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Dans un coin de la salle, une enceinte crache l’un des vieux morceaux que Connor s’entête à leur faire écouter régulièrement. Il parle de génie de la musique, Ollie n’entend que les prémices de sa vieillesse et s’amuse constamment à lui faire remarquer que ses goûts musicaux s’alignent avec l’apparition de quelques cheveux blancs. Cela lui a déjà valu une raclée, mais ce n’est pas ce qui va l’arrêter pour autant. Pour le moment, ce n’est pas Connor qui cherche à lui faire la peau au rythme d’un vieux morceau de rock, mais plutôt l’un des débutants de la salle. Le gars s’est inscrit quelques jours auparavant et il pense déjà pouvoir affronter Ollie sans perdre quelques dents au passage. Certains ont cherché à le convaincre de ne pas provoquer le Gallagher, mais il semblerait que le blond ait une tête dure. Ou un abrutit. Ouais, ça rentre plus dans le registre d’Ollie. Il adore déguster des abrutis pour le goûter. Le combat a démarré à la loyale, quelques coups échangés sur le ring posé au milieu de la salle, trois fois rien, pas de quoi les faire suer. Mais Ollie perd patience, il déteste ce genre de combat où l’autre cherche à gagner du temps. Lui, il est venu pour cogner. Et c’est ce qu’il commence à faire, sans se freiner et avec ses années de techniques emmagasinées face à un novice en la matière. « Gallagher, si je te vois frapper en dessous de la ceinture, c’est DEHORS ! » Il lève les yeux au ciel sans pour autant s’arrêter dans sa chorégraphie parfaitement huilée. Puisque l’ancien a décidé de jouer les rabats-joies, il lui reste plus qu’à taper au-dessus de la ceinture.

Il n’aura fallu que quelques minutes pour que son adversaire frappe le sol et supplie Ollie de s’arrêter. Cela n’a fait qu’alimenter sa frustration alors que Connor l’attend déjà en bas du ring. « T’avais dit pas en dessous de la ceinture. » Il lui adresse un sourire victorieux avant de filer dans les vestiaires pour se défaire de ses gants et ôter son tee-shirt pour observer ses côtes, le seul endroit où son adversaire a su l’atteindre. Il s’en sortira sûrement avec un bleu dès demain, mais rien de nouveau. Il n’a pas l’intention de partir, mais personne ne voudra à l’affronter et son mentor attendra que tout le monde soit parti pour le faire remonter sur le ring. D’humeur presque aimable, il s’apprête à distiller quelques conseils à ceux qu’il arrive parfois à apprécier. C’était le plan en tout cas. Avant qu’une commotion à base de sifflement grotesque le fasse émerger des vestiaires, son tee-shirt encore à la main et la moitié de ses bandes enlevée de ses mains. À l’entrée de la salle se tient Cleo, haute comme trois pommes, un sac de sport rose à la main et des tresses dans les cheveux. « La fée Clochette s’est perdue ou quoi ?! » - « Ferme ta grande gueule, Larry ! » Il couple ses mots avec un regard noir avant de traverser la salle à grande enjambée. Il se souvient d’avoir vaguement répondu à son message un peu plus tôt, mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle le prenne au pied de la lettre. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il est surpris, mais également amusé de la trouver en tenue de sport. Est-ce que Cleo a un projet derrière la tête ?

C’est tout Cleo, ça, de prendre au pied de la lettre ce qu’on lui dit. Elle le comprend immédiatement, quand elle croise le regard d’Ollie : il ne l’avait pas invitée. Ou du moins, pas comme ça.

