i can't believe it's happening

La journée s’annonce calme et reposante. Les jumelles et Mael sont déposés à la crèche en début de matinée, Nathan chez un ami pour la journée, Alex est au travail, alors tu comptes bien en profiter pour te laisser un peu de répit. Avoir quatre enfants et un restaurant à gérer n’est clairement pas gage de tranquillité et de repos. Mais tu ne t’en plains pas. Jamais. Tu aimes ta vie telle qu’elle est aujourd’hui et pour rien au monde tu n’en changerais la moindre chose. Bien que les moments de détente soient assez rares, quand ils s’offrent à toi cela te permet au moins de pouvoir réellement les apprécier. Enfin plus ou moins. Parce que chaque personne connaissant Caleb Anderson a conscience qu’il éprouve une grande difficulté quand il s’agit de se poser et de lâcher prise. Aujourd’hui tu as l’occasion de pouvoir passer une journée tranquille et de repos mais pourtant l’une des premières choses que tu fais ce matin c’est préparer tout un tas de plats en avance pour Alex. En effet, ta femme travaille beaucoup en ce moment, s’étant mis en tête de prendre plusieurs semaines de vacances pour les fêtes de fin d’année et tu la connais assez pour savoir que lorsqu’elle ne saute pas le repas de midi elle n’y accorde que très peu d’importance en se contentant de gringotter une petite salade à peine nourrissante. Tu prends ce rôle très à cœur en cuisinant pour elle des plats qu’elle apprécie tout particulièrement et certains qui ressortent tout droit de ton imagination. Après avoir passé plusieurs heures derrière les fourneaux tu t’accordes tout de même une petite pause cigarette. On pourrait croire que lors de ses jours de repos un chef reste loin des cuisines mais ce n’est clairement pas ton cas. Oui, tu passes toutes tes journées à cuisiner au travail mais tu aimes tellement ça que laisser la cuisine de côté n’est même pas envisageable pour toi. Après avoir fumé deux cigarettes tu t’attaques au ménage de la maison. Ta femme t’a plusieurs fois suggéré que vous engagiez une femme de ménage afin de te décharger de cette tâche, mais tu l’as toujours refusé. Faire le ménage ne t’a jamais dérangé bien au contraire, c’est même quelque chose que tu aimes faire et qui peut même parfois t’aider à te détendre. Encore quelque chose qu’Alex a du mal à comprendre. Bien sûr qu’elle t’aide un peu et qu’elle ne te regarde pas tout nettoyer sans jamais t’aider, mais sans l’ombre d’un doute c’est bien toi qui t’occupe de la plupart des tâches ménagères au sein du foyer Anderson.

Après avoir passé deux heures à récurer de fond en comble le rez-de-chaussée de votre logement, pour la première fois depuis le début de la journée tu t’accordes une vraie pause. Et pas de quelques minutes pour fumer, non. On te retrouve cette fois dans le salon, affalé sur le canapé, Nala sur les genoux en train de dévorer un livre commencé quelques jours plus tôt. La lecture a toujours été un peu comme ta seconde passion, mais celle-ci demandant beaucoup de temps tu ne peux malheureusement plus lire autant que lorsque tu étais plus jeune. Une main tenant fermement le livre tandis que la deuxième caresse avec tendresse et douceur ton chat demandant des papouilles, la sonnette retentie venant ainsi mettre fin au silence. Nala quitte tes genoux sautant du canapé pour regagner le sol alors que tu pars ouvrir la porte. Tu n’as même pas le temps de dire quoique ce soit qu’Heather vient trouver refuge dans tes bras. D’abord surpris de ce contact auquel tu ne t’attendais guère, Heather te connait parfaitement bien et elle sait à quel point tu n’es pas à l’aise avec les étreintes mais si habituellement tu aurais pu en blaguer, tu n’en fais rien. Parce qu’Heather pleure, alors tu laisses de côté le malaise que tu ressens habituellement dans ce genre de situation afin de resserrer doucement tes bras autour d’elle. C’est horrible Caleb ! Elle m’a quitté ! Si tu savais que le couple de ta meilleure amie battait de l’aile, jamais tu n’aurais pu penser que la rouquine aurait réellement mis fin à leur relation. Doucement, tu fronces les sourcils alors que tu te décales pour la laisser rentrer. « Viens, entre. » que tu finis enfin par dire avant de refermer la porte d’entrée à double tour derrière la blonde. « Dis-moi tout, je t’écoute. Les choses ne se sont pas arrangées entre vous ? » Encore plus qu’à l’accoutumée c’est la douceur et la bienveillance qui ressortent de ta voix alors que tu prends sa main pour l’installer avec toi sur le canapé.

