John lui fait chier, franchement, il n’a pas vraiment d’autres mots, son beau-frère lui sort par les yeux. Non-content de débarquer chez lui sans s'annoncer, de forcer le passage pour rentrer, il se permet aussi de faire des commentaires sur son couple. Il ne l’aime pas, c’est réciproque, mais apparemment, se comporter comme un humain civilisé n’est pas dans son code génétique, et s’il l’a longtemps supporté, Oscar commence à s’en agacer sérieusement. Alors quand sa femme était arrivée pour prendre le relais, il avait senti le besoin urgent d’aller se dépenser et chaussé ses chaussures de courses en embarquant son chien direction le parc. Les premiers pas lui avaient déjà fait du bien, mais l’agacement était toujours présent, plus encore en réalisant qu’il avait fait fuiter une information capitale auprès de son beau-frère. Et il n’en doutait pas, ce dernier allait trouver un moyen pour l’amener subtilement dans la conversation avec sa sœur. Reparler à une femme qu’Elisa lui avait demandé de rayer de sa vie n’était pas une bonne idée. Encore plus quand leur mariage était déjà au plus mal. Et Oscar s’inquiétant de la répercussion de cette information sur leur union déjà à l’agonie. 
 
Arrivé en lisière de bois, il avait finalement stoppé sa course pour donner un coup de poing un peu trop rageur dans un tronc. La violence n’était pourtant pas son genre, mais il semblait que son beau-frère avait le don pour déteindre sur lui. « Putain… » Soufflant fort, il s’était retourné prêt à continuer sa course, pour faire face à une silhouette qui ne lui était pas inconnue. « Oh… hello James. » Surpris et un peu déboussolé de s’être fait prendre dans un moment aussi puéril, il regardait le bout de ses chaussures. « Hem… Fait pas attention à ça… Mauvaise journée. » Et encore, si ce n’était que cette journée. « Comment tu vas, toi ? » Tentative de détournement à peine masquée. Oscar avait laissé le temps à son chien, Charly de saluer le nouvel arrivant. « On court un peu ensemble ? » Quitte à être là les deux, ce n’était pas inhabituel pour eux de partager des moments de course, mais en général, James n’assistait pas à une scène aussi pathétique juste avant, ce qui permettait à Oscar de garder une certaine assurance. Loupé pour le coup. 

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Mathis est chez Savannah cette semaine, ce qui veut dire que James a du temps libre pour lui. Ou plutôt du temps à tuer pour essayer de se changer les idées et éviter d’être sur le dos de son ex-fiancée. Pour lui, son comportement est tout à fait normal et nécessaire pour pallier l’incompétence maternelle de Savannah, la vérité c’est qu’il n’essaie même pas de voir les efforts qu’elle peut faire ou ses progrès. James profite de chaque faille ou manquement, même très léger pour l’accabler davantage sans voir ce qu’elle peut faire de bien. Ainsi, au lieu de laisser la semaine se dérouler tranquillement jusqu’au dimanche soir, moment où son fils revient chez lui, il envoie des messages à Savannah quotidiennement en prenant constamment le parti qu’elle n’a pas pensé à faire telle ou telle chose pour leur fils. En plus de ronger son frein sans succès envers Savannah, et de la charge mentale colossale qu’il s’inflige, James n’a pas un sommeil tranquille. Une solution est donc évidente pour tenter de lui changer les idées, au moins une heure ou deux : le sport. Les semaines où Mathis n’est pas là, le professeur de sport sort courir plus régulièrement et ses circuits de course sont assez restreints. Tout est routinisé, un moyen de lutter contre l’anxiété sans qu’il le fasse consciemment.