Quand Cleo a déménagé à Brisbane, elle a su qu’elle s’aventurait sur le territoire d’Ollie. Le risque de le croiser existait, et au fond, elle n’était pas sûre que cela la dérange. Leur relation est si particulière, elle n’est pas même pas sûre que le mot relation soit tout à fait adapté pour quelqu’un qu’elle n’a pas quasiment pas vu en dix ans, et qui répond trois mois après aux messages de “joyeux anniversaire”. Mais pourtant, ils ont grandi ensemble, contre leur gré, mais Cleo n’est pas comme sa mère, elle n’a jamais vu Ollie comme un ennemi, au contraire. Elle a même des souvenirs heureux, à ses côtés, bien qu’ils aient choisi tous les deux des chemins bien différents, gamins : lui, la rebellion, elle, l’obéissance. Mais aujourd’hui, elle se rapproche de son chemin à lui, quelque chose qu’elle n’aurait jamais imaginé.

Alors après leur brève discussion, elle lui a envoyé un texto, un timide ”c’était chouette de se croiser, on pourra aller prendre un verre à l’occasion”, sans proposer rien de très précis, pour laisser à Ollie la liberté de n’être pas obligé. Evidemment, il a mis un certain moment à lui répondre, elle ne l’a pas pris pour elle, elle sait qu’avec lui, c’est par passade, elle imagine son téléphone perdu dans le van d’Harleen, ou Ollie déjà en vadrouille loin de la ville. Puis, finalement, ils ont échangé quelques messages, Ollie a mentionné que pour le croiser, elle aurait plus de chance à la salle de sport, qu’il faudra qu’elle passe, et elle a compris que c’était une invitation. Elle sent ses joues rougir face à sa naïveté.

Plantée à l’entrée de la salle de sport, elle se sent évidemment complètement hors de sa zone de confort, malgré son effort sur la tenue. Elle déteste ces milieux, bien masculins, la façon dont on la regarde. Une remarque fuse, « La fée Clochette s’est perdue ou quoi ?! », elle ne regarde pas l’inconnu, elle commence à être habituée aux remarques, dans la rue, avec ses tenues extravageantes, et si cela lui brûle la gorge à chaque fois, elle n’est plus capable de faire semblant d’être qui elle n’est pas, de toute façon. Ce qui la surprend, par contre, c’est de voir Ollie venir à sa défense. « Ferme ta grande gueule, Larry ! » « T’as dit que j’aurais plus de chance de te trouver ici, j’ai pensé que… » C’est impossible de dire à voix haute : que tu m’avais invitée. Alors elle fait un sourire proche d’une grimace. « Je me suis dit que tu pouvais me montrer un peu ton univers. » Elle n’est pas très assurée dans sa propre proposition. « Je peux me mettre dans un coin et juste regarder », elle ajoute précipitamment. « J’ai juste mis cette tenue parce que je pensais que la celle de la dernière fois ne serait pas très adapté au lieu », elle essaie de plaisanter.


@Ollie Gallagher

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Sa présence seule détonne avec les habitudes de cette salle généralement animée par une bonne dose de testostérone et peuplée d’individus parfaitement à l’aise avec leur misogynie. Il ne faudra qu’une minute pour que l’un d’entre eux ouvre sa grande gueule en pensant faire ricaner l’assemblée. Dans un autre contexte, Ollie n’aurait même pas relevé, préférant ne pas se mêler à ce genre de commentaire. Aujourd’hui, son sang ne fait qu’un tour. Qu’importe si le lien qui les uni s’est effacer avec les années, qu’importe s’il n’a pas toujours été exemplaire auprès d’elle. Il n’a pas l’intention de récolter le prix du frère de l’année, mais personne ne parle de Cleo de cette manière. Fin de l’histoire. Il n’a aucune idée de ce qui a pu l’amener à croire qu’elle pouvait venir ici sans s’annoncer, mais il note l’effort qu’elle semble avoir fait. « T’as dit que j’aurais plus de chance de te trouver ici, j’ai pensé que… » Il avait mentionné la salle dans un message, pour lui répondre et ne pas jouer aux abonnés absents. Jamais il n'avait pensé à ce qu’elle note le nom, cherche l’adresse et se pointe jusque-là. Il faut croire que la petite Cleo a définitivement grandi et que désormais, elle semble prompte à le surprendre. Il sourit, amusé par la situation, ne s’attendant clairement pas à ce qu’elle lui expose pleinement le fond de sa pensée. « Je me suis dit que tu pouvais me montrer un peu ton univers. » L’espace d’un instant, Ollie se trouve sincèrement décontenancé par l’affirmation. « Parce que ça t’intéresse ? » Son ton ne démontre que de la surprise, dans une sincérité qui ne lui ressemble guère. Même Harleen ne s’emmerde pas avec ce genre d’effort. Elle vient voir un combat de temps à autre, mais quitte toujours la salle avant la fin. Et sans jugement, il imagine bien mal la jeune femme évoluer dans son milieu. 

