On a dit que cette fois, c’était la bonne. Ou plutôt, t’as dit que t’étais prête, pour Vegas, et moi j’ai regardé tout de suite les billets d’avion de peur que tu ne reviennes sur tes mots, que finalement ce soit trop tôt, que t’aies besoin d’un peu plus de temps, que tu trouves une excuse comme la peur que l’avion se crash ou qu'il décolle pas. Je devrais te croire, me sentir assurée ; on a dit qu'on voulait tout ça, après tout, et je pense que c’est un peu moins ma peur de ton renoncement que l’imprévisibilité inhérente au voyage. Je sais pas ce que je fous à l'aéroport, déjà : j'ai jamais vraiment voulu me marier à Vegas, et depuis l'enfance j’ai dit à ma mère que je voulais me marier dans ma famille, avec toute la communauté, avec tout le monde autour de moi et toute l’attention sur ma robe, à peu près. D'accord : peut-être qu'ils voudraient pas, que le rabbin m’enverrait chier pour pas voler dans trop de plumes ; peut-être que tu voudrais pas, non plus. Mais voilà, le fait est que j'ai jamais imaginé mon mariage seule à Vegas, sans famille, sans Olive pour m'accompagner, sans mon père pour me voir, sans Cam pour me balancer des remarques un peu connes mais un peu drôles sur ma robe et mon état de stress. J'ai toujours cru que ça m‘importerait au point de me paralyser ; je découvre que ça me perturbe, mais moins que je ne le pensais. Ça me plaît, de partager ça rien qu’avec toi ; de pas avoir à stresser que des trucs se pètent ou qu'on ait pas les yeux partout, qu'il y ait des dramas et des crises de larmes. Et surtout, ça nous fait une aventure.
D'accord : j’ai flippé dix fois qu'on me force à jeter la bague que j'ai trouvé pour toi parce que finalement ce serait pas du matériau pur et que ça risquerait de faire crasher l'avion, j'ai aussi oublié qu'on pouvait pas amener de snacks et maintenant, j'ai mal au ventre après avoir englouti la tonne de Twix devant l'agent de sécurité, mais j'ai hâte de monter dans le bolide et d’atterrir au bout du monde, même si c’est dans longtemps – ça fait deux semaines que je prépare tout, des hôtels aux circuits, parce que j'ai envie de te faire la surprise et que tu t’occupes de rien, surtout pas. Ça m’a fait du stress en plus, mais après les dernières semaines, j'ai envie de te vider l'esprit, de te délester de tout le poids que tu portes, et je sais pas faire autrement qu’en te préparant un voyage dans un pays où t’as jamais posé les pieds. Les États-Unis, j'y connais pas grand-chose non plus, en soi : on a pris le prétexte d'un mariage dans la famille pour aller y consulter un oncologue quand j'avais huit ans, et je retiens davantage l'angoisse et les lieux aseptisés que les paysages ou la culture. Et Vegas, je la connais que du film avec Nicolas Cage et j'espère que notre mariage se passera un peu mieux que dans celui-ci.
Je t'abandonne sur le banc dans la salle d’embarquement pendant dix minutes, comme une gamine dans une salle d’attente, pendant que je vais épuiser les duty free, et j'espère que tu vas pas te mettre à paniquer : t’avais l'air sacrément flippée de monter dans un avion, et je te sens toujours pas très à l'aise.
« C’est quoi qui te fait le plus peur ? » je lance, en revenant les bras plein de conneries qui m'ont coûtée trois salaires, des sudokus, des sandwiches jambon-beurre à dix-neuf balles, des bouquins de Colleen Hoover parce que c'était moitié prix (c'est déjà trop pour ce que c’est), et même un Rubik's Cube, sait-on jamais. « Parce que j'ai pris plein de trucs pour nous distraire. »

@Spencer Blackwell

mom, i'm gonna marry that girl
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland    

Dans la configuration actuelle, t’es bien incapable de dire ce qui te fait le plus flipper entre l’idée de prendre l’avion ou le fait qu’au bout du voyage, y a ce fameux mariage un peu improvisé-mais-pas-tant-que-ça.
Promis cette fois pas de fausse joie ou de changement d’avis à la dernière minute. Cette fois c’est pour de vrai, c’est pas une vanne lâchée à sa meilleure pote sous l’effet d’un joint et de quelques bières et qui vient foutre une sale tension juste derrière, c’est pas non plus un projet de demande foireuse avant laquelle t’as failli gerber quinze fois à cause du stress.
C’est pour de vrai.
Y a juste un océan à traverser avant, des milliers de kilomètres à parcourir dans une boîte de conserve qui vole, tranquille, c’est trois fois rien, t’as lu les statistiques et ce que les gens se disent pour se rassurer et très objectivement, tu sais que cette étape là est la plus simple à passer. Tout ce qu’il y a à faire, c’est passer le portique, poser ton cul dans le fond du fauteuil pour les vingt prochaines heures, tenir la main de ta fiancée et écouter tout ce qu’elle a à raconter dans l’unique but de te changer les idées et que le voyage se passe le mieux possible. Tout le monde le fait, ça doit pas être si sorcier que ça.
Elle s'absente quelques minutes tandis que tu préfères rester près des affaires, sans doute le meilleur moment pour faire le point sur tout ça. T’as encore sacrément du mal à y croire, à te dire “ça y est, on va le faire”, à réaliser ce que ça implique pour de vrai, surtout. La promesse de rester, tu l’as déjà faite maintes fois, toujours avec sérieux mais jamais sans douter de ta capacité à véritablement la tenir. Et pourtant.
En face de toi, il y a cette gamine qui ne cesse de bouger partout, qui saute de siège en siège sans se préoccuper des potentielles affaires qui s’y trouvent et t’es à peu près sûre qu’elle est en train de remporter sa partie de the floor is lava haut la main. Au moment où elle retourne à sa place pour boire, elle jette un oeil dans ta direction et à partir du moment où son regard croise le tien, elle ne le lâche plus. S’engage alors un duel silencieux où la première à baisser les yeux perd. Ca a au moins l’avantage de l’occuper un peu mais aussi de te faire penser à autre chose en attendant le retour de ta future femme qui finit par revenir avec une question à laquelle t’as pas de réponse concrète, alors à la place ; « les requins. » C’est bête et dans l’unique but de plaisanter, mais pas tout à fait faux pour autant. « Genre si l’avion s’écrase dans l’océan et qu’il faut qu’on nage ou quoi. » Difficile de manquer le couinement horrifié de la gamine avec laquelle tu viens de passer cinq minutes à faire un battle de regard, bien vite suivi par un soupir exaspéré de celle que tu imagines être sa mère. Et bim, t’as gagné le duel. Avec un sourire satisfait, tu reportes ton attention vers Mac. « Ou qu’on tombe sur Céline Dion mais que je la reconnaisse pas et qu’elle le prenne mal, » tu renvoies avec un sourire amusé tout en l’aidant à se délester du trop plein de duty free. Un manque de respect pareil c’est probablement un coup à se faire bannir de Vegas, déjà que tu l’es probablement dans ta ville natale après tes déboires avec l’actrice en vogue du moment… « T’sais, j’ai bien deux ou trois idées pour se distraire mais je suis pas sûre qu’on ait le droit de monter dans l’avion ensuite, » que tu minaudes avec ton meilleur air de meuf innocente mais pas trop. Le coude posé sur le dossier de ton siège, tu prends cinq secondes pour observer avec curiosité tout ce qu’elle vient de ramener, « mais t’as encore faim avec tout ce que t’as déjà mangé ? » De ton côté non, pas pour l’instant en tout cas et t’es pas sûre d’avoir la capacité d’avaler quoi que ce soit jusqu’à ce que le mariage soit prononcé par Elvis. « Sur une échelle de un à dix, tu stresses à combien ? » Pour l’avion, le voyage, le mariage, le boulot qu’elle laisse quelques jours pour tout ça, tout ce qu'elle s'est échiné à préparer, ce qu’elle veut en vérité.
Toi zéro, juré.

