« Je vais me faire une tisane, t’en veux une ? » Demandai-je, assise sur le bord de mon lit, le visage tourné vers la silhouette de Dina enfouie sous la couverture. En me levant, j’en profitais pour attraper un teeshirt qui traînait sur une chaise, assez grande pour me couvrir et me rendre légèrement plus modeste. Je descendai les escaliers lentement et me glissai dans la cuisine plongée dans l’obscurité, farfouillant les tiroirs pour trouver la boîte à thé, deux mugs, pendant que la bouilloire sifflait tranquillement. De là où j’étais, je pouvais voir le canapé, la veste de Lara Croft jeté négliemment, la tâche de bière encore humide quand j’avais renversé ma canette après avoir essayé de faire un bras de fer avec Dina. La chaîne hifi jouait encore une playlist de pop - celle que j’avais créé pour mes dates, où j’avais ôté toutes les covers de Glee qui polluaient habituellement les autres. Dehors, tout était obscure, on ne pouvait pas apercevoir les lampadaires de la rue, cachés par l’allée principale bordée d’arbres. J’adorais ma maison, la façon dont elle était centrale tout en étant une petit cocon d’intimitée. J’entendais à peine les bruits du quartier, qui pourtant était sûrement encore animé en cette soirée d’Halloween malgré l’heure tardive. Un coup d’oeil à mon téléphone, abandonné sur la table basse du salon, m’indiqua qu’il était 3h10 du matin, et que Suzy se demandait si je voulais la rejoindre en after dans une boîte queer qu’on aimait bien.

Je remontais dans la chambre, deux tasses à la main, et en tendit une à Dina, trop fatiguée et toujours légèrement ivre pour faire attention au choix du design de mug…. Ou peut-être que j’avais fait exprès, qui sait. Mon propre choix de mug n’était pas forcément plus glorieux. Etait-ce le moment de préciser que j’adorais les mugs kitsch ? Je m’installai à nouveau dans le lit, et délicatement, je me penchai vers Dina pour ôter une gem noire qui s’était collée dans son sourcil. « T’as un peu de Jojo dans le sourcil », fis-je remarquer avec un rire avant d’appuyer mon dos contre l’oreiller. On s’était douchée, mais entre l’ivresse et la hâte, on avait un peu abandonné l’idée d’ôter parfaitement mon maquillage infernal. Je jetai un coup d’oeil en coin à Dina, laissant passer quelques secondes de silence, avant de demander : « Tu crois que ta nouvelle agente se doute que tu couches avec ta costar ? »

@Dina Reyes

C’est pas la première fois que tu vois quelqu’un de cette manière, de façon un peu régulière sans pour autant que ça n’implique quoi que ce soit de plus que du sexe bête et méchant. Généralement ça ne dure qu’un temps, jusqu’à ce que l’une ou l’autre finisse par trop s’attacher et vouloir plus, ou par rencontrer quelqu’un de plus important et décide de passer à autre chose ; pour le moment, c’est pas encore le cas ici. Pourtant dans tout ça, ces relations un peu foireuses et pas franchement prometteuses ressemblent plus à quelque chose de réel que celles que tu peux afficher en public (aka avec des hommes). « Hm, » que tu marmonnes dans ta moitié de sommeil en voulant bien évidemment dire “volontier, bonne idée, ça nous fera du bien après le trop plein d’alcool”. Tu suis le mouvement du regard, affichant une légère moue déçue lorsqu’elle se couvre et disparaît hors de ta vue. Y a pas à dire, c’est quand même plus sympa et moins stressant de se retrouver chez elle plutôt que quand c’était à l’arrache dans les trailers du set.
A tâtons, tu cherches ton téléphone sur le sol, tout ça pour te rendre compte qu’il est probablement resté en bas avec une bonne partie des vêtements. Si t’avais le courage de te lever, t’irais peut-être le chercher. Tant pis. Lorsqu’elle revient tu te redresses pour t'asseoir, t’étirant au passage pour chasser la fatigue. « Merci. » La tasse est brûlante alors tu fais attention en la récupérant, tu détesterais franchement en renverser la moindre goutte sur toi alors que t’es encore à poil et c’est certainement pas le drap qui te recouvre à moitié qui va protéger quoi que ce soit. « Oh wow, t’en as beaucoup des comme ça ? » que tu souffles avec un rire face à la tasse que tu examines sous tous les angles, secouant la tête face au motif. Tu relèves les yeux dans sa direction quand elle vient retirer le strass de ton visage, « je suis à peu près sûre d’avoir un peu de Jojo partout, » et t’es tout aussi confidente sur le fait qu’elle en retrouvera dans les moindres recoins de son appart pour les mois à venir, peu importe combien de fois le ménage sera fait.
Un peu malgré toi, tu te crispes à sa question, plissant légèrement le nez dans une grimace qui veut déjà tout dire. « Houla elle vient d’arriver, j’espère bien qu’elle m’a pas percée à jour aussi rapidement. » Et en toute honnêteté, t’as bien l’intention qu’elle ne soit au courant de rien. Un jour peut-être que tu seras prête à en parler au monde, à partager l’info dans une interview ou même juste avec ton cercle proche, mais pour l’heure t’es toujours bien décidée à garder l’info pour toi (et forcément, les quelques personnes qui se sont retrouvé au courant par la force des choses). « Pas que je regrette ou quoi, hein. » Ce que vous avez toutes les deux, c'est léger, c’est sans prise de tête et c’est probablement tout ce qu’il vous faut à l’une comme à l’autre. Les raisons sont différentes pour chacune, mais tant que vous y trouvez votre compte, c’est tout ce qui importe. « Encore que ça se discute quand tu ressembles à un raton-laveur sous ecsta. » Sourire à la con, tu fais mine de rien en soufflant sur la tisane pour la refroidir. Tout ça fait tout de même beaucoup de mots pour dire “non elle sait pas et je préfère toujours que ça reste entre nous”. « Pourquoi, la tienne est du genre à s’en douter ? » Est-ce qu’elles en parlent ou est-ce qu’elle connaît si bien Marceline que ça relève de l’évidence ? Non, ça ne t’inquiète pas (peut-être un peu quand même), mais t’imagines que t’as le droit de savoir si jamais c’est le cas ?

