Leslie est jalouse.

C'est sans doute la première fois de sa vie qu’elle ressent cette émotion qu’elle méprise totalement. C'est une émotion tellement inconnue pour elle qu’elle ne comprend même pas ce qui se passe à l'intérieur d’elle. Mais tout le monde le remarque à l'hôpital. Elle n'est pas comme d'habitude. Elle est plus sérieuse, plus bête même. Sa rupture avec Eve avait été difficile. Très difficile. Mais lorsque Leslie tourne la page, elle la tourne sans retour en arrière. Ça ne lui a rien fait quand elles se sont retrouvées des années plus tard. Elle n'a pas été prise d'une nostalgie, n'a pas regretté les années passées avec elle. Elle ne s'est jamais remémorée à quel point elles avaient été amoureuses toutes les deux. Rien. Que dalle. Pourquoi aujourd'hui elle se sent si étrange à la simple idée que Eve sorte avec quelqu'un ce soir ? Elle ne sait pas. Elle ne se l'explique pas. Il faut croire qu’elle se confortait dans le célibat de cette dernière. Il aurait sans doute mieux fallu pour Eve qu’elle avertisse son ex plus que quelques heures d'avance. Leslie n'a pas le temps d’encaisser la nouvelle. Heureusement, par message texte, elle peut réfléchir avant d’écrire. Elle peut rectifier, modifier ses paroles. En personne, Leslie n'est pas réputé pour réfléchir avant de parler. Elle blesse souvent sans vraiment le vouloir. Elle risque de dire des choses qu’elle va regretter le lendemain.

Elle se stationne devant sa maison. Elle sort à peine de sa voiture qu’elle voit celle de Eve se stationner devant. Elle sourit doucement en voyant Ella accourir jusqu'à elle. Un sourire purement hypocrite. Elle s'abaisse pour attraper sa fille. « Coucou ma puce. File à l'intérieur, je crois que c'est soirée lasagne. » Elle croit, parce qu’elle n'a nullement préparé le dîner. Comme la plupart du temps. Ella ne prend même pas la peine de dire au revoir à sa mère qu’elle se sauve déjà à l'intérieur. Le sourire de Leslie disparaît quand son regard se tourne vers Eve. Son visage est tout simplement neutre. Elle lui prend le sac d’Ella des mains lorsqu’elle lui tend. Son regard la détaille de la tête au pied. « Tu es… très belle. » Elle doit vraiment lui plaire cette nana. Elle se demande combien de fois elle s'est changée, combien de temps elle a passé à se coiffer. Elle se demande si elle est nerveuse, impatiente, si son coeur palpite à l'idée d'aller rejoindre sa belle. Elle se demande si leur histoire est sérieuse, mais, connaissant Eve et son coeur bien trop naïf, elle espère sûrement que oui. « T’as de la chance que j’sois là. J’me souviens pas de la dernière fois que j’ai baisée une nuit entière. » Dit la fille qui ne s'est pas occupée de ses enfants pendant presque une année entière. « On peut revoir la garde d’Ella si t'as besoin de plus de liberté. » Ça sonne comme un reproche dans la bouche de Leslie. Sans doute que c’en est un. La brune n'a pas particulièrement envie de modifier leur garde partagée. Elle galère déjà suffisamment comme ça en l’ayant juste un week-end sur deux. Elle accepterait quand même de le faire si Eve finissait par le lui demander. Elle serait par contre bien moins enchantée de le faire pour qu’elle puisse vivre une nouvelle histoire d’amour.

