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Eva Barrett & @Leonard Carlson St. Vincent's hospital

L'odeur. C'est la première chose qui frappa Eva dès qu'elle arriva dans ces lieux qui ne lui inspiraient que la peur et la tristesse. Son coeur battait à tout rompre et une certaine nausée n'avait pas quitté sa gorge depuis qu'elle avait reçu l'appel de l'école de Noah. Le garçon était tombé sur la tête en jouant sur la place de jeux. Ni une, ni deux, Eva avait raccroché et avait planté son date de ce midi. Un énième gars qu'elle avait rencontré sur Tinder. Pour une fois que c'était elle qui partait avant la fin du repas... Vraisemblablement, le jeune homme avait compris l'urgence de la situation en la voyant retenir sa panique. Elle n'avait même pas pris le temps de s'excuser qu'elle avait sauté derrière le volant de sa voiture et avait filé à l'école de Noah. Là-bas, ils étaient en train de l'embarquer en ambulance. Pendant qu'ils sécurisaient le garçon, Eva avait demandé ce qu'il s'était passé à une des surveillantes et celle-ci lui avait expliqué qu'il était en train de jouer et qu'il avait tenté de sauter de la balançoire, sauf qu'il s'était retrouvé la tête à l'envers et qu'il était inconscient lorsqu'elle était arrivée près de lui. Elle lui précisa également que Leonard n'avait pas répondu à leurs appels et que c'était pour cette raison qu'ils s'étaient permis de l'appeler elle. Elle remercia l'enseignante et en voyant l'ambulance partir, elle avait couru à sa voiture pour suivre le véhicule d'urgence. En route, elle essaya à nouveau d'appeler Leonard, restant la plus concentrée et calme possible. Elle craquerait plus tard. Pour le moment elle devait gérer son rôle de... nounou? Protectrice? Gardienne? Elle ne savait pas trop à vrai dire. « Vous êtes la mère ou un tuteur légal? » Un homme en blanc l'arrêta alors qu'elle suivait le brancard de Noah dans le couloir des urgences. Elle se mis sur la pointe des pieds et tenta de forcer un peu le passage. « Je... Non. Je suis... » L'homme l'arrêta de force. « Je suis désolé Madame. Il n'y a qu'un parent ou un tuteur légal qui peut le suivre. Je vous amène à la salle d'attente. »

Une fois assise dans un de ces sièges dans lequel elle avait dormi quelques mois auparavant en attendant des nouvelles de Sloan, Eva retint encore quelques instants ses émotions. A nouveau, elle tenta d'appeler Leonard et cette fois il répondit. « Leonard... C'est Noah, il est aux urgences. Viens vite s'il te plait! » Le père de famille lui avait raccroché au nez et elle ne pouvait clairement pas lui en vouloir. Elle se laissa glisser dans la chaise, plissant le nez à cause de cette odeur d'hôpital infernal. Eva finit par se pencher en avant et prendre son visage entre ses mains, cette nausée ne la quittant pas. Pourvu que Leonard arrive rapidement... Elle ne supportait pas de savoir que Noah était seul avec le personnel médical. Il devait être terrorisé, il fallait que son père soit là. Et Eva avait besoin que son père soit là parce que la dernière fois qu'elle s'était retrouvée dans ces lieux ils avaient traversé un drame ensembles.

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La réunion est interminable, ils parlent d’argent et j’ai déjà décroché depuis longtemps. Pourtant, j’opine de la tête, presque en rythme, pour donner l’impression qu’ils ne m’ont pas perdu, il y a déjà vingt minutes. Je regarde ma montre furtivement, avant de voir les gros yeux de la directrice sur moi. Après une petite grimace, je retourne à mes hochements de tête. Heureusement que j’ai laissé mon téléphone dans le bureau, sinon je serais sans doute tenté de commencer une petite partie de Candy Crush pour faire passer le temps. « Tu n’as rien compris, c’est ça ? » Me glissant la boss alors que l’on sort de la salle de réunion, je suis bien obligé d’acquiescer. « Je prendrai le temps de lire le dossier après. » Pas sûr que je comprenne plus après ça, mais je pourrais au moins dire que j’ai essayé. « Tu viens manger avec nous ? » Un nouveau coup d’œil à ma montre. J’ai déjà amassé beaucoup de travail, et encore plus pendant cette réunion qui a été plus qu’inutile pour moi. « Je passe juste à mon bureau, je vous rejoins. » À peine les papiers déposés sur le bureau, j’attrape mon portable, je n’aime pas l’avoir loin de moi, on ne sait jamais. 
 