« J’ai juste mis cette tenue parce que je pensais que celle de la dernière fois ne serait pas très adaptée au lieu. » Il ne peut s’empêcher de rire en haussant des épaules. « On fait pas trop dans les paillettes ici, c’est clair. » En réalité, Ollie est encore surpris de voir que Cleo ne se moque pas de lui, qu’elle semble sincèrement curieuse ou tout du moins assez pour prétendre à vouloir passer un moment dans cette salle juste pour partager un instant en sa compagnie. Il sent bien que les autres vont y aller de leur petit commentaire, dans cinq minutes, on va lui demander s’il a décidé de ramener sa nouvelle meuf, mais il s’en fiche. « T’as déjà boxer ? » Dans son dos, il sent une présence familière, il se tourne suffisamment pour croiser le regard de son mentor et lui faire comprendre qu’il la connait, qu’elle va pas amener d’emmerde. Pour une fois, il semblerait que Connor lui accorde un passe-droit sans remarque acerbe. Il en entendra parler plus tard, en attendant, Ollie entraîne déjà Cleo dans un coin un peu plus tranquille, tandis que la salle semble enfin reprendre vie, comme si elle n’avait jamais interrompu le cours des choses. Conscient de toujours être torse nu, il enfile à nouveau son tee-shirt et finit de retirer les bandes qui entouraient ses phalanges. « Je peux t’apprendre quelques trucs, s’tu veux. » Enoncé dans une nonchalance totale, comme si cela l’emmerdait un peu dans le fond. « Tu pourras casser la gueule à Larry après. » Qu’il annonce presque amuser. « C’est une tapette, t’auras pas trop de mal. » Et bien sûr qu’il ne voit aucun problème à user de ce mot-là, cela a toujours été une ponctuation dans son vocabulaire. 

« Parce que ça t’intéresse ? » Ce n’est pas une accusation ou un reproche, c’est une vraie question, qui prend un peu de court Cleo. Elle ne sait pas comment répondre sincèrement sans avoir l’air ridicule : oui, ça t’intéresse, donc ça m’intéresse en retour. C’est trop candide pour la relation qu’elle partage avec Ollie. Même relation, c’est un bien grand mot, en réalité, au vu des dernières années qu’ils ont vécu, loin l’un de l’autre, à peine un texto de joyeux Noël. Pourtant, Cleo n’a fait que s’adapter à Ollie, à la distance qu’il a imposé en quittant le domicile familiale et en ne répondant jamais au téléphone. Cleo, elle, n’a pas fait ce choix. Malgré les difficultés qu’ils ont eu à grandir ensemble, elle a une forme de loyauté pour Ollie, une affection aussi. Elle ne sait pas si elle pourrait avouer à voix haute le considérer sincèrement comme son frère, elle a du mal à l’admettre à elle-même sans être gênée par son propre sentimalisme. « Je suis curieuse, oui », elle répond simplement, avant d’ajouter, « ça a l’air pratique de pouvoir se défendre, j’aimerais bien. » Elle a un bref flash de Tommy, et son cœur rate un battement. Elle n’aurait jamais pu lever la main sur lui en retour, même pour se défendre, elle le sait. Mais elle aurait aimé savoir qu’elle en était capable.