@Marceline Griffiths  🦝

On avait pas trop eu l’occasion des confidences sur l’oreiller depuis qu’on avait commencé nos petites bêtises : on avait juste volé quelques heures au temps sur le plateau, avec toujours un sentiment d’urgence, il fallait quitter discrètement les trailers, ne pas se faire remarquer. J’aimais bien avoir un secret, même si je n’étais pas très douée pour les garder, moi et mon émotivité un peu trop expressive. Heureusement, puisque je flirtais avec la terre entière, ce n’était pas évidemment de savoir avec qui je flirtais pour de vrai. Dina n’allait que s’ajouter à la longue liste de costar avec qui Twitter voudrait me voir - à la différence que pour une fois, il s’avérait qu’on couchait vraiment ensemble. Cela dit, être un booty call c’était loin d’être aussi romantique que la relation que les shippers allaient s’imaginer. « Oh wow, t’en as beaucoup des comme ça ? » Demanda Dina alors qu’elle observait la tasse. « Beaucoup trop, je le crains. J’adore les trucs un peu kitsch », dis-je, consciente que ce n’était pas vraiment une confidence pour quiconque avait vu ma maison. Elle était remplie de babioles, de posters, de couleurs, de papiers peints à arabasques ou à pois, destapis en forme de fruits et de fleurs, de vases tarabiscotés remplis de fleurs colorées. « je suis à peu près sûre d’avoir un peu de Jojo partout, » souligna Dina après que j’ai ôté une paillette de son sourcil. « And they said romance was dead ! » Ironisai-je avec un rire. A vrai dire, c’était étrange de me l’entendre dire, mais entre Dina et moi, ce n’était clairement pas de la romance. Enfin, je n’aurais pas exactement utilisé ce terme. Et en tant que serial romantic, c’était étrange de m’en rendre compte.

C’était peut-être parce que je n’avais pas vraiment cette impression de devoir être la crush parfaite que je m’autorisais si facilement à mettre les pieds dans le plat en mentionnant l’agente de Dina. « Houla elle vient d’arriver, j’espère bien qu’elle m’a pas percée à jour aussi rapidement. » Je pinçai les lèvres. « J’ai supposé que t’étais queer minute une où je t’ai rencontrée. J’veux dire, t’as vu le projet dans lequel tu joues ? » Soulignai-je en haussant les épaules. « Et la moto aussi », ajoutai-je avec un rire. Je n’essayais pas d’être maladroite avec le fait que Dina n’était pas out, mais je devais bien avouer que j’avais du mal à saisir : si elle ne voulait pas que l’on spécule, pourquoi jouer dans un tel film ? « Tes proches savent vraiment pas ? » Demandai-je un peu surprise.