À peine cette pensée ayant traversé mon esprit, que je sens tout mon corps être parcouru d’un frisson en voyant les quatre appels en absence de l’école de Noah et celui d’Eva. Mon sang ne fait qu’un tour, mes mains tremblantes qui tentent de renvoyer l’appel. Mais mon portable vibre avant que je n’y arrive. Le prénom de mon amie s’affichant sur l’écran. Je décroche de suite. « Eva ? Qu’est-ce qui se passe ? » Je le sais, autant d’appels, c’est un mauvais signe, c’est toujours un mauvais signe. « Leonard… C'est Noah, il est aux urgences. Viens vite, s'il te plait ! » Sa voix est tremblante et me glace le sang. Mon cerveau qui tente de comprendre les mots qui sont sortis de sa bouche. Dans la panique, je raccroche, sans même répondre. Je tâte mes poches, mon bureau à la recherche de mes clefs de voiture. Dans d’autres circonstances, j’aurais sans doute compris que prendre la voiture est une mauvaise idée dans cet état. Mais là, tout de suite, je n’en suis pas capable. Je sens les larmes me monter aux yeux, mais repousser la peur aussi vite. Je dois me reprendre, je dois aller à l’hôpital. Je finis par retrouver mes clefs à l’endroit habituel, je pars sans rien d’autre, sans avertir personne. Le chemin qui mène à l’hôpital me semble prendre une éternité, je serais bien incapable de dire ce qu’il s’est passé sur ce même chemin, combien de priorité grillées et de feux rouges ignorés. Je gare ma voiture de travers, je ne paye pas le parking, rentre dans l’hôpital débraillé, mon regard qui cherche la silhouette d’Eva. 
 
Je ne peux pas être là à nouveau. 
 
Les urgences de cet hôpital, l’endroit où ma vie a basculé. Pas à nouveau. Pas Noah. Mon cerveau est en ébullition, tout mon corps semble pris de tremblement alors qu’enfin, je l’aperçois. Mon pas est rapide vers elle, elle se retourne, plante son regard dans le mien et je peux y voir la peur. « Il est où ? Eva, il est où ? Il va bien ? » Je n’aime pas son regard, je déteste pouvoir y lire la même peur que dans le mien. Je nous revois à peine une année auparavant dans ces mêmes couloirs. La nausée qui me prend. Elle m’explique rapidement ce qui s’est passé et m’informe qu’elle n’a pas pu avoir plus de nouvelles, car elle n’est pas de la famille. Sans plus réfléchir, je coupe la priorité à la réception pour demander des nouvelles. « Il est avec les médecins, monsieur, allez dans la salle d’attente, quelqu’un va venir vous donner des nouvelles. » « Quand ? » Il n’y a aucune politesse dans ma voix, la peur d’un père uniquement. Elle hausse les épaules et me dit qu’elle va appeler quelqu’un. Je fais quelques pas en arrière, mon regard à nouveau sur Eva. « Ça va aller, n’est-ce pas ? » Je la vois aussi paniquée que moi, instinctivement, je m’approche d’elle pour la prendre dans mes bras, comme pour la rassurer, alors pourtant que je suis moi-même totalement angoissé. Cette étreinte, pourtant, me procure un peu de répit : ma main vient caresser ses cheveux, ses bras, qui m’enserrent, font baisser la pression. « C’est qu’une petite chute, c’est tout… Il va bien aller, c’est sûr. » Je suis obligé d’essayer de m’en persuader. Parce que la dernière fois qu’un médecin est venu me voir dans cette même salle, on m’a demandé si ma femme était donneuse d’organe. Et je ne peux pas revivre ça… Je ne pourrais pas le supporter. 

768 mots

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Eva Barrett & @Leonard Carlson St. Vincent's hospital

Les coudes appuyés sur ses genoux, Eva tremble légèrement. Elle n'a pas froid, au contraire. Toute cette adrénaline lui a donné chaud, elle peut sentir son coeur battre à tout rompre dans sa cage thoracique. Pire; elle peut entendre son pouls pulser dans ses oreilles. Cette impression d'avoir la tête dans un bocal et que les sons alentours ne parviennent qu'à un faible volume. Son cerveau, toujours à cent à l'heure, se bat pour continuer à ressasser parce que si elle laisse la réalité de la situation la rattraper; elle sait qu'elle va s'effondrer. Ça faisait depuis le départ de Sloan qu'elle s'arrangeait pour que son cerveau reste tout le temps actif mais là, elle se sentait au bord du gouffre. Elle ne voit qu'à peine les gens aller et venir dans la salle d'attente, elle ne se rend même pas compte du temps qui s'écoule entre le moment où elle a raccroché avec Leonard et le moment où elle sort enfin la tête de son bocal en le voyant arriver. « Leonard... » Elle se lève et lui explique tout de suite ce qu'il s'est passé. Une des hantises d'Eva depuis qu'elle passe du temps avec Noah et Archie est de se retrouver dans cette situation; qu'il arrive quelque chose aux enfants de Leonard et Sloan. Qu'il leur arrive quelque chose alors qu'ils sont sous sa responsabilité. Certes, elle n'a aucun contrôle sur ce qu'il se passe à l'école mais une petite part d'elle ne peut pas s'empêcher de culpabiliser. La brune donne un maximum de détails au père de famille pour ne laisser aucune zone d'ombre. Ce dernier file vers le comptoir pour tenter d'avoir un état de situation mais quelques instants plus tard il revient vers elle. « Ça va aller, n’est-ce pas ? C’est qu’une petite chute, c’est tout… Il va bien aller, c’est sûr. » Et là... Il la prend dans ses bras. Eva ferme douloureusement les yeux, refoulant ses émotions, ses larmes. Elle ne veut pas craquer, pas maintenant. Elle avait décidé d'être le roc, le point central de cette famille après le drame qu'ils avaient vécu. Elle avait mis de côté son propre deuil pour être le meilleur soutien qu'elle puisse être pour eux. Elle se recule, sentant la chaleur corporelle de Leonard s'envoler en même temps. Elle prend son visage entre ses mains et plonge son regard dans le sien. « Ça va aller, ils s'assurent que tout va bien. Ça prend du temps mais... » Elle n'avait pas d'argument, pas de réponse précise à donner. Ses yeux bruns détaillent le visage du père de famille. Ils y pensent tout les deux, elle le sait. Ils pensent tout les deux au fait qu'ils ont déjà vécu ça, qu'ils étaient déjà dans cette situation il y a quelques mois de cela. L'attente, l'incompréhension, la peur, cette fichue odeur sanitaire. Elle caresse sa mâchoire de ses pouces. « On ne revivra pas ça. D'accord? » Elle se remémore le moment où elle est arrivée à l'école et que l'ambulance embarquait Noah. Il était conscient, lourdement sonné mais conscient. « Il était conscient. Je te promets. »

