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burglary, that's it

@eden veliz & ethel

lieu: Third Avenue, Logan City

Mai, là où les journées raccourcissaient doucement, où la température devenait tranquillement plus fraîche dans un automne qui laissait place trop rapidement à l’hiver. Tu détestais ces saisons où tu devais t’habituer à ce froid qui transperçait ta peau et laissait cette sensation d’être constamment plongé dans un bain d’eau glaciale. Toi qui portais souvent des vêtements longs alors que le soleil de l’été brillait très haut et fort dans le ciel, lors des saisons froides, tu ne pouvais t'empêcher de te vêtir de vêtement en laine pour tenter de conserver la mince chaleur que ton corps trop maigre réussissait à dégager. Tu adorais toutefois ce moment où ton souffle se changeait en condensation les matins où tu t’assoyais sous ce porche, à boire ton café bien noir et chaud ainsi qu’à fumer la cigarette que tu n’arrivais pas à abandonner malgré les recommandations de Ruben. Cuisiner des ragoûts en tout genre, des soupes et des desserts bien copieux t’aidait à supporter ces moments que tu avais tendance à t’isoler, à rester dans ton appartement sans donner le moindre signe de vie à quiconque de ton entourage. Mai 2024 était toutefois différent. Tu n’avais pas le choix de trouver des activités à faire avec Emilia, de sortir profiter des rayons du soleil même s’ils n’étaient pas suffisants pour réchauffer ton corps. Tu devais tenter de laisser de côté cette dépression saisonnière qui te frappait toujours un peu plus fort que tu ne l’aurais cru, pour profiter de ce que le changement de température pouvait vous apporter. Autant tu avais des idées pleins la tête normalement pour passer les journées, pour avoir de bons moments toi et elle, autant ça te demandais de la recherche pour trouver comment passer votre temps libre ensemble. Cette journée-là, tu avais du moment libre devant toi, la petite demoiselle de six ans étant à l'école toute la journée. Tu en avais profité pour aller faire quelques courses, ayant planifié de faire des muffins avec elle lorsque tu irais la chercher à la fin des classes. Vous aviez développé cette petite habitude de cuisiner les éléments de sa collation pour lorsqu’elle avec cours et tu appréciais particulièrement. Il y avait certains défis, comme le nettoyage de la cuisine après avoir mis de la farine partout sur le plan de travail, mais tu adorais la voir rire lorsqu’elle tapait dans ses mains et que de fines particules blanches se répandaient dans les airs à la manière d’un petit nuage. Tu avais également acheté des cartons de toutes les couleurs, des assiettes en carton et de la peinture pour pouvoir fabriquer un visage de grenouille avec la jeune fille. Tu t’étais toutefois mise en tête d’en faire une avant d’aller la récupérer pour lui montrer le modèle et la laisser tenté de reproduire par la suite. Tu étais bien occupé à découper une forme de langue dans un carton rouge lorsque tu entendis un bruit du côté de la porte d’entrée. Tout d’un coup, ton coeur se mit à battre à toute vitesse. Tu n’attendais personne et tu savais que Clarence terminait le boulot tard ce soir-là. Il avait pris le temps de t’aviser par SMS il y avait à peine une heure. Ton regard se dirigea vers la porte et tu y vis une silhouette à travers la fenêtre de celle-ci. Le son que tu entendais était celui de la poignée que tu pouvais voir bouger de droite à gauche et de haut en bas. Tu regardas autour de toi, attrapa ton téléphone portable pour pouvoir composer le numéro de téléphone de la police. Plein de scénario plus improbables les uns que les autres te passaient par la tête, mais tu devais te rendre à l’évidence que l’inconnu tentait d’entrer dans la maison par la force. Tu baissa les yeux sur ton portable et réalisa qu’il était complètement déchargé. Tu le laissa tomber sur la table de cuisine où tu étais installé avec tout ton nécessaire de bricolage, attrapa la paire de ciseau à bout rond que tu avais à proximité et te pencha pour te cacher en dessous de cette dernière. Clairement que ta cachette et que ton arme n’étaient pas les meilleurs pour faire face à un cambrioleur, mais dans la panique, ce fut ce que tu trouvais de mieux.