Encore une fois, ça me semblait beaucoup d’efforts pour cacher quelque chose de pas si grave, mais je me demandais aussi si y avait pas d’autres choses qui se jouaient pour Dina - un entourage homophobe, le stress d’une vie dans l’oeil public, ce genre de choses. « Pas que je regrette ou quoi, hein. » Je ricanais dans ma tasse, m’éclaboussant accidentellement le visage avec le liquide encore trop chaud. « J’en doutais pas », assurai-je, sincère. « Encore que ça se discute quand tu ressembles à un raton-laveur sous ecsta. » Je mimais d’être outrée, ouvrant la bouche en un oh choqué. « T’avais pas l’air d’être contre ce que te faisait ce raton-laveur sous ecsta y a même un quart d’heure », fis-je remarquer avec un sourire mutin.

« Pourquoi, la tienne est du genre à s’en douter ? » Je sentais déjà poindre un sourire d’excuse sur mes lèvres. « Je crois qu’elle a mis moins d’une semaine à griller le truc », admis-je, un peu désolée, mais pas tout à fait non plus. « T’inquiète, c’est son métier d’être un tombe. Elle dira rien. » Elle n’outera sûrement pas quelqu’un. « C’est juste qu’on bosse ensemble depuis 5 ans et elle me connaît très bien. J’étais en larmes dans mon trailer tous les jours, à maudir le tournage, et soudainement je me suis mise à dire qu’en fait, t’étais plutôt sympa, et que je voulais bien aller déjeuner avec le reste de l’équipe. Elle a fait deux plus deux quoi. » Pour être exacte, elle avait surtout soupiré Marceline ne me dit pas que tu te tapes !!! Dina !!! ce à quoi j’avais dû répondre un petit oops. « Je crois quelle était surtout surprise que je sois pas déjà en train de te demander en mariage. Je suis du genre à aller vite habituellement », confiai-je avec un certain dédain, une forme de cynisme qui ne me ressemblait pas mais ne me quittait pas depuis la rupture. « Et t’inquiète, personne d’autre saura, je sais me tenir. On pensera juste que t’es la énième fille avec qui je suis amie mais aime flirter, ton secret est en sécurité. Même si tu sais, y a un tas de filles qui tueraient pour pouvoir dire publiquement qu’elles ont couché avec moi, mais bon ! » Concluai-je en riant (à moitié).


