can you hear me in the darkness ?

@Jayden Holmes • novembre 2024, domicile de Jayden

Installée sur la banquette arrière du taxi, Maeve presse ses genoux l’un contre l’autre en prenant une fine inspiration nasale, qui redresse son buste en même temps qu’elle détend ses épaules pour relâcher un peu de la nervosité qui gagne ses membres au fur et à mesure qu’ils approchent du domicile de l’acteur. C’est bien la première fois qu’elle s’adonne à pareille démarche, Maeve. D’ordinaire, jamais elle n’aurait concédé à retrouver un client en-dehors de sa zone de confort, autre que dans un lieu qu’elle connait et dans lequel elle se sent en parfaite sécurité mais, Jayden Holmes n’a pas été de ceux qu’elle a rencontré pour les oublier sitôt qu’ils ont passé le pas de la porte. Il l’a touchée d’une façon toute particulière, par sa pudeur artistique, par sa sensibilité de coeur et d’âme, par cette fragilité cristallisée, dissimulée sous le silence qui permet de conserver la force accumulée, derrière toutes ces choses qu’ils taisent, tous deux, par habitude, pour ne pas déranger, pour ne pas raviver, pour ne pas exposer les fracas de la douleur. Ils sont des enfants qui ont dû grandir trop vite, qui ont été confronté à la douleur trop tôt, et qui sont désormais incapable d’affronter clairement les démons qu’ils traînent. L’art, c’est une façon de les repousser, de les tenir à distance, de se préserver. Aujourd’hui, ils vont combattre leurs démons ensemble.

’’Je vous remercie.’’ dit-elle poliment au taxi immobilisé devant la villa, après avoir réglé la somme due pour le transport. ‘’Vous avez besoin d’aide ?’’ qu’il demande depuis le siège conducteur, le buste tourné vers l’arrière afin de l’observer récupérer deux grands sacs noirs, dans lesquels on peut apercevoir des petites toiles vierges encore plastifiées. ’’Ça va aller, merci.’’ s’extirpant du véhicule avec un sac dans chaque main, sans compter celui qu’elle porte en bandoulière, Maeve se décide à porter les deux dans une paume pour pouvoir se servir de sa canne blanche afin de se repérer dans l’allée, même si le poids de son package l’oblige à avoir une épaule plus haute que l’autre. Tant bien que mal, donc, elle parvient devant l’entrée de la villa et, laissant tomber l’un de ses sacs sur le sol — écrasant son pied au passage, elle grimace en serrant ses dents l’une contre l’autre. ’’Aïe…’’ dégageant son pied, qui était coincé sous le plus lourd des deux sacs, la brune soupire avant de se recoiffer, se lamentant intérieurement sur le fait que le périple a été court mais périlleux. Néanmoins contente d’être arrivée à bonne destination, elle ne cherche même pas la moindre sonnette sur l’encadrement de la porte mais vient plutôt toquer à plusieurs reprises contre le bois de cette dernière, en préparant son plus beau sourire pour accueillir Jayden. Enfin, plutôt pour être accueillie par Jayden.

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@Maeve Mayers   • novembre 2024, domicile de Jayden