C'était encore une journée à la con qui commençait d'une façon merdique et enchaînait les éléments pourris jusqu'au trop-plein, le genre où on met des chaussettes dépareillées, où on s’aperçoit qu'on a mis sa culotte à l'envers une fois le jean et les chaussures mises, où on manque de foutre le mauvais carburant dans le réservoir en faisant le plein et où on oublie les clés de chez soi. Non, pas de chez soi, en fait ; quel concept abstrait que le chez-soi, quand on profitait des canapés, du siège ultra-confort de la voiture et de la chambre d’amis chez son meilleur pote ! Un chez-soi, c’est un rêve lointain qu’Eden n'est pas loin d'oublier. Par contre, se rendre compte qu’elle n’a nulle part où dormir ce soir, elle sait faire. Se rendre compte avant d'avoir le temps d'envoyer un SMS à Clarence qu’elle n'a plus de batterie : check. La journée commence si bien qu’Eden a envie de se frapper la tête contre le volant, puis de le manger.
La journée passe et les heures s’égrènent comme des minutes durant lesquelles Eden a tout le loisir de contempler l'état actuel de sa vie : ses chaussettes à pois (à gauche) et motif burger (à droite), sa culotte à l'envers qui commence à lui faire mal, le bouton qui lui pousse sur le front dans le reflet désespérément noir de son portable éteint. Pas d'heures supps en précision, après sa dernière tournée des patients du jour : elle n’a aucun support sur lequel accepter les courses, de toute façon. Pas non plus d’appli de compte en banque sur laquelle vérifiée l'état de ses finances avant de commander trois burgers et trois frites au snack du coin – une tentative maladroite de se faire pardonner d’avance par Clarence. Est-ce qu'il bosse, d'ailleurs ? C'était pourtant marqué sur son agenda, dans son Outlook. Dommage.
Elle passe avec elle-même le pacte d'au moins tenter : peut-être que lui et Emilia sont partis en soirée camping, ou qu’elle est chez une copine parce que son père est contraint à bosser toute la nuit, ou peut-être qu'ils dorment déjà sur le canapé avec le ventre bientôt rempli par ses burgers et qu'ils seront super contents de la voir.
La brune envisage de sonner, avant de se rappeler de l'heure : peut-être qu’Emilia dort déjà (ça s'endort à quelle heure, un enfant de cet âge ?) ou qu’elle va faire peur à Clarence qui va appeler la police. Non : autant tourner la poignée, et voir si ça s’ouvre. Non plus. Eden finit par se convaincre de faire le tour, trouvant une fenêtre entrouverte pas loin de la porte d’entrée : Clay la lui laisse toujours ouverte, quand il soupçonne qu’elle risque de passer, un peu comme on entrouvrirait une fenêtre pour un chat chiant qui a tendance à gratter à la porte à 4h du matin. Eden balance délicatement le sac de burgers par terre avant de balancer sa silhouette par-dessus le seuil, toute en grâce et en finesse (ou ce qu'il est possible de faire avec une culotte à l'envers). Et pile quand elle pense que sa salvation est arrivée et que son bagne prend fin, elle tombe sur la silhouette d'une petite femme qui semble bien prête à la planter avec une paire de ciseaux extrêmement aiguisée.
« WOW WOW, salut !! » Une seconde pour la resituer : la babysitter, sûrement. Pas de Clay pour la sauver, donc. Elle lève les mains bien en l'air avec un air de cocker choqué, tentant un sourire qui lui donnerait l'air super sympa et innocente. Elle préfère ne pas imaginer le résultat. Dommage : l'écran toujours noir de son portable lui aurait dit, lui. « Eden. Amie de Clay. Marraine d’Emilia. Je passais les voir. Pas de clés. Désolée. » Elle ne sait pas comment résumer la situation et blanchir ses mains assez rapidement pour éviter un bout de ciseaux dans la jugulaire, alors elle désigne frénétiquement le sac tombé d'un coup de menton : « Burger ? »