@Dina Reyes

« Hein ? » Comment ça, elle a supposé direct ? T’es pourtant pas si transparente que ça, si ? En ce qui concerne ses arguments, ils se valent un peu quand même. Encore que. (Allez hop, encore un peu plus de déni, t’es plus à ça près). « Mais ça veut rien dire ça, y a plein d’acteurs qui jouent des rôles queer sans pour autant l’être eux-même. » La liste est longue, les exemples nombreux, et t’es à peu près sûre qu’elle aura de toute manière des réponses ou théories déjà préparées pour chacun d’entre eux, autant ne pas tenter le diable. « Et la moto c’est juste une moto ? » Comment ça c’est gay de conduire ce type de véhicule ? Y a rien de plus pratique dans une grande ville pour circuler, franchement elle a déjà essayé de trouver une place de stationnement en urgence avec une voiture qui prend toute la place ? Un peu malgré toi, tu te crispes à la question sur tes proches. Le nez légèrement plissé, tu lâches un « non ? » qui ressemble à tout sauf à une affirmation. « Pas que je sache en tout cas. »  Jusqu’à maintenant, personne n’a rien dit ou alors tu n’es pas au courant. « Je les vois quasiment pas, de toute façon. Ma mère est restée vivre à LA, mon père et ma soeur sont en ville mais je suis toujours en déplacement, abuela est trop âgée pour faire un voyage aussi long… » Et les autres, même si c’est triste à dire, ils ne comptent pas vraiment. Tu n’as jamais été proche d’eux et quand tu les voyais, t’avais surtout la sensation qu’ils voulaient pouvoir dire “hé, ma cousine est connue” et tirer un quelconque profit de la situation. « Du coup quand je passe du temps avec eux, y a d’autres choses à discuter que ce que je fais et avec qui. » Et puis t’as toujours un peu cette sensation crasse d’avoir pris trop de place quand t’étais gamine, alors ça doit leur faire des vacances quand t’es présente sans être le centre de l’attention. Pas que t’aies jamais cherché à l’être de toute façon. Déjà que tu sens gros comme une maison les critiques  de Miranda sur le choix de film pour un retour à l’acting, t’as pas envie d’en rajouter en lui donnant d’autres munitions. Et puis en vérité, t’apprécies surtout le sentiment que pour une fois, juste une fois, t’as quelque chose qui t’appartient, qui n’est rien qu’à toi et sur lequel on ne peut rien te dire tant que ce n’est pas tombé dans le domaine public. Toute ton enfance s’est résumée à faire ce que ta mère attendait de toi, à ce que les producteurs voulaient et ta vie privée dans tout ça, elle était inexistante.
Elle ricane à ta maladresse et tu souffles un rire à ton tour, secouant la tête au passage. « Oh j’étais pas contre, crois moi, » si c’était le cas, elle le saurait, tu ne serais même probablement pas ici en premier lieu, du coup…
« Ah ok donc c’est pour ça qu’elle m’a regardée bizarrement l’autre coup. » T’exagères, c’était à peine plus qu’un regard un peu insistant et elle est bien vite passée à autre chose pendant que toi, t’as pas compris pourquoi. Néanmoins, tu te contentes d’un sourire pincé mais quand même un peu rassuré de savoir que ton secret le restera tant que t’as pas décidé de le partager. « Tu vois finalement t’avais juste besoin de penser à autre chose et de t’amuser un peu.  » De rien, tout le plaisir est pour toi. « Enfin qu’est-ce que j’peux dire ? Je suis plutôt sympa. » Bien sûr, tu le dis très humblement et que vous couchiez ou non ensemble ne change pas grand-chose à l’histoire. « C’est quoi les bons délais pour une demande en mariage de toute façon ? » C’est marrant de constater que toi, t’as plutôt tendance à éviter toute forme de réel attachement et que sur ce point là, vous êtes radicalement différentes. « Qui sait, si j’ai besoin d’argent un jour je pourrai toujours vendre l’info à un scooper. » A tous les coups il te répondra que c’est tout sauf une exclusivité, que les rumeurs étaient déjà bien présentes et qu’il y a même eu un nombre incalculable de débunks sur le sujet. Tout ça, tu ne préfères pas y penser alors tu en parles avec une pointe d’humour plutôt que de montrer que dans le fond, t’es quand même pas tout à fait tranquille. « T’sais, je crois que c’est la première fois que je fais ça avec quelqu’un avec qui je bosse. » Avec quelqu’un d’aussi proche de là où tu vis, aussi. D’habitude tu profites d’être loin, tu date vite fait le temps du séjour et puis tu disparais sans rien dire ou sans rien demander à personne. C’est lâche, c’est pas franchement sain, mais jusqu’à maintenant ça fonctionnait plutôt pas mal. « Enfin non, c’est la première fois. » C’est aussi la première fois où t’es suffisamment en confiance pour ne pas te sauver comme une voleuse et pour répondre aux messages une fois la soirée passée, mais ça, tu le gardes pour toi. « Enfin merci de garder ça pour toi. » Vraiment, ça veut dire beaucoup pour toi. « Du coup… C’est quoi qui a changé cette fois pour toi ? Si t’es du genre à aller vite dans tes relations, qu’est-ce qui est différent cette fois ? T’avais envie d’essayer autre chose ? » Tu demandes, curieuse. Et comment ça se passe de son côté ? Ca lui convient comme ça ou elle a peur de retomber dans ses anciens travers ?