J’ai presque eu du mal à me détourner pour aller au kiosque à dépense-smics ; j’ai encore peur que tu dises non, qu’on trouve une énième raison pour laquelle c’est une mauvaise idée, qu’il y ait une catastrophe imminente au casino que tu pourrais pas gérer à distance, que ma famille devienne télépathe, sonde mes pensées à distance et fasse tout pour me décourager. Tant qu’on ne sera pas à Vegas devant le gars, je ne me sentirais sûre de rien ; et c’est injuste envers toi, parce qu’en-dessous du stress, je sais que t’en as autant envie que moi. Je sais pas ce qui nous pèse autant et nous inquiète à ce point : ce sera qu’un papier signé qui dit qu’on partage tout à 50/50 jusqu’à la mort, y compris notre lit. C’est gros – c’est énorme, même, mais ça me fait pas peur, parce que c’est ce que je veux, papier qui le justifie ou pas. Le seul truc qui m’inquiète, c’est d’avoir à avouer à Olive qu’elle pourra pas être demoiselle d’honneur ni témoin, de montrer à Daisy que c’est la trouzmillième fois que je l’ai pas invitée à un truc, de voir le visage un peu déçu et pincé de Natalia qui aurait voulu rater ça pour rien au monde, et je parle pas de toute la famille qui sélectionne des recettes depuis un an pour être sûre d’être à fond le jour J. J’espère que c’est pareil pour toi, que tu crains pas qu’un jour on puisse divorcer, que tu te dises pas qu’on est encore trop immatures et instables pour se promettre l’éternité.

Pour l’heure, t’as l’air de surtout craindre l’avion, cela dit. Les requins, plus particulièrement. Je hausse les sourcils : « Si l’avion s’écrase dans l’océan, je pense que qu’on aura d’autres problèmes que les requins. » J’élabore pas : pas besoin que tu saches que si l’avion s’écrase vraiment, on aura sûrement perdu connaissance avec la rapidité de la chute et la dépressurisation, nos corps vont peser cent cinquante fois leur poids et tous nos os vont se briser sur le coup, mais on le sentira pas parce que l’avion fera cent cinquante fois son poids aussi et que de fait, il restera pas grand-chose de sa carcasse. Je me rassois sur un siège libre et je te tends deux-trois trucs au pif, et je contemple le scénario catastrophe que tu viens de me mettre sous le nez : « Je te dirai si on est à côté de Céline, quand même, je suis pas un monstre. » Je me sentais déjà suffisamment mal que t’aies passé une heure dans une librairie puis une demi-heure à te bastos avec mon ex pour te soumettre à une seconde humiliation du genre. Et puis ça fait bien un an que j’ai arrêté d’essayer de te mettre à jour sur les visages des célébrités : je me suis résolue au fait que ma future femme était absolument nulle en pop culture et qu’il n’y avait rien à y faire. « T’sais, j’ai bien deux ou trois idées pour se distraire mais je suis pas sûre qu’on ait le droit de monter dans l’avion ensuite », tu me lances et je te fais les gros yeux, jetant un regard à moitié inquiet à la gamine en face : elle est repartie sauter sur des valises, aucun danger. Je parviens pas à feindre l’indignation très longtemps, de toute façon : « Ça peut toujours se faire dans l’avion », je compromets avec un sourire entendu. Je suis pas franchement sûre que ce soit possible sans contorsions à en foutre des crampes, niveau logistique, mais c’est un pari qui se prend, d’autant qu’on ne pourra pas nous éjecter en plein vol.

Je me rends compte que je frotte mes avant-bras lorsque tu me demandes si j’ai encore faim (non), et à combien je stresse (trente mille). J’inspire un bon coup pour donner l’impression que je réfléchis à ma réponse, puis je hausse les épaules : « Oh, un petit douze, dans ces eaux-là » (toujours trente mille). Je serais peut-être un peu plus assurée si je ne sentais pas qu’on était exactement dans le même bateau. « Pas pour l’avion, je m’en fous. » Je me serais évanouie avant d’avoir le temps de mourir, s’il se passait un truc. « Mais pour le reste, surtout. » Je pince les lèvres, j’hésite à dire la suite, parce que j’ai déjà peur de la réponse, « tu me le diras, si finalement tu changes d’avis ? » J’ai pas envie que tu te forces, ou que t’aies peur, je veux absolument qu’il y ait aucun obstacle, qu’on en ait envie toutes les deux, qu’on soit sûres de ce qu’on va dire et qu’on soit capables de le dire quinze fois d’affilée sans nous sentir vaciller une seule fois. « Enfin moi non, hein », je me dépêche d’ajouter, pour pas que tu penses que je cherche une porte de sortie. Moi jamais. « Et euh, j’ai prévu deux-trois jours de vacances avant qu’on y aille. Un genre de pré-lune de miel, si tu veux. Les trucs basiques, hein. Un canyon, un casino, puis la zone 51 avec un motel pas loin. » Pile le temps de nous rendre compte qu’on fait une grosse connerie et qu’on s’entend pas du tout, finalement. Ou tout l’inverse, à peu près. « On n’est pas obligées mais je me suis dit que ça pouvait être sympa. »
Les enregistrements ouvrent pour notre vol et notre groupe est enfin appelé ; sous l’effet du stress, je manque de faire tomber la moitié de mes victuailles par terre, et je t’adresse mon grand sourire qui veut dire que promis, tout va bien, et au pire je suis sûre qu’ils ont des respirateurs et des anesthésiants dans le machin.