@eve daxson

Accrochant sa première boucle d’oreille après avoir ajusté sa robe de soirée et vérifié que ses collants n’ont pas de trous, Eve fait une pause entre les deux le temps de parler à sa fille malgré les murs qui les séparent. « Tes affaires sont prêtes ? » Étant pressée, elle l’a chargée de les faire toute seule, comme une grande a-t-elle précisé pour taire par avance ses protestations. Elle a profité de ce temps-là pour se changer, souhaitant s’apprêter pour rejoindre Gayle à qui elle n’arrête pas de penser ces derniers temps. Alors non, un rendez-vous un soir de semaine ce n’est pas pratique quand on a une enfant qui doit aller à l’école le lendemain, mais elle avait terriblement envie de dire oui et de passer la soirée puis la nuit en sa compagnie. Et si habituellement son frère peut lui sauver la mise, malheureusement ce soir il n’était pas disponible, tout comme Bel qui travaille souvent de nuit à l’Octopus. C’est là qu’Eve a décidé d’envoyer un SMS à son ex dans l’espoir qu’elle puisse la dépanner, une preuve de plus s’il en fallait qu’elle avait vraiment très envie de voir Gayle. Elle s’est dit que Leslie pourrait comprendre, après tout elle aussi a déjà eu des rencards depuis qu’elle est mère et sait comme ça peut être contraignant d’avoir un enfant dans ces moments-là. Pourtant, les quelques SMS qui ont suivi l’ont fait rougir comme une adolescente prise en faute, à croire qu’il y a quelque chose de honteux à avoir un rendez-vous et vouloir échapper à ses responsabilités parentales l’espace d’une soirée et, oui, d’une nuit. Si elle a obtenu gain de cause, la Daxson a tout de même été très perturbée par cet échange. Au moins Ella était contente lorsqu’elle lui a dit qu’elle allait rester chez son autre maman jusqu’à demain et que c’est elle qui l’amènerait à l’école demain. Elle l’est toujours lorsqu’elle rejoint Eve dans l’entrée, son sac sur le dos et un grand sourire aux lèvres. Pour tout dire, Eve est plutôt rassurée par cette réaction qui évite une dispute inutile. Il ne lui reste pour ainsi dire qu’un seul problème à régler, si elle peut dire, et c’est la réaction de Leslie.

