Stubborn as a mule in quicksand. -- @Tessa Mulligan

La télévision allumée, j’écoute les nouvelles pour me tenir au courant de l’évolution du cyclone Olga. D’ici quelques heures à peine, la ville sera en plein cœur de la tempête et de savoir Tessa dans sa villa près de la mer ne me rassure pas du tout. Cela doit bien faire une heure que je tente de la convaincre de me rejoindre à Kilcoy pour qu’elle soit davantage en sécurité, mais elle refuse chaque fois. À la limite, je me serais senti rassuré si elle était avec nos parents ou même avec Maël, mais ce n’est certainement pas Hemingway qui pourra prendre soin d’elle si jamais son cœur défaille en pleine tempête. « Il va falloir que je vienne te chercher de force pour que tu acceptes de venir? » En attendant sa réponse, je fais les cents pas dans mon salon, jetant au passage un coup d’œil par la fenêtre pour vérifier l’état du ciel qui semble bien calme pour ce qui nous attend. Impatient, mais surtout inquiet, j’attrape mon trousseau de clé et je me précipite vers ma voiture avant même que ma sœur ait répondue à mon message qu’elle prendra sans doute pour une blague. Peu importe, c’est maintenant ou jamais si je veux qu’on soit de retour au loft dans environ trois heures, avant que la tempête ne soit au-dessus de nos têtes. Musique dans le tapis, je me ronge les ongles tout le long du trajet, troquant mes mains pour des cigarettes dès que je n’ai plus d’ongles à ronger. En chemin, je croise beaucoup de gens qui vont se réfugier dans les terres et j’espère que la circulation ne sera pas trop importante sur le chemin du retour. Mon GPS devrait nous indiquer le meilleur chemin à prendre pour arriver à la maison le plus rapidement que possible.

En arrivant chez ma sœur, je sors de ma voiture en deux temps trois mouvements et je ne prends même pas le temps de cogner avant d’entrer chez elle. « Tess?! » que je crie en refermant la porte derrière elle. « Hey, elle est où maman? » demands-je à Hemingway d’une voix douce en lui donnant quelques gratouilles sur la tête. Sans même enlever mes chaussures, je pars à la recherche de ma sœur que je trouve dans la cuisine. Lorsque nos regards se croisent, je lève les bras de part et d’autre de mon corps. « Qu’est-ce que tu fais? Allez dépêche. Fais ton sac, je t’amène chez moi. » Je devine à son expression qu’elle n’est pas d’accord, mais je ne compte pas lui laisser le choix. Je comprends qu’elle s’inquiète pour sa villa, mais ça ne vaut pas la peine de mettre sa vie en danger pour du matériel. « Il faut se dépêcher si on veut arriver chez moi à temps, on a 1 h 20 de route à faire. » Pressé, mais surtout stressé, je me dépêche de prendre le sac de nourriture d’Hemingway que je pose sur mon épaule, ses bols dans l’autre main. Mon regard parcourt les environs pour vérifier que je n’oublie rien, croisant au passage le regard du chien qui halète en branlant la queue, croyant sans doute qu’il s’apprête à partir à l’aventure. C’est un peu ça, mais sans doute pas ce qu’il espèrerait…

Stubborn as a mule in quicksand. -- @Tessa Mulligan

Olga m’angoisse et savoir Tessa seule avec ses problèmes cardiaques ne m’aident pas à me calmer. Je ne suis peut-être pas médecin, ça me rassurerait quand même qu’elle soit chez moi plutôt que seule dans sa villa, d’autant plus qu’elle n’habite pas très loin des berges. Mon loft est peut-être petit, il y a quand même assez de place pour Hemingway et elle. En plus, j’ai accumulé nos friandises préférées histoire qu’on puisse manger nos émotions si le stress devient trop intense, que demander de plus? Qu’Olga passe son chemin, oui ok, mais c’est hors de mon champ de compétence. « Je t’ai dit que ça n’était pas la peine de venir Link. Je suis en sécurité tu le vois bien. Cody m’a aidée à barricader les baies vitrées et les fenêtres. » Je sens dans sa réponse qu’elle n’est pas très contente de me voir, ce qui me fait froncer les sourcils. C’est peut-être égoïste, mais si elle se sent d’attaque pour rester enfermée chez elle toute seule, ce n’est pas mon cas. « J’aimerais mieux qu’on soit ensemble. » On comme dans toi et moi, comme dans j’en ai besoin, moi. « Ce que Cody a fait n’est pas perdu, ça protégera ta villa des vents quand même. » Mais je l’amène quand même à Kilcoy loin des berges. Je lui mets un peu la pression pour qu’elle accepte enfin de me suivre, et je déteste faire ça, mais je me sens déjà soulagée lorsqu’elle part faire son sac. Avant de rassembler les choses du chien, je prends deux secondes pour envoyer un SMS à Min-Kyung pour m’assurer qu’il est en sécurité de son côté.

