J’en étais bien à mon troisième aller-retour dans l’allée qui menait à cette villa bien trop familière pour moi. Je n’avais pas envie d’y remettre les pieds. Je n’avais pas envie de le revoir. Et je n’avais certainement pas envie d’être automatiquement replongée dans des souvenirs nostalgiques qui étaient déjà en train de me rattraper avant même d’avoir passé le pas de la porte. Il y avait mille raisons qui me poussaient à faire demi-tour et pourtant une seule qui m’avait permis de trouver la force de monter les marches menant jusqu’à la porte : l’espoir d’en finir une bonne fois pour toute avec cette histoire. J’avais répondu avec ma bienveillance et ma gentillesse légendaire (faux) aux SMS de Chris, et pourtant cela n’avait pas suffi à le faire lui-même reculer quant à son idée de nous revoir. Je pouvais difficilement me montrer moins accueillante et il avait quand même tenu à poursuivre les échanges. Et je me retrouvais maintenant bêtement debout face à sa porte, à ne pas sonner, à réfléchir une dernière fois s’il n’était pas encore temps de faire demi-tour et d’ignorer définitivement cette situation. Son premier SMS m’avait surprise ; je ne pensais pas entendre encore un jour parler de lui. Le croiser par hasard et l’ignorer, oui. Mais que l’un de nous deux rentre en contact avec l’autre ? Certainement pas. On avait beau avoir compté énormément l’un pour l’autre à une époque, cette dernière était maintenant bien révolue et s’était terminée en esclandre suffisamment tonitruant et humiliant pour que l’on choisisse de s’éviter jusqu’à la fin des temps. Enfin c’était mon plan en tout cas, mais pas le sien vraisemblablement. J’avais mis du temps à répondre à ce premier message. Et aux suivants. J’avais beau me vanter de pouvoir couper les ponts et passer à autre chose, les faits étaient là : son numéro était toujours enregistré dans mon téléphone et je m’étais figée en lisant son nom sur mon écran. Les sentiments qu’il m’inspirait aujourd’hui n’étaient clairement plus les mêmes qu’auparavant, mais je le détestais pourtant toujours de provoquer en moi des émotions contraires et pour la plupart négatives qui me rendaient parfaitement incapable de réagir simplement et rapidement. L’indifférence était la meilleure des vengeances et malheureusement Chris m’inspirait beaucoup de choses, mais ses messages étaient la preuve que l’indifférence n’en faisait pas partie.
Je pris enfin mon courage à deux mains pour sonner, appuyée dans mon élan par de grands soupirs d’exaspération. Mes yeux tournés vers mes pieds, comme pour les empêcher de faire demi-tour, vinrent se poser immédiatement dans les siens quand il ouvrit la porte, me renvoyant brutalement en pleine figure des dizaines de souvenirs aussi heureux que tristes et frustrants. Tout ce que je voulais éviter. Je repasserai plus tard pour tenter de rester stoïque face à lui visiblement. Il me fallut quelques longues secondes pour reprendre contenance avant de lever mon bras droit dans sa direction « J’ai ramené ça. » Je lui fourrais dans un même élan une bouteille de vin dans les bras, m’avançant pour passer devant lui et entrer dans la maison. « Je vais chercher des verres, on en aura besoin. » Et je me dirigeais vers la cuisine pour accompagner mes paroles. Je connaissais cette maison par cœur, il n’avait pas besoin de me montrer le chemin. Peut-être aurais-je pu attendre qu’il m’invite à y entrer mais c’était risqué de me voir hésiter une nouvelle fois à rebrousser chemin. C’était d’ailleurs une option que je n’excluais toujours pas si jamais l’alcool n’aidait pas à régler une bonne fois pour toute cette foutue situation bien trop floue.