La porte s’ouvrit avec brusquerie, claquant légèrement contre le mur dans un mouvement abrupt qui fit trembler les cadres accrochés au mur du couloir. Une voix masculine, grave et empreinte d’une impatience palpable, résonna dans l’entrée. “Oui ? C’est pour quoi ?” Dans l’encadrement de la porte, Troy Holmes se tenait droit, les sourcils froncés, le regard perçant et méfiant. Mais alors qu’il détaillait la silhouette de la jeune femme, notant son sourire chaleureux, sa tenue soignée et les sacs encombrants qu’elle tenait avec précaution, son expression se détendit légèrement. Il resta un instant silencieux, réalisant son erreur, et recula d’un pas, visiblement embarrassé. “Pardon”, balbutia-t-il en baissant le ton, sa voix désormais plus posée. “J’ai cru que vous étiez… la folle qui vient parfois frapper à la porte de mon petit frère. Elle est venue cinq fois aujourd’hui.” Il fronça les sourcils, une ombre de préoccupation traversant son visage. Avec sa fille en visite chez son frère, Troy n’aimait pas cette situation étrange, même si rien de grave ne s’était encore produit. Cherchant à se rattraper, il offrit un sourire contrit à la jeune femme, et sa voix prit une intonation plus douce, presque amicale. “Je vais vous aider avec vos paquets. Mon frère arrive, il est à l’étage.” D’un geste naturel, Troy lui ouvrit le passage et prit certains des sacs encombrants, remarquant son handicap sans un mot, ses gestes demeurant fluides et discrets. Il déposa les sacs sur une petite table dans l’entrée, où une plante verte projetait une ombre douce sous la lumière tamisée. À peine eut-il terminé qu’un éclat de voix joyeux résonna depuis le fond du couloir “ Papaaaaa d’amour ! Z’t’aime !” Sa fille, une petite boule d’énergie aux cheveux indisciplinés et aux yeux pétillants, arriva en courant et sauta dans les bras de son père, se suspendant joyeusement à son cou. Elle plongea son regard plein de malice dans celui de Troy et demanda sans préambule. “Ze peux avoir un poney ?” Troy soupira, un sourire amusé effleurant ses lèvres. Il ne prit même pas la peine de répondre, habitué à ces demandes fantasques. “Dis plutôt bonjour, Joe.” La petite tourna la tête vers la jeune femme, et un large sourire illumina son visage. Elle leva les bras avec excitation. “Ho ! C’est la madame de la peinture !” s’exclama-t-elle avec une sincérité touchante. “Elle est cro belle, hein ? Dit, madame, tu as un poney, toi ?” Son regard innocent et brillant de curiosité était posé sur Maeve, comme si la réponse à cette question était le secret le plus important de la journée.

Attiré par le bruit à l'entrée, Jayden arriva enfin, l'air encore un peu agacé et essuyant des traces de mousse sur son t-shirt. Il venait de tenter de nettoyer sa salle de bain, mise sens dessus dessous après que Joe avait voulu "faire des expériences" dans sa baignoire, transformant la pièce en véritable laboratoire de savon et de bulles. “À qui est-ce que vous… ?” commença-t-il en arrivant dans le couloir. Il s'interrompit en découvrant Joe, Troy, et la jeune femme rassemblés dans l'entrée. Un large sourire détendit immédiatement ses traits en reconnaissant son invitée. “Bonjour !” s'exclama-t-il avec un sourire chaleureux. “Je n’avais pas oublié que vous deviez passer… Mais presque.” Troy consulta sa montre et annonça qu'il était temps pour lui de partir. Après un au revoir rapide à son frère et un câlin chaleureux de Joe à son oncle, le père et la fille prirent congé, laissant derrière eux un silence presque surprenant après leur départ enjoué.

“Désolé pour cet accueil un peu... mouvementé.” Dit Jayden en souriant, un brin gêné. “Mais laissez-moi vous offrir un café. Ou autre chose, si vous préférez. J’ai plusieurs sortes de thé, des boissons lactées, et même du jus de goyave... ou de banane, enfin je crois”, ajouta-t-il avec un petit rire, passant une main dans ses cheveux comme pour masquer son embarras.

Tout en parlant, il l’invita à le suivre vers le salon, où il l’aida à s’installer confortablement dans un large fauteuil moelleux, face à une table basse ornée de quelques livres et d’une tasse de café abandonné, d’un tee shirt et d’yun coussin.  Jayden n’était pas le roi du ménage. “Vous avez trouvé facilement ? “demanda-t-il en s'asseyant en face d’elle, son regard à la fois attentif et chaleureux. “J’espère que mon frère ne vous a pas trop effrayée. J’ai eu quelques... désagréments avec le voisinage dernièrement”, expliqua-t-il avec un sourire contrit. “Et… disons que je n’aurais peut-être pas dû tout lui raconter. Ce n’est probablement rien, mais Troy prend les choses très à cœur.” Jayden hocha légèrement la tête, comme pour minimiser l’importance de ses mots, tout en lui jetant un regard rassurant.

