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Face à son reflet démultiplié par la fissure dans le miroir, Shiloh prend une longue inspiration. La soirée n’a pas débuté sous les meilleurs hospices. Et déjà, elle peut sentir la culpabilité entamer son chemin sournois dans le cours de ses pensées. Elle s’en veut d’avoir laissé sa peur gagner la bataille aussi aisément, jetant par la fenêtre le long travail entamé au cours de sa thérapie. Surtout, elle s’en veut d’avoir osé comparer Lewis à son ex conjoint. Il n’a rien de l’homme qui avait su faire naître tout un tas de traumatismes chez elle. Lewis est bienveillant, attentionné et surtout capable d’entendre ce qu’elle avait à lui dire sans que cela ne se transforme immédiatement en une litanie de reproches. Il venait, une fois encore, de le prouver. Malgré son évident agacement pour une situation qui dépasse bien les limites de leur relation. Elle le sait, il lui en avait parlé ouvertement. Lewis rencontre des obstacles dans la relation avec son frère aîné. Désormais, elle a compris que cela dépasse ce qu’il avait bien voulu lui raconter, qu’il est véritablement affecté par cela au point de ne plus trop savoir contrôler son tempérament. Elle ne devrait pas lui reprocher cela, pas alors qu’elle lui avait promis une bonne soirée et qu’il semblait si impatient de pouvoir se changer les idées en sa compagnie. Alors, face à ce miroir, elle souffle une dernière fois pour évacuer les mauvaises pensées et ses inquiétudes qui n’ont pas lieu d’être. Du bout des doigts, elle vient effacer la légère trace de mascara qui était venu s’étaler sous sa paupière. Passant un peu d’eau sur ses joues, elle finit par laisser sa place à un groupe de filles déguisées en Mean Girls, qu’elle complimente au passage. Sans sa plante verte, elle ne paraît pas réellement déguisée, mais déjà Shiloh a envie d’aller retrouver son binôme. 

La musique bat son plein, les vibrations des basses donnant comme une seconde vie au bâtiment abandonné depuis des années. De là où elle se trouve, Shiloh peut apercevoir Lewis. Accoudé à la table, il a l’un de ses bras autour du pot de sa plante, comme s’il avait peur que quelqu’un lui pique, et son autre main est occupée à scroller sur son téléphone. Durant un bref instant, elle se laisse aller à remarquer à quel point elle le trouve beau vêtu ainsi. Puis elle se souvient des messages qu’elle a échangés avec Cleo. Est-ce qu’elle n’avait pas également paniqué à cause de tout cela ? De tout ce qui ne se dit pas, mais qui flotte malgré tout entre eux ? Secouant la tête, elle ne préfère pas donner plus d’importance à ce genre de pensées. Elle aura le temps, plus tard. Pour le moment, il s’agit de rattraper les choses et cela commence par aller les inscrire pour le concours qui semble tant amuser Lewis. Et tant qu’à faire, elle s’arrête au bar, pour leur commander deux nouveaux verres. Pour mieux faire fonctionner son plan.

