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Il s'est tenu à distance et n'a pas cherché à entretenir avec elle plus de contacts que nécessaire, par respect envers sa décision. Lorsque Abi lui a fait part de sa volonté de rompre, il y a de ça plusieurs années, expliquant qu'elle ne voyait pas sa vie sans maternité, Carmine a accepté la fin de leur histoire sans même tenter de négocier. C'est le droit le plus fondamental de Clarke que de vouloir être mère. Suite à cela, ils se sont donné des nouvelles, ont ponctuellement félicité les succès de l'un comme de l'autre, mais l'accord tacite était bien là : pas d'amitié proche qui n'aurait fait qu'entretenir la nostalgie d'une si belle histoire avortée par un désir non réciproque.

Il est 21h04 à Brisbane - un peu plus de midi à Londres - lorsque le mannequin compose le numéro de son ex-compagne. De sa future femme, s'il l'on en croit The Sun. Mais comment faire confiance à ce genre de torchon ? S'agit-il d'un poisson d'avril ? Si tel est le cas, comment expliquer le message de sa sœur ? Une nouvelle aussi fracassante justifie qu'il contacte la principale intéressée.

C. est fébrile, il ne comprend pas encore le piège dans lequel viennent de les enfermer leurs parents, ne réalise pas s'être fait jeter dans le grand bain sans brassards et sans bouée de sauvetage. Iphone collé à l'oreille, Sa Majesté pose une fesse sur l'accoudoir du canapé. Drapé de sa robe de chambre en satin, il s'efforce de rester calme, de garder son flegme et d'attendre d'avoir plus d'informations avant de paniquer.

« Bonsoir. » Commence-t-il lorsqu'on décroche. « Je te prie de m'excuser pour cet appel tardif. » La politesse légendaire de Carmine. « Je ... J'ai vu passer ton nom dans la presse aujourd'hui. » Humour britannique, for sure.

@Abigaïl Clarke

Elle est sur le point d’aller se mettre au lit lorsqu’elle voit soudainement le nom de son ancien compagnon sur l’écran de son téléphone. Ce n’est pourtant pas encore son anniversaire, qu’elle se dit. Qu’est-ce qu’il peut bien lui vouloir, qu’elle se demande. À une heure pareille, en plus, qu’elle s’étonne davantage. Elle n’est pas à l’aise avec la situation ; elle hésite même à lui répondre. Il se passe quelque chose, elle le sent, et elle n’est pas sûre de vouloir savoir quoi. Ce n’est toutefois pas ainsi qu’elle a été élevée et elle finit par décrocher l'appel. Son coeur s’emballe lorsqu’elle entend sa voix.

« Bonsoir, Carmine. » Comme d’habitude, elle apprécie la politesse de l’aristocrate. « Ce n’est rien, je n’étais pas encore au lit, de toute manière. Que puis-je faire pour toi? » Le bref silence qui s’ensuit la rend perplexe, mais pas autant que la suite. « Tu... tu m’appelles pour me dire que les médias ont parlé de moi? Tu sais qu'ils parlent souvent de moi, n'est-ce pas? » Abigaïl, reine de l'humilité. Elle est néanmoins sincère dans ses propos et ne comprend pas où il veut en venir. On parle d'elle, mais encore? On parle souvent d'elle! Et en bien, en plus. Il faut être plus spécifique, là. « Ah! Tu parles peut-être de mon nouveau contrat avec Nicole Kidman? Je sais que les médias en ont parlé dans les derniers jours. C'est très aimable de ta part de m'appeler pour me féliciter de mes exploits, je t'en remercie. » Elle est alors convaincue qu’il souhaite seulement la féliciter pour son nouveau contrat, un contrat dont elle est très fière, ce qui la détend et la touche en même temps. Après tout, elle regarde constamment ce qu'on raconte à son sujet, obsédée comme elle est par son image, et elle n'a rien vu d'autre sur elle récemment. Ce qu'elle ne réalise pas encore, c'est que son téléphone est en mode veille depuis hier pour faire honneur à son jour de congé, et que la seule et unique raison pour laquelle son ancien amoureux a pu la contacter, c'est qu'elle ne l'a jamais retiré de ses numéros de téléphone urgents.