Ses chaussures de courses aux pieds et sa montre connectée au poignet, il court depuis quelques minutes seulement quand il entend un bruit sourd non loin devant lui. Il marque un temps d’arrêt par sécurité avant de réaliser que le bruit ressemble à quelqu’un frappant quelque chose. Il s’avance prudemment, son cœur battant fort dans sa poitrine ne sachant pas quelle mauvaise rencontre il est susceptible de faire. « Putain… » Il fronce les sourcils en croyant reconnaître la voix qui venait de s’élever : est-ce bien Oscar ? Il s’approche à une allure un peu plus rapide alors que celui qu’il avait reconnu se retourne. « Oh… hello James. » Il lève un sourcil interrogateur, mais qu’est-ce qui a bien pu le mettre en rogne comme ça ? “Hey, ça va ?” La question est sûrement bête : pour qu’il se mette dans de tels états, il doit forcément se passer quelque chose. « Hem… Fait pas attention à ça… Mauvaise journée. » James l’a deviné à l’instant où il a frappé cet arbre qui n’avait rien demandé. “Je vois ça.” James profite de cette pause pour reprendre son souffle alors que la discussion s’engage entre les deux compagnons de course. « Comment tu vas, toi ? » Il hausse les épaules, ne sachant pas vraiment comment répondre à sa question : rien ne se passe officiellement mal mais quand son fils n’est pas à ses côtés, James ne passe pas une bonne journée. “Mathis est chez sa mère.” Une réponse simple mais efficace pour traduire l’état dans lequel le papa poule se trouve. Oscar connaît bien la situation de co-parentalité difficile qui lie James et Savannah et les divers rebondissements judiciaires qui ont entouré la garde de Mathis. « On court un peu ensemble ? » Il hoche la tête, heureux d’avoir trouvé par hasard sur son circuit un de ses partenaires de course habituels. “Bien sûr, avec plaisir.”

Ils ont couru pendant plusieurs dizaines de minutes sans s’arrêter et sans parler avant d’arriver près d’un banc où James propose qu’ils s’arrêtent pour s’étirer et parler un petit peu maintenant qu’Oscar est -probablement- redescendu en pression. James commence à s’étirer les cuisses en même temps que son coéquipier tout en le questionnant. “Encore un problème avec tes collègues ? Ou avec ta belle-mère ?” Il n’y a pas de curiosité mal placée, James est simplement curieux de savoir ce qui a bien pu le mettre dans un état de colère aussi intense. Il ne l’avait jamais vu dans cet état et si Oscar avait envie de vider son sac comme lui-même avait pu le faire dans le passé, le professeur de sport était là. “Si t’as envie d’en parler bien sûr.”

Il est un peu honteux, le regard peinant à soutenir celui de James, le poing en feu après ce coup inattendu donné dans l’arbre. Heureusement, James est un bon compagnon pour épancher sa colère. Si leur course les a rapprochés, ils ne partagent rien de leur vie. Là où James a entendu parler de sa femme et de sa famille, comme Oscar de Mathis et de Savannah, tous les deux n’ont jamais été projetés dans la vie l’un de l’autre. Une notion qui lui permet d’accepter plus facilement le débordement d’émotion auquel il vient d’assister. « Je vois ça. » S’il avait pu l’espace d’un instant espérer que son comparse soit arrivé après son accès de rage, il n’en était rien apparemment. « Mathis est chez sa mère. » Comme simple réponse, il lui adresse un « Mhhh. ». Compréhensif, non sans savoir que la relation est plutôt tendue entre les deux ex, même s’il n’a pas tous les tenants et aboutissants de la situation. « Ça se passe bien quand il est là-bas ? » Il ne peut qu’imaginer que c’était le plus important, ce que son fils peut ressentir et vivre au côté de sa mère, même si le déchirement entre eux est difficile pour le père.

Puisqu’ils étaient là, autant faire un bout de chemin ensemble ; le pas de course est assez lent pour qu’ils puissent même entretenir une conversation, les deux hommes habitués à fouler le sol à pas rapides. « Encore un problème avec tes collègues ? Ou avec ta belle-mère ? Si t’as envie d’en parler, bien sûr. »Un léger rire sort des lèvres d’Oscar à cette idée. « Pas loin, mais j’ai le privilège de ne pas avoir de belle-mère… Du coup, c’est le beau-frère qui prend le relais. » Et il n’est pas tombé sur le plus simple à gérer : John ayant tout ce qui pouvait l’agacer, en plus de se croire tout permis sous prétexte d’être le frère d’Elisa. « Il a une capacité assez incroyable à me mettre hors de moi. » Bien plus que sa propre famille, même s’il ne peut pas prétendre que la relation avec son frère soit au beau fixe. « Enfin la famille… Tu sais ce que c’est… » Il lui semblait que, dans son souvenir, James est lui aussi issu d’une famille nombreuse, et ne doute pas qu’il a probablement son lot de problèmes aussi. 

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