya-t-il avec un petit air malicieux dans la voix. Faith et Cade se connaissaient depuis quelques temps et ce bar était le seul lieu de leurs entrevues, a défaut de ceux que l’ex agent fédéral proposait, en vain, à la jolie blonde. Combien de fois avait-il tenté de l’attirer ailleurs, quelque part où ils pourraient assouvir cette franche attirance physique ? ”Prêt pour le passage à la nouvelle année ?” Alors qu’Aaron le barman les servait en direct, Cade laissa ses yeux posés sur Faith. Elle lui faisait une offre sans retenue en mettant ses atouts en avant. Son comportement lui sembla déjà étrange. « Si ça signifie prendre des bonnes résolutions…je suis loin d’être prêt ! » Faith était une belle femme, il n’y avait qu’à la regarder. L’âge n’avait aucune emprise. Mieux, elle lui donnait un charme non négligeable. « Tu n’es pas en train de danser une queue leu leu endiablée en attendant les douze coups de minuit ? » Ironie… Faith avait une vie bien plus rangée que la sienne. C’était en partie pour ça qu’elle avait maintes fois refuser ses avances.

Elle avait besoin de se changer les idées. Elle ne pouvait quand même pas commencer la nouvelle année seule à se soûler la gueule comme si elle n’avait pas d’autre option. C’était pathétique et elle se levait elle même le coeur. Lorsqu’elle vit que Cade était déjà installé au bar, elle se sentit soulagée. C’était probablement la seule personne qui acceptait encore de passer du temps avec elle et qui ne la jugeait pas. Il n’était pas au courant de ce qui se passait dans sa vie, ni de tout son passé et c’était exactement ce dont elle avait besoin. Elle savait qu’elle pourrait mieux profiter de la soirée comme ça. Lorsqu’elle s’approcha de lui, elle n’hésita pas à lui faire des avances, à lui démontrer son intérêt. Elle avait toujours réussi à le repousser, à ne pas franchir la ligne. Certes, elle avait goûté ses lèvres plus d’une fois, mais elle n’avait jamais été jusqu’au bout. Elle était fière de pouvoir dire qu’elle n’avait jamais trompé son mari. Elle avait bien des défauts, mais elle n’avait pas celui d’être infidèle. « J’m’attendais pas à te voir ! » Elle réussissait quand même à déceler dans sa voix que la surprise n’était pas pour lui déplaire. Elle lui fit un sourire avant d’attraper le shot qui avait été posé devant elle et de pousser le deuxième devant Cade. Elle ne serait pas la seule à se soûler certainement ce soir. Elle cogna le sien contre l’autre et avala d’un trait la vodka qu’il y avait à l’intérieur. Elle sentit la boisson brûler sa gorge et c’était exactement la sensation qu’elle aimait et qui lui rappelait que malgré la souffrance, elle était encore en vie. « Si ça signifie prendre des bonnes résolutions…je suis loin d’être prêt ! » Elle lui répondit par un rire. Des résolutions, c’était tellement cliché de toute manière. « Je crois que ce qui est amusant avec les résolutions, c’est qu’on sait pertinemment que l’on ne les tiendrait pas. » Elle se retourna vers Aaron et lui demanda un martini. Elle avait besoin de quelque chose de bien fort et non pas un verre qui contenait plus de jus que d’alcool. Elle avait envie de s’amuser. « Tu n’es pas en train de danser une queue leu leu endiablée en attendant les douze coups de minuit ? » Elle passa sa main dans ses cheveux, prit une gorgée de son verre. « Les seules personnes qui veulent bien de moi se trouvent ici. » Elle lui fit un petit clin d’oeil. C’était malheureusement la vérité. La seule personne qui lui restait était Noah, et il était parti. Mais il y avait Cade, présent au bar ce soir-là qui avait l’air d’être bien content qu’elle soit présente. « Mais si tu veux, on peut s’en partir une queue leu leu ici, je suis sûre que les cinq gars un peu éméchés dans le coin là-bas embarqueront avec nous. » Elle prit une gorgée de son verre et ajouta avec un petit sourire en coin : « Sinon on peut aller mettre un slow sur le jukebox. » Elle haussa les épaules, laissant choisir Cade. Elle prit le banc qui était à côté de lui, l’approcha de celui du brun et s’assit, devant lui, se penchant légèrement pour mettre son décolleté en valeur. Elle avait le goût de l’aguicher et il fallait dire que ce n’était pas la subtilité qui l’étouffait ce soir-là.