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@Jayden Holmes • novembre 2024, domicile de Jayden

Lorsqu’elle entend les rouages de la porte qui s’animent, annonçant l’ouverture imminente de celle-ci, Maeve accroche un sourire chaleureux sur ses lèvres, qui n’est point forcé puisqu’elle garde un très bon souvenir de la présence doucereuse de l’acteur,  qu’elle est sincèrement heureuse de revoir. Il était calme, affable et sensible, tous le contraire des hommes qu’elle a côtoyé jusqu’ici ; il est rassurant, et sa fragilité est un écho tout à fait particulier à la sienne, si bien qu’elle est tout à fait décontenancée quand résonne le « Oui ? C’est pour quoi ? » froid et impatient, d’une voix qui n’est pas celle de Jayden — à défaut de pouvoir se souvenir des visages, son cerveau enregistre formidablement bien les sons et les odeurs. Ce n’est pas Jayden. Craintive, elle rentre le menton vers l’intérieur en courbant ses épaules d’un air penaud, incapable de réaliser si l’homme est tout aussi menaçant que le ton dont il vient d’user ’’Excusez-moi, je crois que je me suis trompée de maison…’’ qu’elle balbutie en reculant elle-même d’un pas, mettant instinctivement de l’espace entre son corps et celui de l’homme qui, de toute évidence, n’attendait pas de la visite. Le taxi l’aurait-il déposé devant la mauvaise adresse ? « Pardon » qui la retient de justesse alors qu’elle s’apprêtait à tourner les talons sans s’attarder davantage sur le perron « J’ai cru que vous étiez… la folle qui vient parfois frapper à la porte de mon petit frère. Elle est venue cinq fois aujourd’hui. » sa bouche naturellement nacrée forme un « oh » de surprise pendant qu’elle hausse ses sourcils, étonnée du discours qu’on lui pond mais, compréhensive, elle secoue son menton de haut en bas en lui octroyant un sourire de clémence : ’’C’est moi qui suis désolée pour vous, dans ce cas. J’espère que la police pourra faire quelque chose…’’ parce que malheureusement, les groupies qui frisent le harcèlement ne s’arrête jamais d’elles-mêmes, et il ne faudrait pas que la situation dégénère, n’est-ce pas. « Je vais vous aider avec vos paquets. Mon frère arrive, il est à l’étage. » sous la mention de l’acteur, elle décroche ses lippes l’une de l’autre pour les courber sous un sourire jovial, en le laissant volontiers être les bras musclés qui transportent tout le matériel nécessaire à leurs activités, sans réellement penser qu’il le propose à cause de son handicap… Elle aime croire qu’il aurait été gentleman peu importe les circonstances. “ Papaaaaa d’amour ! Z’t’aime !” elle n’a pas reconnu la voix du frère mais, celle-ci, elle la reconnait sans mal, et la présence de la tornade joyeuse renforce le sourire doucereux qu’elle porte ’’Coucou, Joe…’’ qu’elle commence à dire en orientant son visage de gauche à droite, cherchant à suivre la petite merveille, dont l’odeur du shampoing se répand dans l’atmosphère ’’Je n’ai pas de poney, non, mais je me doutais que tu serais là, alors…’’ pliant élégamment ses genoux, la peintre tend sa main dans l’un des sacs pour en ressortir une petite boite carrée ornée d’un ruban, dans laquelle se trouve tout un tas de babioles pour enfants : des sachets de bonbons, une sucette en chocolat, des carnets de dessins avec des crayons et, bien sûr, une petite peluche personnalisée — pas en forme de poney, elle le regrette, mais un petit chat violet portant un chapeau de sorcières. ’’C’est pour toi…’’ son sourire subit une onde d’hésitation quand ele demande, en fronçant légèrement ses sourcils : ’’…Enfin, si ton père est d’accord…’’ dans le doute, elle garde la boite rose entre ses mains, jusqu’à ce que Troy donne - ou non - son accord.