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Eva, c’est mon roc, mon alliée, c’est devenu ma meilleure amie par la force des choses, parce qu’elle est là présente, parce qu’elle aime les garçons d’un amour vrai qui ressemble à celui que leur mère avait pour eux. Parce qu’elle m’apprécie, je crois. Parfois, je me dis qu’elle pourrait juste remplacer Sloane, que je pourrais oublier avec elle, quand je la prends dans mes bras : il serait simple d’oublier qu’elle n’est pas juste la meilleure amie de ma femme. Et pourtant, ce soir, c’est elle que je vois. Sloane n’est pas là, elle ne sera plus jamais là. Même pas pour des instants comme celui-là, quand j’aurais le plus besoin d’elle. Cette réalité me frappe de plein fouet alors que dans les couloirs de cet hôpital, je ne sais rien de l’état de mon fils. Que la panique semble me submerger, me forçant à répéter qu’il va bien aller, à refuser la possibilité que ça ne soit pas le cas. Ses mains, qui viennent enserrer mon visage, semblent me recentrer ; son regard dans le mien calme mon angoisse. « Ça va aller, ils s'assurent que tout va bien. Ça prend du temps, mais… » Ses mots, les caresses de ses pouces sur ma peau sont rassurantes. La chaleur de son corps encore près du mien me donne la force de ne pas m’effondrer. Je veux la croire, comme si elle pouvait lire dans l’avenir, incapable de me mentir. 
 
« On ne revivra pas ça. D'accord ? » Il n’en faut pas plus pour que les larmes me montent aux yeux. Je sais qu’elle lit le désespoir dans mes yeux, je voudrais être plus fort, mais ici, j’en suis incapable. « Je ne peux pas revivre ça, Eva… Je... je ne pourrais pas y survivre une deuxième fois. » Il me semble que j’ai à peine réussi à encaisser la mort de Sloane, que je ne suis encore que l’ombre de moi-même. Alors, mon fils, ma terreur, mon rayon de soleil. L’idée même me donne le vertige. Quelques larmes viennent d’échouer sur mes joues alors que je ne peux pas supporter le regard d’Eva plus longtemps. « Il était conscient. Je te promets. » Les mots me sortent un peu de ma torpeur. Mes mains vont se poser sur les poignets d’Eva pour prendre une grande respiration avant que je ne sèche les quelques larmes qui se sont échappées de mes yeux. « Merci… » Le regard qui se relève sur elle à nouveau. Le besoin de l’avoir contre moi et de sentir sa chaleur qui revient. À nouveau, je viens l’étreindre. « Merci d’être là. » Je lui souffle les mots à l'oreille. Je ne peux pas imaginer vivre ce moment seul. Maintenant, il est impensable d’imaginer la vie sans Eva. Quand est-ce qu’elle est devenue si importante ? Quand est-ce qu’elle m’est devenue indispensable ? Je ne sais pas combien de temps dure cette étreinte, sans doute un peu inappropriée, à quelques pas à peine de la réception des urgences. Mais son contact me semble vital à cet instant. Quand finalement, elle prend fin, ma main va chercher la sienne pour la tirer sur une des chaises à côté de moi. « Est-ce qu’il a parlé ? Et les ambulanciers, est-ce qu’ils t’ont dit quelque chose ? » Ma main dans la sienne, mon pouce qui tapote frénétiquement, l’angoisse toujours aussi palpable. « Ils ne vont pas nous faire attendre… C’est un enfant, il a besoin de nous. » Mon regard rivé vers la porte où la mention « staff only » est indiquée je reprends. « Il a besoin de ses parents… » Je ne me rends même pas compte de ce que je viens de dire, serre sa main une peu plus fort, sans détourner mon regard de la porte bleu. 