* * * * *

Garant sa voiture devant la maison de son ex, Eve reconnaît sans mal cette dernière sortir de son propre véhicule. Elle coupe le moteur puis tourne la tête vers sa fille qui sautille presque sur son siège depuis qu’elle a reconnu la rue dans laquelle elles sont. « Tu peux sortir, » affirme-t-elle en forçant un sourire sur ses traits pour ne pas attirer son attention. Évidemment, Ella s’empresse de le faire pour rejoindre sa mère et lui faire un câlin, en oubliant immanquablement son sac. Eve se penche pour le récupérer puis fait au mieux pour se reconstituer un visage neutre malgré ce mélange d’embarras et d’amertume qu’elle ressent. Elle a passé l’après-midi entière à se repasser en boucle leurs SMS et en est venue à la conclusion que son ex se montrait tout de même très injuste avec elle. Lui reprocher de la prévenir tardivement d’un imprévu alors qu’elle-même ne l’a prévenu de son départ à l’autre bout du monde qu’une poignée de jours avant le décollage de son avion, c’est tout de même très culotté. Et puis en ce qui concerne le fait d’aller à un rendez-vous, elle doute grandement que Leslie ait mis sa vie sentimentale – ou sexuelle, elle s’en moque – sur pause depuis leur séparation. Lorsqu’elle sort de la voiture, leur fille est déjà dans les bras de son ex. « Coucou ma puce. File à l'intérieur, je crois que c'est soirée lasagne. » Ella obéit aussitôt, si bien qu’il ne reste que ses deux mères qui se font face dans un silence gênant, l’une toute apprêtée malgré le sac de leur fille qui jure avec sa tenue. Sac qu’elle tend à celle qui a ni plus ni moins sauvé sa soirée mais dont le visage est terriblement neutre, comme si aucune émotion ne pouvait le traverser. « Merci encore, je te revaudrai ça, » qu’elle dit, en partie parce qu’elle a besoin de combler cette horrible silence qui lui paraît avoir déjà duré trop longtemps, en partie parce qu’elle culpabilise bien trop pour cette incartade d’une soirée. « Tu es… très belle. » Elle ne s’attendait pas à ce compliment mais il ne manque pas de faire apparaître un sourire un peu gêné sur son visage. Elle mentirait en disant que ça lui importe peu, de se sentir belle même dans les yeux d’une femme qui ne partage plus vraiment sa vie depuis dix ans. « Merci. » Cette discussion aurait pu s’arrêter là. Eve l’aurait remerciée encore une fois puis aurait pris la fuite pour rejoindre sa moitié, et ça aurait été plus simple. Mais ça, c’était sans compter le tempérament de son ex et surtout sa langue bien pendue qui ne manque pas d’ajouter autre chose. « T’as de la chance que j’sois là. J’me souviens pas de la dernière fois que j’ai baisée une nuit entière. » Eve écarquille les yeux face à la façon si crue et peu subtile dont son ex décrit les choses, tandis que ses joues s’empourprent comme celles d’une adolescente. Elle toussote, tellement mal à l’aise que ça crève les yeux, avant de sortir la seule idée qui lui passe par la tête pour diminuer un peu ce malaise. « Tes sœurs ne gardent jamais Abby ? » Il n’y a même pas de reproche ou d’agacement dans sa voix, seulement un certain étonnement et – évidemment – beaucoup de gêne. Si elle n’était pas si embarrassée, elle se rendrait compte que c’est terriblement hypocrite de la part de son ex d’avancer les choses ainsi. Combien de temps est-elle partie au Costa Rica sans ses filles déjà ? Et ce n’est pas comme si elle occupait tous ses week-ends à les appeler et encore moins à revenir au pays puisque le nombre de ses retours en Australie se comptent sur les doigts d’une seule main. « On peut revoir la garde d’Ella si t'as besoin de plus de liberté. » La proposition ne manque pas de la faire se sentir coupable, comme si elle était une mauvaise mère d’avoir juste désiré cette soirée de liberté pour voir celle qu’elle aime. « Non, c’est bon, je te l’ai dit c’est pas… » Habituel ? Peut-être pas à ce point, mais il faut reconnaître qu’elle voit quand même souvent Gayle ces derniers mois, bien qu’effectivement pas assez – à son goût – pour avoir voulu refuser cette sortie de dernière minute. « Je gère. » Bien sûr qu’elle gère, cette soirée n’est que l’exception qui confirme la règle. « Mais si toi tu veux la voir plus souvent… on peut en rediscuter. » Pas ce soir, évidemment, mais Leslie devrait savoir que son ex n’est pas du genre à fermer les discussions qui concernent leur fille. Pas qu’elle les vive pour autant bien, cependant. « Si tu veux qu’un soir je garde aussi Abby et que je l’amène à l’école le lendemain pour te libérer la nuit, je peux le faire… En plus elle sera contente de pouvoir passer du temps avec Ella. » Est-ce qu’elle a besoin de compenser sa sensation de s’être imposée dans l’emploi du temps de Leslie de façon si égoïste ? Oui. Par contre elle n’a aucune envie de savoir ce que son ex ferait de cette soirée, cela va sans dire. « Tu peux même me prévenir le jour-même, je m’arrangerai. » Encore une fois il n’y a pas de reproche dans sa voix parce que ce n’est pas le genre d’Eve, seulement cette volonté de lui rendre la pareil et – c’est vrai – d’alléger un peu sa propre culpabilité.