Ce soir-là, Chris avait prévu une soirée détente après une dure journée à avoir travaillé sur un dossier. Il était exténué et avait allumé un feu de cheminée pour s'installer bien confortablement dans le fauteuil de son salon pour se relaxer. Malheureusement, cela ne faisait même pas cinq minutes qu'il était installé qu'il entendit la sonnette retentir signalant la présence d'un visiteur. Il checka alors rapidement s'il avait oublié quelque chose mais non. De plus, ils n'avaient pas prévu de ce voir ce soir avec Hadley, à moins qu'elle ait finalement décidé de lui faire une surprise, ce qui n'était pas à exclure. Du coup, il se leva plutôt d'humeur guillerette avant de rendre devant la porte et de découvrir l'identité de son visiteur ou plutôt de sa visiteuse. C'était bien une blonde qui se trouvait sur le pas de sa porte mais ce n'était pas celle à laquelle il s'attendait... Lorsqu'il croisa le regard de Cecilia, il fut comme transpercé par une multitude d'émotions qui l'envahirent et le laissèrent complétement inerte et incapable de prononcer le moindre son. Depuis qu'il était revenu sur Brisbane, il avait tout d'abord essayé de la retrouver, avant d'être incapable de l'approcher sur son lieu de travail. Et lorsqu'il l'avait finalement contacté par SMS afin de lui dire qu'il aimerait la revoir. Il avait davantage eu l'impression qu'elle avait accepté pour qu'il la laisse tranquille. Les jours et semaines ayant défilaient ensuite, il était convaincu qu'elle était désormais une page de son passé. Passé qu'il commençait à oublier depuis qu'il avait commencé une histoire, certes secrète, mais histoire tout de même avec Hadley. Et paf, c'était exactement à ce moment-là qu'elle avait choisit de pointer le bout de son nez. Elle avait toujours eu la manière de faire son entrée au moment le plus importun et elle ne dérogeait toujours pas à la règle aujourd'hui. "J'ai ramené ça." lui dit-elle finalement en lui tendant une bouteille de vin qu'il n'avait pas d'autre choix que d'accepter, avant qu'elle ne passe devant lui pour entrer dans la maison. "Ok..." fut le seul mot qu'il réussit à sortir, encore sous le choc de cette visite surprise. "Je vais chercher des verres, on en aura besoin." voyant la jeune femme s'engouffrer chez lui et prendre la direction du salon et de la cuisine, il avait comme l'impression d'avoir raté un épisode, obligé de subir les événements. Il referma alors la porte d'entrée avant de prendre lui aussi la direction de la pièce de vie. Pour la soirée détente à se relaxer, il pouvait la rayer de son programme de la soirée car effectivement ils allaient avoir besoin de plus d'un verre pour survivre à cette soirée, synonyme de retrouvailles plus de quinze ans après leur dernier face-à-face qui avait été houleux.

Lorsqu'il revient dans la même pièce que Cecilia, il regarda la jeune femme se diriger vers la cuisine comme si de rien n'était. Il se revit alors à l'âge de dix-huit ans en sa compagnie, en ces mêmes lieux, filant un amour complice et fusionnel, avant que tout ne dérape, avant même que ses parents ne disparaissent de cette terre... mais il secoua rapidement la tête pour ne pas penser à cela car ça n'arrangerait certainement pas son état. Depuis sa dernière visite, toute la décoration de la pièce avait été refaite afin d'y inclure plusieurs tableaux de sa mère et avoir un look plus épuré et moderne qu'à l'époque. Mélangeant le blanc, le noir et le jaune pour apporter un peu de couleur. Le salon et la salle à manger étaient toujours réunis dans une pièce aussi vaste. Enfin, la cuisine avait été refaite afin de la moderniser également mais Cecilia n'eut pas de mal pour autant à trouver deux verres de vin. Chris l'avait regardé faire sans rien dire, cherchant de son côté un tire-bouchon pour ouvrir la bouteille de vin qu'elle lui avait apporté. Puis, une fois qu'elle était revenue avec les deux verres au niveau du bar séparant la cuisine du reste de la pièce, il remplit très généreusement ceux-ci avant de reposer la bouteille à côté d'eux avant qu'il ne relève enfin les yeux vers elle. C'est fou comme il était encore troublé de recroiser ses beaux yeux marrons, il se sentait vulnérable face à elle, perdu qu'elle puisse encore l'atteindre après toutes ces années passées loin l'un de l'autre... "Je te mentirais si je te disais que je ne suis pas surpris de te voir ce soir..." Il prit le verre de vin dans sa main "... mais j'apprécie que tu aies fait l'effort de venir" Il leva son verre légèrement comme un signe de remerciement. Il se doutait bien que Cecilia avait dû se poser pleins de questions avant de finalement se décider de venir le voir chez lui, voir même elle avait dû hésiter à faire demi-tour devant cette maison qui devait également lui rappeler des souvenirs. Mais elle l'avait fait... et pour ça il lui reconnaissait l'effort accompli pour cette démarche. Il fit alors tourner le vin dans son verre avant de le porter à ses lèvres pour en boire plusieurs gorgées de suite. Comme pour se donner du courage à affronter ce qui allait arriver...

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