598 mots

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La sensation qui décrirait le mieux ce qu'elle ressent en ce moment même c'est cette sensation lorsque l'on fait une chute libre. Identique à une chute libre d'un manège. Cette même sensation lorsqu'on est en train de s'endormir et que notre cerveau nous fait croire à une chute. Eva a l'impression que son coeur, son estomac est en chute libre. L'instant semble suspendu en l'air, elle n'entend plus ce qu'il se passe autour d'eux. Il n'y a qu'eux. Que ces mots qui se veulent rassurants et encouragent, que ses caresses qui forcent à garder un minimum les pieds sur terre. Ils n'ont pas besoin de dire les mots tels qu'ils sont, ils n'ont pas besoin de dire; il y a quelques mois on était là... Ils y pensent sans vraiment l'oser pour ne pas porter malheur. Noah n'est pas Sloan. Noah n'a pas eu un accident grave de voiture. Noah n'est pas déjà passé de l'autre côté comme sa mère en arrivant ici. Eva se force vraiment à faire la part des choses pour ne pas craquer et ne pas faire des similitudes qui pourraient paraître trop réelles. Les yeux dans les yeux, peau contre peau avec Leonard... Peut-être que la sensation de chute libre n'est pas liée à l'état de Noah. Peut-être que c'est lié au parfum du père de famille, à la rugosité de sa barbe sous ses pouces ou à ces larmes qui débordent de ses yeux. « Merci… Merci d’être là. » Ils s'étreignent à nouveau et la chute semble tellement longue et vertigineuse que l'atterrissage va être plus que douloureux.

Et lorsque Leonard l'attire vers une chaise de la salle d'attente la chute s'arrête. Elle retombe sur terre, dans leur réalité actuelle. Elle sent une douleur dans sa poitrine. Une douleur qu'elle a déjà ressenti trop de fois auprès d'un homme. Une douleur qu'elle ne peut pas se permettre de ressentir ici et avec lui. « Est-ce qu’il a parlé ? Et les ambulanciers, est-ce qu’ils t’ont dit quelque chose ? » Eva ferme brièvement les yeux, comme pour se donner une contenance et se forcer à revenir au sujet principal. « Je... Non. Je suis allée voir l'enseignante pour avoir des informations. Comme je ne suis pas sa mère, les ambulanciers ne voulaient rien me dire ni me laisser monter avec eux jusqu'ici. » Avec le recul, conduire dans cette situation avait été complètement inconscient. Eva baisse les yeux sur leurs doigts entrelacés. Le pouce de Leonard ne cesse de tapoter sa peau. Elle pose sa deuxième main sur celle du père de famille afin de l'apaiser quelque peu. « Ils ne vont pas nous faire attendre… C’est un enfant, il a besoin de nous. Il a besoin de ses parents… » A nouveau cette douleur dans sa poitrine. Eva sait qu'il s'agit d'un lapsus, que la mort de Sloan est trop fraiche pour que Leonard dise que Noah a besoin de son père de manière trop spontanée. Souvent, à la maison, il utilise encore les termes "nous" ou "on" en parlant de Sloan et de lui comme si elle était toujours là. La brune avait toujours fait en sorte de ne pas relever. « Bonjour, c'est vous le père de Noah Carlson? » Un autre homme en blouse blanche s'était avancé vers eux, ce qui fit presque sursauter Eva. Leonard, comme frappé par la foudre se lève en affirmant qu'il est bien le père de Noah. « Plus de peur que de mal. Il a une belle commotion donc il risque d'avoir des vertiges et des maux de tête ces prochains jours. Mais il n'est pas en danger. » Eva pose une main sur sa poitrine de soulagement, elle retient un hoquet. « Vous pouvez aller le voir. » Le médecin se tourne vers Eva. « Vous pourrez lui rendre visite durant les heures réservées aux visiteurs Madame. » La brune sent sa gorge se serrer. Elle implore le médecin du regard avant de regarder Leonard, attristée d'être de nouveau mise à part mais le règlement, c'est le règlement. Elle tente un sourire crispé - ressemblant clairement à une grimace - au père de famille. « Vas-y... Je t'attends ici si tu veux. »

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Chaque inspiration semble brûler ma gorge, chaque expiration me force à retenir les larmes qui pointent au bord de mes yeux. Je ne peux pas être faible aujourd’hui, pas maintenant alors que mon fils est à l’hôpital. Les secondes semblent s’étirer pour faire durer un peu plus notre calvaire alors que je tente d’en savoir plus. « Je… Non. Je suis allée voir l'enseignante pour avoir des informations. Comme je ne suis pas sa mère, les ambulanciers ne voulaient rien me dire ni me laisser monter avec eux jusqu'ici. » Un relent d’injustice qui me prend à la gorge. Noah n’a plus de mère et Eva, et ce qui se rapproche le plus de ça, elle est la présence rassurante qui l'endort et les soutient au quotidien. La priver d’information, la traiter comme une paria, c’est inadmissible pour moi. Mais alors qu’un vent de colère souffle en moi, une silhouette en uniforme se dirige enfin vers nous. « Bonjour, êtes-vous le père de Noah Carlson ? » Je me lève, raide comme un piquet, le regard qui sonde celui de cet homme qui va peut-être bousculer ma vie pour toujours alors que j'acquiesce. « Plus de peur que de mal. Il a une belle commotion, donc il risque d'avoir des vertiges et des maux de tête ces prochains jours. Mais il n'est pas en danger. » Chaque mots qui sortent de sa bouche semblent détendre mes muscles un par un. « Il va bien… » Les mots sortent comme une délivrance alors que je cherche la main d’Eva pour la serrer dans la mienne. « Oui, monsieur, il va, il a hérité d’un simple plâtre. Une fracture du poignet simple. » Une fracture du poignet, je peux faire avec. Ce n’est pas un problème. 
 