Entendant des pas dans son dos, elle tourne machinalement son menton sur le côté pour offrir son profil par-dessus son épaule, ses paupières légèrement abaissées pour tendre l’oreille vers la voix qui s’immisce dans la conversation. « À qui est-ce que vous… ? » reconnaissant l’accent si particulier de Jayden, Maeve pivote sur ses pieds pour l’accueillir dans l’entrée, en élargissant les contours de son sourire. « Je n’avais pas oublié que vous deviez passer… Mais presque. » - ’’Oh, je peux revenir une autre fois si je dérange…’’ qu’elle assure sans vexation aucune, désignant la porte d’entrée de son pouce par-dessus son épaule ’’J’ai cru comprendre que vous étiez occupé.’’ avec « la folle » comme l’a désignée Troy, mais elle est sûre que Jayden comprendra l’allusion sans qu’elle ait besoin de la nommer explicitement. « Désolé pour cet accueil un peu... mouvementé. » - ’’Aucun problème.’’ qu’elle laisse filer d’une toute petite voix à travers les mots de Jayden « Mais laissez-moi vous offrir un café. Ou autre chose, si vous préférez. J’ai plusieurs sortes de thé, des boissons lactées, et même du jus de goyave... ou de banane, enfin je crois » il doit vouloir qu’elle reste malgré l’oubli, alors elle se permet de répondre, non sans être toujours prête à remettre leur séance à plus tard : ’’Un thé ce sera parfait, je ne suis pas difficile.’’ est-ce que sa meilleure amie tiendrait le même discours ? Elle en doute, mais personne n’est là pour la contredire alors elle en profite !

Le suivant dans le salon, elle décroche son sac à bandoulière de son épaule en prenant place sur le fauteuil qu’on lui désigne, sans s’offusquer des objets qui encombrent la pièce puisque, de toute façon, elle ne peut pas les voir. Pratique, ouais. « Vous avez trouvé facilement ? » déposant son sac-à-main sur le sol, elle presse ensuite ses cuisses l’une contre l’autre en enroulant ses paumes autour de ses rotules, disant simplement : ’’Je suis venue en taxi… Mais j’ai bien cru m’être trompée d’adresse en arrivant.’’ elle le confie avec un petit rire sans gravité, même si elle reconnaît avoir eu une belle frayeur ; c’est qu’il impressionne, Troy, et qu’elle n’aimerait pas être la fan qui se permet d’importuner son frère. « J’espère que mon frère ne vous a pas trop effrayée. J’ai eu quelques... désagréments avec le voisinage dernièrement » le voisinage, qu’il dit ? Ce n’est pas la version donnée par Troy alors elle hausse ses sourcils, ne s’offusquant pas vraiment du fait que Jayden contourne la réalité. Il a le droit de ne pas lui confier des choses aussi graves et personnelles, alors, elle maintient sans effort son sourire sur ses lèvres, loin de vouloir le mettre au pied du mur en lui avouant que son frère a donné une autre explication. « Et… disons que je n’aurais peut-être pas dû tout lui raconter. Ce n’est probablement rien, mais Troy prend les choses très à cœur. » - ’’Il veut vous protéger, c’est normal.’’ c’est presque son rôle, qu’elle dirait, et elle accompagne son propos en accolant son dos dans le fauteuil, appuyant son coude sur la largeur de ce dernier. ’’Est-ce que vous avez parlé à la police de ce problème de voisinage ?’’ parce qu’il n’y a vraiment aucune raison qu’il subisse, Jayden, et qu’il est en droit de réclamer la paix à laquelle il aspire. ’’Je crois que vous devriez, si ce n’est pas déjà le cas. Sait-on jamais. Certaines personnes prennent un malin plaisir à torturer les autres…’’ elle en sait quelque chose, Maeve, et elle sait que lui aussi. Malheureusement.