Nicole Kidman ... Le visage de l'actrice flotte un instant dans l'imaginaire de Carmine dont les lèvres pincées laissent deviner la contrariété. Il n'a pas encore répondu qu'il regrette déjà d'avoir à la contredire, la faire tomber de son petit nuage. C. n'a jamais apprécié voir Abi triste ou déstabilisée. La situation le renvoie aux trop nombreuses occasions durant lesquelles il a pu lire sur le visage de la jeune femme des émotions négatives se disputer l'impassibilité d'un flegme mis à mal par les critiques, les insinuations douteuses et la mauvaise presse. Ce soir, le mannequin a l'impression d'être replongé dans les heures noires de leur histoire. Ces heures ou cacher la vérité à Clarke était impossible, puisque leur vie privée ne l'a jamais tout à fait été. Il semble que cela soit à nouveau le cas. Cavendish se demande comment il est possible qu'Abi ne soit pas déjà au courant, elle qui suit avec assiduité la moindre des mentions faites de son nom dans la presse britannique et internationale.

« Elle sera assurément ravie de t'avoir choisie. » Commence-t-il, sincère, avant de réaliser qu'il est tout à fait possible que Kidman félicite Abi pour ses fiançailles lors de leur prochaine rencontre. L'évidence lui contracte l'estomac, Carmine ressent l'urgence d'avoir cette conversation avant que tout autre intermédiaire ne vienne percuter de plein fouet l'innocence de la jeune architecte. « The Sun vient de publier un article surprenant ... » L'inflexion de sa voix trahit son inconfort. Ce journal était une source intarissable de tourments à l'époque où tous deux vivaient à Londres. Des premiers jours de leur idylle aux articles les plus mesquins à l'encontre de celle ayant dérobé le cœur du mannequin chéri de l'Angleterre, The Sun s'est placé en tête de file des papiers à l'origine du harcèlement médiatique dont a été victime Abi. Sa Majesté soupire, il ne fera pas durer le suspens, refuse de laisser à son interlocutrice le temps de sombrer dans l'anxiété face aux souvenirs que cette discussion ramène fatalement à la surface. « Je suis confus, ça parle de nos fiançailles. »

@Abigaïl Clarke

Carmine a toujours été une source de courage immense pour elle. Comme si elle peut tout faire avec lui. Ce n’est pas qu’elle ne peut pas tout faire sans lui, au contraire, mais c’est comme si elle peut tout faire avec certitude avec lui. Il lui donne une assurance qu’elle a parfois du mal à se donner elle-même. Une assurance qu’elle n’est plus contrainte d’exagérer. Il croit en elle comme personne d’autre n’a jamais cru en elle. Si elle ne s’ennuie pas de certains aspects de leur relation, elle s’ennuie néanmoins de recevoir son support sur une base quotidienne. C’est donc avec un pincement au cœur, un pincement de nostalgie, qu’elle reçoit son compliment. « Merci, C., c’est gentil. » Répond-elle avec tendresse.