@Spencer Blackwell

mom, i'm gonna marry that girl
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland    

Quinze minutes, c’est à peu près le temps que tu passes seule à observer une enfant courir partout sans que ses parents ne la grondent, à faire un battle de regard avec et à te répéter en boucle “on va se marier”. D’un coup tu t’imagines te retrouver face à l’ado que tu étais, celle qui était récalcitrante à l’idée de laisser qui que ce soit s’approcher trop près trop longtemps, celle qui était sceptique de tout et particulièrement des relations amoureuses, celle qui ricanait bêtement quand on lui demandait comment serait son mari et combien d’enfants elle voulait plus tard. Une vie s’est écoulée depuis, t’es devenue adulte et tu t’es perdue, et malgré tout, on est venu te récupérer. Aujourd’hui tu vas te marier (enfin dans quelques jours quoi), et c’est probablement le plus gros plot twist qui soit tellement t’as jamais été convaincue par aucune relation avant elle et tout ce qu’elle a pu faire pour toi.
Pour l’heure, elle est revenue les bras chargés de trop plein de trucs, tu fais genre de pas être flippée. Sa réponse à ta crainte des requins ne te rassure pas vraiment et t’as pas trop envie d’en savoir plus. Heureux sont les ignorants, il paraît. Sa proposition à la limite de l'indécence en revanche, te convainc beaucoup plus que ça ne doit pas être si terrible que ça. « Dans l’avion ? » t’as bien du mal à imaginer comment ou quand ça va être possible avec tous les autres passagers autour, en tout cas c’est certainement pas ce qui t’arrêtera et quitte à passer presque vingt heures (plus ? moins ? t’as déjà oublié la durée du trajet) assises sur des sièges peu confortables et à peine assez espacés pour pouvoir étendre ses jambes mais allez, c’est le genre de défi que t’es prête à relever. Les lèvres pincées, t’acquiesces en silence l’air de dire “grave chaud” même si ça a tout d’un plan à la con et que si vous gérez mal votre truc, c’est un coup à se retrouver avec un procès de la compagnie aérienne au cul pour exhibitionnisme ou quelque chose du genre. Franchement, c’est un risque que tu es prête à prendre. « Douze ? Rien que ça ? » Remarque, tu dois être à peu près au même niveau et t’es à peu près sûre que ça grimpe en flèche à mesure que l’heure d’embarquer approche. Sauf que contrairement à elle, tu te projettes pas autant et pour l’heure ta source d’angoisse se résume en quatre mots : le putain d’avion. Elle est déjà à Vegas à se dire que peut-être, tu vas te rendre compte que t’as plus envie de ça ou que finalement t’es toujours pas prête à sauter le pas. « Mon coeur, » tes doigts viennent se nouer aux siens, serrent légèrement pour attirer son attention et la détourner de ce moment de doute qu’elle peut avoir, « on va monter dans cet avion, » peu importe que tu sois terrifiée de te retrouver à douze mille mètres d’altitude dans un bout de ferraille qui n’a même pas assez de parachutes pour tout le monde, « et on va aller se marier. » S’il le faut tu te battra à mains nues contre les requins, les gardes du corps de Céline ou les agents du gouvernement parce que vous vous êtes approchées trop près de la zone 51. « J’ai pas l’intention de changer d’avis maintenant ou devant Elvis. » Tes affirmations s’accompagnent d’une légère pression des doigts et d’un sourire attendri. Une pré-lune de miel ? Tu peux gérer. « Mais… T’es sûre de vouloir faire ça aussi loin de tout le monde ? » T’as pas envie que votre petit caprice vienne foutre la merde avec ses potes ou sa famille, qu’ils lui reprochent d’avoir pris une décision aussi significative dans son coin sans personne autour. Qu’elle ne se méprenne pas, t’es au-delà de ravie de partager cette occasion rien qu’avec elle, que ça soit quelque chose qui vous appartienne totalement et que personne n’ait rien à y redire, mais tu sais à quel point ses proches sont importants et qu’ils auraient aimé pouvoir participer à l’événement. Y aura quelque chose avec eux à un moment donné, tu le sais, mais ça ne sera forcément pas tout à fait pareil qu’une véritable cérémonie. « On peut juste profiter du séjour et faire ça avec eux en rentrant, tu sais ? » Comme n’importe qui ferait, en somme. « Je change pas d’avis, hein, » tu t’empresses de répéter avant que ça ne boucle à nouveau, à force vous allez devenir pro dans le comique de répétition.
Docilement, tu suis ta future-femme et tu jures que ton coeur s’emballe plus que de raison parce que l’échéance approche, le stress dépasse le sommet et t’es sûre que ça ira mieux quand t’auras pu constater par toi-même que l’appareil vole comme il faut et que c’est à peine si on s’en rend compte. Les sacs rejoignent le porte-bagage et vous vous installez, tu lui laisses bien volontier la fenêtre, franchement peu désireuse de voir la si précieuse terre ferme s’éloigner lors du décollage. Crispée dans ton siège, t’as soudainement trop chaud ou trop froid, tu sais pas vraiment, tu regardes partout autour alors que les gens prennent place dans le calme. Ça te prend toute ta volonté pour te caler dans le fond de ton siège et de rester statique. « Je tuerai pour un joint, » tu marmonnes alors que ta jambe s’agite malgré tout. « Ils en vendaient pas au duty free ? » Franchement ça ferait fureur comme concept. « Ok c’est quoi le programme quand on arrive ? » Là, maintenant, t’as juste envie de te concentrer sur elle et de l’écouter parler de ce qu'elle a prévu ou de ce qu’elle veut bien te raconter, n'importe quoi pour penser à tout sauf à l’endroit où vous êtes actuellement et à ce qu’il va se passer une fois tous les passagers embarqués et installés.

