L'applique de sa chambre beaucoup trop rose renvoie une lumière douce, tamisée. C'est ce qui lui importait probablement le plus lorsqu'elle a commencé les rénovations du loft. Parvenir à créer cette atmosphère chaude, apaisante. C'est sous cette lumière qu'elle a tenté de se réparer plus sainement qu'elle ne l'avait fait ces derniers jours. Sans éclats, sans alcool et sans personne pour l'empêcher de penser à tout ce qui la blesse. Elle a enfin pleuré, elle a beaucoup dormi. Et si elle se retrouve toujours aussi sonnée de ces histoires, elle va mieux. En quelque sorte. Jusque-là allongée sur le dos, Stella roule sur le flanc et attrape son téléphone (une antiquité) sur sa table de chevet. Sans trop réfléchir, elle pianote jusqu'au contact de Nina et se rend compte qu'après tout ça, elle a simplement besoin d'elle. De sa présence réconfortante dans une période qui n'a rien de tel, de ses mots et de son esprit.

Si elle a gardé la jeune femme au courant des évolutions de cette affaire, Stella a préféré la maintenir loin de ses récentes errances à base de nightclub friqués et de gueules de bois carabinées. Elle sait que la blonde a épousé Ruben dernièrement et elle ne voulait simplement pas gâcher ce bonheur simple, pur, et ce moment tellement important pour son amie. Elle ne voulait pas qu'elle la voit comme ça, aussi. Même si Nina sait plus ou moins tout d'elle et de sa manière peu saine de régler ses problèmes, c'est une tout autre chose que de le constater. Mais aujourd'hui la tempête est passée et elle a besoin de quelqu'un pour l'aider à tout reconstruire. Elle a besoin de Nina.

"Hey, ça te dit une soirée crème glacée/films de meufs ? Tu me manques."

Le message envoyé, Stella retrouve sa position d'origine et pose son portable contre son ventre. Elle attend, un brin nerveuse. Pas longtemps. L'appareil (du futur) vibre et un coup d’œil vers lui permet à Ortega de se rassurer, en plus de dessiner un sourire sur son visage. Ce n'est pas son refus qu'elle craignait, mais plutôt lire dans son message qu'elle n'en est plus là. Qu'elle est passée à autre chose et que les soirées de ce genre là ne font plus partie de ses priorités de trentenaire mariée. La crainte est balayée et bientôt, la brune s'extirpe de ses draps.

Elle a de la glace à acheter.


La porte claque et le bruit résonne étrangement dans cet appartement d'ordinaire si bruyant. Ses colocs ont décidé de déserter le lieu à la minute où elle a annoncé qu'elle aurait de la visite ce soir. Tout le monde a plus ou moins conscience qu'elle est à cran en ce moment, la déchéance de Stella ayant débuté au moment où elle a commencé à accumuler (de manière outrancière) les masques pour le visage. Tout n'est qu'allé de mal en pis à partir de ce moment-là et s'ils ne sont pas l'équipe la plus fonctionnelle qui soit, tout le monde a plus ou moins conscience de l'état mental et physique des uns et des autres. Stella pose ses sacs sur l’ilot central de la cuisine, regarde l'heure et constate qu'elle est déjà en retard. Les courses sont très vite rangées, réparties avec une rigueur militaire dans le frigo et le congélateur. Une très bonne chose puisque l'on frappe déjà derrière sa porte.

- J'arrive !

Elle se maudit mentalement pour s'être encore perdue dans les magasins en refermant la porte d'un placard et se presse, n'ayant aucune envie de la faire attendre trop longtemps. Quand elle ouvre la porte à Nina, c'est toutes sortes d'émotions frigorifiées qui se réchauffent et fondent. Son visage et tous les faux semblants qu'elle essaie d'y peindre au quotidien retombent. Elle la serre dans ses bras et prend conscience que c'est la première chose qu'elle aurait dû faire, l'appeler. Se rappeler que si sa famille tombe en lambeaux, elle aura toujours ses amis.

- Merci d'être venue.

Stella la libère de moitié mais rattrape sa main, celle désormais ornée de la preuve symbolique de son engagement envers Ruben. Elle lui sourit, presse légèrement sa main dans la sienne.

- Et félicitations, Madame. Je suis tellement heureuse pour toi et Ruben.

Ortega referme la porte derrière elle et guide Nina jusqu'au salon, décroche ses doigts des siens pour retrouver la cuisine ouverte. Comme sa lumière, la décoration d'une des seules pièces terminées de l'appartement est remarquablement douce. Des coussins, des lumières chaudes, des couleurs claires.

- On a miraculeusement l'appart pour nous ce soir, alors n'hésite pas à t'étaler.

Pour une fois, aucune interruption ne devrait perturber leur sacro-sainte réunion. Stella termine de réunir son butin obtenu du supermarché et l'étale sous les yeux de Nina, beaucoup de sucres et de colorants, en soi. Elle sourit, jette un coup d’œil à la blonde.

- Comme tu peux le constater, j'ai fait des courses.

Et quelles courses. Les évoquer lui permet aussi d'éviter de parler de son état à elle, pour l'heure. Ce qui l'arrange bien alors qu'elle ne sait toujours pas quoi en dire, comment s'en sortir.

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