« Vous pouvez aller le voir. » Ma main dans celle de la brune, je m’apprête à la tirer avec moi quand le médecin nous reprend. « Vous pourrez lui rendre visite durant les heures réservées aux visiteurs, Madame. » La douche froide vient me surprendre, me réveille alors que je regarde le médecin sans comprendre. « Quoi ? Mais… » Mais quoi, je n’ai pas vraiment d’arguments. Au nom de la loi, Eva n’est rien, et ce qu’elle représente pour nous ne semble pas compter dans cet hôpital. « Vas-y… Je t'attends ici, si tu veux. » Je vois que l’idée lui déplaît autant qu’à moi. « S’il vous plaît, docteur, est-il possible de faire une exception ? Mon fils a perdu sa mère et… » Je n’ai pas fini ma phrase, que déjà, il reprend d’une voix plus dure. « Pas d’exception, Monsieur Carlson. » Je ravale péniblement ma salive, ma main quittant la sienne. « Désolé… » Les mots chuchotés, pas vraiment assumés alors que je suis le médecin qui m’emmène à mon fils. À peine dans la chambre, je l’entoure de mes bras pour le rassurer, me rendant rapidement compte qu’il n’en a pas besoin. « Papa ! T’as vu mon bras ? Trop cool ! » Il tend fièrement son plâtre vers l’avant, me décrochant un rire alors que le médecin nous quitte en m’expliquant qu’ils vont le garder quelques heures en surveillance, et qu’il pourra rentrer ce soir si tout va bien avec un rendez-vous de contrôle pour son plâtre dans 3 semaines. « La dame, elle a dit que je pourrais dessiner dessus ! » Il semble enchanté de cette information. 
 
Je le dessers un peu, mon cœur qui semble rependre un rythme normal. « Tu vas bien, mon grand ? Tu n’as pas mal à la tête. » Il hausse les épaules, comme si ce n’était rien de bien important. « Un peu. » Puis reporte à nouveau son attention sur son plâtre qui semble l’extasier. « Elle est où, Eva ? » Je m’étonne de cette question. « Je l’ai entendu à l’école », qu’il me dit comme pour répondre à mon questionnement. Me prouvant bien que la nature humaine est étrange. « Je vais aller la chercher. » Je suis rassuré par l’état de mon fils, je voudrais qu’il en soit de même pour elle. Je me faufile en dehors de la chambre pour faire le trajet retour. La retrouve dans cette même salle, son regard étonné de me voir revenir. « Viens, on s’en fou des règles. » Je lui tends à nouveau la main pour l'amener avec moi. Nous passons directement devant le premier bureau des urgences pour nous diriger vers la chambre de Noah. Une infirmière qui finit tout de même par nous apostropher dans le couloir, je l’ai vu à mon arrivée, mais elle ne connaît pas Eva. « Vous êtes de la famille, Madame ? » Avant même qu’elle puisse répondre, je réponds. « Oui, c’est mon épouse. » Le regard sur nous est suspicieux, je me demande ce qu’elle a comme information sur son dossier, me doute que mon veuvage y est mentionné. Espère qu'elle est simplement en train de juger la rapidité avec laquelle je me suis remis de la mort de ma femme. « Très bien, allez-y. » C’est gagné, et je laisse Eva rentrer dans la chambre avant moi pour aller retrouver notre petit malade.