Un sourire aux lèvres, le cœur bien plus léger qu’auparavant, elle se dirige vers le jeune homme qui paraît soudainement intéressé par la bande qui se trémousse sur la piste de danse non loin de lui. « Lewis, je te cherchais partout ! » Comme s’ils ne s’étaient pas encore vus, comme si cette altercation n’avait pas eu lieu. « Je vois que tu es bien accompagné, je vais être de trop ! » Elle lui adresse un grand sourire en désignant sa plante d’un signe de menton, avant de lui tendre son verre. « Pour célébrer notre soirée. » Qu’elle explique avant de présenter son verre contre le sien, pour trinquer à cet accord silencieux. Que tout ira bien et qu’aucune angoisse ne viendra à nouveau gâcher ce moment. « J’ai donné notre nom pour le concours. » Tout en parlant, elle se rapproche un peu de lui, pour ne pas avoir à hurler par-dessus la musique ou simplement pour se rassurer en plongeant son regard dans ses pupilles bleu azur. « Mais je t’avoue que la compétition va être rude, j’ai vu un mec dans un de ces déguisements gonflables, tu sais… Comme s’il se faisait enlever par un alien. » Et elle donne son plus grand sérieux à son discours, comme si elle se trouvait véritablement déçue de se faire battre par un autre. « Et je te parle pas du groupe de Mean Girls que j’ai croisé aux toilettes, elles ont l’air féroce ! »

Une partie de lui s’inquiétait de la voir partir à peine avaient-ils réussi à s’extirper de cette mauvaise passe, mais il était assez intelligent pour comprendre que le recul était nécessaire. Pour Shiloh, mais pour lui également. Ils avaient acquis une maturité dont il n’avait pris conscience que récemment, n’ayant pas eu la chance de se construire en tant qu’adulte à ses côtés. Difficile de savoir si cela était pour le meilleur ou pour le pire, mais Lewis mettait un point d’honneur à ôter toute négativité de son esprit lorsqu’il s’agissait d’elle et c’était un énième indice à ce qu’elle représentait réellement. Il était resté là, haïssant de la voir partir mais appréciant de pouvoir la regarder tracer le chemin jusqu’aux toilettes et ce n’était que lorsqu’elle était complètement sortie de son champ de vision qu’il avait passé une main sur son visage et avalé une grosse gorgée de bière. Il ne s’était autorisé à se remettre les idées en place qu’une fois qu’il avait été certain que personne ne l’aurait importuné. Pas maintenant. Jamais, d’ailleurs, car avec ses sentiments était née l’envie de la protéger et de s’assurer qu’elle aille bien en toutes circonstances. Lewis était en train de faillir à sa mission, il le ressentait, et plutôt que venir ajouter cet élément à sa colère, il l’avait utilisé pour la maîtriser. Difficile pour lui de ne pas songer à l’idée que Shiloh se faisait réellement de lui après toutes ses années. Lui le lui avait dit, elle était la même, malgré tout ce qu’elle avait pu lui raconter et malgré les séquelles évidentes qu’avait laissé son passé mais elle n’avait rien dit. Alors encore une fois, il se sentait inférieur, maladroit et bien peu à même d’être l’homme idéal qu’elle méritait.

La pensée le tiraillait, les traits de son visage se crispant comme ses doigts autour de sa pinte de bière, et il voyait à la façon dont les autres le dévisageaient qu’il ne dégageait rien de positif. Il avait redressé la tête et les épaules, tentant de chasser ses mauvaises pensées en jetant un œil à son téléphone et en retombant sur leur échange de messages, il s’était agrippée à cette plante tout aussi ridicule qu’extrêmement significative. Il n’était pas rancunier mais trouvait toujours compliqué de feindre que rien ne s’était passé après un moment compliqué, pourtant, la voir revenir avec un grand sourire et deux verres était un bon début. « Lewis, je te cherchais partout ! » Ouvrant ses bras grand devant lui, il avait mimé d’être aussi surpris qu’elle. « Je vois que tu es bien accompagné, je vais être de trop ! » Il avait secoué la tête, ne voulant pas insister sur ce dernier point, espérant désespérément qu’elle savait qu’elle ne serait jamais de trop, préférant enchaîner sur la plaisanterie. « Permets-moi de te présenter …  Marge. » Il était mauvais, lorsqu’il s’agissait d’improviser ou de nommer un animal, un personnage de jeu, encore plus lorsqu’il s’agissait d’une plante. Mais c’était eux, que de rire de bêtises et tenir une blague aussi longtemps que possible parce qu’il se fichait de l’âge mental que cela semblait leur donner. Ils