« Merci encore, je te revaudrai ça, » - « De rien. » Elle a du mal à se reconnaître elle-même devant cette attitude bien trop neutre qui ne lui ressemble pas. Ce n'est absolument pas le genre de Leslie de s’emporter, faire une crise, s’engueuler avec quelqu'un d'autre. Elle sait le faire quand l'autre personne dépasse les limites acceptables, mais la plupart du temps, elle laisse couler. Alors, oui, la neutralité est sans doute ce qui peut le plus coller à une émotion négative venant de la brune. « Merci. » En d'autre circonstance, le sourire de Eve lui aurait plu. Elle aurait sûrement poussé un peu plus sa chance pour voir jusqu’où elle pouvait pousser ce sourire. Elle aurait repoussé les limites jusqu'à ce que Eve lui mette un frein. Là, ce soir, ça lui fait que dalle. Elle a beau se mordre la langue jusqu'au sang, Leslie, elle n'arrive pas à garder son prochain commentaire pour elle. La réaction de son ex est instantanée. Ses joues tournent aux rouges, ses yeux s'écarquillent. Elle regrettera ses paroles dans quelques heures, mais pour le moment, elle soutient sans gêne son regard. Ce qui ne fait qu'accentuer le malaise d’Eve. Leslie, elle est parfaitement à l'aise. « Tes sœurs ne gardent jamais Abby ? » Oui, bien sûr qu’elles le font. Leslie a jusqu'au plan Z en ce qui concerne les babysitters. Elle ne manque pas de choix et finit toujours par trouver quelqu'un. Parce qu’elle travaille. Quand elle a envie de sortir, elle attend que Abby soit au lit et la fillette ne se rend même pas compte que sa mère est (encore) absente. Elle ne s'absente jamais une nuit entière. Elle mentirait en disant que c'est parce qu'elle n'a personne pour s'occuper d’Abby. C'est un choix purement personnel. « Pas souvent. » qu’elle se contente toutefois de répondre. La véritable raison derrière tout ceci, c'est que Leslie a déjà brûlé toutes ses cartes avec elles en leur imposant sa fille pendant plus d'une année entière. « Non, c’est bon, je te l’ai dit c’est pas… » C’est pas quoi ? Elle attend la suite, croise ses bras contre sa poitrine pour montrer son ouverture (non). « Je gère. » Bien sûr qu’elle gère. Elle gère bien mieux que Leslie ne le fera jamais. Elle ne compte pas l’évoquer à voix haute pour autant. Mais n’iras pas non plus la contredire par pure méchanceté. Ce ne serait absolument pas son genre. « Mais si toi tu veux la voir plus souvent… on peut en rediscuter. » Ah. Le voilà le retour du bâton plus que mérité. Leslie n'est quand même pas pour évoquer à voix haute qu’elle n'a pas envie de voir Ella plus souvent. Enfin, non, ce n'est pas qu’elle n'en a pas envie. Plutôt qu’elle n’a pas envie de prendre le temps d'être vraiment présente. Ella est bien mieux chez Eve avec une mère qui prend soin d’elle tous les jours plutôt que de venir plus souvent chez son autre mère. Elle sera plus souvent avec la babysitter qu’avec sa mère. À quoi bon ? Elle préfère être présente à cent pourcent pour Ella quand elle est à la maison. « Hm, oui, on en reparlera. » qu’elle répond vaguement en se disant que cette conversation sera rapidement oublié et qu'elles n’en reparleront jamais. « Si tu veux qu’un soir je garde aussi Abby et que je l’amène à l’école le lendemain pour te libérer la nuit, je peux le faire… En plus elle sera contente de pouvoir passer du temps avec Ella. » Cette fois-ci, ce fût au tour de Leslie de rester surprise par les paroles de Eve. Elle ne sait pas trop pourquoi ça la surprend. Eve a toujours eu un coeur bien trop grand. Peut-être que ça la surprend qu’elle puisse y avoir droit elle aussi. « Tu peux même me prévenir le jour-même, je m’arrangerai. » C’est sur qu’un ou deux enfants, ça ne change pas grand-chose au programme de Eve. Ça ne sonne pas comme un reproche dans sa bouche, mais Leslie ne peut pas s’empêcher de se dire que ça y ressemble drôlement. « Non, ça va. » Elle n'est pas certaine que ce soit une très bonne idée de mélanger leur famille à ce point. Abby est déjà bien assez jalouse de sa sœur qui a deux parents. Il ne manquerait plus qu’elle s'attache à Eve et qu’elle s’imagine des choses. La conversation devrait sans doute se terminer là. Eve sera peut-être en retard à son rencard si Leslie la retient davantage. Mais bon, comme ça lui est complètement égal, elle ne peut pas s’empêcher de lui poser la question qui la démange depuis cet après-midi. « C’est sérieux avec elle ? » Ça ne la regarde pas tant que ce n'est pas une histoire sérieuse. Ça la regarde à la seconde où cette nouvelle personne débarque dans la vie de leur fille. Peut-être qu'elles en sont juste à leur premier rencard. Peut-être qu'elles se voient depuis des mois. Leslie n'en sait rien. Elle préférait l’époque où, elle aussi, ignorait l'existence de cette autre femme.