Elle prend des nouvelles du mannequin lorsqu’elle comprend finalement qu’elle se trompe sur la raison de son appel. Dans un premier temps, elle se sent complètement ridicule d'avoir pensé qu'il l'avait uniquement appelée pour la féliciter de son nouveau contrat. Dans un second temps, elle se sent faiblir en prenant conscience de ce qu’elle vient d’entendre. The Sun? Un article surprenant sur elle? « Je ne comprends pas de quoi tu parles, je crois que je l’aurais vu si on avait écrit un article surprenant à mon sujet… » S’exprime-t-elle, confuse. « À moins que… » La réalisation la frappe soudainement : ses notifications sont désactivées depuis hier soir et elle n’a pratiquement pas touché à son téléphone depuis. « Qu’est-ce que j’ai manqué? Qu’est-ce qu'ils ont écrit à mon sujet? » S’écrie-t-elle, cette fois-ci, en panique totale. Il est confus? L’article en question parle de leurs fiançailles? « Qu’est-ce que tu racontes, enfin, Carmine? » Demande-t-elle avec un rire nerveux. Elle a l’impression qu'il la fait marcher, mais elle ne pense pas qu’il en soit capable. Pas sur un sujet qui concerne les médias. Il sait trop bien à quel point il s’agit d’un sujet sensible pour elle et il n’oserait pas aller là. Non, il est sérieux. Elle commence cependant à s’énerver du fait qu'il lui explique les choses au compte-gouttes et elle décide d’aller consulter elle-même l’article en question sur son téléphone. « Incroyable! On aura tout vu! Je voudrais bien savoir où ils sont allés chercher un truc pareil! » S’exclame-t-elle en poursuivant sa lecture. « Et, évidemment, je suis encore la profiteuse qui a trouvé un moyen de te forcer à me marier! Il faut tout de suite faire une annonce comme quoi il s’agit d’une fausse nouvelle ; je ne revivrai pas la même chose une deuxième fois. » Ajoute-t-elle avant de réactiver ses notifications et de prendre connaissance de toutes ses communications manquées. Là, elle commence à se poser de sérieuses questions. Sa soeur lui dit qu’elle vient d’apprendre la nouvelle par leurs parents et elle lui demande de la rappeler au plus tôt. La fausse nouvelle est-elle… vraie? « Carmine, qu’est-ce qui se passe? » Demande-t-elle, l’estomac retourné et la gorge coincée.

La panique. Elle est palpable et déferle à travers le téléphone, tel un poison sournois face auquel Carmine mobilise tout ce qu'il a de flegme afin de rester calme. Un sentiment de culpabilité l'accompagne. C. ne peut y échapper. Il dandine sur son accoudoir de sofa, mal à l'aise, assis de travers, le regard accroché par l'une des vestes de Connor abandonnée dans le salon. « Qu’est-ce que tu racontes, enfin, Carmine? » La réalité l'interpelle lorsque son esprit connecte enfin les pièces du puzzle : à peine quelques jours plus tôt, son cousin se plaignait de l'insistance avec laquelle ses parents le poussaient à devenir mari et père. La coïncidence est-elle seulement envisageable ? Sa Majesté peine à y croire. Et si, en guise de joyeux anniversaire, sa famille lui offrait un avenir bien rangé tout comme les Cavendish australiens semblent prêts à le faire avec Connor ? Londres a-t-il conspiré avec Sydney ? Les puissants de leur clan seraient-ils en train de jouer aux échecs avec leurs vies ? Cette seule idée suffit à lui donner froid dans le dos, mais la voix d'Abi à l'autre bout du fil le ramène dans la conversation. La brune est en train de lire l'article. « Et, évidemment, je suis encore la profiteuse qui a trouvé un moyen de te forcer à me marier! Il faut tout de suite faire une annonce comme quoi il s’agit d’une fausse nouvelle ; je ne revivrai pas la même chose une deuxième fois. » Ces derniers mots le blesse sans qu'il ne le verbalise. Seul de son côté du téléphone, le mannequin encaisse, empathique, conscient que sa tristesse n'est rien comparée à celle à l'origine des mots que prononce Abi. Des relents de scandales de presse lui reviennent en mémoire ; il se souvient les tapis rouge remontés sous un mélange d'acclamations et de huées, à lui serrer la main très fort afin qu'elle ne se laisse pas atteindre par les jalousies mal placées. Comment en vouloir à Clarke de chercher à se protéger ? « Ne nous précipitons pas ... » Suggère-t-il, avisé. D'une part il y a ce " nous " significatif : ils sont dans le même bâteau ; de l'autre, on retrouve l'intelligence de l'anglais : les enjeux méritent d'être évalués avant de foncer tête baissée dans le démenti. « Carmine, qu’est-ce qui se passe? » Cavendish inspire profondément tout en recoiffant sa mèche. Il se met à faire les cents pas devant le canapé, l'esprit préoccupé et l'âme plus suspicieuse que jamais. « Je ne sais pas encore. » Admet-il, audiblement agacé par ce coup en traître. « Ma soeur m'a prévenu par message quelques secondes avant la parution de l'article. » Un détail qui a son importance et sur lequel l'esprit de Carmine tourne en boucle depuis sa réception. « Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une invention du Sun. » Le verbaliser lui glace le sang. « Je pense que mes parents ont un rôle dans cette affaire. » Un rôle que C. se devra d'éclaircir, évidemment. Mais l'heure n'est pas aux disputes familiales. Pour le moment, Sa Majesté a à gérer les réactions de sa complice par défaut. « Je suis désolé, Abi. Les rapports avec la marque son tendus depuis ... » Depuis qu'on lui a fait comprendre qu'on ne l'accepte pas pour ce qu'il est, même en privé et à l'abri des caméras. « Depuis plus d'un an. La communication s'est grandement détériorée ces derniers mois - » Il se demande si elle fait le parallèle avec l'interview de la NBC et l'article concernant AJ « - je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver une réponse claire à cette histoire. » C. promet rarement. Lorsqu'il le fait, il s'y tient. Il y a plusieurs années de cela, il a promis à Abi de toujours la protéger. « Peut-on convenir de 48 heures sans commentaires publiques ? » La question le frustre. Sa Majesté aime sa renommée et tout ce qu'elle lui apporte, mais Dieu qu'il la déteste quand elle sert d'arme à ses proches afin de mieux le manipuler. Carmine voit se dessiner les contours d'un jeu sournois et soupçonne les conseillers en communication de la marque d'y être pour quelque chose. Il est fait comme un rat. La moindre de leur prise de parole, à Abi et à lui, sera interprêtée à la vitesse de la lumière dès qu'ils mettront le pied dehors. Ce n'est d'ailleurs qu'une question de temps avant que les paparazzis ne déferlent et cette prise de conscience pousse le mannequin à ajouter : « As-tu toujours le numéro de Kurtis ? » Le garde du corps.