mom, i'm gonna marry that girl
@Spencer Blackwell & Mac Sutherland   

« Mon coeur, on va monter dans cet avion, et on va aller se marier. » Il me faut encore quelques secondes à regarder partout, sauf dans ta direction avant d’enfin te regarder, me mordant l’intérieur des joues pour retenir un sourire un peu piteux que je t’adresse quand même. Ca me fait plaisir, d’entendre ça ; j’ai moins besoin d’être rassurée qu’avant, mais ça fait partie de ces moments où on n’y coupera pas : je nous vois déjà repartir en direction de la maison, ou en train de demander au pilote si c’est pas possible de nous déposer à la gare la plus proche, on se démerdera pour rentrer. Ca paraît encore trop fragile, trop lointain : on a subi une année de merde qui vient couronner les précédentes, et c’est la première dans laquelle on arrive à se reposer l’une sur l’autre. C’est aussi la première où tout éclate avec autant d’intensité entre nous – la peur que tu repartes, jamais nouvelle mais jamais aussi intense, tes problèmes familiaux, les miens, la sensation qu’on ne sera jamais assez bien l’une pour l’autre. J’ai l’impression d’avoir plus grandi (et parfois, régressé) en un an qu’en des années de prise de tête avec toi, avant que tu partes pour Sydney, avant qu’il n’y ait ce nous qu’on aborde si différemment, maintenant qu’il est tangible, réel. « J’ai même pas pris de jolie tenue », je me lamente pour toute réponse, ma main serrée autour de la tienne. En réalité j’en ai pris cinq ou six, et absolument rien pour partir en promenade de façon confortable, mais je me sens pas adéquate pour autant.
J’imagine que tu le sens : « Mais… T’es sûre de vouloir faire ça aussi loin de tout le monde ? » J’acquiesce un peu trop vite, parce que j’ai peur que tu prennes ma réflexion pour une négation, et pendant des années, ça aurait pu s’en rapprocher. Il m’en a fallu, du temps, pour comprendre que ce n’était pas tant que je voulais un grand mariage entouré de ma famille, mais surtout que j’avais peur de les décevoir. J’ai grandi avec cette idée du grand mariage entourée de toute ma famille, toute ma communauté, avec toutes les étapes que j’ai vues répétées une, deux, dix fois pour les unions de mes proches. Ca a toujours été une tradition et aussi, quelque part, une compétition ; on le dit jamais, mais on le sait toujours : les mariages comme les bar mitzvah se comparent entre eux d’une année à l’autre, d’une mariée à l’autre. J’ai tellement grandi là-dedans, après que ma mère ait déçu en n’arrivant pas à convaincre mon père d’avoir autre chose qu’une petite cérémonie privée, que je me sens coupable de leur refuser. « On peut juste profiter du séjour et faire ça avec eux en rentrant, tu sais ? Je change pas d’avis, hein. » Je souris à ta réassurance : t’es mignonne, à toujours te plier en quatre pour moi, toujours prête à te foutre dans des situations inconfortables pour me plaire, et je te donne jamais assez de crédit pour ça. Vegas, c’est aussi ma façon de le faire : on mérite un truc qui soit rien qu’à nous deux et que tu vives avec joie au lieu de le traverser. Alors non : « Rien que nous deux, ce sera très bien. Promis. » Personne pour juger, personne pour comparer avec Abigail l’an dernier et Noah y a deux ans, personne pour te regarder avec appréhension en se demandant si tu me mènes pas sur une pente glissante. Rien que nous deux. J’ai compris que c’est ce que je voulais aussi, au fond.
On rentre finalement dans l’avion et je prends d’office la place à côté du hublot. « Tu sais, ça te rassurerait vachement, de regarder par le hublot au décollage. Rapport aux bruits et aux sensations, et tout. » Comme j’ai peur que ça fasse trop d’informations inquiétantes d’un coup, je commence à pianoter sur l’écran au dos du siège devant le mien : « Dingue, ils ont Barbie, Cold Case: Qui a tué la mini-miss et Flight Plan. » Je grimace : on est sûrs, pour Flight Plan ? « Je tuerai pour un joint. Ils en vendaient pas au duty free ? » Je rigole à moitié, comme toujours quand tu fais des blagues sur la drogue – « Tu sais, ils ont lié la prise de cannabis à la survenue de crises de panique, et genre ça change la chimie de ton cerveau et tout, donc c’est peut-être mieux si t’évites. » Je vais éviter aussi de te dire qu’ils offrent des petites fioles de vin durant les repas et que dans ma famille, la coutume, c’est qu’il n’y a pas d’heure pour se bourrer la gueule tant qu’on est pas au sol : on va sagement s’abstenir. « Ok c’est quoi le programme quand on arrive ? » – « T’es sûre que tu veux que je te spoile ? » Je surveille autour de nous : les stewarts commencent leur petit speech sur comment glisser d’un toboggan et protéger son nez en cas de dépressurisation, alors je m’exécute :  « Alors, en vrai, j’ai rien prévu de très ferme pour le premier jour parce que je sais pas dans quel état on arrivera. La dernière fois que j’ai eu un voyage aussi long, j’étais toute petite et j’ai dormi, mais je crois que tous les autres étaient fracassés en arrivant. » Ils commencent à allumer le moteur, et je vois bien que je risque de perdre ton attention, alors j’embraye rapidement : « Je pensais à un après-midi spa, en fait. L’hôtel où on dort est inspiré de l’Italie, genre, et y a une gondole au milieu pour rejoindre ta chambre et tout, et donc à côté y a un spa, mais sinon on peut marcher, faire la ville, trouver une pool party ou juste se promener, aller voir des flamands roses, je sais plus où ils sont. Et le soir, Fremont Street, évidemment. » On s’engage sur la piste. « T’as envie de faire quoi, toi ? Tu penses à quoi, quand on te parle de Vegas ? A part les casinos et les vieux riches, parce que t’en vois suffisamment, je pense. »

mom, i'm gonna marry that girl
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland    

C’est sûr cette fois, y a plus d’hésitations à la con, plus de changement d’avis à la dernière minute, c’est rien que vous deux et c’est probablement pile ce qu’il vous faut. A la maison, y a toujours trop de choses, vos horaires qui concordent pas, les interférences diverses et variées, ton boulot qui te stresse sans que tu puisses véritablement lui en parler et la pointe de culpabilité qui va avec parce que tu lui caches des choses et que t’arrives encore à te trouver des excuses. Là, y a pas tout ça, et si t’es pas tout à fait détendue, c’est pas pour les mêmes raisons.
« Bien essayé mais si le moteur prend feu j’ai pas envie d’être la première à le voir par la fenêtre. » Pas que t’aies envie que ça soit elle qui le fasse si ça devait arriver mais elle aura compris. Tu l’écoutes citer des films dispo dans le catalogue de l’avion sans t’y attarder pour autant, lâchant un « ouais ça c’est bien, » au dernier titre cité, réponse qui au final signifie “mets ce que tu veux” plus qu’autre chose. Toi, t’as les yeux qui se perdent partout, sur les autres passagers, sur le personnel de bord, sur la gamine de tout à l’heure qui est quelques rangées devant vous, sur ton téléphone que tu passes en mode avion, sur la couleur des cheveux de la personne devant toi et finalement ta vanne sur le joint sort toute seule. Le résultat est mitigé et même pas besoin de demander pourquoi et franchement c’était idiot de ta part de la tenter. Parfois t’as tendance à oublier à quel point le sujet est sensible pour elle, à quel point ça l’a marquée d’avoir eu à te ramasser encore et encore, jusqu’à la fois de trop. Si elle ne le dit pas directement, elle te le fait comprendre à sa façon, en élaborant sur pourquoi c’est une mauvaise idée de toute façon. Mais ok, message reçu, c’était inconsidéré de ta part et tu le feras plus. Ta main vient se poser sur sa cuisse, ta façon de trouver un peu de réassurance tout en t’excusant silencieusement de ta maladresse sur laquelle tu préfères plaisanter. « Des crises de panique, moi ? » Quelle idée. « C’est pas mon genre. » Non, toi t’es la zénitude incarnée, jamais stressée, jamais angoissée par l’inconnu ou par tes erreurs de parcours. A la place tu demandes ce qu’elle a prévu, t’acquiesces avec vigueur pour dire que oui t’es sûre, au diable la surprise, tu l’es d’autant plus lorsque tu vois le personnel de bord commencer à passer vérifier que les porte-bagages soient bien fermés avant de donner leurs instructions de vol, pic de panique et tu reportes ton entière attention sur ta presque femme. Ok l’hôtel c’est bien, le spa aussi, par contre t’as du mal à visualiser comment tu rejoins ta chambre en gondole, ça fait pompeux pour pas grand chose mais l’idée t’amuse alors tu décrètes que c’est vrai. « Heu… » Houla, vaste question ça, qu’est-ce que ça t’inspires Vegas ? « Je sais pas trop, les gangsters ? Ou le film avec l’enterrement de vie de garçon et le tigre là. » Y avait pas un bébé aussi dans l’histoire ? Et ni l’un ni l’autre n’est une option d’activité envisageable alors tu continues, « les clubs de strip, » pas mieux, c’est plus pour dire de la taquiner qu’autre chose mais ça reste préférable que de parler de toute la démesure et la luxure que peut évoquer la ville, t’es pas certaine d’avoir envie qu’elle passe son séjour à te surveiller en s’imaginant que t’y vas pour te lâcher et oublier toute forme de retenue. « A toi, aussi. » Bon, peut-être pas la meilleure transition qui soit juste après les strippers, « parce que j’me suis jamais imaginée aller à Vegas sans toi, » tu précises en soufflant face à ta propre niaiserie. C’était cette vanne entre vous qui paraissait si loin du possible et de la réalité, c’était ta manière à toi de lui dire que tu tenais à elle sans trop savoir comment le formuler autrement, c’était un souhait silencieux et mal assumé de meuf qui voulait pas admettre qu’elle était amoureuse de sa meilleure pote, et puis c’est devenu tout autre chose quand tu l’as demandée en mariage. Même à ce moment-là, c’était encore abstrait. Et vous y voilà, un an et demi après, à deux doigts de concrétiser tout ça. « Mais sinon le truc du canyon dont tu parlais tout à l’heure là ça me bottait bien. » Pas dès l’arrivée, forcément, surtout qu’à tout moment c’est un voyage en bus avec un groupe de retraités mais ça t’ira du moment où t’es avec elle. « Et en arrivant, j’pense que l’hôtel c’est bien, je sais pas si je vais réussir à beaucoup dormir. » C’est probablement faux, t’es capable de dormir n’importe où et n’importe comment pendant de courtes périodes, le scénario le plus probable c’est même que tu t’écroules contre elle une fois que t’auras réussi à te détendre un peu. Tu te fais violence pour que ta jambe agitée reste un peu statique, plus facile à dire qu’à faire et dans cinq minutes t’es sûre que ça repart de plus belle, peu importe combien d'efforts tu vas y mettre. Lorsque l’avion se positionne sur la piste et que le commandant de bord fait sa dernière annonce avant le départ, tu récupères sa main pour la serrer dans la tienne, pas courageuse pour un sou. « Enfin sauf si tu veux aller voir des strippers tout de suite, » sourire à la con, tu viens embrasser son épaule avant d’y caler ta tête.
L’avion décolle et si t’aimes pas particulièrement la sensation, finalement c’est bien moins pire que ce à quoi tu t’attendais. « Faudra qu’on pense à facetime ton père à un moment. Ou Nat. » Ou les deux. Ils aimeront sûrement savoir que ça y est, elle est mariée ou alors sur le point de l’être.