Sa tenue est colorée, mais plus sobre que d’habitude. Elle essaie d’être dans le moule du reste de la salle, qui est un univers aux antipodes de ce qu’elle connaît. « On fait pas trop dans les paillettes ici, c’est clair. » Cleo a un petit sourire. « Parfois je me dis que c’est pour ça que j’aimais bien la danse classique, petite. Les tutus. » Les tutus, ou ses parents qui lui avaient imposé cette activité, parce que c’était bien pour une petite fille de faire de la danse, classique surtout, et puis du solfège, et savoir cuisiner, coudre. Comme une vraie petite femme au foyer. A la place, Cleo a pris toutes ses connaissances pour faire du drag. Ses parents en tourneraient de l’oeil s’ils la voyaient danser dans ses tenues colorées.

« T’as déjà boxer ? » Elle secoue la tête. « Mon oreiller, ça compte ? » Elle demande, avec un petit rire jaune. « Je peux t’apprendre quelques trucs, s’tu veux. » Cleo sent le rouge monter à ses joues, parce qu’elle a peur de le déranger - elle a toujours peur de déranger tout le monde, constamment. « Carrément ! » Elle répond avec enthousiasme. Enthousiasme qui retombe la seconde suivante où Ollie ouvre la bouche. « Tu pourras casser la gueule à Larry après. C’est une tapette, t’auras pas trop de mal. » hahahaha. Ce n’est qu’un mot, se dit Cleo, elle sait qu’Ollie ne pense pas à mal. Mais elle sent le rouge qui monte aux joues, et le goût salé dans sa gorge, parce qu’elle se sent un peu stupide, en cet instant. Elle voudrait répondre quelque chose, dire qu’Ollie ne devrait pas utiliser ce mot-là, dire qu’elle aussi, c’est une tapette, dans le sens premier du terme. Mais à la place, elle a un espèce de rire un peu gêné, parce qu’elle ne sait pas se défendre verbalement, au fond. Alors physiquement, y a encore du boulot. « Tu fais des compétitions, du coup ? » Elle demande, préférant changer tout bonnement de sujet. Elle regarde l’un des sacs de frappe, puis Ollie, et se sent un peu perdue. « Il faut que je mette des gants ? » Elle demande, pas vraiment à l’aise, mais voulant bien faire.


@Ollie Gallagher

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Décontenancé par l’intérêt, quelque peu soudain, que lui porte la jeune femme, Ollie reste sans voix. Il n’a jamais été habitué à ce que l’on s’intéresse réellement à lui, encore moins à sa passion. De l’extérieur, les gens ont pour habitude de ne retenir que la violence évidente qui émane de ce sport, sans jamais prendre en considération le simple fait que cela puisse offrir un véritable sas de décompression pour un nerveux comme lui. Certes, Ollie ne fait pas toujours bon usage de son expérience, mais la pratique de son sport l’aide grandement à canaliser ses excès. Que Cleo s’intéresse à tout cela se veut particulièrement inédit, sans pour autant être totalement à côté de sa personnalité. Elle fait des efforts, la gamine, depuis qu’ils se sont croisés par le plus grand des hasards. Comme si elle cherchait à renouer avec lui sans réellement savoir s’y prendre ou sans être pleinement persuadé de sa propre volonté. « Je suis curieuse, oui. » D’un haussement d’épaules, il accepte cette curiosité qu’il trouve tout de même inédite. Ce n’est pas à mal, il en est conscient, et peut-être que lui aussi, pourrait faire un effort. « Ça a l’air pratique de pouvoir se défendre, j’aimerais bien. » Un instant, son regard s’arrête sur les réactions inconscientes de Cleo. Ce n’est pas qu’il s’en soucie, mais la question lui démange sincèrement les lèvres. « T’as besoin de savoir te défendre ? » Elle qui a toujours été si sage, si parfaite, si polie et parfaitement rangée dans le rang. Pourquoi est-ce qu’elle aurait besoin d’apprendre quelques techniques ? Est-ce qu’elle cherche à lui faire plaisir alors qu’il ne lui avait strictement rien demandé et qu’il n’attend clairement rien de sa part ? 