@Ethel Hartfield

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@eden veliz & ethel

lieu: Third Avenue, Logan City

Ton coeur battait à tout rompre dans ta poitrine. Tu étais paralysé par la peur face à cette personne qui essayait d’entrer de force dans la maison chez Clarence. Tu regrettais de ne pas avoir pris plus au sérieux les cours de boxe que Cody t’avait offerts quand tu avais travaillé comme réceptionniste dans son école de boxe. Tu avais tenté une fois, mais suite à ta perte de conscience parce que tu n’avais pas mangé avant de faire cette activité assez intense, tu avais donné ta démission et n’avait plus jamais remis les pieds à cet endroit. Tu doutais que les fois où tu avais dû te défendre de Ruben à trois ou quatre ans qui te tirait les cheveux te serait bien utile face à un cambrioleur. Tu étais donc replié sous cette table de cuisine, les ciseaux dans les mains et le visage rivé sur la fenêtre par laquelle l’inconnu semblait vouloir rentrer. Tu regardais autour de toi pour trouver une manière de gagner le deuxième étage sans être vue, mais tu ne voyais pas comment faire. Tu étais plutôt convaincue que tu te prendrais les pieds l’un dans l’autre et que tu t’éclaterais le visage au sol bruyamment avant de réussir à atteindre l’escalier. Tu sursauta lorsque tu entendis un bruit sourd dans la maison. Ton regard tomba sur un sac en papier brun qui était au sol. Ton imagination décolla, imaginant une bombe lacrymogène ou bien encore un petit paquet contenant un gaz toxique qui ferait en sorte que tu t’évanouirais avant que tu réussisses à faire quoi que ce soit. Puis, apparut deux pieds avec une chaussette à pois et une chaussette avec des burgers. Tu ne savais pas quoi faire, mais ne pouvant pas fuir puisque la femme était maintenant dans la maison, tu te releva de sous la table en pointant tes ciseaux vers elle. Tu aurais voulu lui crier de sortir, que tu allais appeler la police si elle ne le faisais pas, mais tu avais la gorge nouée, incapable de place un seul mot. « WOW WOW, salut !! » La brune avait levée les mains devant tes ciseaux, te faisais un sourire. Tu étais sûre de ne pas vraiment être si menaçante que ça et ça t’avais surprise qu’un cambrioleur te dise salut à la place de te foncer dessus. En même temps, le visage de la femme devant toi ne t’étais pas inconnu, mais ton cerveau ne fonctionnait pas normalement en ce moment-même. Tu n’arrivais pas à savoir où tu aurais bien pu l’avoir déjà vu. « Eden. Amie de Clay. Marraine d’Emilia. Je passais les voir. Pas de clés. Désolée. » Et voilà d’où tu connaissais ses traits : Emilia lui avait déjà parlé d’elle et lui avait déjà montré des photos. Tu lanças la paire de ciseau que tu tenais encore en main sur la table, parmi les cartons de couleurs vertes et rouges qui étaient étendus dessus. Tu portas alors tes mains à ta poitrine et soufflant quelques fois. Tu ne t’en étais pas rendue compte, mais tu avais coupé ton souffle le plus possible, ne voulant pas faire de bruit pour ne pas être repéré. « Et cogner à la porte ça ne te tentait pas ? » Tu passas ta main dans tes cheveux, fermant les yeux quelques instants avant de les ouvrir au son de sa voix. « Burger ? » Tes yeux se dirigèrent vers le sac en papier brun qu’Eden tenait maintenant dans sa main. Tu te mis à rire, constatant à quel point ton imagination avait été trop loin en essayant de deviner ce qu’il y avait à l’intérieur. « Donc pas de bombe lacrymogène dans le sac ni de gaz toxique ? » Tu te trouvais maintenant extrêmement ridicule d’avoir eu ces pensées alors que le logo du restaurant où Eden avait acheté les burgers était bien en évidence. « Ça t’embête que je prenne quelques minutes avant de penser à manger ? » Pour une fois que tu avais une vraie raison de ne pas avoir d’appétit, tu allais bien en profiter. Tu avais encore l’estomac noué par la peur que tu avais eû de devoir te défendre contre un potentiel danger. « Excuse-moi, je ne me suis pas présenté. J’suis Ethel, la nounou. Clay travaille ce soir et Emilia est encore à la danse. La mère d’une de ses amies devrait venir la reconduire dans pas si longtemps. » Tu te dirigeas vers l’évier pour te couler un verre d’eau afin de reprendre tes esprits. « Fais comme chez toi. »