mom, i'm gonna marry that girl
@Spencer Blackwell & Mac Sutherland   

Bon, soit, ok : j’appuie sur le bouton play sous Flight Plan en sachant d’avance que le film sera coupé dès lors qu’on amorcera le décollage, et en comprenant distraitement que te montrer l’histoire d’une gamine enlevée dans un avion n’est peut-être pas le plan optimal pour t’alléger de tes craintes de ce qui se passe dans ces gros engins. Pour ma défense, je ne sais pas comment on aide une personne qui a peur avant un décollage : je sais que c’est une peur super répandue et jamais aidée par la thérapie d’exposition, et surtout que c’est une technologie trop récente à l’échelle de l’humanité pour que mon débuking niveau sixième rivalise avec des peurs ancrées qu’on n’est pas faits pour voler. Si j’ai évité religieusement les sciences et que j’ai fini dans la comm, c’est pas pour tenter d’expliquer de la physique que je comprends à peine. Tu me parles d’un joint pour te détendre et je fais immédiatement les gros yeux, parce que ma propension à ne pas comprendre l’humour court toujours un poil plus vite que ta tendance à en faire, et tu enchaînes pour me dire que tu paniques pas du tout, toi, jamais, et il me faut encore une bonne minute bien complète avant de comprendre que tu plaisantais encore, et j’ai déjà lâché un pfft un peu incrédule.
Les choses s’accélèrent, les démonstrations de gestes à adopter en cas d’urgence commencent alors qu’on se dirige vers la piste de décollage et je fais mon mieux pour avoir l’air d’une élève modèle qui écoute les hôtesses et qui acquiesce aux instructions tout en te racontant le plan échafaudé pour nos quelques jours à Vegas : pour l’arrivée, pas grand-chose, parce qu’on aura suffisamment à faire en ville et que je n’ai aucune idée de l’état dans lequel on atterrira. Pour le reste, ça me semble plus productif de te renvoyer la question : déjà pour voir si je fais fausse route avec mes idées, surtout parce que je vois ton genou sautiller, le voisin de gauche que ça agace et que le moteur commence à vrombir. « Heu… Je sais pas trop, les gangsters ? Ou le film avec l’enterrement de vie de garçon et le tigre là. » Faussement sérieuse, je réponds d’une moue convaincue. Un rire m’échappe quand tu parles de strippers, puis de moi, puis du fait que tu t’imaginais pas y aller avec qui que ce soit d’autre et je me rends compte que, oui, dans l’arborescence des choses, je n’aurais jamais envisagé de faire ça avec quelqu’un qui ne serait pas toi, non plus, et malgré ton départ, malgré Margot, malgré tout ce qui nous éloignait, les chances que ça se passe autrement étaient restées foutrement faibles. C’était toi ou rien. « Arrête, je serais une excellente stripper », je fais quand même mine de protester, tout à fait sérieuse malgré tout. « L’hôtel, ce sera très bien. Au moins, j’aurai une chance de pas me faire embaucher là-bas tout de suite. » Je m’imagine vivre à Vegas comme strippeuse et je grimace malgré moi. « Mais fais-moi signe si t’arrives vraiment pas à dormir, je connais des méthodes efficaces pour te fatiguer. » J’ai pas du suffisamment baisser le volume de ma voix, parce que notre voisin soupire et je me pince les lèvres en te regardant d’un air un peu con et très satisfait.
L’avion prend en vitesse avant de quitter le sol et je m’empêche de regarder par le hublot pour me concentrer sur toi, ta main qui écrase la mienne, ta tête qui se décolle de mon épaule pour être droite quand on monte de palier en altitude. « Tu peux lever un peu les pieds, ça aide vachement avec l’impression que ton ventre se crashe au fond de ton corps. » Un truc donné par P apa quand l’avion me rendait malade, plus petite. On arrive à une certaine stabilité en moins de dix minutes et là, les paliers sont moins violents : tu te détends, à peine, et moi je continue à serrer ta main contre moi, soudainement aussi stressée par ta suggestion : « Faudra qu’on pense à facetime ton père à un moment. Ou Nat. » Mon estomac tombe un peu plus bas, là aussi, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la gravité : « Euh, ouhlà ! Ouais, grave. » J’espère ne pas avoir trop l’air nerveuse ou coupable. Est-ce que j’ai l’air nerveuse ou coupable ? L’hôtesse que je fixe alors qu’elle évolue dans le couloir dirait surement que oui. « Puis Gwen, aussi. Et Olive. » J’essaie sans trop de succès de noyer la culpabilité qui commence à serrer mon ventre en la faisant passer pour de l’excitation. J’ai toujours imaginé être entourée de mes proches – mon père qui me tient la main et qui m’amène, et Nat avec lui parce que ma mère n’est plus là pour le faire, Olive qui est demoiselle d’honneur et me fout la honte avec des vieilles vidéos ou photos ou messages obscurs et oubliés, Gwen en témoin qui garde tout risque à distance et me soutient tout du long. Ma famille, qui nous célèbre avec effusion et fierté, ravie de ce que je suis devenue, de la personne que j’ai à mes côtés ; qui arrive à mettre ses aprioris, jugements et querelles de côté parce que le mariage ne sera pas parfaitement traditionnel, qui ne me reproche pas de ramener une shiksa qui a fini en désintox au lieu d’une partenaire connue de tous, bien sous tous rapports avec un père plutôt éminent. Venir à Vegas avec toi, c’est moins une trahison que te choisir toi – nous choisir nous – plutôt que me plier à leurs demandes. Peut-être qu’un jour, je l’intégrerai pleinement et ça ne générera plus aucun regret ni plus aucune honte. « J’en ai pas encore trop parlé, en fait. » On n’a pas parlé de qui on avait prévenu ou non, ce qui aurait été rapide, de mon côté : personne n’est au courant. « Ça va provoquer 2-3 crises cardiaques et au moins le double de dommages collatéraux, donc j’attendrai peut-être d’être rentrée pour…annoncer la nouvelle, quoi. » A mon tour de prendre des gants, parce que j’ai peur que tu prennes ça pour de la honte, des regrets, une façon de compromettre avec toi sans être réellement heureuse de ma décision. « Hé, à un moment, j’avais googlé les endroits où tu peux te marier aussi vite qu’à Vegas, pour voir si ce serait moins loin, et y avait genre le Gibraltar, Chypre, Reykjavik… Et tu peux aussi te marier en ligne, tu savais ? Ikea propose ça. » Façon de signifier, peut-être, que j’aurais pris n’importe quoi si ça signifiait être avec toi pour de vrai, pour de bon. « On aurait pu être femmes Ikea. Peut-être que t’as des boulettes sauce airelles gratuites à vie, après ça. » C’est trop léger pour s’il te plaît, ne m’en veux pas, ne pense pas que c’est contre toi, je suis juste un peu lâche, alors je conclus : « T’as prévenu des gens, toi ? Genre, Raelyn ? »