Queqlues minutes plus tard, Tessa redescend enfin. « On peut y aller... mais je maintiens que j’aurai pu rester ici. Au pire, j’aurai été me réfugier chez Zoya ou chez les parents si ça avait mal tourné. » Je secoue négativement la tête après l’avoir regardé en prenant un air dubitatif. « Raison de plus pour que tu viennes avec moi, ça n’aurait pas été prudent que tu sortes en plein dans la tempête… et après, si ça se trouve les rues seront bloquées si des arbres sont déracinées. » Et si le réseau cellulaire se retrouve touché aussi, pas question de ne pas avoir de ses nouvelles pendant une période indéterminée. S’il nous arrive de sentir que l’autre ne va pas bien, nous ne sommes pas des télépathes non plus. « Oh attend, j'ai oublié le petit plaid de maman, tu sais celui avec les plumetis dessus. » Je hoche la tête en jetant un regard nerveux vers mon cellulaire pour vérifier l’heure, mais aussi si Min m’a répondu. Pendant qu’elle part chercher le plaid de notre mère, je prends place derrière le volant pour être prêt à décoller dès qu’elle sera de retour. « Désolée je voulais pas être désagréable. C’est gentil d’être venu me chercher. » Je hoche la tête, le regard rivé sur la route en tapotant nerveusement des doigts sur mon volant. « C’est pas grave. L’important c’est que tu sois monté, j’avais pas envie de te trainer de force. » Un petit sourire étire mes traits tandis que je jette un regard furtif dans sa direction, remarquant alors qu’elle a encore la même tête d’enterrement que lorsque je suis arrivé chez elle. « Ça va? T’as une drôle de tête… c’est Olga qui te stresse comme ça? » Je suis prêt à parier que non ou alors elle serait venue chez moi sans broncher.

Being twins means double the trouble, but also double the fun. And snacks. Definitely double the snacks... -- @Tessa Mulligan

« Je savais que j’aurai dû résister un peu plus. » Tessa, je la connais par cœur alors je sais bien qu’elle n’est pas sérieux en prononçant ces mots, mais je quitte tout de même la route des yeux un bref moment pour la fusiller du regard en pinçant mes lèvres pour m’empêcher de sourire. « Si tu voulais que je te sorte de la maison en te portant comme un sac à patates, il suffisait de le dire. » Je peux toujours le faire lorsque nous serons enfin arrivés à Kilcoy, mais je ne promets pas de ne pas perdre pieds en montant l’escalier qui mène au loft au-dessus du garage. Avec Olga qui approche, je ne tiens pas particulièrement à me blesser ou à échapper ma sœur et que l’un de nous d’eux finisse aux Urgences. Je ne sais déjà pas comment je vais faire pour me priver de cigarettes pendant le passage d’Olga avec l’anxiété qui risque de m’envahir, je compte peut-être un peu trop sur sa présence pour m’apaiser. Visiblement, je ne suis pas le seul qui semble préoccupé malgré toutes les tentatives de ma sœur pour me convaincre qu’elle peut rester chez elle. J’assume peut-être à tort que la tempête doit être responsable de l’état de ma sœur, mais sa réponse pique ma curiosité. « Oui et non… » Je lance un petit regard de biais dans sa direction avant de rapporter mon attention sur la route pour ne pas avoir d’accident. « Qu’est-ce qu’il y a? » demandé-je, inquiet. « Je n’ai pas de nouvelles de Maël depuis plusieurs jours… Il ne répond pas à mes messages. » Je fronce les sourcils, surpris d’apprendre la nouvelle. « Je m’inquiète sûrement pour rien, il doit être occupé à gérer sa fille et le reste mais… Je me dis, qu’il regrette peut-être de m’avoir invitée pour son anniversaire et qu’il ne sait pas comment me le dire. » Je comprends ma sœur de se faire tout un tas de scénarios, de s’imaginer le pire face au silence de Maël. « Ou peut-être qu’il est arrivé quelque chose à Alma… » Peut-être, mais au point de ne pas lui donner de nouvelles pendant des jours? « Comment ça s’est passé la dernière fois que vous vous êtes parlés? » Est-ce qu’il y avait un malaise? Un sujet sur lequel ils ne s’entendaient pas?

Les inquiétudes de Tessa me ramènent forcément à Byron et Andy même si ces histoires n’ont rien à voir. J’essaie de ne pas laisser paraître mes inquiétudes pour ne pas l’étouffer quand elle a déjà bien assez des siennes, mais j’espère seulement que Maël est sincère avec elle et qu’il n’est pas en train de jouer avec ses sentiments. Je tente de demeurer optimiste et de ne pas mettre tous les hommes dans le même panier, mais il est difficile pour moi de ne pas penser au pire quand ma relation avec Byron semblait se dérouler comme sur des roulettes et que tout a explosé alors que je m’y attendais le moins. « Tu as essayé de l’appeler j’imagine? » Je peux bien comprendre qu’il prenne quelques heures à lui répondre s’il est arrivé quelque chose à sa fille, mais il devrait être capable de lui envoyer un court message pour qu’elle ne s’inquiète pas. Ne pas donner de nouvelles pendant plusieurs jours, surtout avec la tempête qui approche, ça ne se fait pas. « Je ne vois pas pourquoi il ne te le dirait pas s’il regrettait sa décision, on n’a plus douze ans après tout. » dis-je en lui souriant légèrement tout en caressant le haut de son dos d’une main pour la réconforter. « S’il fait ça, c’est le gars le plus con sur Terre parce qu’il ne trouvera jamais mieux que toi! » Je ne suis pas objectif, mais je crois tout de même dur comme fer en ce que j’avance. « Si ce n’était pas d’Olga, je t’aurais proposé qu’on débarque chez lui à l’improviste. » Peut-être que ce n’est pas l’idée la plus brillante considérant que Maël et moi ne nous sommes pas revus depuis très longtemps et que Tessa ignore que nous nous « connaissons », mais c’est un risque que j’aurais été prêt à prendre si ça avait pu la rassurer rien qu’un peu sur ses intentions. « J’espère pour lui que son téléphone est brisé ou qu’il a une très bonne raison de te laisser poireauter comme ça sans prendre deux minutes pour t’envoyer un message. » Juste un « je suis occupé, mais je vais bien. Je te rappelle bientôt » aurait été suffisant. « Je ne le connais pas, mais selon ce que tu m’as dit de lui, je n’ai pas l’impression que ce serait son genre de te ghoster? » Je veux y croire parce que Tessa mérite bien mieux.