@Marceline Griffiths  🦝

« Mais ça veut rien dire ça, y a plein d’acteurs qui jouent des rôles queer sans pour autant l’être eux-même. » Je devais me retenir de lever les yeux au ciel, parce que c’était un sujet épineux, et qu’en tant qu’actrice, je n’avais toujours pas tranché sur comment je me sentais par rapport à ça. Dans tous les cas, ça ne changeait rien à mes théories sur Dina. « C’est de moins en moins commun maintenant que les gens queers peuvent être out », je fis remarquer avec un sourire en coin. « Sans parler du fait qu’un tas de ces acteurs “hétéros” », je mimais des guillemets avec mes mains, « sont sûrement eux-mêmes queers. Je veux dire, Rachel Weisz ? Personne d’hétéro n’embrasserait Rachel McAdams comme ça ! » M’exclamai-je. J’en avais un tas de théories dans le genre, et malgré ma nouvelle place dans ce milieu du cinéma, je ne pouvais pas juste arriver sur un tapis rouge et demander à des titans du cinéma si oui ou non ils étaient queers. Il fallait surtout pas que Dina me lance sur ma théorie sur Taylor Swift et Karlie Kloss, sinon on allait y passer la nuit. « Et la moto c’est juste une moto ? » J’éclatais de rire. « Ne me dis pas que tu penses qu’on peut pas deviner l’orientation de quelqu’un et que c’est mal de supposer ? » Repris-je, mi-amusée mi-agacée. « C’est un truc d’hétéro ça, de la même façon que les gens aiment dire qu’ils voient pas les couleurs. C’est pas une insulte d’avoir l’air queer, au contraire… Je déteste quand les gens pensent que je suis hétéro », avouai-je, tout à fait sérieusement. C’était quelque chose dont j’étais sincèrement fière, et vivre dans un monde qui supposait constamment que j’étais quelqu’un d’autre m’agaçait particulièrement. C’était l’un des avantages à être connue, et connue comme une actrice lesbienne.

Dina semblait être de l’autre côté du spectrum concernant le out, proud and loud. Même avec ses proches. « non ? » Je levai un sourcil. « Pas que je sache en tout cas. » Wow, et moi qui pensais que ma famille était nulle en communication. C’était pas fou du côté de Dina non plus visiblement. « Je les vois quasiment pas, de toute façon. Ma mère est restée vivre à LA, mon père et ma soeur sont en ville mais je suis toujours en déplacement, abuela est trop âgée pour faire un voyage aussi long… » Hmmm. J’avais surtout l’impression que Dina me donnait beaucoup d’excuses. « Du coup quand je passe du temps avec eux, y a d’autres choses à discuter que ce que je fais et avec qui. » Je plissai les yeux, sentant une pointe acide dans mon estomac. « Être queer c’est pas juste une question de faire quelque chose et avec qui », fis-je remarquer. C’était vraiment un truc d’hétérosexuel ça aussi, de penser que l’orientation sexuelle n’était qu’une question de sexe, voire même de romance. C’était beaucoup plus complexe.

Dina était secrète, j’étais un livre ouvert. Surtout auprès de Sam, mon agente. « Ah ok donc c’est pour ça qu’elle m’a regardée bizarrement l’autre coup. » Je fis une petite grimace. Guilty as charged. « Tu vois finalement t’avais juste besoin de penser à autre chose et de t’amuser un peu.  » C’était un peu plus compliqué que ça, mais j’avais sincèrement pas envie de plomber l’ambiance avec ma rupture. « Enfin qu’est-ce que j’peux dire ? Je suis plutôt sympa. » « Plutôt passable, oui », dis-je avec ironie et un clin d'œil.

« C’est quoi les bons délais pour une demande en mariage de toute façon ? » Hmm… Tout dépendait, chez les lesbiennes, ça semblait être plus rapide en moyenne, mais je savais pas si c’était vraiment un bon signe. « Je sais pas. Je crois que le problème c’est surtout que la relation tienne après la demande », avouai-je avec une grimace. J’avais été fiancée deux fois, je savais de quoi je parlais.

« Qui sait, si j’ai besoin d’argent un jour je pourrai toujours vendre l’info à un scooper. » J’eus un petit rire. J’acceptais avec plaisir si c’était pour dépanner, quelle générosité. « T’sais, je crois que c’est la première fois que je fais ça avec quelqu’un avec qui je bosse. » Ah ? Je penchais la tête, curieuse d’en savoir plus. « Enfin non, c’est la première fois. » « Je suis flattée, alors », décrétai-je avec un sourire mutin. « Tu dates qui, habituellement ? » Demandai-je, essayant de mieux cerner Dina. En même temps, vu comment elle était secrète sur qui elle aimait dater, ça ne m’étonnait pas qu’elle ne veuille pas mêler ça avec le travail, là où on pourrait la surprendre. « Enfin merci de garder ça pour toi. » J’eus un soruire sincère. Bien sûr que j’allais pas outer quelqu’un, peu importe mes grands discours sur l’iomportance d’être fière. « Du coup… C’est quoi qui a changé cette fois pour toi ? Si t’es du genre à aller vite dans tes relations, qu’est-ce qui est différent cette fois ? T’avais envie d’essayer autre chose ? » Je relevai mes genoux vers moi pour les enrouler de mes bras et poser mon menton dessus. « Pfiou, tu veux la réponse courte ou la version qui plombe l’ambiance ? » Plaisantai-je. « Disons que j’ai jamais eu beaucoup de chance en amour. J’ai daté des filles horribles, et je me suis souvent dit que c’était leur faute. Mais… Récemment, je crois que j’ai commencé à comprendre que ce n’était pas les seules fautives. Et que j’avais daté des personnes très bien aussi. Bref, qu’au fond, c’était aussi moi le problème, pour un tas de raison que je ne révélerais pour ne pas ternir cette merveilleuse image que tu as de moi », dis-je avec un clin d'œil pour détendre l’atmosphère après ma confession. « Bref, j’ai du mal à dater à nouveau. Je pensais toujours qu’il fallait que je trouve the one mais je crois qu’il faut que je change moi d’abord. » Je grimaçai. « Oh, et jamais je ne daterais quelqu’un dans le placard. No offense. » C’était déjà assez compliqué d’être lesbienne comme ça, je n’avais pas besoin du drame du placard. « T’as jamais eu envie d’être out ? T’as peur que tes proches ne t’acceptent pas ? »