@Abigaïl Clarke

Les idées déferlent dans sa tête à une vitesse hallucinante. Elle cherche à comprendre, elle cherche des indices qui lui auraient passé sous le nez, elle cherche une explication plausible. Il est vrai que ses parents ont toujours tenté de contrôler sa vie personnelle et professionnelle. Il est d’autant plus vrai qu’ils ont redoublé d’ardeur dans les dernières années pour resserrer leur emprise sur sa vie personnelle. As-tu rencontré un homme respectable, Abigaïl? As-tu pensé à ton avenir familial, Abigaïl? N’as-tu pas envie de faire honneur à la famille, Abigaïl? Il commence à se faire tard pour trouver un mari digne de ce nom et fonder une famille, Abigaïl, en es-tu consciente? Tu es responsable de l’image de la famille, Abigaïl, en es-tu consciente? La famille Clarke est une famille respectable depuis des générations. Les ancêtres des Clarke ont travaillé d’arrache-pieds pour se hisser jusqu’au sommet de la société anglaise et les descendants des Clarke ont la responsabilité de préserver et de fructifier leurs efforts. C’est inscrit dans leur sang, c’est la tradition, c’est leur raison d’être. De plus, un enfant par génération est particulièrement mis de l’avant pour assurer l’avenir de la famille. Il est choisi dès un jeune âge pour ses qualités remarquables, mais aussi pour son inclinaison à se soumettre. Abigaïl est l’enfant de sa génération a avoir été choisie pour combler cette position au sein de sa famille et elle suit le chemin tracé de ses parents à la lettre depuis qu’elle est toute petite maintenant. Seulement, elle s’est écartée du chemin souhaité par ses parents dans les dernières années, ce qui explique leur présence de plus en plus invasive dans sa vie privée. À présent, elle ne pouvait pas passer une semaine sans que ses parents ne l’appellent pour lui organiser un rendez-vous galant avec une personne d’intérêt selon eux ou l’inciter à reprendre contact avec son ancien petit ami, Carmine, qui a toujours représenté le gendre idéal à leurs yeux. Ses parents, dans leur désespoir de la voir remplir pleinement son rôle d’enfant Clarke, en particulier son rôle d’enfant Clarke élue, étaient-ils allés jusqu’à la fiancer à son insu à son ancien partenaire? Quelque chose en elle lui disait que c’était fort probable. Quelque chose en elle lui disait que ses parents étaient assez toxiques pour aller jusque-là. Quelque chose en elle lui disait que les parents de Carmine avaient aussi tout à gagner de cette union et qu’ils étaient tout aussi toxiques que ses propres parents.