mom, i'm gonna marry that girl
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland    

Vegas c’est plein de choses à la fois, une ville fantasmée vue uniquement à travers des films où il se passe toujours trop de trucs pour vraiment suivre, une vaste blague qui a duré des années à base de “hihi, un jour on se mariera là-bas parce que c’est ce que font toutes les besties du monde”, et puis un rêve un peu inatteignable vite fait remplacé par la pâle copie d’une Elvis chapel dans un quartier craignos de par chez vous. « Arrête, je serais une excellente stripper, » « oh j’en doute pas. » Inutile d’essayer de nier, tu serais la première à payer pour voir ça. Mais juste toi. Autant dire qu’une seule cliente un peu fauchée, c’est pas avec ça qu’elle ira loin. « C’est peut-être une nouvelle vie qui s’offre à nous, toi dans un club, moi dans un casino… » Plan un peu foireux mais peu importe tant que vous êtes ensemble. « Et dans un an ou deux on ouvre notre propre établissement. » Comme si Vegas avait encore de la place pour ça. Les oreilles qui chauffent vitesse grand V face à l’indécence de la proposition (pas que tu t’en plaignes), un bref regard inquiet au voisin qui soupire d’avoir entendu pareille suggestion (oups), et malgré le regard faussement outré adressé à ta fiancée, tu ne peux t’empêcher de ricaner bêtement. Et puis ça a au moins l’avantage de te faire oublier cinq secondes la terre ferme qui s’éloigne un peu plus à chaque instant. « Ah ouais, comme quand t’essayes d’expliquer les twists des films là, » tu fais mine de rebondir un peu trop tard, sous-entendant au passage que t’écoutes peut-être pas si religieusement que ça lorsqu’elle se prête à l’exercice. Le voisin indiscret a calé son casque sur ses oreilles, visiblement peu enclin à continuer à écouter vos bêtises.
Sans grand succès, tu tentes sa technique de lever les pieds, ça t’embête et ça marche pas suffisamment vite à ton goût alors tu les reposes rapidement en balançant un nouveau sujet sur la table pour faire passer le temps. Sa réaction t’interpelle un peu et tu l’observes avec ton air un peu curieux sans trop savoir à quoi t’attendre. T’acquiesces à la mention de ses potes, l’air de dire “bien sûr qu’on les appellera aussi”, et après un moment, elle crache le morceau. « J’en ai pas encore trop parlé, en fait. » « Comment ça ? » Un peu malgré toi, tu te redresses dans ton siège, prenant bien vite un air trop sérieux. Elle enchaîne, précise que ça sera fait à votre retour et de ton côté, tu ne peux t’empêcher de te poser un milliard de questions. Pourquoi ? Est-ce qu’ils ne vont pas lui en vouloir de rater un moment aussi important ? Quelle image ça va donner de vous auprès de sa famille ? Avant que tu n’aies le temps de remettre de l’ordre dans tes pensées et de formuler quelque chose, elle te renvoie la question. « Heu… Oui ? Enfin vite fait, je suis pas rentrée dans les détails, mais c’est pas- » Dans ton cas, c’est pas tout à fait pareil. C’est littéralement deux personnes que tu dois prévenir et desquelles tu n’es même pas si proche que ça au final. Rien à voir avec son père, ses tantes, ses cousins, ses potes de longues dates et tout ce beau monde qui aurait aimé partager ça avec elle. « ‘fin je leur ai dit qu’on ferait sûrement un truc plus tard. » Nouvelle fausse cérémonie ou simple petite sauterie avec du champagne sans alcool et de la tourtel twist (ew), ça t’importe peu. « Enfin si t’es sûre de toi… J’ai juste pas envie qu’on te reproche d’avoir fait ça derrière leur dos ou quoi. » En tout cas, incroyable comme te focaliser sur d’éventuels problèmes qui n’arriveront sûrement même pas t’aide à ne plus sautiller de la jambe. « Ou que Nat revienne m’attraper par le col. » Elle aboie plus qu’elle ne mord, mais dès que ça concerne Mac, t’es trop facilement impressionnable.

