L'experience au sens où Judith l'entendait commençait à l'ennuyer. Si elle n'était jamais déçue de ses bébés, elle trouvait les sujets particulièrement vide d'intérêt. A part se faire croquer les uns après les autres avec un manque de courage et un sens de survie proche de zéro, elle se demandait où était le vrai challenge dans tout ça. Qu'allait-elle y gagner au fond ? Elle n'avait qu'une hate, que E. Vile obtienne enfin les autorisations pour introduire les dinosaures sur le continent et qu'ils retournent sur leurs terres originelles. Ces animaux majestueux n'étaient pas fait pour être cantonnés à une si petite île, ils méritaient leur liberté. Bien plus que tous les humains qui se trouvaient sur ce camps et qui avaient survécus au crash. Il fallait déjà être bien crédule pour se laisser embarquer dans un voyage qu'on aurait gagné. Comme le dit le dicton, si c'est gratuit, c'est que vous êtes le produit. A quel moment n'ont ils pas pensés une seconde à la supercherie? L'humain était vénale, à la recherche sans cesse de sensation forte, de belles images à partager, nourrie d'une fausse vie remplie de faux objectifs. A quoi bon? L'autodeterminisme et l'individualisme étaient les cancers de cette société. L'homme était mauvais, Judith n'avait aucun scrupule à les donner en pâture à des animaux incroyablement intelligent et dont le système social était bien mieux pensés et égalitaire que celui des hommes.

"Qu'est ce que vous avez fait?" elle s'approcha en courant, elle avait vu la scène sur les écrans dans le bunker et quand elle avait vu ce pterodactyle à terre alors qu'il n'avait eu aucun comportement déviant selon le protocole, elle s'était précipité dans la forêt à quelques dizaines de mètres du Bunker. Elle s'adressait au garde qui avait lancé le tranquillisant.

@Jayden Holmes

Lorsqu’elle arriva sur place, haletante, la scène qui l’accueillit lui serra les entrailles. La masse inerte du ptérodactyle gisait au sol, immense et grotesque, sa silhouette presque irréelle dans la lumière diffuse qui perçait à travers les arbres. Et là, au milieu de ce désastre, Jayden. Détendu, arrogant, et bien trop satisfait pour un homme qui venait de provoquer une crise majeure. Ne se rendait-il pas compte de ce qu'il venait de faire ? Les gardes ne pouvaient prendre de telle initiatives sans les ordres d'un commanditaire, en l'occurrence, Judith aurait pu donner l'ordre mais rien ne le justifiait. Jayden n'était pas en danger lui même.

« Je régule, » dit-il, insouciant, comme s’il venait de rendre un service inestimable, son geste avec sa carabine le rendait encore plus détestable. Que cherchait-il à faire ? Intimider Judith en lui montrant qu'il était armé alors qu'elle n'avait rien sur elle ? La scientifique ne se laisserait pas dompter de la sorte, elle ne redoutait pas les gardes. Elle sentit une vague de colère la traverser, mais elle la repoussa.  « J’aidais un groupe de survivants. » Sauf que sa mission n'était pas d'aider les survivants. Sa mission était de contenir les dinosaures pour qu'ils ne s'approchent pas trop du bunker, qu'ils restent à l'écart et dans des zones bien définis de l'île. « Réguler ? Vous êtes sérieux ? Vous venez de foutre en l’air une mission sur laquelle on bosse depuis des mois. Et pour quoi ? Sauver des survivants ou vous défouler ? » Elle s'approcha, le souffle encore court. « Vous croyez quoi, Jayden ? Que cette jungle est votre terrain de jeu ? Que les règles, c’est pour les autres ? »

Elle pointa le doigt vers la carcasse. « Vous avez la moindre idée des conséquences de votre tir ? » Elle fit une pause, cherchant à garder son calme. Bien sûre qu'il connaissait les conséquences. « Quand les autres créatures s’affoleront, quand les raptors suivront l’odeur du sang, on verra si vous régulez toujours aussi bien. »

Judith serra les dents, puis tourna les talons, lançant une phrase par-dessus son épaule : « Faites vos prières, Jayden. Parce que si les créatures ne vous attrapent pas, je m’en chargerai. » Pour rien au monde, la scientifique ne laisserait qui que se soit se mettre en travers de leur mission. Il avait signé un contrat très clair, avec des clauses très précises. Il n'avait à faire que ce qu'on lui demandait et si non, il serait remercier. Le problème avec ce genre d'électron libre ? C'est qu'on ne pouvait pas leur faire confiance et s'ils revenaient à leur maudite vie de civils, retour à la citoyenneté classique : ils parleraient. Le statut ultra confidentiel de la mission seraient trahis et c'est toute l'expérience qui serait ruinée. Alors pour les traitres, qu'une seule solution...

Judith fixait Jayden, son regard brûlant de colère, mais sous la surface, une étincelle d'incertitude commençait à poindre. Elle refusait de détourner les yeux, même lorsque le canon de l’arme pouvait la viser à tout moment, comme une provocation glaciale. Elle ne ressentait pas de peur immédiate – pas encore. Elle était trop enragée, trop sûre de son statut, de son rôle. Mais les mots de Jayden, son sourire narquois, le calme terrifiant qui émanait de lui… Ils s’infiltraient dans son esprit, semant des doutes.

Une « surprise » dans son bunker ? Quel genre de surprise ? Avait-il réellement osé manipuler l’environnement qu’elle considérait comme son sanctuaire, l’épicentre de son contrôle ? Cette idée l’ébranla plus qu’elle ne voulait l’admettre. Elle s’efforça de maintenir sa posture droite, son visage dur, mais intérieurement, un fil d’incertitude se tendait. « Vous pensez que je vais jouer à votre jeu ? » lança-t-elle, sa voix froide, tranchante comme une lame. Pourtant, elle ne put empêcher son esprit d’examiner ses options. Jayden était dangereux, elle le savait depuis qu’il avait été recruté. Mais jusqu’ici, elle avait sous-estimé à quel point il pouvait être imprévisible. Ou peut-être avait-elle surestimé son propre intouchable statut de scientifique en charge.

Quand il parla de la valeur de sa vie avec une désinvolture si glaciale, Judith sentit un frisson qu’elle ne parvint pas à réprimer. Pas de peur pour elle-même, mais un malaise face à quelqu’un qui semblait réellement n’avoir rien à perdre. Était-il sincère, ou jouait-il simplement une carte pour la déstabiliser ? Elle détestait ne pas avoir la réponse. Ce doute était une fissure dans son assurance habituelle, et elle sentait qu’il en jouait avec une précision calculée. Elle s’avança imperceptiblement, son regard ne lâcha pas le sien, cherchant à lire dans ces yeux glacés un indice, un fragment de vérité. « Je n’ai pas besoin d’arme pour vous affronter, Jayden. Votre petit numéro ne m’impressionne pas. » Sa voix s'était raffermie, mais une infime tension trahissait son trouble.

Et pourtant, malgré ses mots, une question la taraudait : qu’avait-il laissé dans son bunker ? Était-ce une menace réelle, ou une simple diversion pour briser sa concentration ? Elle détestait qu’il parvienne à semer ces doutes. Mais Judith savait qu’elle ne pouvait pas l’ignorer. Pas cette fois. « Si vous jouez, » dit-elle finalement, sa voix plus basse, plus incisive, « souvenez-vous que je suis bien plus coriace qu’il n’y paraît. »