@Dina Reyes

« Non, c’est pas mal de supposer. » Tu pensais juste pas que c’était aussi évident à ton sujet. Du coup ça te fait un peur peur de savoir ce qui se dit, ce qui va se dire et surtout, comment ça va tourner. T’ajoutes pas de justification supplémentaire, tu vois bien à son air que tu t’es probablement mal exprimée et c’est sans doute mieux si tu évites de t’enfoncer pour rien. T’aimes bien ce que vous avez, t’as pas envie que ça devienne compliqué parce que vous n’êtes finalement pas tant sur la même longueur d’onde que ça.
« Habituellement… Disons que je profite d’être à l’étranger pour faire des rencontres sur place. » T’en es pas spécialement fière, mais c’est tout ce que t’as trouvé. « Je sais même pas si on peut parler de dates en vrai. Ça dure le temps du séjour ou juste d’une soirée, ça dépend. » Parfois le feeling passe bien, tu te prends presque au jeu et puis tu reviens vite à la réalité et tu coupes court à la chose avant que ça n’aille trop loin. C’est un peu triste dans le fond parce qu’il n’y a jamais aucun attachement qui se crée, mais tant pis. « Dans tous les cas, c'est jamais fait pour durer. » Jusqu’à preuve du contraire, t’as jamais laissé croire à qui que ce soit que les choses pourraient durer après ton départ, elles sont prévenues d’entrée de jeu et faut avouer que c’est un peu casse-gueule comme façon de faire. « J’ai déjà tenté quelque chose d’un peu sérieux avec une meuf qui était très ouverte et vocale sur le sujet et disons que ça s’est pas franchement bien terminé. » Elle n’avait rien à se reprocher, l’autre fille, mais toi t’étais trop sur la réserve pour que ça puisse fonctionner. Au moins depuis que t’es dans l’optique de ne t’engager auprès de personne, ça se passe mieux et c’est plus facile à gérer. Et puis visiblement c’est pas spécialement mieux de son côté, elle enchaîne les fiascos et ne parvient pas tellement à se poser non plus. « Merde, désolée. » Tu peux dire quoi d’autre, en vrai ? Tes relations aussi elles sont foireuses sauf qu’en tout temps, tu savais que le problème venait de toi. « Ça reviendra. Laisse toi le temps de faire le point et de profiter de ta vie de célibataire. » C’est culotté de ta part de donner des conseils du genre, surtout dans la mesure où t’as dû être en couple à peu près trois fois dans ta vie et que ça n’a jamais duré plus de quelques mois. « Quoi que, je suis peut-être pas la mieux placée pour donner des conseils à ce niveau. » Néanmoins, tu crois en ce que tu dis, elle mérite de prendre le temps de la réflexion et de trouver ce qu’elle attend réellement. La remarque a un goût plus amer que prévu, mais tu passes au-dessus avec un ricanement. « Je te demanderai pas de retourner dans le placard avec moi, t’en fais pas. » Been there, done that, ça n’amènera rien de bon. « T’as jamais eu envie d’être out ? T’as peur que tes proches ne t’acceptent pas ? » - « Pas vraiment, non. » Faire ton coming out ? Drôle d’idée. « Ma famille serait probablement ok, c’est juste… » Plus compliqué que ça. Surtout maintenant que t’as décidé de tenter le diable en te jetant corps et âme dans un rôle qui te met presque à nue. Léger soupir, tu poses la tasse sur la table de chevet avant de te lever pour récupérer ton tshirt. La direction que prend la conversation te rend trop nerveuse pour que tu restes statique dans le lit. « Depuis que je suis gamine, je fais ce qu'on attend de moi. On me disait comment me comporter, ce qui était acceptable ou ce qui ne l’était pas, je devais apprendre par coeur quoi répondre quand on me posait des questions et j’ai jamais vraiment eu le choix. » T’as été cette enfant à qui on a collé une image dès son plus jeune âge et à qui on a donné tout un tas d’instructions pour la maintenir, peu importe les contraintes ou les retombées sur ta personne. C’est pas pour rien que la plupart des enfants stars finissent par mal tourner, ils ne sont pas faits pour supporter une telle pression. Si tu as eu la chance de bien t’en sortir contrairement à d’autres, ce n’est pas pour autant que tu l’as fait totalement indemne. T’as encore trop de vieux réflexes ou d’anciennes craintes ancrés en toi pour t’en débarrasser comme ça. « Pour une fois j’ai quelque chose qui n’appartient qu’à moi, et je peux décider de ce je veux en faire, avec qui et quand je le partage. » Elle, en l'occurrence. Avec les autres meufs tu te contentes de jouer au fuckboi, c’est à peine si vous prenez le temps de discuter. « J’en parlerai peut-être un jour, je sais pas, mais pour l’instant j’ai surtout envie d’apprendre à naviguer avec cette partie de moi et de le faire à mon rythme. » Tu sais même pas si ça a du sens pour elle, tout ça, elle est tellement ouverte avec tout le monde sur le sujet que c’est difficile de dire si elle a déjà été dans le placard un jour. « Je sais bien que ça peut pas durer éternellement, surtout pas vu le film sur lequel on vient de bosser mais… Ouais, on verra. » Pour toi c’est tout vu, tu te sens absolument pas prête à ce que ça se sache de si tôt. Bref haussement d’épaules, tu soupires en te rendant compte que cette fois, c’est peut-être un peu toi qui plombe l’ambiance. « Enfin j’espère que tu finiras par trouver the one, sincèrement. » Tu lui adresses un léger sourire, « d’ici là, j’suis dispo pour dépanner. » Ca ne remplacera jamais une vraie relation mais c’est sans doute mieux que rien.

