Dévoué ; ce n'était certainement pas l'adjectif qui qualifiait au mieux Romeo lorsqu'il s'agissait d'amitié. Il était plutôt du genre à prendre les gens quand ça l'arrangeait pour les perdre de vus pendant un moment, à utiliser les relations comme il pouvait bien en avoir besoin pour avancer dans la vie. Mais il avait quelques personnes autour de lui qui, à qui il tenait vraiment bizarrement, et dans des moments comme ceux ci, son instinct protecteur semblait se réveiller soudainement. Il s'apprêtait à se coucher alors qu'il avait reçu le sms de Bane qui l'appelait au secours. A dix ou quinze minutes près, elle n'aurait plus eu de réponse et il aurait sombré dans un profond sommeil sans songer une seconde que sa colocataire et amie se retrouvait en présence d'un taré, et pour cause : elle avait accepté de sortir avec lui. A vrai dire, il avait songé à la laisser se débrouiller pour se sortir de cette situation dans laquelle elle s'était mise elle même. Combien de fois allait-il devoir répéter aux femmes qui l'entouraient de ne pas sortir avec des inconnus trouvés au bord de la route - ou sur internet, c'était bien pareil. Il avait fini par réaliser qu'elle pourrait être réellement en danger, que s'il se passait la moindre chose il regretterait pour toujours de ne pas avoir agit alors il s'était relevé et s'était empressé de partir à sa rescousse, non sans râler sur tout le trajet. Il lui reprocherait avec la même énergie le lendemain, c'était indéniable, mais au moins il pourrait le faire en sachant qu'elle était en sécurité. Quand il arriva enfin, la scène qui l’attendait ne fit qu’accentuer son agacement. « Roroooo ! » La voix d’Albane résonna, claire et joyeuse, et il grimaça instantanément. Vraiment il haïssait ses parents pour lui avoir donné un prénom qui pouvait aussi facilement être détourné en surnoms ridicules que ses proches féminines s'évertuaient à utiliser alors qu'il détestait ça - et qu'elles le savaient très bien. Il s'était avancé vers Albane, non sans une certaine honte qui s'affichait sur son visage à cause du comportement de la jeune femme. Et ça n'allait pas en s'améliorant. « Uh. Aïe. » Déjà par messages, elle lui avait semblé particulièrement joyeuse mais maintenant qu'il la voyait face à lui, lui fonçant dedans parce qu'elle avait perdu complètement les notions de repères de l'espace, il constatait à quel point elle était imbibée. « C’est lui. » Oui, ça c'était plutôt évident. Il avait hoché la tête, jetant un oeil vers l'homme en lui offrant à peine un sourire un peu pincé. Lui était dans l'incompréhension la plus totale, et ça se lisait sur son visage. Pourtant la situation était plutôt lisible : la jeune femme avec qui il avait prévu de finir la soirée venait de trouver un subterfuge pour lui échapper. « Il a déjà le nom de nos futurs enfants. » out ce qu'il savait c'est que le gars avait une tête un peu geek et bien qu'il n'y connaissait rien à ce monde là, Romeo sortait les noms des premiers personnages d'animés qu'il pouvait ressortir - et c'était pas glorieux au vu de ses connaissances limitées. « Ah ouais et c'est quoi, Mickey et Minnie ? Sûrement des trucs un peu nazes en tout cas. » Parce que même physiquement, Romeo ne comprenait pas ce qu'Albane avait bien pu trouver à ce crétin. Oui, il avait peut-être une belle gueule - et encore - mais il était un peu gringalet et n'avait aucune classe, tout à fait objectivement. Et non, ce n'était certainement pas l'ego de Romeo qui essayait de s'en convaincre, pas du tout. Il n'avait aucun intérêt à se lancer dans un genre de comparatif qui ne le mènerait nul part. « Sans vouloir te manquer de respect. » Qu'il lançait d'un air qui ne faisait qu'accentuer ô combien il lui manquait de respect. Sans laisser au taré une seconde pour en placer une, Romeo se tournait à nouveau vers Bane, chancelante, pour la sommer de se dépêcher de sortir d'ici - parce qu'il avait une nuit de sommeil reposante qui l'attendait. « Tu prends tes affaires, on y va ? » Elle lui avait promis de ne pas traîner et de ne pas négocier un dernier verre, elle lui avait promis que tout ce qu'elle voulait c'était fuir son taxidermiste alors inutile de traîner là plus longtemps. « Ouais t'auras compris que tu rentres seul ce soir. » Et peut-être aurait il mieux fait de taire son arrogance ce coup ci, parce que le rencard de Bane se levait soudainement pour venir lui faire face.