se comprenaient, et il l’adorait encore un peu plus de réussir à détendre une atmosphère que lui-même n’aurait su apaiser tant il était tiraillé. « Pour célébrer notre soirée. » Attrapant le verre qu’elle lui offrait, il avait trinqué avec elle. « A notre soirée. » A nous. « J’ai donné notre nom pour le concours. » Shiloh s’était approchée, l’avait même regardé dans les yeux, et lui se détendait au fur et à mesure où il comprenait qu’elle n’avait pas - ou plus - peur. « Mais je t’avoue que la compétition va être rude, j’ai vu un mec dans un de ces déguisements gonflables, tu sais… Comme s’il se faisait enlever par un alien. » Lewis hochait la tête, balayant l’endroit du regard pour jauger la compétition avec un air bien trop sérieux par rapport au réel enjeu. « On l’a vu aussi, avec Marge. On a pensé que c’était de la triche, c’est juste un truc qui coûte super cher sur Amazon il y a aucune recherche… » avait-il lancé, ses sourcils se fronçant, son agacement se portant sur un sujet bien plus futile sans même qu’il réalise passer lentement à autre chose. Se penchant un peu plus vers Shiloh, il avait mis le coin de sa main contre sa bouche pour prétendre lui dire un secret que la plante idiote ne pouvait entendre. « Si tu veux mon avis, elle est un peu vache, Marge. » Se rendre ridicule n’avait aucune importance quand l’effet escompté était réussi, le rire de Shiloh venant faire s’illuminer son visage et lui réchauffer le cœur. « Et je te parle pas du groupe de Mean Girls que j’ai croisé aux toilettes, elles ont l’air féroce ! » « Elles étaient vraiment mean ou tu parles du déguisement ? Parce que j’hésiterais pas à intervenir. » Bombant le torse, il était bien plus à l’aise lorsqu’il s‘agissait de jouer les idiots que dans l’exercice précédent, et il redoublait d’efforts dans celui-ci pour s’assurer que la soirée ne serait dorénavant qu’une partie de plaisir. « Faut qu’on décide pour qui on vote nous aussi, et je crois qu’on peut pas voter pour nous. On va devoir gagner à la loyal.  » Restant dans son rôle, il avait proposé sa main à Shiloh pour qu’elle vienne la serrer comme l’on passe un marché. « Mon vote irait au type déguisé en Woody mais vu qu’il m’a piqué une de mes idées, je suis plus si sûr. Qu’est-ce qu’on pense des Totally Spies, là-bas ? » avait-il désigné de l’index, sans se soucier de l’impolitesse puisque tout le monde se jugeait les uns les autres. « Je sais pas s’il faut voter pour le groupe ou pour une personne seule. Sinon je vote pour toi, t’es une parfaite Matilda. Et une parfaite Shiloh, aussi. » Son bras s’était machinalement retrouvé autour de ses épaules pour lui accorder une étreinte, oubliant un instant que ces gestes devenaient de plus en plus complexes. Et avec sa remarque, il tentait de minimiser l’idée d’un déguisement de couple et de ce malaise qu’il s’était créé tout seul.

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« Permets-moi de te présenter… Marge. » Son soudain éclat de rire attire les regards de ceux qui les entourent. Et Shiloh s’en fiche. Elle s’est promis de ne pas retomber dans ses angoisses, de ne pas laisser l’inquiétude gagner sur cette soirée qui promettait pourtant d’être sublime. Alors, elle laisse son éclat de rire résonner autour d’eux. Une réaction probablement disproportionnée pour une plaisanterie qui n’a rien de la blague de l’année. Elle se retrouve telle une gamine de seize ans qui serait capable de rire de n’importe quoi tant que cela peut flatter l’ego de celui qu’elle convoite. Elle redevient adolescente, celle qui pourrait entortiller une mèche de ses cheveux autour de son doigt en se mordillant légèrement la lèvre. Faisant le choix de la sobriété, elle préfère entrer dans le jeu de Lewis, prétendant serrer la main imaginaire de cette pauvre plante qui n’avait strictement rien demandé. Il n’est plus question de se concentrer sur ce faux départ. Autant le reléguer à un épisode bref dont personne ne se souviendra. « À notre soirée. » Ses traits s’étirent dans un sourire franc et sincère. Il lui accordait ce cadeau-là, celui de ne pas lui en vouloir, de ne pas l’interroger et surtout de ne pas dénigrer ce qu’elle avait pu ressentir. Au fond d’elle, Shiloh sait qu’elle devra en parler avec lui, qu’à un moment donné elle devra lui donner une image plus claire des craintes qu’elle porte encore sur ses épaules. Mais pas ce soir, cela pourra attendre, un autre jour, un moment plus propice. 