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L'injustice la frappa à nouveau mais elle n'avait pas envie de faire une scène. Pas maintenant et pas ici. Ces dernières heures avaient été trop éprouvantes pour qu'elle ait encore de l'énergie à mettre dans cette histoire. Elle préférait libérer Leonard pour qu'il puisse aller voir et rassurer son fils. Elle regarda son dos alors qu'il s'éloignait d'elle, avec le médecin, pour aller voir Noah. Elle n'en voulait pas aux employés de l'hôpital, le règlement c'était le règlement et elle savait aussi que c'était pour des raisons de sécurité qu'ils ne voulaient personne d'autre que les parents ou des tuteurs légaux dans les chambres des patients. Mais Eva n'allait pas mentir, ça lui fichait quand même un coup. Elle resta debout et se tourna face aux baies vitrées de la salle d'attente pour qu'on ne la voit pas ravaler ses larmes. Il y avait trop de pensées différentes qui se mélangeaient dans sa tête. L'appel de l'école pour lui annoncer que Noah avait eu un accident, l'attente seule, voir les larmes de Leonard en attendant d'avoir des nouvelles, le refus de l'hôpital de la considérer comme étant assez importante dans la famille Carlson pour qu'elle puisse aller voir le garçon et le fait qu'elle ne pouvait que faire face à la réalité; elle n'était pas une mère, elle n'était pas une épouse. Elle posa ses doigts contre ses lèvres, ravalant ses émotions. Peut-être qu'elle ferait mieux d'envoyer un message à Leonard pour lui dire qu'ils se retrouvaient à la maison. Elle pourrait aller préparer le plat préféré de Noah et lui sortir son DVD favori à regarder sous la couette. Mais la voix du père de famille la sorti de ses pensées. Elle lui fit face, étonnée. « Viens, on s’en fou des règles. » Eva n'a pas le temps de dire quoi que ce soit que Leonard lui prend la main et qu'ils passent devant la réception des urgences. Aie l'air naturel, aie l'air naturel. Difficile à faire avec ses yeux rougis et son air complètement perdu. Ça ne manque pas, une infirmière les arrête. Retour à la case départ. Alors qu'elle s'apprêtait à être renvoyée en salle d'attente, Leonard campa sur sa position. « Oui, c’est mon épouse. » Ces mots la frappent violemment. Une nouvelle nausée lui monte dans la gorge mais elle n'a pas le temps de vraiment faire de chichi car l'infirmière les laisse passer - non sans un air suspicieux - et ils se retrouvent dans la chambre de Noah. « Eva! » La jeune femme ne peut que sourire en voyant le garçon assis dans son lit en train de chercher le stylo de couleur le plus chouette pour dessiner sur son plâtre. Voir son regard se lever sur elle et s'illuminer réchauffe son coeur et lui fait presque oublier ce que Leonard venait de dire. « WOA! Mais il est trop beau ce plâtre! » Eva s'approcha du lit de Noah et y prit place. Elle le prit dans ses bras, ses cheveux lui chatouillant le visage. Elle avait eu tellement peur pour lui. Et pour cette famille de manière générale. Leonard n'aurait pas survécu à une deuxième catastrophe. Elle leva les yeux vers le père de famille, reconnaissante qu'il ait tenu tête à quelqu'un pour la défendre elle. Aucun homme n'avait jamais fait ça pour elle avant. Elle chuchota un "merci" dans sa direction alors qu'elle libérait Noah de son étreinte. Le garçon commença à lui montrer son plâtre et les stylos que les infirmières lui avaient amené. Ils choisirent tous les trois quelles couleurs et quels motifs ils allaient dessiner sur son bras. Au bout d'un moment, Eva vérifia l'heure et se rendit compte qu'Archie n'allait pas tarder à sortir de ses cours facultatifs et qu'il n'était pas du tout au courant de ce qu'il s'était passé. Elle se leva du lit et fit signe à Leonard de la suivre dans le couloir. « Reste avec lui jusqu'à ce qu'ils le libèrent, je m'occupe d'aller chercher Archie et de lui expliquer ce qu'il s'est passé. » Elle sent sa gorge se nouer quelque peu. Face au regard de Leonard, elle a bien du mal à faire semblant. A faire comme si les mots qu'il avait prononcé ne lui brisaient pas le coeur. Mais il n'y était pour rien. Il avait voulu bien faire, pour qu'elle puisse voir Noah et avoir un moment les trois. Il ne pouvait rien faire au fait qu'elle n'était pas l'épouse de quelqu'un et qu'elle le serait probablement jamais.

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L’émotion me prend à la gorge quand Eva rentre dans la chambre, quand elle prend mon fils dans ses bras pour le rassurer, quand je sens que son inquiétude est aussi vive que la mienne, et que je reconnais son souffle de soulagement. Je ne regrette pas une seconde d’avoir bravé les lois pour lui donner accès à cet instant. Pour répondre à son merci, je hoche doucement la tête avec un sourire. Cette vision qui m’offre autant de bonheur que de peine. La femme à cette place devrait être Sloane, ça ne sera plus jamais le cas et je crois que si le deuil de ma femme se fait gentiment, celui de la mère qu’elle était pour nos fils est bien plus dur. Pour moi, il y aura peut-être une autre femme, pour Archie et Noah, il n’y aura jamais d’autre mère. Peu importe les efforts qu’Eva pourra fournir, elle ne sera jamais de leur sang. Après plusieurs minutes, Eva se lève et me fait signe de l’accompagner dans le couloir. « Reste avec lui jusqu'à ce qu'ils le libèrent, je m'occupe d'aller chercher Archie et de lui expliquer ce qu'il s'est passé. » « Merde Archie. » Un coup d’œil à la montre murale m’indique qu’il est encore temps, je soupire doucement. « Je l’avais complètement oublié… J’étais… » Au regard d’Eva, je sais qu’elle ne me juge pas. Pourtant, dans ces perles brunes, je lis une émotion qui me fait mal. Que je ne comprends pas vraiment. Sais que ce n’est sans doute pas le moment pour l’aborder. « Merci Eva… » Je viens l’enlacer une nouvelle fois, cette fois avec plus de douceur. Sans la fureur de vivre, sans l’angoisse qui vient tordre mon ventre. « Je ne sais pas ce qu’on ferait sans toi. » Un baiser sur son front avant de me séparer d’elle. « À tout à l’heure. » Je sonde son regard, tente d’y retrouver celui de mon ami, sans y parvenir, troublé à mon tour. Et la laisse disparaître dans le couloir à regret. 
 