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@Maeve Mayers   • novembre 2024, domicile de Jayden

Le calme revenu, Jayden put enfin prendre soin de Maeve. Pour lui, cela relevait presque d’un rituel sacré. Il aimait être un bon hôte, et le simple fait de veiller au confort de ses invités lui apportait une satisfaction sincère, bien que teintée d’une légère nervosité. Sa maison, d’ordinaire paisible, accueillait rarement du monde. En dehors des visites de son frère et de sa nièce, les jours s’égrenaient dans une tranquillité presque austère. Alors, lorsque quelqu’un franchissait le seuil de sa porte, Jayden s’efforçait de faire bonne impression. Il veillait à ce qu’on ne puisse rien reprocher à son civisme ni à son hospitalité. Pourtant, malgré toute sa bonne volonté, il n’était jamais complètement à l’aise en présence d’autres êtres humains. Jayden avait toujours été d’un naturel timide. Sa réserve se traduisait parfois par une maladresse touchante, surtout lorsqu’il s’agissait d’interagir avec des inconnus ou des connaissances de passage. Cependant, Maeve était différente. Il y avait quelque chose de rassurant dans son attitude, une douceur naturelle et une gentillesse désarmante. Elle n’avait pas gloussé en le voyant, comme tant d’autres qui faisaient mine d’être impressionnés par sa célébrité. Elle n’avait pas cherché à tirer profit de son nom ou de son visage. Cela changeait tout. Avec elle, il se sentait un peu moins exposé, un peu moins comme une vitrine vivante qu’on scrute ou qu’on jauge. Il pouvait se concentrer sur ses gestes, sur ce qu’il offrait, sans craindre le jugement ou les regards en coin. Maeve, assise sur le canapé, semblait encore fatiguée, mais détendue, ses doigts effleurant le tissu texturé du plaid qu’il avait soigneusement disposé sur l’accoudoir.

Il se leva, décidé à préparer une tasse de thé pour Maeve et un café pour lui-même. Les gestes qu’il accomplissait étaient simples, presque mécaniques, mais dans son esprit, chaque détail comptait. Jayden tenait à ce que tout soit parfait, non pas pour impressionner Maeve, mais pour qu’elle se sente bien, comme chez elle. Surtout après l’accueil auquel elle avait eut droit.  Lorsqu’il revint dans le salon, il tenait une élégante boîte à thé en bois, finement sculptée, qu’il posa délicatement sur la table basse. À côté, il disposa une boîte à sucre assortie, ornée de gravures en relief représentant des motifs floraux. Il semblait étrangement fier de sa petite mise en scène, presque comme un enfant montrant une trouvaille précieuse. “Le thé arrive dans un instant”, dit-il avec un sourire. “J’ai plusieurs sortes, certains viennent du Tibet.” Sa voix s’éleva, teintée d’une légère excitation, tandis qu’il ajoutait avec fierté. “C’est ma petite sœur qui les a rapportés.” Son visage s’illumina à ces mots, comme si évoquer ce souvenir le remplissait d’une chaleur particulière. Dans sa façon d’en parler, on pouvait presque croire que sa sœur avait rapporté le Graal lui-même. Il resta un instant debout, observant Maeve avec une expression à mi-chemin entre la fierté et l’anticipation, attendant de voir si cette anecdote lui plairait ou si elle poserait des questions.