Il ne s’était écoulé que quelques minutes, une demi-heure à tout casser, mais Shiloh se sentait mieux. Comme plus légère, enfin. Comprise par celui qui est à ses côtés, autorisée à vivre ses émotions sans que ces dernières ne soient constamment pointées du doigt. Et c’est aussi simplement que cela, sans jamais se dénigrer, qu’ils peuvent revenir au sujet principal de leur soirée, à savoir : le concours de déguisement. Lewis semble attaché à l’idée de se présenter et surtout de gagner le prix pour leur duo. Shiloh, elle, préfère s’amuser de la concurrence. « On l’a vu aussi, avec Marge. On a pensé que c’était de la triche, c’est juste un truc qui coûte super cher sur Amazon, il y a aucune recherche… » Une fois encore, elle éclate de rire face à son sérieux. « Je suis assez d’accord avec votre analyse. » Enfiler un truc tout fait, ce n’est pas vraiment faire preuve d’originalité, pas vrai ? De leur côté, ils pourraient apparaître comme un couple au look vestimentaire un peu particulier, mais c’est bien Marge qui fait toute la différence au final, et les lunettes que Lewis n’a portées que cinq secondes au cours de la soirée. « Si tu veux mon avis, elle est un peu vache, Marge. » - « Hmm… Elle ou c’est toi qui as un avis très arrêté ? » Elle se moque gentiment de lui alors qu’elle a encore quelques exemples de costumes qui pourraient arriver à leur niveau. « Elles étaient vraiment mean ou tu parles du déguisement ? Parce que j’hésiterais pas à intervenir. » Elle remarque les efforts qu’il fait, l’humour qu’il balance à tout va pour contrer sa maladresse, et une fois encore, elle lui adresse un tendre sourire. « Calme toi, Léon, je parlais juste de leurs costumes. » Elle sait, dans le fond, qu’il ferait tout pour la protéger et sans qu’il ne s’en doute réellement, cela fait une sacrée différence. 

« Faut qu’on décide pour qui on vote, nous aussi, et je crois qu’on peut pas voter pour nous. On va devoir gagner à la loyal. » Elle hoche la tête, prenant très au sérieux la mission qu’il lui confie. Elle a compris qu’il avait besoin de se changer les idées en se concentrant uniquement sur cela. Elle peut lui offrir cette distraction si c’est ce qu’il désir. « Mon vote irait au type déguisé en Woody mais vu qu’il m’a piqué une de mes idées, je suis plus si sûr. Qu’est-ce qu’on pense des Totally Spies, là-bas ? » Elle suit son geste du regard et retrouve les filles qu’ils avaient déjà croisées en arrivant à la soirée. « Je trouve qu’elles font bien le job. » Et alors qu’elle observe le petit groupe, elle remarque un objet qui fait toute la différence. « Elles ont un poudrier Lewis, on est obligé de voter pour elles ! » Le sens du détail, c’est toujours ce qu’elle apprécie. Et puis les autres groupes qui les entourent ont soit choisi la facilité, soit sont partis dans quelque chose d’un peu trop vulgaire, soit des univers qui ne l’intéressent pas réellement. « Je sais pas s’il faut voter pour le groupe ou pour une personne