---

C’est étrange, de passer autant de temps ensemble sans vivre complètement en décalées l’une de l’autre ; autant dire que le retour à la réalité et à vos horaires habituels vont être violents. T’endormir et te réveiller en même temps qu’elle, passer la journée à visiter des endroits improbables, à presque vous paumer dans les déserts du Nevada ou à enchaîner les petits déj au lit sans avoir à se soucier du boulot ou de rien d’autre, c’est clairement le genre de rythme auquel tu pourrais te faire. Peut-être qu’il est temps pour toi de songer à une reconversion professionnelle et de trouver un job avec des horaires normaux. Enfin pour l’instant, vous n’êtes plus qu’à une petite heure de la principale raison de votre présence à Vegas. Assise sur le bord du lit en attendant qu’elle termine de se préparer, tu te retrouves partagée entre l’excitation, l’appréhension et la nervosité. Cette fois c’est pour de vrai, c’est tout bientôt et tu pourras officiellement l’appeler “ma femme” sans qu’on ne te reprenne. « Imagine c’est le même Elvis qu’on a eu à Brisbane, » c’est possible qu’il officie dans deux chapelles différentes à des endroits aussi éloignés du globe. Pour la quinzième fois depuis deux minutes, tu vérifies le fond de ta poche et la présence de l’alliance. Ouf, elle n’a toujours pas bougé, tout va bien. « J’crois qu’en fait je suis contente qu’il y ait personne d’autre que nous parce que j’aurai sûrement crié sur des gens. » Ou t’aurais vomi sur leurs chaussures à cause du stress, au choix. « J’y pense mais est-ce que ça porte malheur si on se voit avant la cérémonie ? » Est-ce que ça s’applique pour ce genre de mariage ou pas du tout ? Peut-être que vous êtes supposées vous attendre directement sur place et pas y aller ensemble ? Merde, il a dit quoi le mec, déjà ? Oh non, ça y est tu déblatères des trucs qui ne font plus aucun sens, c'est le point de non retour.

mom, i'm gonna marry that girl
@Spencer Blackwell & Mac Sutherland   

On profite d'une façon qu'on n’a jamais su connaître. Je me suis tellement habituée à nos horaires déconnectés, à nos entrevues rapides que j'ai jamais réalisé à quel point on passait de temps séparées l'une de l'autre, et c'est que mise devant le fait que je réalise qu'on a très peu de temps pour nous, en réalité : tes horaires chaotiques, mon boulot dans lequel j'aime bien me noyer quand je sais que t’es pas à la maison. On trouve du temps, ou alors on le crée : je passe te voir sur le retour, on trouve comment manger ensemble. Mais c’est jamais du temps de qualité où on a rien d'autre à faire que d'être ensemble, le cerveau est toujours en partie ailleurs, distrait, focalisé sur autre chose. Je comprends que ça me manque, quand je me réveille avec toi, qu'on prend un petit-déjeuner à un prix exorbitant en même temps et qu'on discute de tout, de rien, et surtout de choses anodines qu'on n’a jamais le temps d’aborder d'habitude. J'aime bien ce rythme, cette possibilité de se promener ensemble, de choisir notre emploi du temps sans nos contraintes, de décider à la dernière minute de changer nos plans. C'est contraire à tout ce que je suis habituellement : j'aime que ce soit carré à la minute, que ce soit prédéfini, stable, mais le contexte me force à lâcher prise. Alors je me laisse guider, je me force à ne rien prévoir jusqu'à ce que ça vienne tout seul.

Et on en arrive là, à se changer dans l'hôtel avant de prendre la direction de la chapelle, et je m'y reprends à quinze fois pour réussir mon maquillage. Je me cache dans la salle de bains et c’est moins par superstition que par nervosité : j’ai peur de ce que tu vas dire, en me voyant comme ça, de si ça va changer ta perspective, de voir ta meilleure pote de toujours avec une robe blanche trouvée à Brisbane parce que j'ai eu peur 30 fois de ne pas en trouver ici (finalement, les boutiques autour des chapelles en sont remplies). « Imagine c’est le même Elvis qu’on a eu à Brisbane », tu me lances depuis le lit, et je ris derrière la porte poussée en espérant que tu ne sentiras pas mon trac. « On le reconnaîtrait même pas sans la perruque et le maquillage, de toute façon. » Et lui non plus, vu le nombre de couples qu'il doit voir passer par jour. Je te rejoins silencieusement sur le fait qu'on aurait sûrement tapé deux-trois personnes si on avait eu un grand mariage : Gwen s'en serait occupée, j'imagine, mais j'aurais perdu ma meilleure amie à un burnout post-socialisation pendant les trois prochaines années. « J’y pense mais est-ce que ça porte malheur si on se voit avant la cérémonie ? » – « Meh », je lâche, prête à relativiser, « chez nous, normalement c’est pendant une semaine avant le mariage. On est déjà cuites. » C’est une des quelques vieilles traditions qu'on respecte vraiment, dans ma famille – pour ceux qui veulent respecter le mariage traditionnel, c’est un des incontournables, mais j'ai vu des oncles un peu vieux ne pas le faire comme des petites cousines un peu trop jeunes pour se marier le respecter à la lettre. Et en somme, sur les quelques divorces qu'il y a eus dans ma famille, ça n'avait pas beaucoup d’impact, a priori (Priscilla se mariant à vingt-et-un ans en étant sûre de son coup a sûrement été plus annonciateur que le fait de voir son mari ou non).

Je finis par me forcer à revenir dans la chambre, et je m'assois à côté de toi comme pour cacher un peu ma tenue. « Alors ? » je m’enquiers, connement timide. Je prends ta main, la presse, et on part avant d'être franchement en retard. On a décidé pour lotion sans limousine et on prend un Uber jusque là-bas : quinze minutes, à peine, pour que la chapelle soit un peu à l'écart. Il y a une vraie chapelle toute blanche (et très petite) avec une sorte de gazebo à l'extérieur, comme pendant le bal dans Twilight, et je me demande si on va là où à l'intérieur. Il n'y a quasi personne, seulement quelques uns qui évacuent du précédent mariage, et ça suffit pour m’intimider. « Petite sensation de déjà-vu, non ? » Je sens que mon sourire est un peu de travers, que j'ai du mal à rester debout sans bouger. C'est bon, on y est. Il y a quelques minutes qui nous séparent du reste de notre vie, et c’est assez surréaliste pour que j'ai du mal à en mesurer l'ampleur. Je me tourne vers toi, te reprend la main où je suis sûre d'avoir fait quelques traces pas très sympas. « Écoute », je me lance après un instant, un peu prise de vertige devant la chapelle, soudain plus très soucieuse d'être en retard. « Je sais que c’est Vegas, que ça fait pas sérieux, qu'on va passer après quinze couples bourrés qui se connaissent depuis hier », c’est plus que vraisemblable et ça me fait un peu plisser le nez, quand même. « Mais c’est vrai, pour moi. Je m'en fous d'un grand mariage et de plein de monde autour. C’est avec toi et c’est à peu près tout ce que je veux depuis que j'ai, genre, 15 ans. » Ok, treize, en réalité. « Et si on fait ça c'est parce que je veux être dans ta vie et auprès de toi jusqu'au bout. Je t'aime, et j'ai jamais été aussi bien que depuis qu'on est ensemble. » Je me demande jamais ce qu'il aurait pu en être autrement – si t'étais pas revenue, si on s'était jamais croisées, si tu m'avais envoyée chier au collège au lieu de me tolérer. « Enfin, ouais, voilà. Je suis là, quoi. Et je veux faire tout ça, et tout le reste, avec toi. » Je pince mes lèvres, consciente que c’est un peu bête, de le dire à l'extérieur de la chapelle au lieu de tout balancer pendant les vœux, mais il y a quelque chose de plus intime, ici, sur le parking où trois personnes ont dû vomir depuis ce matin, avec aucun Elvis pour nous entendre.