@Marceline Griffiths  🦝

« Habituellement… Disons que je profite d’être à l’étranger pour faire des rencontres sur place. » Dina avait l’air étrangement penaude, le regard un peu dans le vague, comme si elle n’assumait pas tout à fait ce qu’elle m’expliquait. « Je sais même pas si on peut parler de dates en vrai. Ça dure le temps du séjour ou juste d’une soirée, ça dépend. » Ah, toujours, une porte de sortie, hmm ? « Dans tous les cas, c'est jamais fait pour durer. » Je mordis l’intérieur de ma joue pour ne pas répliquer quelque chose de piquant, par réflexe, parce que ça me rappelait trop de choses, trop d’ex. Mais Dina était honnête avec moi, parlant d’un sujet qu’elle semblant cacher au reste du monde, et je ne comptais pas lui rentrer dedans non plus - à force de manoeuvrer avec Mabel, j’avais fini par apprendre un peu comment m’approcher des gens évitants. « T’as de la chance que je sois en grande remise en question amoureuse parce que wow, les filles comme toi, d’habitude, c’est vraiment mon obsession. Je deviens persuadée que je peux vous changer. » Que je serais celle qui ferait différente, que je leur montrerais qu’il existe un amour qui peut vaincre toutes les angoisses et les peurs de l’engagement. Bizarrement, cela n’avait toujours pas fonctionné en dix ans de pratique. Et je commençais à peine à me rendre à l’évidence. « J’ai déjà tenté quelque chose d’un peu sérieux avec une meuf qui était très ouverte et vocale sur le sujet et disons que ça s’est pas franchement bien terminé. » J’imaginais facilement. J’eus envie de plaisanter et de lui demander qu’elle me la présente, mais on était encore à moitié nue dans mon lit, fallait que je reste polie. « Et les mecs ? Ils t’intéressent ? » C’était une question détournée pour savoir comment elle s’identifiait, parce que j’avais la vague idée qu’elle allait me dire qu’elle n’aimait pas se mettre d’étiquette.