seule. Sinon, je vote pour toi, t’es une parfaite Matilda. Et une parfaite Shiloh, aussi. » Et tout s’enchaîne sans qu’elle ne prenne réellement conscience. Le compliment qui fait naître un rougissement sur ses joues, puis le bras de Lewis qui se pose sur ses épaules et son instinct qui l’invite à enrouler ses bras autour de ses hanches. Elle ne réfléchit pas lorsqu’elle vient se lover dans son étreinte. Aux yeux du reste du monde, ils pourraient être un couple. Et pour la première fois, depuis bien longtemps, Shiloh se dit que, peut-être, cela pourrait être quelque chose de bien. Elle s’inquiète encore de leur rapprochement, se demandant si un jour elle sera capable de plus que d’une simple étreinte. Secouant la tête, elle chasse ses mauvaises pensées et se dresse sur la pointe des pieds pour venir embrasser la joue de Lewis. « Merci, Lew. » C’est la seconde fois qu’elle le remercie, mais ses mots n’ont jamais été aussi sincères. « Mais pas de favoritisme ! » Qu’elle plaisante, alors que leurs regards se croisent et que durant une seconde, elle se demande ce qui pourrait bien se dérouler. Est-ce qu’il oserait ? Est-ce qu’il aurait même envie de franchir ce genre d’étape entre eux ? Elle en doute. Tant pis. Un sourire s’installe malgré tout sur ses lèvres alors qu’elle fronce du nez pour rire un peu. « Les Totally Spies alors ? » 

Et un ange passe, alors qu’ils se regardent dans les yeux, l’ambiance se transforme dans la soirée et comme sauvé par le gong, Shiloh trouve la parfaite porte de sortie pour ne pas s’élancer dans quelque chose de bien trop complexe à gérer pour elle. « J’adore cette chanson ! » Et sans la moindre hésitation, elle vient lier ses doigts à ceux de Lewis pour l’entraîner parmi la foule, sur la piste de danse improvisée. Elle se perd au rythme de la musique, chante à tue-tête sans véritablement connaître toutes les paroles et se laisse aller à profiter pleinement de sa soirée. Au bout de quelques chansons, le groupe de filles qu’elle avait croisé aux toilettes s’approche d’eux avec des cœurs dans les yeux. « Vous êtes vraiment trop mignons tous les deux ! » Lance l’une d’elles et Shiloh se sent rougir à nouveau, murmurant malgré tout un remerciement alors que Lewis semble gérer la situation comme toujours, avec une blague parfaitement placée. Il sait faire, il sait charmer le petit groupe et elle se contente de sourire à nouveau. « Ils vont bientôt annoncer les gagnants, on va se prendre un autre verre ? » Qu’elle lui demande alors que le groupe s’éloigne. Et alors qu’ils retrouvent une petite place dans un coin bien moins bruyant, Shiloh ne peut s’empêcher de commenter. « C’est pas les premières à nous dire qu’on ferait un couple mignon ce soir. » Et de suite, elle se mord la lèvre, réalisant la bêtise qu’elle venait de lâcher. « Enfin, je veux dire, c’est marrant… Non ? » Non, ça ne l’est plus vraiment désormais. Est-ce qu’elle pourrait disparaître dans le pot de Marge maintenant ?