Noah et moi sommes libérés quelques heures plus tard, quand nous poussons la porte de la maison. Le repas est déjà prêt et Archie nous accueille avec des questions pleines la tête. Il me semble que l’excitation du moment ne va jamais leur permettre de s’endormir. Et pourtant, quand nous montons dans les chambres, les têtes se posent sur les oreillers et trouve le sommeil sans problème. Je redescends dans la cuisine pour trouver Eva en train de finir la vaisselle, attrape un torchon pour venir me poster à côté d’elle. Prends la première casserole que je commence à essuyer dans le silence. « Tout va bien, Eva ? » Elle m’a semblé étrange toute la soirée, pensive, presque triste, sans que je puisse identifier pourquoi. « J’ai dit quelque chose que je n’aurais pas dû dire ? C’est… parce que j’ai dit que tu étais ma femme ? » Je l’ai bien senti, cet instant a marqué un tournant dans l’attitude d’Eva. « Je voulais qu’elle te laisse rentrer…  Je n’ai pas… réfléchi. » Je ne sais pas vraiment pourquoi cette information l’a autant touché. Peut-être parce qu’elle la ramène à Sloane. Mais je vois bien qu’il se passe quelque chose. 

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Eva Barrett & @Leonard Carlson St. Vincent's hospital

« Merde Archie. Je l’avais complètement oublié… J’étais…» Eva ne répondit rien, elle n'avait pas besoin de le faire. Leonard savait très bien qu'elle n'allait pas le juger. Il avait l'esprit constamment rempli de mille et une choses. Du jour au lendemain il a dû assumer son rôle de père et de deuxième parent avec tout ce que cela entrainait. La brune, elle, avait toujours eu le cerveau qui fonctionnait à six cent à l'heure. Il lui était impossible d'oublier quelque chose ou en l'occurence; quelqu'un. Elle était toujours aux aguets, toujours prête à rebondir. L'épisode de Noah étant "terminé", elle pouvait à nouveau se concentrer sur tout ce qu'elle devait penser durant une journée en tant que... gardienne de la famille Carlson. Elle ne savait toujours pas comment se définir. Elle avait beau avoir eu peur pour le petit garçon de la manière que s'il avait été son propre fils, il ne l'était pas et elle devait retourner à son rôle principal. « Je ne sais pas ce qu’on ferait sans toi. À tout à l’heure. » Son étreinte est tendre, chaude et son baiser sur son front lui tord l'estomac. Depuis quand Leonard avait-il commencé à se conduire de cette manière avec elle? D'une meilleure manière que tous les hommes qu'elle avait fréquenté ces dernières années? « A toute à l'heure. » Elle lui offrit tout de même un léger sourire puis quitta la chambre pour retrouver sa voiture. Elle resta quelques minutes, assise derrière le volant à reprendre ses esprits. Elle allait retrouver Archie et devoir assurer son rôle auprès de l'ainé en puis expliquant ce qu'il s'était passé mais sans l'alarmer.

Reprends toi Eva.

La jeune femme quitta le parking de l'hôpital et attendit Archie devant son établissement. Une fois arrivés à la maison, elle lui raconta ce qu'il s'était passé étant donné que ni Noah ni son père n'étaient là. Le garçon comprit tout à fait qu'il y avait eu plus de peur que de mal mais il se réjouissait de revoir son petit frère. Afin de s'occuper l'esprit - et les mains - Eva lui proposa de préparer le repas préféré de Noah en les attendant. Ils mirent la main à la pâte - c'est le cas de le dire - et firent des pizzas maison de A à Z. Ils mirent ensuite la table et tout fut prêt lorsque Leonard et Noah arrivèrent à la maison. Ils furent heureux de se retrouver, de partager le repas ensembles puis contre toute attente, les deux garçons s'endormirent sans trop de problème car le père de famille la retrouva plutôt rapidement dans la cuisine alors qu'elle finissait de ranger et nettoyer ce qu'il trainait. « Tout va bien, Eva ? » La jeune femme tourna enfin le visage vers Leonard. C'était probablement la première fois de la soirée qu'elle le regardait directement. « J’ai dit quelque chose que je n’aurais pas dû dire ? C’est… parce que j’ai dit que tu étais ma femme ? Je voulais qu’elle te laisse rentrer…  Je n’ai pas… réfléchi. » Eva secoua négativement la tête, se sécha les mains et pris appui contre la cuisinière pour faire face au père de famille. Le trouble que cette phrase avait causé en elle. Elle aurait tellement voulu que ce soit vrai, qu'elle soit vraiment l'épouse de quelqu'un. Elle rêvait entendre quelqu'un l'appeler comme ça depuis qu'elle était en âge de comprendre ce que c'était le mariage et la première fois que ça avait été le cas... Ça avait été pour de faux. Pour manipuler. « Tu as dit ça pour que je puisse voir Noah et je t'en suis reconnaissante. » Elle lui offrit son sourire le plus sincère. Parce que c'était vrai; sans ce mensonge, elle aurait dû rester dans la salle d'attente sans avoir de nouvelles. « Peut-être qu'un jour on m'appellera comme ça pour de vrai. » dit-elle en haussant les épaules, en faisant mine que c'était une phrase légère, sans grande importance. Elle n'avait pas envie que le sujet de son célibat revienne sur la table. Elle n'avait pas envie qu'on lui dise pour la millième fois qu'elle allait trouver quelqu'un, qu'elle n'allait pas finir vieille fille. « Ça a été une journée chargée en émotions. On a jamais autant pensé à Sloan qu'aujourd'hui je pense. » Il avait été facile et évident de faire le parallèle avec l'accident de Noah et sa mère. « Comment tu te sens toi, ce soir? » Machinalement, elle leva une main vers le col de la chemise de Leonard et aplati quelque peu le tissus qui s'était rebiqué.