En tout cas, on était toutes les deux du gene à avoir des relations foireuses, mais pour des raisons bien différentes. C’était peut-être pour ça qu’on s’équilibrait bien. « Merde, désolée. » J’haussai les épaules.« Ça reviendra. Laisse toi le temps de faire le point et de profiter de ta vie de célibataire. » « Je déteste être célibataire », avouai-je sans réfléchir, un peu honteuse de la confession. « Je sais que c’est nul de dire ça, mais c’est vrai. J’ai toujours aimé avoir ma personne, quelqu’un avec qui je peux former un duo. J’adore être amoureuse. Parfois je me dis que j’aime plus l’amour que je n’aime mes copines », je confiais avec une grimace. C’était vrai : ça m’occupait d’être amoureuse, d’être consummée par un crush.

« Quoi que, je suis peut-être pas la mieux placée pour donner des conseils à ce niveau. » J’eus un petit rire - à vrai dire, j’étais finalement mal placée aussi pour discuter de tout ça. J’étais juste une pro pour les ruptures, à la limite. « Je te demanderai pas de retourner dans le placard avec moi, t’en fais pas. » J’avais du mal à comprendre comment Dina arrivait à parler ouvertement d’être dans le placard : elle le reconnaissait, ne savait-elle donc pas que c’était une horrible position ? Je comprenais les gens qui se débattaient avec l’identité, mais j’avais toujours du mal à comprendre que l’on sache, mais que l’on choississe d’y rester. Sauf s’il était question de se protéger, de son entourage par exemple. Ce qui ne semblait pas le cas de Dina, visiblement. « Pas vraiment, non. Ma famille serait probablement ok, c’est juste… » J’essayais à tout prix de contrôler mes expressions faciales, j’étais une actrice purée, il fallait que j’oublie que j’avais encore des traces d’alcool et de mdma dans le système après cette soirée d’Halloween un peu trop débridée. Heureusement, Dina ne me regarde pas, trop occupée à se lever pour chercher son tee-shirt, pour se donner contenance sûrement. « Depuis que je suis gamine, je fais ce qu'on attend de moi. On me disait comment me comporter, ce qui était acceptable ou ce qui ne l’était pas, je devais apprendre par coeur quoi répondre quand on me posait des questions et j’ai jamais vraiment eu le choix. » L’enfant star. J’eus une pensée pour ma famille, pour Maddy et Mabel, mes cousines, la compétition qu’on subissait toutes, les pions de nos parents qui nous voulaient dans une industrie. « Pour une fois j’ai quelque chose qui n’appartient qu’à moi, et je peux décider de ce je veux en faire, avec qui et quand je le partage. » Je restais silencieuse, un peu prise de court. « J’en parlerai peut-être un jour, je sais pas, mais pour l’instant j’ai surtout envie d’apprendre à naviguer avec cette partie de moi et de le faire à mon rythme. Je sais bien que ça peut pas durer éternellement, surtout pas vu le film sur lequel on vient de bosser mais… Ouais, on verra. » Dina avait réussi le miracle de me faire taire, parce que j’essayais de réorganiser mes pensées. « Enfin j’espère que tu finiras par trouver the one, sincèrement. D’ici là, j’suis dispo pour dépanner. » Cette fois-ci, j’eus un sourire en coin, et je tendais la main vers Dina, toujours debout, pour attraper son avant bras et l’obliger à se rasseoir sur le bord du lit, qu’elle arrête de s’agiter. « Merci d’avoir été honnête », lui dis-je avec une certaine tendresse, lâchant tout de même son bras, ne voulant pas être intime avec elle. « Franchement, je comrpends. Enfin, pas tout à fait. Mais je devais être la petite fille parfaite dans mon enfance aussi, et quand j’ai compris que j’étais lesbienne, c’était tellement… moi, tellement profondément, que j’avais besoin de le partager à tout le monde. Mais j’imagine que ça peut être différent pour chacune, et t’as le droit d’avoir ta timeline. » Peut-être que c’était ironique pour moi de dire, alors que je portais mon identité comme un badge d’honneur, bien brillant sur ma poitrine. Mais j’essayais sincèrement de comprendre Dina. « J’espère vraiment que tu pourras être out un jour, dans tes termes à toi, parce c’est un poids qui s’ôte des épaules. » Et ça, je le pensais sincèrement. « Mais d’ici là, si t’as besoin d’une amie à qui parler, j’suis dispo pour dépanner », dis-je avec un petit clin d’oeil.


@Dina Reyes