“Il veut vous protéger, c’est normal. Est-ce que vous avez parlé à la police de ce problème de voisinage ?” Jayden se leva sans répondre immédiatement. Il se dirigea vers la cuisine pour remplir la tasse de la jeune femme. Lorsqu’il revint, il tenait sa propre tasse de café dans l’autre main, l’arôme corsé flottant dans l’air. Il posa doucement la tasse devant Maeve, un léger sourire flottant sur ses lèvres. “Pas besoin de la police”, dit-il en s’asseyant sur le fauteuil en face d’elle, sa tasse chaude entre ses mains. Il marqua une pause, cherchant ses mots tout en fixant un point invisible sur la table basse. “Je pense que mon frère s’inquiète pour rien.” Il haussa légèrement les épaules, un sourire amusé effleurant ses traits. “Mais… il a toujours été comme ça. Toujours à vouloir me protéger, comme si j’étais encore un gamin incapable de me débrouiller seul.” Son ton n’était pas amer, juste teinté d’une douce exaspération, celle qu’on réserve aux membres de la famille qu’on aime, mais qui peuvent être un peu envahissants. Il porta sa tasse à ses lèvres, en prit une petite gorgée et ajouta presque pour lui-même. “C’est sa façon de montrer qu’il tient à moi, j’imagine.”

Le silence qui suivit n’était pas gênant, mais plutôt empreint d’une certaine douceur, comme si chacun savourait le répit offert par cette conversation simple et sincère. “Enfin, vous n’êtes pas ma psychiatre”, lança Jayden soudainement, rompant le silence avec un demi-sourire. Il porta sa tasse à ses lèvres et prit le temps d’en savourer une nouvelle gorgée. “Vous voulez quel genre de thé ?” demanda-t-il, changeant de sujet avec une maladresse presque charmante. Puis, comme s’il réalisait qu’il avait encore quelque chose à ajouter, il enchaîna. “Ah, et sinon, j’ai installé votre tableau. Je… je vous le montrerai.” Il se dandina un peu sur son fauteuil. “Enfin… je veux dire… désolé.” bafouilla-t-il en baissant les yeux, ses doigts jouant machinalement avec l’anse de sa tasse.

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@Jayden Holmes • novembre 2024, domicile de Jayden

Elle ne lui tient pas rigueur de cette arrivée particulièrement mouvementée, n’ayant pas suffisamment de susceptibilité pour en prendre ombrage. Maeve assimile aisément l’idée que le frère aîné de Jayden veuille le protéger des dangers provoqués par sa surexposition médiatique, si bien qu’elle est elle-même gagnée par cette inquiétude vivace le concernant : son handicap ne l’isole pas assez du reste du monde pour qu’elle ignore les histoires sordides des célébrités victimes de leurs fans ; pour certains, l’admiration vire en obsession dangereuse, une sorte de folie furieuse qui pousserait les plus sages à devenir redoutable. « Le thé arrive dans un instant. » face à lui, elle esquisse un petit étirement de ses lèvres en ayant entendu son sourire dans ses mots ; c’est sûrement ce qui se passe avec quelqu’un qui comprend nos douleurs en secret, on sait reconnaître l’éclat de son visage sans même le voir. « J’ai plusieurs sortes, certains viennent du Tibet. » - ’’Du Tibet ?’’ répète-t-elle en haussant ses sourcils, impressionnée de l’entendre et impatiente de le goûter « C’est ma petite sœur qui les a rapportés. » à défaut de constater la teinte chaleureuse de son visage, c’est l’élan pétillant de ses mots qui attire son attention et, levant le menton comme si elle essayait de le regarder, Maeve accentue la courbe de son sourire en demandant, d’une voix toujours aussi douce et calme : ’’Elle travaille dans ce secteur ?’’ puisqu’elle a l’impression que le choix des thés en question est assez pointu. ’’Pourquoi spécialement le Tibet ?’’ cela l’intrigue, elle qui n’a jamais voyagé en-dehors de Brisbane, et qui n’a pas suffisamment en mémoire les photos du pays nommé pour se le figurer véritablement ; elle se demande, parfois, quel endroit de ce monde elle aimerait visiter mais… À quoi cela servirait ?