Enfilant à nouveau son tee-shirt pour ne pas rester éternellement torse nu face à celle qui reste, malgré tout, un peu comme sa petite sœur, Ollie finit par l’emmener dans un coin un peu plus isolé de la salle. De ce côté-là, personne ne viendra les emmerder et il pourra lui enseigner un truc ou deux avant qu’elle ne déclare avoir rendez-vous ou n’importe quoi qui lui donnera l’occasion de s’en aller tout en ayant l’impression d’avoir fait une bonne action. « Parfois, je me dis que c’est pour ça que j’aimais bien la danse classique, petite. Les tutus. » Il ne peut s’empêcher de sourire en l’entendant évoquer ce genre de tenue. « Tu passais ton temps avec ce truc sur le dos. » Il ne se mêlait jamais réellement aux affaires de la famille, mais cela lui laissait le temps pour observer dans son coin. Cleo était la petite princesse, celle que les parents espéraient pouvoir sculpter à leur image. Lui n’était que l’orphelin qu’il avait fallu récupérer sur le tard et qui se voulait déjà bien trop matrixé pour espérer le faire entrer dans le rang. « T’en fais encore ? » Il se surprend lui-même à engager la conversation. La réponse ne l’intéresse pas vraiment, mais elle fait des efforts et il tente de faire de même.

Ce qui l’intéresse un peu plus, c’est de savoir si Cleo a déjà pratiqué. L’évidence est que non, mais il se doit bien de demander. « Mon oreiller, ça compte ? » Amusé par sa répartie, il ricane légèrement. « C’est un début. » Il imaginait mal, Cleo prendre une crise au point de vouloir frapper son oreiller, mais il n’allait pas non plus entrer dans le moindre débat. Elle est venue jusqu’ici, il peut bien faire un effort, le temps d’une heure ou deux. Elle a l’air enthousiaste et il faut avouer que cela l’amuse grandement. Au point de ne pas réaliser la deuxième réaction de la jeune femme. Il ne fait jamais attention à son vocabulaire. Ollie, il se fiche bien de ce que les gens pensent, c’est sa manière de parler, qu’ils aillent se faire foutre si ça ne leur va pas. Il a plus en tête la manière dont il va bien pouvoir amener Cleo à tester sa discipline. « Tu fais des compétitions, du coup ? » Relevant les yeux vers elle, il hésite encore, mais son enthousiasme ne peut pleinement être feint, pas vrai ? Elle ne s’emmerderait pas à poser des questions si cela n’avait aucun intérêt à ses yeux. « Parfois, ouais. » Il hausse à nouveau des épaules, comme s’il voulait rendre cela bien moins important. « Je fais pas ça pour entrer dans le circuit. » Ça ne l’intéresse pas, trop de contrainte, trop d’attente, ce n’est pas ce qui le fait vibrer. Retirant les dernières bandes autour de ses jointures, il se rapproche d’un banc pour récupérer deux coussins de frappes, avant de se raviser. « Il faut que je mette des gants ? » Habituellement, il s’en moque bien des débutants. « Pas de suite. » Il manquerait plus qu’elle se blesse parce qu’il n’a pas fait attention. Posant son regard sur sa demi-sœur, Ollie dessine ses doigts d’un signe de tête. « C’est mieux si t’enlève ta bague. » Lui n’enlève jamais la chaîne qui pend à son cou, et Connor lui a reproché maintes et maintes fois, mais personne ne lui fera retirer le seul objet qui lui reste de sa mère. « Tu veux savoir te défendre ou tu veux savoir frapper ? » Elle ne voit certainement pas la différence, mais à ses yeux, il en existe une. Se défendre est une chose, faire mal pour déstabiliser son adversaire en est une autre.