Elles se retrouvent nez à nez comme des chats hérissés sur le point de se battre sous l’effet de la surprise, sauf que là, un chat a un bout de fromage dans la gueule et l’autre a un couteau de boucher dans chaque patte. Du moins, c’est à peu près le ressenti qu’Eden a de la situation : elle qui était quasi persuadée de ne trouver personne dans la maison et de pouvoir mettre la table en attendant son ami se retrouve à lever les mains bien haut sous la menace d'une paire de ciseaux drôlement aiguisée. Elle se retrouve à se présenter dans des mots succincts, comme par télégramme, soucieuse de montrer patte blanche le plus vite possible – ça semble marcher, parce que la main armée s’abaisse un peu et que la femme face à elle soupire un bon coup. « Et cogner à la porte ça ne te tentait pas ? » Eden répond d’une grimace maladroite : si, maintenant qu’on en parle, ça semblait un peu plus simple que sa gymnastique illégale. Pour sa défense, sur le coup, c’était parfaitement sensé : « Je pensais qu’il y aurait personne, ou alors que tout le monde dormait. » Pour sa défense, ce n’était pas la première fois qu’elle faisait ça – et personne n’avait rien eu à y redire, avant – mais ce serait sûrement la dernière. Pas question qu’elle se retrouve face au plombier armé ou à une conquête experte en krav-maga. Est-ce que Clarence avait des conquêtes, même ? Elle se note d’enquêter un peu plus, la prochaine fois – à moins que ce soit la personne en face d’elle, la conquête, qui attend tranquillement le retour de son amant du travail pour ne pas poireauter sur le perron (ou rentrer par une fenêtre). « Mais je fais pas ça d'habitude, hein. Je frappe à la porte, et même que des fois je sonne ou j'attends sagement dehors qu'on me réponde. »