Pourquoi s’encombrer de masques et tenter d’insuffler ne serait-ce qu’un peu de sérieux dans leur relation ? C’était ainsi qu’ils s’étaient toujours appréciés, capables de rire de tout et même de choses insignifiantes et Lewis, lui, se rassurait de la voir éclater de rire à nouveau. Au milieu de leurs plaisanteries de bas étage, ils avaient chacun leurs propres séquelles et c’était bien assez pour ne pas lâcher prise lors d’une soirée. Il ne ressasserait pas l'événement qu’il venait de se passer, acceptant que le comportement de Shiloh ne soit pas linéaire, ne lui en tenant pas rigueur. Il n’aurait pas été capable de se regarder dans une glace s’il agissait autrement, lui offrant l’opportunité de passer à autre chose sans pour autant oublier le moment. Quand elle aura besoin de l’évoquer, il sera là, et quand ses démons referont surface, il redoublera d’efforts pour les lui faire oublier. Déjà, il se prenait au jeu de l’humour absurde, car rien n’était trop exagéré s’il s’agissait de lui faire comprendre qu’il avait changé d’humeur aussitôt lui avait-elle fait remarquer. « Je suis assez d’accord avec votre analyse. » Subtilement, Lewis était venu souligner les efforts de Shiloh pour leurs costumes. Selon elle, ce n’était rien car elle était évidemment capable de mieux, mais dans la précipitation, elle avait placé la barre très haut. Il pouvait accuser la plante, mais la mauvaise foi était bel et bien de son ressort. « Hmm… Elle ou c’est toi qui as un avis très arrêté ? »  « Paraît que je suis mauvais joueur. » avait-il répondu en haussant les épaules, non sans oublier d’afficher une mine faussement boudeuse sur le visage. Shiloh avait continué à citer les autres costumes, laissant l’opportunité à Lewis de se laisser aller à une nouvelle touche d’humour. « Calme toi, Léon, je parlais juste de leurs costumes. » Le problème des mean girls écarté, il avait pu évoquer Woody et les Totally Spies. « Je trouve qu’elles font bien le job. » C’était un détail futile tant le moment n’était pas important et pourtant, il adorait la façon dont ils finissaient toujours par tomber d’accord. Et silencieusement, il se félicitait d’avoir réussi à insuffler un peu de son enthousiasme à Shiloh, espérant réussir à la combler après l’avoir déçue. « Elles ont un poudrier Lewis, on est obligé de voter pour elles ! » « Un quoi ? » Il jouait les idiots pour la faire rire, encore et encore, acceptant le léger coup de coude qu’elle lui avait adressé avec un cri de douleur exagéré. Encore une fois, sa plaisanterie avait été suivie par un compliment, peut-être un peu trop poussé pour un moment où ils marchaient encore sur des oeufs. « Merci, Lew. » S’il n’était pas certain de l’accueil que recevrait le geste de tendresse qu’il avait eu envers elle, Shiloh l’avait rassuré par un baiser sur la joue qui n’avait pas manqué de le faire frissonner. « Mais pas de favoritisme ! » Sa demande était faite en le fixant, et il aurait voulu lui dire qu’avec un pareil regard, il ne pouvait tenir la promesse. Mais toujours dans un jeu d’acteur parfait, Lewis avait levé les yeux au ciel, prétendant d’être exaspéré quand au final, il aurait tout donné pour éviter que la lumière ne repose sur lui. « Les Totally Spies alors ? »  « Les Totally Spies. » Lewis avait confirmé en répétant ces mots, riant légérement de s’entendre prononcer le nom du trio de super-héroïnes avec un tel aplomb.

« J’adore cette chanson ! » Il ne savait pas si elle ne lui avait pas laissé le temps de réfléchir pour s’assurer qu’il ne refuse pas la danse mais sans comprendre ce qui venait de lui arriver, il s’était retrouvé sur la piste. Lewis adorait l’ambiance mais détestait danser, et pourtant, comme toujours, Shiloh avait le don de faire d’une corvée une véritable partie de plaisir. Il s’amusait, réellement, capable de tout oublier et de ne faire qu’un avec elle. « Vous êtes vraiment trop mignons tous les deux ! » Le commentaire l’avait pris de court et il l’aurait ignoré s’il n’avait pas constaté qu’il avait mis Shiloh mal à l’aise.  « Pensez à regarder le film ! » Car leurs costumes n’avaient rien de mignon, lorsqu’on le connaissait. C’était tout ce qu’il avait trouvé pour détourner l’attention et éviter à Shiloh d’imploser, ses joues rouges indiquant qu’elle était sur le point de le faire. « Ils vont bientôt annoncer les gagnants, on va se prendre un autre verre ? » Lui suivait sa cadence sans problème, n’émettant qu’un commentaire.  « Un soft pour moi, je vous rappelle que je dois vous ramener mademoiselle. Mais toi, amuses toi ! » Il ne l’encourageait pas à boire, plutôt à profiter de sa soirée comme elle l’entendait car il ne savait trop bien à quel point elle avait été habituée à se freiner. A être réprimandée, même. Avec lui, elle avait la certitude de pouvoir s’amuser autant qu’elle le voulait et ce avec l’assurance de rentrer en sécurité, Lewis devenant volontiers son chevalier servant. « C’est pas les premières à nous dire qu’on ferait un couple mignon ce soir. » Le commentaire, lancé alors qu’ils rejoignaient le bar, l’avait presque obligé à rater un pas. Heureusement, elle se tenait à côté de lui, incapable de voir ses yeux s’écarquiller. Était-elle en train de confirmer le doute qui n’avait cessé de croître dans son esprit depuis qu’ils s’étaient retrouvés ? La musique était forte, Shiloh avait bu de l’alcool, et il ne pouvait accorder de l’importance à ces propos et pourtant, il aurait voulu qu’ils veuillent dire quelque chose. « Enfin, je veux dire, c’est marrant… Non ? » Sa répartie n’existait plus, alors qu’il mourrait d’envie de sauter sur l’occasion tout en osant pas le faire. « Évidemment qu’on fait un beau couple, tu nous as déjà bien regardés ? » Encore une fois, il choisissait l’humour, non sans appuyer sur une vérité dont il avait déjà été conscient. S’il n’était pas particulièrement confiant, avec Shiloh à son bras, Lewis se sentait tout puissant.  « Ces commentaires me dérangent pas, j’accepte le compliment volontiers. Je serai plutôt fier que tu sois vraiment ma copine. » Ses jambes avaient bien du mal à le soutenir, alors qu’il venait de laisser ses mots dépasser sa pensée. Mais Lewis lui avait adressé un sourire tendre, de ceux que leur amitié avait toujours connu, comme pour insinuer qu’il ne voulait rien dire de plus. Après tout, elle était son amie, elle était diablement jolie et il n’avait jamais eu honte de s’afficher avec elle alors il ne faisait que souligner une évidence. Alors pourquoi aurait-il juré qu’il venait de lui confier quelque chose qui avait illuminé son regard plus que jamais ? Pour la première fois, Lewis s’était mis à croire à une certaine réciprocité dans les sentiments qu’il éprouvait pour elle, et il n’arrivait plus à se défaire de son sourire.

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« Paraît que je suis mauvais joueur. » La remarque la plonge dans des souvenirs enfouis. Des parties de jeux vidéo avec Kendall, des soirées jeux de société dans la maison des Siede. « Je me souviens. » Qu’elle commente en riant légèrement. Il n’était pas de ceux qui s’énervait pleinement, mais plutôt la version qui se met à bouder et n’a pas envie de finir la partie. Combien de fois avait-elle dû trouver des compromis pour que ses deux amis ne s’étripent pas pour des broutilles. « On devrait organiser quelque chose avec Ken. » Ce n’était pas réellement en thème avec leur soirée, mais elle venait soudainement de réaliser qu’elle n’avait pas vu leur ami depuis un long moment. Elle lui enverra un message demain, pour l’instant, il s’agissait de choisir à qui leur vote reviendrait pour la soirée. Autant dire qu’elle prête une véritable attention aux moindres détails et qu’une fois encore, c’est le trio représentant les Totally Spies qui l’emporte haut la main. « Un quoi ? » - « Un poudrier ! » Elle le regarde, prête à lui faire la morale, mais remarque bien qu’il n’a aucune idée de quoi elle parle. « Le truc rose là. Dans le dessin animé, c’est un super gadget, et Jerry les appelle avec ça. » À la manière dont il l’observe, elle pourrait se demander une seconde si elle n’était pas en train de faire pousser une deuxième tête. « C’est important, Lewis ! » Qu’elle conclut en se mordant la lèvre pour ne pas éclater de rire face à l’air incrédule du jeune homme. « Les Totally Spies. » - « Yes ! » Elles auront leur vote, pour le reste, ils auront bien le temps de voir si certains participants voteront pour eux. 