Elle est déjà sur Instagram lorsqu’il lui dit de ne pas se précipiter. L’envie de rectifier la situation sans plus tarder est forte, voire irrésistible, mais elle sait qu’il a raison et qu’il vaut mieux attendre avant d’agir. Attendre d’avoir toutes les informations en mains, attendre de se calmer, attendre de réfléchir à la meilleure stratégie à adopter. Il a toujours été plus rationnel qu’elle dans ce genre de situations, elle qui a plutôt tendance à réagir sous le coup de l’émotion. Elle trouvait toujours un moyen de rebondir encore plus forte en cas de mauvaises décisions, mais elle pouvait gagner du temps et des efforts lorsqu’elle était confrontée à une personne plus rationnelle. C’est donc non sans difficulté et avec un profond soupire qu’elle quitte le réseau social et qu’elle écarte son téléphone d’elle. Assise sur son lit, le dos appuyé sur sa tête de lit capitonnée, elle fixe l’appareil d’un regard pensif en écoutant le discours d’une personne qu’elle pensait autrefois marier par amour. « L’ironie! » Pense-t-elle tristement.

C’est au fur et à mesure qu’il parle qu’elle se rend compte qu’il n’est pas tellement plus au courant de la situation qu’elle. C’est aussi au fur et à mesure qu’il parle qu’elle prend conscience que ce sont probablement les parents de Carmine qui sont à l’origine de toute cette histoire. La brune éprouve d’ailleurs une immense vague d’empathie envers le brun lorsqu’il fait brièvement allusion aux rumeurs qui ont éclaté dans la dernière année au sujet de son orientation sexuelle. Elle a toujours été terrorisée à l’idée que sa propre orientation sexuelle se retrouve à la une des médias, donc le fait qu’il ait vécu une telle chose la rend non seulement empathique, mais aussi protectrice envers lui. « Oui, j’ai suivi l’histoire et je me doutée des répercussions... Je suis désolée pour toi d’ailleurs… N’hésite pas si jamais tu as besoin de quelque chose. » Elle est sincère dans ses propos, mais elle ne se montre pas très bavarde ni ouverte à approfondir la discussion. Un peu comme lui en abordant très subtilement le sujet. C’est qu’elle a beau être énormément sensible à ce qui est arrivé à Carmine, elle ne peut pas s’empêcher d’éprouver une certaine jalousie en même temps face à ses fréquentations. En particulier en ce qui concerne AJ. « Si tes parents ont approché les miens pour redresser ton image, mes parents les ont certainement accueillis à bras ouverts. Ils essaient de me marier une fois par semaine depuis qu’on est plus ensemble, en plus de me rappeler gentiment que je me fais vieille pour avoir des enfants. » Ses parents pensaient à quoi, d’ailleurs? Ils savaient très bien qu’une des raisons de leur rupture était le fait que l’aristocrate ne voulait pas d’enfants. Elle n’allait quand même pas le forcer à avoir des enfants avec elle! Ou le forcer à l’aimer de nouveau! Qui sait s’il n’était pas amoureux d’une autre personne à l’heure actuelle? Et elle, de son côté? « Je veux bien attendre 48h, mais pas plus. Cette histoire, qu'elle soit vraie ou non, est complètement ridicule. Ce n’est rien contre toi, je t’assure, mais tu sais autant que moi que toute cette histoire est complètement ridicule. Sans parler de la mauvaise presse, du harcèlement et des menaces, on ne veut même pas les mêmes choses, toi et moi. » Elle semble froide, mais, en vérité, elle se protège. Peut-être essaie-t-elle même de provoquer une réponse chez lui. Va-t-elle la contredire? « Oui, j’ai toujours son numéro, mais je n’aurais pas besoin de lui. On va appeler nos parents demain matin, démentir la nouvelle en après-midi et reprendre nos vies en soirée. » C’est ce dont elle essaie de se convaincre, du moins.