Elle désigne le sac amené avec elle d’un coup de menton comme s’il s’agissait d’une branche d’olivier, avant de se pencher lentement pour le saisir – des ciseaux, ça peut partir si vite. La question de la blonde face à elle lui tire un rire nerveux : « Non, c’est des burgers. Enfin, peut-être des smash burgers, maintenant, mais dans l’estomac ça aura la même tête. » Demi-sourire désolé : elle les a balancés un peu en vrac, malgré ses tentatives pour les préserver, et elle n’est pas sûre d’à quoi ils ressemblent, maintenant, seulement contente de ne pas avoir pris de boissons. « Excuse-moi, je ne me suis pas présenté. J’suis Ethel, la nounou. Clay travaille ce soir et Emilia est encore à la danse. La mère d’une de ses amies devrait venir la reconduire dans pas si longtemps. » Hochement de tête alors qu’elle rentre un peu plus dans la maison, certaine maintenant de ne pas se faire embrocher sur un bout d’armes pointu. Donc il n’y a ni Clarence, ni Emilia : elle avait donc raison de présupposer que frapper à la porte n’aurait servi à rien. Une nounou restait rarement seule chez ses employeurs en l’absence d’enfant à garder, quand même. A moins que…
Un sourire rehausse la commissure gauche de ses lèvres. Il ne faut pas donner de brèches à Eden : elle a le don d’y agiter l’index jusqu'à pouvoir s'y engouffrer tout entière, et ce avec la subtilité d'un labrador qui a bouffé la télécommande parce qu'il avait un petit creux. Pour l'heure, néanmoins, elle temporise : les questions viendront quand Ethel aura baissé un peu sa garde et qu'elle sera à une distance raisonnable des ciseaux. Pour l’heure, elle suit la consigne et fait comme chez elle : elle repose le sac soigneusement sur la table de la cuisine et passe derrière Ethel au lavabo pour se laver les mains, rendues moites par le stress. « Désolée encore, hein. » Ce n’est pas tellement la meilleure première impression possible que de faire penser à quelqu’un qu’on va le cambrioler ou l’agresser : soit. Eden n’a jamais été très forte en premières impressions, de toute manière. « Ça fait longtemps que tu gardes Emilia ? » Clarence lui en a parlé, mais c’est une façon somme toute banale de repartir du bon pied – et d’avoir sa version des faits, surtout. « Ça doit pas être facile, j’imagine. Avec les horaires de Clay, tu dois beaucoup voir Emilia et à peine le croiser lui. » Ou assez, au contraire, pour l’attendre chez lui quand il n’y a personne d’autre.

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Tu étais à peu près certaine que Clarence trouverait la scène très drôle lorsque tu lui raconterais. À moins qu’Eden le fasse avant toi. Quoi que si tu arrivais à rester éveillée assez longtemps, peut-être que vous pourriez le faire ensemble ? Normalement, tu devais rester ce soir-là dormir dans sa chambre d’amie qui était souvent (peut-être trop ?) la tienne. Peut-être qu’il voudrait toutefois aller te reconduire à ton appartement en sachant que la marraine d’Emilia était maintenant sur place et qu’elle aurait besoin d’un lit où dormir ? Pas avant que tu lui ais raconté que tu étais convaincue que son amie était un cambrioleur armé d’un couteau qui déciderait de te séquestrer en te trouvant accroupie sous la table avec ta paire de ciseau dans les mains. Le ton que tu avais employé avec elle pour lui demander pourquoi elle n’avait pas cogné à la porte était un peu trop sec et ce n’était pas dans tes habitudes. « Je pensais qu’il y aurait personne, ou alors que tout le monde dormait. » Tu tournas la tête de droite à gauche. Il était quand même tôt pour que tout le monde dorme et Clarence avait cette mauvaise habitude de ne pas dormir très longtemps. Tu l’entendais souvent entrer dans son bureau alors que tu allais te coucher et il n’était pas rare de voir une lueur dans cette pièce lorsque tu allais à la salle de bain en plein milieu de la nuit. « Mais je fais pas ça d'habitude, hein. Je frappe à la porte, et même que des fois je sonne ou j'attends sagement dehors qu'on me réponde. » Un petit rire s’échappa de tes lèvres. La tension était descendue et tu étais capable de voir le ridicule de la situation maintenant. C’était une première rencontre tellement inattendue, mais en même temps, ce n’était pas si surprenant pour toi et tes multiples péripéties toutes les plus invraisemblables les unes que les autres. « J’ai bien hâte de voir la tronche de Clarence quand il apprendra que j’ai accueilli la marraine de sa fille avec une paire de ciseau, cachée sous sa table de cuisine. » Et cette fois-ci, ce fut d’un rire franc que tu éclatas. Tu étais maintenant dans de bien meilleures dispositions pour apprendre à faire connaissance avec elle.
« Non, c’est des burgers. Enfin, peut-être des smash burgers, maintenant, mais dans l’estomac ça aura la même tête. » Et le nombre de calories était le même. Tu chassas rapidement cette idée de ton esprit, te dirigeant vers la table de la cuisine pour commencer à ranger ton bazzart de bricolage avant qu’Emilia arrive de son cours de danse et découvre l’activité que tu avais prévu pour elle. « J’préfère quand même des smash burger à ce que mon esprit a imaginé. » Tu attrapas par la suite ton téléphone portable pour aller le brancher à ce fil qui était branché dans une prise sur le comptoir de la cuisine. Par chance pour Eden que la pile était déchargée et que tu n’avais pas pu appeler les policiers. Tu avais du mal à t’imaginer dire à ces derniers que oui, elle était entrée par la fenêtre, que non, tu ne la connaissais pas, mais que tout était correct et qu’il n’y avait pas de danger en fait. Eden passa derrière toi pour aller au lavabo. « Désolée encore, hein. » Tu lui adressais un sourire. « T’as de la chance, j’ai entendu dire que tu étais quelqu’un de bien. Ça va. Ça nous fera une bonne histoire à raconter. » Tu n’étais pas le genre de femme à être en colère bien longtemps. De toute manière, à part une bonne frousse, il n’y avait pas eu de conséquence à cette entrée par infraction. Tout était déjà pardonné pour toi. « J’suis désolée pour les ciseaux. » Même si tu avais eu raison d’avoir peur, tu ne pouvais pas t’empêcher de t’excuser. Eden avait dû avoir elle-même une bonne peur au finale. « Ça fait longtemps que tu gardes Emilia ? » Tu fis le tour de l’îlot central pour venir t’asseoir sur un des bancs. « Janvier. J’ai commencé à temps partiel, mais depuis avril environ je suis pas mal à temps plein ici. » Tu attrapas ton verre d’eau qui traînait sur le coin du comptoir et en pris une bonne gorgée. « Ça doit pas être facile, j’imagine. Avec les horaires de Clay, tu dois beaucoup voir Emilia et à peine le croiser lui. » Tu haussas les épaules. « C’est plus facile depuis qu’il m’a proposé de dormir ici quand il termine tard et qu’il commence tôt le lendemain. Emilia est tellement géniale. » Et tu te gardas de dire que son père l’était tout autant. Tu t’étais infiltré dans cette famille d’une manière qui te désarçonnait à chaque fois que tu y pensais. « Mais… Tu n’étais pas sensé être à l’autre bout du monde toi ? » La dernière fois qu’Emilia t’avait parlé de sa marraine, tu étais pas mal sûre qu’elle n’était pas en Australie.