Ils s’étaient promis de s’amuser, laissant les angoisses et les remises en question au placard, mais il faut croire que le monde entier tenait à jouer avec les sentiments de Shiloh ce soir. La remarque du petit groupe n’avait rien de déplacé, elles pensaient avoir à faire à un véritable couple. Ce n’était pas péjoratif, bien au contraire, mais Shiloh ne savait que faire de l’information. Est-ce le costume qui amenait ce genre de compliment ou la façon qu’ils avaient d’interagir l’un avec l’autre ? Entre les deux, son cœur balance. Ils sont complices, c’est indéniable, mais était-ce aussi facile à déceler pour des étrangers ? « Un soft pour moi, je vous rappelle que je dois vous ramener, mademoiselle. Mais toi, amuses toi ! » Une fois encore, son cœur se réchauffe aux attentions que Lewis distille sans exagération. Elle s’en veut de ne cesser de faire des comparaisons, mais à ses côtés, elle a la sensation de tout réapprendre. Sa normalité à elle, ne se situait qu’entre les reproches et le jugement. Elle n’avait vécu aucune relation sérieuse avec Lawrence et il avait gâché cela pour le reste de sa vie. Ou tout du moins assez pour qu’elle s’étonne des réactions on ne peut plus normales de Lewis. « Juste un petit cocktail. » Elle ne se justifie pas, tout du moins elle essaye. Il faut dire que les cocktails sont incroyables et même si elle n’a jamais eu besoin d’alcool pour s’amuser, elle avait envie de lâcher prise le temps d’une soirée. Ou peut-être cherchait-elle un peu de courage pour ne pas passer son temps à ressasser les commentaires qu’ils ont pu recevoir ce soir. Elle ne cesse d’y penser à ce qu’avait dit la jeune femme. Ils forment un joli couple. Alors qu’elle attend sa boisson, Shiloh jette un œil à Lewis qui ne cesse de lui sourire. Elle perçoit une légère timidité dans sa façon d’être, mais c’est quelque chose qui lui plaît. Comme s’il était terrorisé à l’idée de mal faire, de la blesser ou de provoquer un malaise. « Évidemment qu’on fait un beau couple, tu nous as déjà bien regardés ? » Parfois, elle lui en veut de constamment se cacher derrière son humour, mais ce soir elle lui adresse un sourire quelque peu amusé. « On n’a pas pris de photos. » Il faudra trouver un volontaire pour immortaliser le moment, mais avant cela, elle l’observe ruminer sur cette remarque qui semble l’avoir chamboulé également. « Ces commentaires me dérangent pas, j’accepte le compliment volontiers. Je serai plutôt fier que tu sois vraiment ma copine. » Et voilà qu’elle manque de s’étouffer avec sa boisson. Devenir sa copine. Elle y pense parfois. Trop régulièrement ces derniers temps. Est-ce qu’il aimerait réellement ça ? Elle voudrait le croire, mais une fois encore, un certain pessimisme s’infiltre dans ses pensées. Il ne fait que plaisanter, pas vrai ? « Ce serait un peu bizarre, non ? » Qu’elle demande à demi-mots, sans réellement expliquer ce qui pourrait bien être bizarre. Parce qu’il se connaissent depuis longtemps ? Ce n’est pas vraiment un argument entendable. Mais Shiloh panique et sans l’expliquer, elle entre soudainement dans son jeu. « Est-ce qu’on se donnerait des surnoms idiots ? » Il choisit toujours l’humour, elle pouvait bien en faire de même, n’est-ce pas ? Le temps d’une soirée. Pour s’imaginer, juste un peu, ce que serait d’avoir le privilège d’être la petite amie de Lewis. « Genre… Mon lapin ? Oh non, mon canard. » Elle rit, la paille de sa boisson coincée entre ses dents, cherchant à dissimuler toutes les émotions qui défilent à l’intérieur à la simple idée d’être avec lui. « Et du coup, Marge c’est notre enfant ? » Elle jette un œil à la plante qui commence tout de même à faire une sale tête depuis le temps qu’elle la trimballe de partout.