Go on and fool me
Octobre 2024, devant chez Leslie
@Leslie Cohen

Eve n'est pas assez naïve pour ne pas percevoir cette tension qui emplie l'air depuis qu'Ella est entrée à l'intérieur de la maison, laissant ses deux mères en tête-à-tête. Elle n'a pas envie de rester longtemps, après tout elle a suffisamment mal vécu leur échange de SMS pour ne pas désirer le reproduire en face à face, alors elle lui tend le sac de leur fille et la remercie encore une fois. Elle n'aurait pas pu passer la soirée avec Gayle sans elle et elle lui en est reconnaissante, c'est une certitude qu'elle ne cherche pas à cacher. « De rien. » Le compliment qui suit la flatte même si elle est un peu gênée, le sourire qui se glisse sur ses lèvres attestant de se mélange auquel elle n'est pas habituée. Leslie a bien trop compté dans sa vie – et compte encore bien trop – pour qu'elle puisse prétendre n'avoir que faire de la façon dont elle la voit.

Sa remarque suivante, par contre, ne la fait pas sourire du tout. Ses yeux deviennent ronds et ses joues rouges en un instant, la gêne s'emparant violemment de tout son corps alors qu'elle voit presque flou face à ce qu'elle décrirait comme un reproche très cru. Pas que ses intentions pour la soirée soient si mystérieuses que ça, mais elle aurait préféré que son ex n'y associe pas les mots « baiser une nuit entière » tout en affirmant qu'elle n'a pas souvent cette chance. Elle sait bien qu'elle a Abby mais elle a aussi plusieurs sœurs et, pour dissiper un peu son malaise, s'étonne qu'aucune ne se propose de garder leur nièce de temps à autre. « Pas souvent. » La Daxson se sent presque mal, sa culpabilité n'ayant pas besoin de plus pour grimper en flèche et la pousser à se sentir comme une horrible mère. Elle a envie de se cacher quelque part, de se réfugier dans sa voiture et de partir en trombe vers son rendez-vous pour ne pas avoir à poursuivre cette affreuse discussion. Mais elle n'en est évidemment pas capable, bêtement figée tandis que son ex lui propose de revoir leur système de garde pour lui offrir plus de liberté. Culpabilisant toujours plus, elle affirme ne pas en avoir besoin, pourtant prête à en rediscuter si Leslie a envie de voir leur fille plus souvent. « Hm, oui, on en reparlera. » Et puis, parce qu'Eve désire lui rendre la pareil, elle lui propose même de le faire littéralement, prête à garder Abby un soir jusqu'au lendemain matin si ça peut lui permettre d'avoir une nuit entière rien qu'à elle. Ce qu'elle en fera ne la regarde pas – même si elle s'en doute – mais au moins elle culpabiliserait moins de s'être ainsi imposé dans son emploi du temps à la dernière minute. « Non, ça va. » La Daxson se mord l'intérieur de la joue, un peu frustrée de ne pas avoir l'occasion de lui rendre service à son tour mais ne sachant pas quoi répondre. Elle s'apprête à esquisser un pas en arrière pour lui dire qu'elle doit y aller et disparaître dans sa voiture quand son ex interrompt encore son initiative de fuite avec une question. « C’est sérieux avec elle ? » Elle baisse un instant les yeux vers ses chaussures, réalisant que c'est la première fois qu'elles discutent de ça. Pourtant ça fait dix ans qu'elles sont séparées, donc bien longtemps qu'elles ont supposément tourné la page. Mais depuis que leurs vies se sont croisé de nouveau elles n'ont jamais eu une discussion sur leur vie amoureuse d'après. « Je crois. » La vérité c'est qu'Eve ne fait pas dans les histoires qui ne sont pas sérieuses, trop romantique et rêveuse pour ça. Elle s'attache facilement, et indéniablement si Gayle occupe une grande partie de ses pensées en ce moment c'est parce que pour elle ce qu'elles vivent est tout à fait sérieux, ou en voie de le devenir. « Je l'ai pas encore présentée à Ella, » précise-t-elle en relevant les yeux pour cette fois capter son regard, sans doute parce qu'elle espère que son ex aura la décence de ne pas en parler à leur fille avant qu'elle le fasse. Elle ne sait même pas pourquoi elle pourrait vouloir en parler, mais s'il faut que ça ait lieu elle préférerait que ce soit après qu'Eve lui ait annoncé avoir une amoureuse qu'elle verra parfois à la maison. « Et toi... tu vois quelqu'un ? » Ce n'est pas une façon de la narguer ni de se moquer, seulement de la curiosité. Elle n'a jamais souhaité à Leslie d'être malheureuse en amour et elle ne le lui souhaitera jamais, qu'importe les difficultés qu'elles ont traversé et les rancœurs qui persistent.