L’intérêt soudain à l’égard d’Ethel est double : premièrement, sa présence ici en l’absence d’Emilia l’interpelle. Surtout, Eden est incroyablement consciente qu’Emilia est plus proche de sa nourrice que d’elle : c’est une évidence qu’elle ne peut ni contredire, ni essayer de faire pencher en sa faveur, parce qu’évidemment, qu’Emilia se sent plus proche d’une adulte dont le dernier souvenir ne remonte pas à deux ans et qui n’a pas été présente pendant toute cette durée. Eden n’est pas une personne particulièrement jalouse, et n’a jamais su l’être : c’est une qualité parfois, souvent un défaut lorsque ça la pousse à baisser les bras plutôt que de faire des efforts. Pour l’heure, elle est surtout envahie d’une vague tristesse qu’elle n’aime pas : ce n’est pas la faute d’Emilia, ni celle d’Ethel, et ce n’est pas la sienne, non plus, parce qu’elle a survécu comme elle le pouvait, elle aussi. Mais voilà, Clarence a vécu pire et il a été là pour sa fille – la marraine a eu le privilège de se barrer encore plus loin de tout, et ce n’est pas une femme, qu’elle a enterré, mais une amie. Qu’est-ce que ça dit d’elle, au fond ? « J’ai bien hâte de voir la tronche de Clarence quand il apprendra que j’ai accueilli la marraine de sa fille avec une paire de ciseau, cachée sous sa table de cuisine. » Eden la rejoint dans son hilarité, avant de prendre un air contrit : « Ça le surprendra à peine que je me sois retrouvée dans cette situation, je parie. » Peut-être sera-t-il davantage surpris qu’Ethel ait brandi une paire aiguisée de ciseaux, mais il a tiré Eden de suffisamment de mauvais pas pour ne même pas sourciller à ce type de révélations.