« Nan, il a de l’imagination, faut lui reconnaître ça. » - « Ah ouais. » Qu'il lançait sans autre répartie, impatient de quitter cet endroit avec sa meilleure amie et colocataire du moment pour la ramener en lieu sûr. Mais c'était sans compter sur son arrogance - ou sa connerie - et la réflexion de trop qu'il venait d'offrir à John en guise d'au revoir. « C’était pas très respectueux. » - « T'es de quel côté toi ? » Qu'il rétorquait, surpris de la voir jouer à ce petit jeu là alors qu'il s'était déplacé justement pour la sauver des griffes du taxidermiste. Mais elle avait bu et il ne lui en tiendrait pas rigueur, tant qu'elle le suivait dehors rapidement comme convenu. Sauf que ça non plus, ce n'était pas le cas visiblement. « Ok ! Mais attends, je finis juste mon verre. » Elle se moquait donc vraiment de lui. « Bane t'avais promis merde. » L'agacement se lisait sans mal sur son visage, un agacement qui tirait presque déjà vers la colère d'autant que le fameux John s'était levé pour venir lui faire face. « Tu te prends pour qui ? » Ça sentait les problèmes à plein nez et Romeo était déjà ra-vi d'être venu sortir Albane d'un pétrin dans lequel elle venait plutôt de l'embarquer lui aussi. « Pour le mec qu'elle a supplié de venir la chercher par sms. » Il avait gardé un ton neutre cette fois, sans aucune animosité ni moquerie, se rendant bien compte que si le date d'Albane venait de se lever pour faire son intéressant en le menaçant de son corps, c'était peut-être aussi parce qu'il l'avait cherché. « Aller, on bouge. » Qu'il ajoutait pour essayer de fuir cette situation rapidement. « Elle est grande, elle peut choisir ce qu’elle a envie de faire. Alors mêle toi de tes affaires. » Le contact de ses mains sur ses épaules, même si le bousculement était minime, venait de faire monter la tension d'un cran entre les deux hommes. « Et je te dis qu'elle m'a envoyé des messages pour que je vienne la sauver de toi. Alors barre-toi de mon chemin, merci. » Qu'il répondait en mimant les mouvements de John, le poussant à son tour. « J’vais aux toilettes je reviens. » A quel point était elle en train de se foutre de sa gueule ? C'est ce qu'il se demandait, à la voir se lever et s'en aller sans même réfléchir à son geste et sans se retourner. « Mais Bane t'es sérieuse ? On y va là ! » Et alors que Romeo avait la tête tournée pour voir Albane s'éloigner d'eux en fuyant aux toilettes, il sentait soudainement une vive douleur au niveau sa lèvre inférieure, là où le poing de John venait de s'écraser violemment alors qu'il se mit à crier. « Non elle reste ici ! » « Mais t'es complètement taré putain ?! » Qu'il lançait en se redressant, passant son pouce sur sa lèvre pour voir un peu de sang, preuve qu'il était légèrement ouvert. Dans un élan de rage il vint frapper l'imbécile d'un bon coup dans les côtes, espérant bien lui en fêler une au passage, laissant John à bout de souffle et se pliant en deux pour accuser le coup de la douleur. Il aurait probablement continué à le frapper, cet idiot, et aurait pu le faire tomber au sol pour lui donner une bonne leçon si quelqu'un n'était pas intervenu pour les arrêter avant qu'ils ne se blessent l'un et l'autre pour de bon. Il ne s'était pas attendu à ce que les choses tournent aussi mal en si peu de temps, et pourtant Romeo se trouvait désormais sur le trottoir devant le bar, mis dehors comme un malpropre. John parti en courant après que le barman les ait mis dehors en lâchant un "cassez vous ou j'appelle la police", Romeo n'avait qu'à attendre qu'Albane se décide à sortir après l'avoir mis dans cette situation des plus agaçantes. Et dès l'instant où elle pointait le bout de son nez, il lui offrait un accueil des plus chaleureux. « J'aurais dû me casser sans toi. »