mom, i'm gonna marry that girl
Spencer Blackwell & @Mac Sutherland  

« Une semaine ?! » Bêtement, tu te mets à imaginer ce qui se serait passé si vous aviez appliqué cette tradition un poil contraignante lors de votre voyage. Vous vous seriez retrouvées à faire chambre à part dans des hôtels différents ou à profiter des alentours chacune de votre côté en prenant toutes les précautions pour ne jamais vous croiser et ça te fait autant sourire que ça te rend triste. Lorsqu’elle sort de la salle de bain pour te rejoindre, tu te redresses sur le lit en prenant bien le temps de l’observer, et à ce moment précis, tu te sens comme la meuf la plus chanceuse de la Terre entière. « Oh wow, » c’est vraiment tout ce qui te vient entre deux c’est ma future femme, c’est ma future femme, que tu te répètes en boucle en étant à la fois intimidée, sacrément fière mais surtout au-delà d’heureuse. T’as ton sourire niais et un peu rêveur qui s’agrandit lorsqu’elle te prend la main, ton regard qui accroche le sien et tu viens embrasser le dos de sa main, « t’es parfaite, » que tu lui murmures avant de vous mettre en route. Dans le Uber, tu passes en revue les vœux que t’as essayé de préparer tout en sachant très bien que t’auras tout oublié une fois devant l’autel, comme d’habitude. Ca y est, tu te dis, c’est le moment, le vrai cette fois, celui qui va réellement compter, que vous raconterez à vos proches en rentrant et à quoi ils pourront soit s’étonner que ça soit arrivé si vite, soit s’offusquer de n’avoir été conviés.
« Petite sensation de déjà-vu, non ? » - « Un peu moins glauque que la dernière fois, quand même. » Encore que, t’es pas sûre d’avoir envie de trop traîner dans le coin une fois la nuit tombée, c’est un coup à tomber sur des dealers ou des mecs prêts à vous emmener dans des endroits secrets et un peu craignos. Elle t’interpelle en reprenant ta main, tu rends une légère pression du bout des doigts en l’observant d’un air un peu curieux et tu souffles un rire à son entame, écoutant sans jamais l’interrompre. Entre ses mots et sa façon de te regarder, tu ne sais franchement pas comme tu fais pour ne pas pleurer sous le coup de l’émotion. Pourtant s’il y a bien un jour c’est autorisé, c’est aujourd’hui, c’est pas tous les jours que tu maries ta meilleure amie, pour le meilleur comme pour le pire. « Je- » sais pas quoi répondre, ça commence bien. Après un léger éclaircissement de gorge, tu reprends, « j’ai pas préparé de pré-speech, » et comme prévu, t’as déjà tout oublié du vrai. « Honnêtement on aurait pu faire ça sur internet ou dans une chapelle sataniste, ça change rien non plus pour moi. » Avec ou sans public, n’importe où dans le monde, peu importe en vérité. « Tant que c’est avec toi, tout me va. » C’est bête à dire, mais ça n’en reste pas moins vrai pour autant. Même pas le temps de rajouter que tu l’aimes que la porte de la chapelle s’ouvre un poil brusquement, laissant sortir une dernière personne de la cérémonie précédente, Elvis apparaît dans l’encadrement et ouvre les bras en vous voyant, vous faisant signe de vous approcher. « Vous avez réservé ? » qu’il demande en sortant un gros registre un peu branlant, vous jetant un regard par dessous ses lunettes de soleil. « Heu, oui, Sutherland et Blackwell, » du bout du doigt, il parcourt les feuilles froissées, en replace d’autres qui menacent de s’échapper et il finit par lâcher un « ah ! » en tapotant sur une ligne. « Parfait, pile à l’heure, » alors même que vous avez un peu trainé sur le parking, mais il n’a pas l’air plus pressé que ça. Il sort la feuille imprimée qui doit sûrement constituer l'entièreté de votre dossier, vous demande si vous attendez du monde et que si ce n’est pas le cas, vous allez commencer d’ici cinq minutes, le temps qu’il se rafraîchisse et consulte ses notes avant. Cinq minutes, c’est tout le temps qui vous reste avant de franchir le cap et d’enfin passer cette étape, tu sens ton coeur qui s’accélère d’un coup et tu regardes ta future femme avec ton sourire à la con placardé sur le visage. Love me tender commence à jouer dans les haut-parleurs accrochés aux quatre coins du bâtiment et c’est votre signal, ça y est. Elvis revient avec son micro en main, trop serré dans son costume à paillettes pourtant parfaitement ajusté et de bien meilleure qualité que l’officiant de Brisbane, il fait mine de chanter les paroles (ou alors il interprète réellement ? T’as du mal à dire), et comme la première fois, tu te retrouves partagée entre l’envie de rire face au ridicule du moment et l’envie de pleurer parce que merde, c’est ton mariage quand même. Ton regard passe d’Elvis à ta femme, tes mains croisées devant toi qui ne demandent qu’à attraper les siennes et enfin, la musique se tait. L’autre prend sa meilleure impression de voix du king avec l’accent du Tennessee (à peine) exagéré, et commence son habituel discours. Il enchaîne quelques vannes en rapport avec le King que t’as bien du mal à capter et il vous invite à procéder à l’échange des voeux avant de passer à la suite. « Okay, heu, » léger rire nerveux alors que tu te lances la première cette fois-ci, au diable les notes, tu sais déjà ce que tu veux dire. « J’ai toujours eu du mal à croire en l’amour et toutes ces choses là, pas pour moi en tout cas… jusqu’à ce que tu rentres dans ma vie, j’me voyais vraiment finir mes jours seule. » Légère pause, tu plisses le nez avant de reprendre, « depuis qu’on se connaît, tu m’as fait remettre tellement de choses en question et je crois que je te remercierai jamais assez pour ça, et tout ce que tu fais pour moi. » Tu te retiens d’ajouter que sans elle, tu ne serais plus là aujourd’hui, c’est pas vraiment le moment, mais c’est englobé dedans. « Je t’aime, pour tellement de raisons… Pour ton humour à la con, même si je comprends pas toujours tout, pour ta façon de croire en moi même quand j’y crois pas moi-même, pour ton soutien et ta patience, même s’ils ont souvent été mis à rude épreuve. » Petit sourire désolé pour cette dernière partie, tu prends sa main avant de continuer, « pour ta façon de m’aimer chaque jour, même les morceaux un peu foireux. Tu m’as poussée à devenir la meilleure version de moi-même et j’ai envie de continuer à l’être, pour toi, pour nous. » Pour votre futur commun et tout ce qui va avec. « Toi aussi, t’as toujours été tout ce que je voulais. Bon je m'en suis rendue compte bien après mes quinze ans parce que j’ai eu un peu de mal à me décider, mais… » Ouais, elle aura compris. Un bref sourire amusé s’étire sur tes lèvres alors que ton regard trouve à nouveau le sien, « Je te promets d’être là, toujours, quoi qu’il arrive. Je te promets de jamais prendre pour acquis ce qu’on a construit, de t’aimer avec tout ce que je suis. » Comment t’as réussi à déclamer tout ça sans en gardant ta voix égale et sans verser une larme, c’est un véritable mystère, « je t’aime, Mac. Et je veux plus imaginer ma vie sans toi. » T’as fait l’erreur une fois, plus jamais.