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Tu as toujours été un bon ami, Caleb. Tu ne fais pas parti de ces personnes ayant un grand groupe de potes. Oh que non. Introverti et assez solitaire de base, tu n’as pas besoin d’un grand nombre de personne à tes côtés pour t’épanouir, bien au contraire, si on est même totalement honnête ta famille pourrait presque te suffire. Peut-être que tout cela est lié à ton enfance et au fait qu’à l’école personne ne voulait être ami avec le loser bègue du coin. Dire que ton enfance a été triste serait mentir mais en revanche tu ne gardes absolument aucun bon souvenir de ta scolarité. Warwick est une toute petite ville et tu as passé toute ta scolarité avec cette étiquette collée au front : celui qui bégaie. Même lorsque vers tes quinze ans toutes tes années d’orthophonie ont payées pour que tu puisses enfin réussir à parler convenablement. Ce n’est qu’en arrivant à Brisbane à dix-huit ans que tu as réussi à te faire de vrais amis et ça, c’est sûrement parce qu’ici tu partais de zéro. Personne ne te connaissait. Personne ne savait ton problème de langage qui t’a pourri la vie durant ton enfance. Donc non, tu n’as pas beaucoup d’amis. Mais tu n’en veux pas beaucoup tu n’en as pas besoin et tu es sincèrement dévoué à ceux qui t’entourent. À Channing qui a fait partie de tes premières rencontres à Brisbane, vous êtes amis depuis très longtemps maintenant et un regard vous suffit pour vous comprendre. À Heather qui, malgré la liste interminable de vos différences, a une place toute particulière dans ton cœur, et plus d’une fois elle a réussi à te faire sortir de ta zone de confort. À Abel même si durant de longues années vous vous êtes perdus de vue, il y a quand même ce lien spécial qui vous unit ; il te comprend. Et tout ça, ça vaut bien un grand groupe d’amis à tes yeux. Ça vaut même bien plus. Alors quand Heather se précipite en larmes dans tes bras, tu te contentes de resserrer ton étreinte autour d’elle. Parce que tu sais qu’elle va mal et qu’elle a besoin de toi. Non c’est même tout l’inverse. J’ai fait tout ce que tu m’as dit, je lui ai donné rendez-vous dans un endroit où on a partagé un moment, j’avais acheté des roses comme elle aime ça. Mais elle ne m’a pas vraiment laissé parler et quand je disais quelque chose j’avais seulement l’impression d’empirer les choses. Je ne comprends pas Caleb ! Après tout ce qu’on a vécu ensemble j’ai l’impression que ça ne lui a rien fait qu’elle s’en fichait complètement. Elle m’a regardé tellement froidement. Ta main vient se poser sur la sienne lorsqu’Heather éclate en sanglot une nouvelle fois, et c’est d’un regard rempli de douceur et de bienveillance que tu la regardes. Peut-être aussi avec une pointe d’incompréhension dans le regard également. T’as un peu de mal à comprendre comment les deux femmes en sont arrivées si loin pour si peu finalement. Diana inquiète pour sa petite-amie s’est montrée très présente pour celle-ci, peut-être même un peu trop. Mais cela partait d’une bonne intention de la part de la jolie rousse. Mais en même temps tu comprends totalement Heather, la surprotection de tes proches après ton propre accident et donc après le décès de Victoria t’a toi aussi rendu fou. « Tu lui as dit ça ? Que tu as l’impression qu’elle se fiche de tes efforts pour arranger les choses ? » Tu connais un peu Diana, et si cette dernière s’est toujours montrée très gentille avec toi tu as bien conscience qu’elle a tout de même un fort caractère. Alors au fond tu te doutes bien que ça n’arrangerait pas grand-chose. Elle a dit qu’elle voulait faire une pause mais j’ai bien compris que c’était pour ne pas dire que c’était fini… Des simples mots dit sous la colère et j’ai tout foutu en l’air Caleb, j’ai l’impression d’avoir un poignard dans le cœur. Une rupture si brutale pour des mots effectivement dit sous la colère, tu dois bien avouer que tu trouves ça un peu fort. Un peu trop, d’ailleurs. « Justement… Dis-moi si je me trompe mais Diana semble être assez têtue avec un fort caractère et même si je ne sais pas exactement ce que tu lui as dit son égo a sûrement été touché. Il lui faut juste du temps pour digérer ce qui a été dit, mais ça ne veut pas forcément dire que tout est vraiment fini entre vous. » Tu essaies de trouver les mots justes et ce n’est pas facile parce que si d’un côté tu peux comprendre que Diana ait été blessée, tu comprends aussi totalement ce qu’Heather a pu ressenti par la surprotection de sa petite-amie. Tu n’aurais pas quelque chose de fort à boire par hasard ? Secouant doucement la tête, tu grimaces avant de lui répondre. « Non désolé on a jamais d’alcool à la maison… » C’est bien plus prudent lorsque sa femme est une ancienne alcoolique sobre depuis presque quatre ans, certes, mais avoir de l’alcool à disposition resterait toujours une tentation pour elle. « Mais… » tu te lèves et attrapes la main d’Heather pour la guider vers la cuisine à tes côtés. « Je peux te cuisiner quelque chose pour te réconforter. Tout ce que tu veux. Cookies, muffins, fondant au chocolat…tu me demandes et je m’exécute ! » C’est bien la moindre des choses que tu puisses faire.