Trop soucieuse de sa personne pour faire l’impasse sur cette discussion, Maeve ne résiste pas bien longtemps avant d’émettre l’idée de mettre la police dans la confidence : elle le regrette aussitôt parce qu’elle le fait fuir et, s’en rendant compte, elle pince ses lèvres l’une contre l’autre en joignant ses deux mains sur le bord de l’accoudoir, tout à coup gênée. Est-ce qu’elle a dit quelque chose de mal ? Est-ce qu’il est blessé ? Vexé ? Contrarié ? Mal-à-l’aise, elle attend qu’il revienne pour entamer une forme de réparation par ’’Je suis désolée, je ne voulais pas…’’ - « Pas besoin de la police » les notes du café viennent chatouiller les narines de la jeune femme, qui laisse sa bouche en suspend. « Je pense que mon frère s’inquiète pour rien. » ou peut-être a-t-il toutes les raisons du monde de s’inquiéter « Mais… il a toujours été comme ça. Toujours à vouloir me protéger, comme si j’étais encore un gamin incapable de me débrouiller seul. » il se sent infantilisé, Jayden, et si elle est capable de comprendre pourquoi, elle l’est tout autant pour s’aligner sur les raisons de son aîné. « C’est sa façon de montrer qu’il tient à moi, j’imagine. » - ’’Il ne veut pas que quelqu’un vous blesse.’’ et c’est bien tout le malheur qu’on peut attendre d’une fan hystérique qui empiète sur la vie privée d’un acteur qu’elle aime un peu trop — si tenté est qu’on puisse utiliser ce verbe pour quelqu’un qu’on ne connaît pas ’’Soyez vigilants, tout de même. Vous avez des gardes du corps ?’’ voilà qu’elle se mettrait presque à le materner à son tour, de ce ton naturellement affable qui lui confère une aura doucereuse, qui perdure jusque dans le sourire quiet qu’elle lui partage.

« Enfin, vous n’êtes pas ma psychiatre. » c’est déjà quelque chose qu’il lui a dit la dernière fois et, éloignant ses mains l’une de l’autre, elle fait savoir avec tendresse, à la fois rappel et proposition : ’’Non, mais je peux être votre amie.’’ se reculant dans son assise, elle précise : ’’Enfin, si vous le voulez bien.’’ elle ne sait pas si l’acteur va accepter alors qu’ils se connaissent à peine, même s’il y a ce lien inexplicable entre eux, comme le murmure d’un écho douloureux qu’ils ont dû apprendre à apprivoiser pour survivre, mais elle reste là, posture suave qui lui sourit sans jugement et sans compromis. « Vous voulez quel genre de thé ? » relevant légèrement l’une de ses mains, elle hausse ses épaules en se montrant aventurière : ’’Faites-moi la surprise ? Je vous l’ai dit, je ne suis pas difficile. J’aime tout.’’ et elle ne ment pas pour être polie ! « Ah, et sinon, j’ai installé votre tableau. Je… je vous le montrerai. Enfin… je veux dire… désolé. » la maladresse n’est point douloureuse pour Maeve, qui l’accueille avec un sourire indulgent et son corps qui se penche légèrement en avant pour se rapprocher de lui, comme si elle avait détecté la culpabilité dessous : ’’Je ne peux pas le voir, mais vous pouvez me décrire de quelle façon vous l’exposez chez vous.’’ de cette manière, elle pourra se le figurer et c’est bien assez : son imagination regorge d’images qui lui permettent d’appréhender le monde. ’’Je vous remercie d’ailleurs, encore une fois, pour ça…’’ qu’elle formule en glissant ses deux paumes sur la tasse réconfortante qu’il lui tend, et dont les notes parfumées s’élèvent jusqu’à ses narines sensibles, lui promettant un breuvage délicat ’’Je me sens honorée d’être exposer chez vous.’’ marquant une petite pause, elle rajoute avant de boire une gorgée de cette boisson qui l’appelle : ’’Peut-être pourrions-nous nous tutoyer ?’’ elle le propose en élargissant son sourire, espérant ne pas précipiter les choses avec cette suggestion.