everything will be ok in the end
Leo & @Eva Barrett ☆ crédit/giphy

Le malaise d’Eva s’était fait sentir toute la soirée. S’il était sans doute passé inaperçu aux yeux de mes deux garçons, j’avais attendu cet instant avec questionnement. Me demandant si son attitude avait un lien avec moi et ce qui avait bien pu lui provoquer un tel trouble. S’il me semblait clair que notre interaction avec l’infirmière avait été à la base du problème, il m’avait fallu plusieurs minutes pour essayer de mettre les doigts sur la raison de son malaise, sans y arriver totalement d’ailleurs. « Tu as dit ça pour que je puisse voir Noah et je t'en suis reconnaissante. » Si je peux voir la sincérité dans ses yeux, je reste pendu à ses lèvres, attendant le « mais » qui va probablement suivre et je l’espère m’apporter un peu d’explications. « Peut-être qu'un jour, on m'appellera comme ça pour de vrai. » Chacun a son coin de la cuisine, nous nous faisions face. Mon regard se posa sur le sol alors que je comprends enfin la raison de son trouble. « Oh… » Il me semble que je ressens une pique au cœur, l’impression d’injustice qui se fraye un chemin, alors que j’ose remonter le regard pour le plonger dans le sien. « Je t’ai volé ta première fois… » Je grimace un peu, ne me moque pas d’elle pour autant. Au fil des mois, j’ai compris à quel point le sujet est sensible pour elle. « Désolé… Je n’ai pas réfléchi. » Parce que j’ai été un mari moi, je sais ce que c’est, je n’ai pas peur d’utiliser le mot, il a réchauffé mon cœur pendant des années. « C’est important pour toi, n’est-ce pas ? De te marier, de trouver… le bon. » Ça semble cliché dit comme ça, est-ce que Sloane était la bonne pour moi, est-ce qu’il n’y en aura plus d’autres après elle ? Le mariage n’avait jamais été une évidence pour moi, c’est Sloane qui m’y avait mené, et comme à mon habitude, je l’avais laissé faire. Mené à l’autel, j’avais dit oui et effacé la tromperie que je venais d’effectuer de mon esprit. 
 
« Ça a été une journée chargée en émotions. On n'a jamais autant pensé à Sloan qu'aujourd'hui, je pense. » Nous retrouver à nouveau dans cet hôpital, l’incertitude au ventre avait été une vraie épreuve, que j’espérais ne pas remettre de sitôt. « Comment te sens-tu, ce soir ? » La main d’Eva, qui s’approche de mon col dans un geste presque naturel, ajuste mon habillement, comme l’aurait fait ma femme. Étonnement, le geste ne me trouble pas, mais m’arrache un sourire. « Merci. » Les mots qui traînent un peu, les regards, un peu trop appuyés entre nous qui font naître une sensation étrange, un creux de mon ventre. Sensation que je fais taire aussi vite, refusant de l’entendre. « Je vais bien, je suis soulagé… » Un mince sourire sur mon visage qui se reflète dans le sien. « C’était dur, ma plus grande peur depuis que Sloane est partie, c’est de devoir affronter les épreuves seul. Et de ne pas être à la hauteur. » L’émotion qui remonte dans ma gorge alors que ma main glisse le long de son bras pour attraper sa main et la serrer. « Mais grâce à toi, je ne suis pas seul, et les garçons non plus. » Je ne sais pas comment qualifier cette relation, ce qu’elle représente pour nous aujourd’hui, ce n’est pas un mot qui rentre dans le dictionnaire. « Le plus dur, c’est de me rendre compte qu’elle ne sera jamais plus là… » Pas pour moi, mais pour ces fils. « Elle ne les verra pas grandir, elle ne sera pas là pour les remises de diplômes, les mariages, les petits enfants, les accidents… Elle est partie pour de bon. » Une pensée qui semblait progressivement se faire sa place dans mon esprit, aussi doucereuse soit-elle. « Et toi, Eva, comment tu te sens ? » Je sais qu’elle a été bouleversée comme moi, je l’ai vu dans son regard, dans son attitude. J’ai compris que peu importe son grade, nous sommes sa nouvelle famille.