Ca ne l’empêche pas d’encore s’excuser auprès de la jeune femme, parce que si son meilleur ami aurait pris l’intrusion avec flegme et sans choc particulier, il est bien le seul sur terre dans ce cas. « T’as de la chance, j’ai entendu dire que tu étais quelqu’un de bien. Ça va. Ça nous fera une bonne histoire à raconter. » Ca la rassure : bêtement, Eden aime bien qu’on l’aime bien, surtout quand il s’agit des proches de Clarence ; et cette proche-là semble suffisamment importante, si elle vit ici… Elle n’a mis que quelques jours à faire le lien : si son ami lui a proposé de lui laisser sa chambre plutôt que de prêter sa chambre d’amis, c’est parce que quelqu’un devait y vivre. Ce quelqu’un, c’était la babysitter, quoique l’appellation semble de moins en moins suffire… « Janvier. J’ai commencé à temps partiel, mais depuis avril environ je suis pas mal à temps plein ici. » Plutôt que de s’asseoir en face d’Ethel, Eden se perche sur la table, à côté du sac de nourriture dont il n’est pas encore question, pour l’heure. La brune a envie de faire remarquer que c’est peu commun, une babysitter à temps plein, mais après tout, elle n’a ni enfants, ni proches avec des enfants en-dehors de Clarence pour tirer un comparatif. Peut-être que c’est tout à fait normal, en fait, que Julie Andrews dans Mary Poppins et The Sound of Music avait un vrai métier en-dehors de sorcière et de nonne aspirante. « C’est plus facile depuis qu’il m’a proposé de dormir ici quand il termine tard et qu’il commence tôt le lendemain. Emilia est tellement géniale. » Eden hoche la tête : ça, elle l’est. Elle note aussi mentalement qu’Ethel dort donc bien ici, confirmant les suspicions auxquelles Clarence a principalement répondu en langage d’ours grognon. « Mais… Tu n’étais pas sensé être à l’autre bout du monde toi ? » Eden est prise d’un sourire : le simple fait que Clarence parle d’elle, de son quotidien à d’autres personnes lui réchauffe le coeur d’une façon singulière. C’est une chose de dire que sa famille est ici – c’est une autre de la voir en action, avec lui qui l’accueille et l’intègre déjà un peu à sa vie, par petites touches, en parlant d’elle aux personnes desquelles il s’entoure loin de leurs maisons communes dans les pays d’Afrique parcourus.  « Si, si. J’étais au Honduras depuis deux ans dans un hôpital de quartier. Je suis rentrée un peu précipitamment parce que ma petite soeur est tombée malade. » Elle ne s'arrête pas pour se demander si c'est trop d'informations, se contentant de bondir sur ses pieds pour aller se servir un verre d'eau et en proposer un à la babysitter. « Je dormais ici, quand je suis rentrée, je pensais qu’on se serait croisées plus tôt », fait-elle remarquer. « Mais Clarence te garde comme un secret. » C’est bien, personne ne lui a dit qu’elle n'avait pas un brin de subtilité en elle et maintenant elle est persuadée de l’inverse. Merci à son entourage qui croit en elle. « Il va bien en ce moment ? Et Emilia ? C’est bizarre de les revoir ici, loin des camps de fortune en Afrique… Et je le sens un peu distrait, Clay. Et Emilia, bah, c’est une enfant. Ça parle pas tellement, les enfants. » Est-ce qu'elle était traumatisée par la mort de sa mère ? Est-ce qu'elle en parlait parfois, est-ce que ça lui créait des problèmes à l'école ?

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