« Je crois. » Elle croit. Donc, elles ne sont pas encore officiellement un couple, mais Eve commence à développer des sentiments pour cette personne. Est-ce que l’inverse est vrai également ? Impossible de savoir. Elle a envie d’espérer que non, mais elle sait très bien qu’elle ne le pense pas également. Elle lui souhaite tout le bonheur du monde à Eve. Demain, elle lui souhaitera demain, aujourd'hui, elle doit encore encaisser la nouvelle. Leslie avait presque pris pour acquis qu’elle resterait éternellement célibataire sans trop savoir pourquoi. Si ça se trouve, elle enchaîne les rencards ratés depuis longtemps déjà, depuis qu’elles sont de retour dans la vie de l’une et l’autre. La preuve, elle ignorait totalement qu’elle fréquentait quelqu'un depuis assez longtemps pour que ce soit sérieux - ou presque. Elle a sûrement juste ignoré les autres fois d’avant. Elles n'ont jamais vraiment parlé de ce qui s'était passé depuis leur rupture. Elles ne parlent pas vraiment de leur vie privée sauf en ce qui concerne leur fille. Après tout, ça ne les regarde pas. Ça ne les regardait pas plutôt. Parce que, oui, maintenant, c'est différent. Leslie considère que ça la regarde même si elle n’y peut pas grand-chose. Elle a quand même confiance en les choix de vie de son ex. Elle ne laissera pas rentrer n’importe qui dans la vie de leur fille. Bonne personne ou pas, Leslie a déjà choisi qu’elle ne l’appréciait pas de toute façon. « Je l'ai pas encore présentée à Ella, » Encore heureux. Il ne manquerait plus qu’elle apprenne tout ceci par leur fille. Leslie se retient de lever les yeux au ciel, mais elle sait quand même que son visage trahit son agacement. Eve peut déjà se considérer chanceuse qu’elle n’ajoute rien de plus. Son non-verbal veut déjà tout dire. « Et toi... tu vois quelqu'un ? » La question la surprend. Sans doute qu’elle profite simplement du fait que la conversation soit ouverte. Peut-être qu’elle a envie de lui mettre sous le nez qu’elle peut arrêter de faire la gueule, parce que, elle aussi, elle a une vie et qu’elle fréquente quelqu’un. Leslie est tenté de mentir, de dire que oui sans trop savoir pourquoi. Juste pour voir sa réaction peut-être. Elle s’en fiche sûrement. La brune est de retour sur le sol australien que depuis à peine deux mois, alors, non, elle ne voit personne. Elle n’a qu’un flirt avorté à son palmarès, pas de quoi qui mérite d’être souligné. S'il peut même être oublié, ça fait parfaitement son bonheur. « Non… pas vraiment. » qu'elle débute, choisissant l’option de l’honnêteté. De toute façon, Eve connaît assez Leslie pour avoir une bonne idée de la réponse à sa question. « J’crois que je suis pas très douée là-dedans. » qu’elle précise par la suite. Ça encore, Eve le sait parfaitement. Elle en a payé les frais plus d’une fois. Si elle a réussit à écouler toute la patience de son ex, Leslie doute fortement de trouver quelqu'un d’autre qui aura la patience de la supporter sur le long terme. Mais bon, ça n'a jamais vraiment été une nécessité pour elle d’avoir une personne avec qui partager le reste de sa vie. « Si ta soirée est décevante, tu sais où nous trouver. » Est-ce que Leslie se porte volontaire pour ramasser les pots cassés ? Oui, tout-à-fait. Est-ce qu'elle s'attend à ce que sa fameuse soirée soit réellement décevante ? Absolument pas. Les choses semblent bien aller entre elles selon ce qu’en dit Eve. Mais on n'est jamais à l'abri d’une mauvaise surprise. Une rupture inattendue, des sentiments avoués et non partagés. Va savoir hm. La porte de Leslie sera ouverte. Quel âme charitable.