Fidèle à elle-même, Abi fait preuve d'empathie. Instantanément, Carmine se sent moins seul face à la complexité de la situation. Il sait que la brune est émotive, qu'elle déborde plus vite que lui et qu'ils gagneront tous deux à ce qu'il garde la tête sur les épaules, mais cela ne l'empêche pas d'éprouver un étrange soulagement. À choisir une partenaire dans ce genre d'histoire sordide, Clarke est définitivement celle sur laquelle le mannequin aurait jeté son dévolu. Ils se connaissent. Ils se comprennent. Ils ne jouent pas l'un contre l'autre, mais l'un avec l'autre. Leur passé commun est un atout, quand bien même on essaye ici de le manipuler en prétendant qu'ils sont ce qu'ils ne sont plus, à savoir un couple. « Si tes parents ont approché les miens pour redresser ton image, mes parents les ont certainement accueillis à bras ouverts. Ils essaient de me marier une fois par semaine depuis qu’on est plus ensemble, en plus de me rappeler gentiment que je me fais vieille pour avoir des enfants. » Sujet sensible. Carmine se tend. Il sait à quel point leurs parents sont faits du même bois. Avoir des enfants n'est pas négociable de là ou ils viennent. Chez les Clarke comme chez les Cavendish, on se doit d'assurer la pérennité du nom ...

Ils se mettent finalement d'accord sur 48 heures. Instantanément, C. entend le tic tac de la montre lui vriller les tympans. Aucun doute : l'Anglais ne dormira pas cette nuit. « ... on ne veut même pas les mêmes choses, toi et moi. » « Je doute que ce que nous voulons importe, si tu veux mon avis ... » S'indigne-t-il à demi-mot, trop bien élevé pour partir en scandale et vociférations à l'encontre de leurs proches quand tout ce qui compte pour l'instant est de s'assurer qu'Abigaïl a de quoi se sentir en sécurité. « Oui, j’ai toujours son numéro, mais je n’aurais pas besoin de lui. On va appeler nos parents demain matin, démentir la nouvelle en après-midi et reprendre nos vies en soirée. » « Sure ... » Répond-il de son plus bel accent britannique. De l'ironie, ni plus ni moins. Aux yeux de Sa Majesté, l'optimisme de la brune frôle la naïveté, mais il n'a pas le cœur à la contredire. Abi est dans le déni, tout simplement. Comment lui en vouloir ? Après une année entière de coups bas échangés avec Londres, Carmine a la certitude que la prise de conscience sur la maigre marge de manœuvre dont ils disposent s'imposera à son interlocutrice bien assez tôt. Il n'a aucune envie de précipiter sa désillusion. C. la préserve, c'est un réflexe. « Essaye de dormir et coupe le téléphone, veux-tu ? » Encourage-t-il, s'imaginant les icônes de ses réseaux sociaux remplies de pastilles et le fil de ses notifications déroulant à rythme effréné.

Clarke a toujours été plus attentive que lui à l'opinion publique. Là où la condescendance du mannequin est prise pour de l'assurance aussi magnétique que virile, le souci du détail de l'architecte lui a plus d'une fois valu le surnom peu flatteur de " control freak ". C'est injuste, Carmine le sait. Il regrette que le fait d'être une femme fasse peser sur elle des pressions que la société patriarcale n'envisagerait pas un seul instant d'astreindre à l'homme hégémonique qu'il incarne sur les podiums et face aux caméras. « Je t'appelle demain. » Après une courte hésitation, il ajoute. « Ça ne recommencera pas.  » Le harcèlement, les menaces ... « Nous ne sommes plus à Londres.» Tente-t-il de se rassurer autant que de rassurer Abi ? Peut-être. « Bonne nuit.» Après avoir raccroché, Carmine se laisse glisser dans le canapé. Le satin de sa robe de chambre le fait couler dans les coussins où il étouffe un hurlement de contrariété derrière ses lèvres étroitement serrées. Le cri reste coincé dans sa gorge, rauque et vibrant. Puis il récupère le téléphone et compose le numéro de sa sœur.

À la pêche aux indices et aux explications.

@Abigaïl Clarke