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Non je ne lui ai rien dit mais vu ses mots, cela ne faisait aucun doute. C’était comme si elle était déjà passée à autre chose. Heather n’a pas pour habitude de s’engager dans des relations amoureuses mais pour Diana elle a fait une exception, alors bien évidemment voir cette histoire se terminer du jour au lendemain lui brise le cœur. Surtout pour de telles futilités. Une dispute et quelques mots de travers prononcés de la part de la blonde et voilà que sa petite-amie claque la porte en rompant avec elle. Tu es bien trop gentil pour le dire à haute voix Caleb, mais tu trouves ça assez ridicule. Tout le monde sait qu’il ne faut pas prendre trop à cœur les reproches que l’on fait à l’autre pendant une dispute. L’énervement nous fait bien souvent dire des choses que l’on ne pense pas du tout. De ton côté tu t’énerves rarement. Même lors de tes disputes avec ta femme, bien souvent Alex est celle qui s’énerve en premier et celle qui crie le plus fort. Toi tu as plus bien tendance à la laisser dire tout en réagissant à certaines de ses paroles sans trop hausser le son de ta voix. Tu intériorises beaucoup, Caleb. Peut-être même un peu trop, alors quand tu exploses, tu ne fais pas les choses à moitié et tu t’énerves vraiment. Les rares fois où c’est arrivé tu as toi aussi prononcé des mots qui ont dépassé ta pensée, et une fois le tout redescendu, c’est la culpabilité qui t’envahie. Heureusement pour toi, si Alex a un sale caractère elle n’est apparemment pas aussi susceptible et rancunière que Diana. Non Caleb, on s’est déjà disputée et d’habitude c’était vite réglée mais là… J’ai bien senti que quelque chose c’était cassé et je ne comprends pas pourquoi. Elle m’a quasiment rigolé au visage quand j’ai tenté de me faire pardonner. En revanche cette dernière information te fait tiquer et c’est d’abord en grimaçant que tu réagis. Cette image qui te vient en tête te fend le cœur : Heather au bord des larmes, tentant pour la énième fois de gagner le pardon de sa bien-aimée tandis que celle-ci la regarde en haut en lui riant à moitié au visage. Non. Tu es tolérant. Vraiment beaucoup, et encore une fois peut-être même un peu trop mais ce genre de comportement tu ne peux pas le tolérer. Encore moins lorsque l’on parle d’une personne qui est chère à tes yeux. « Elle a sérieusement fait ça ? » que tu lui demandes presque désemparé. « Tu ne mérites pas ça, Heather. Si elle est capable de t’humilier en te riant au nez alors que tu essayais de t’expliquer avec elle, c’est juste méchant. Je sais que c’est facile à dire pour moi Heather, mais tu mérites mieux que ça. Tu ne peux pas accepter qu’on te traite si mal. » Des disputes dans un couple, c’est totalement normal mais par contre ce qui ne l’est pas c’est de se moquer et d’humilier celui qui fait le premier pas vers l’autre pour se faire pardonner. Oui, tu es tolérant mais ça, tu ne peux pas l’accepter. Excuse moi j’avais oublié… Balayant ses excuses d’un signe de la main rapide, tu préfères lui proposer un autre type de remontant qui selon toi, est bien meilleur et bien plus puissant qu’un verre de whisky ou de vodka : de la pâtisserie. C’est donc avec cette idée en tête que tu prends la main d’Heather pour l’emmener dans ta cuisine et lorsqu’elle te demande un fondant au chocolat, tu acquiesces et tu commences à pâtisser. Tu te rends compte que je me suis faite larguer quand même… Pourquoi je n’ai jamais le droit d’être heureuse plus que quelques instants et avoir droit à ça moi aussi… Alors que tu viens de pré-chauffer le four tu te retournes vers la blonde pour voir ses yeux se poser sur les photos de tes enfants et divers dessins. « Tu es encore jeune… À ton âge j’étais bien loin de tout ça tu continues, tout en désignant d’un geste de la main l’environnement familial , j’étais bien loin d’imaginer que quatre ans plus tard je serai marié et papa. » À t’entendre parler on pourrait croire que tu approches de la quarantaine et si c’est loin d’être le cas, ce sont les trente-cinq ans qui te tendent les bras. Tu souffles doucement tout en venant t’accouder sur le bar de la cuisine, plantant ton regard dans celui d’Heather. « Ce que je veux dire par là c’est que…il suffit d’une rencontre pour changer le cours de ta vie. Il y a cinq ans j’étais encore sous antidépresseurs et pas une seule seconde je n’aurais cru qu’un jour j’allais retrouver une femme qui allait me redonner un peu d’espoir. J’étais au plus mal et vraiment désespéré. Je t’assure que tu vas y avoir droit toi aussi. Peut-être pas maintenant mais ça va venir. »

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