Cleo est tellement nerveuse qu’il lui faut un moment avant de comprendre qu’Ollie n’est pas très à l’aise, lui aussi. Peut-être parce que Cleo est là, avec son air un peu gauche, et qu’elle contraste avec l’ambiance ultra masculine de la salle - est-ce qu’il a honte d’elle ? ou est-il simplement surpris qu’elle s’intéresse à lui, à sa passion ? « T’as besoin de savoir te défendre ? » Cleo pince les lèvres, songe à Tommy. Elle ne rentrera pas dans les détails, elle est déjà incapable de le faire avec ses amis, et elle ne pourra pas trouver les mots avec Ollie. Elle aurait peur qu’il la juge, se dise qu’elle l’a cherché, une pensée qui la prend encore, malgré les mots rassurants de Phenix. Elle pense aussi aux regards sur elle, quand elle est dehors avec ses tenues extravageantes, avec ses amis, qu’ils ont l’air ouvertement queers. Comment expliquer à Ollie sa peur d’être insultée, frappée ? Par des gens qui ressemblent, parfois, aux hommes qui sont dans cette salle de sport ? « On sait jamais », elle répond, volontairement vague.

Bizarrement, malgré toutes ses angoisses d’être incomprise par Ollie, il a l’air de l’accueillir assez facilement dans son univers. C’est bien Ollie ça, se dit-elle, malgré toute son armure, il y a quelque chose de facile chez lui, une certaine ouverture. C’était pareil, lorsqu’ils étaient enfants, malgré les crises de colère, leurs différences de tempérament, et leurs parents contrôlants, elle a des souvenirs de moments partagés tous les deux, des petites bulles au milieu du reste. « Tu passais ton temps avec ce truc sur le dos. » Il a un petit rire, et elle répond avec un sourire. « T’en fais encore ? » Les joues de Cleo rougissent, parce qu’elle ne sait pas comment répondre : non, elle ne fait plus de danse classique, mais elle danse encore, sur scène, parfois avec des tutus, et une montagne de maquillage et d’absurde. « Pas de la danse classique, mais je danse encore oui », elle admet, dans une réponse encore une fois un peu vague. « Et j’aime toujours autant les tutus et autres habits extravageants, comme tu as pu le constater la dernière fois. » Ollie est l’une des rares personnes de l’entourage de Cleo qui sait comment elle était, avant, avec ses habits de petite fille sage. Elle se demande ce qu’il pense de ce changement, au fond.

A chaque fois que Cleo pose une question à Ollie, il semble surpris, comme s’il doutait sincèrement qu’elle s’intéresse à lui. « Parfois, ouais. Je fais pas ça pour entrer dans le circuit. » Cleo demande s’il feint d’être détaché de tout ça, ou s’il préfère vraiment faire les choses à sa facon. « T’as pas envie de faire ça professionnellement ? » Elle demande, curieuse, se demandant s’il faut pousser la conversation ou si elle risque de le braquer.

Alors elle tourne la conversation vers l'entraînement, pour appuyer sa motivation - elle est prête à passer les gants. « Pas de suite. » Elle approuve d’un signe de tête, habituée à être une bonne élève qui suit les consignes. « C’est mieux si t’enlève ta bague. » Elle obéit, ôte ses bijoux et les range dans son sac. Elle se redresse, replace ses tresses sur sa poitrine. « Tu veux savoir te défendre ou tu veux savoir frapper ? » « Me défendre », elle réplique immédiatement. Elle ressent le besoin de préciser qu’elle n’est pas une personne violence qui veut savoir frapper, non. « Je suis plutôt pacifique de nature », elle essaie d’expliquer, alors qu’Ollie sait très bien, il a grandi avec elle et sa timidité légendaire. Elle n’a jamais levé la voix dans une dispute, n’a jamais protesté face à ses parents. « Je… » Elle hésite, ne sachant pas comment s’expliquer. « Je ne crois pas que je serais vraiment capable de frapper quelqu’un. Mais j’aime bien l’idée de savoir que je peux me défendre… Ça doit aider, non ? De sentir qu’on peut se défendre ? »


@Ollie Gallagher