The truth awaits
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Sybil Powell & @Miles Hawkins Toowong, Maison

La journée avait été interminable, comme souvent. Lorsqu’on est médecin, et plus encore chirurgienne cardiologue, le temps semble s’effacer, ne laissant derrière lui qu’un enchaînement de tâches, d’interventions et de décisions cruciales. L’hôpital n’était pas seulement son lieu de travail, c’était devenu une véritable seconde maison. Les murs des couloirs lui étaient aussi familiers que ceux de sa propre maison, qu’elle voyait rarement. La majeure partie de sa vie se déroulait ici, dans cette ambiance à la fois trépidante et oppressante, où chaque instant pouvait être celui d’une urgence vitale. Pourtant, elle n’aurait échangé sa place pour rien au monde. Dès l’enfance, elle s’était promis de suivre cette vocation, une flamme née d’un mélange de fascination et d’admiration pour ceux qui sauvent des vies. Sybil avait toujours été consciente de la chance qu’elle avait : exercer un métier qu’elle aimait, qu’elle respectait profondément. Mais elle savait aussi à quel point cette passion pouvait être exigeante. Chaque journée, chaque nuit, lui rappelait que l’humanité qu’elle s’efforçait de protéger pouvait être fragile, tout comme sa propre énergie.

Ce jour-là avait commencé comme tant d’autres : une course effrénée entre les blocs opératoires, les consultations et les réunions médicales. Le café du matin avait à peine eu le temps de refroidir dans sa tasse avant qu’elle ne soit appelée d’urgence pour une intervention délicate. Une routine, pourrait-on dire, mais une routine où la moindre erreur pouvait tout faire basculer. Pourtant, au-delà de la fatigue, il y avait toujours cette satisfaction discrète mais réelle, celle d’avoir fait quelque chose de significatif, même si personne ne la remarquait.

Jusqu’à l’après-midi, la journée ressemblait à toutes les précédentes. Mais c’est souvent dans les moments les plus anodins que l’inattendu frappe. Une consultation avait débuté normalement, jusqu’à ce que Sybil lise le nom du patient : Hawkins. Toutefois, à mesure que l’homme parlait, des détails troublants émergèrent. Ses paroles, son regard, et surtout les mentions d’un fils qu’il semblait connaître intimement, formèrent un tableau impossible à ignorer. Puis, la vérité s’imposa à elle, brutale : cet homme était le père de Miles. Le choc la submergea. Miles lui avait toujours dit que ses parents étaient morts. Pas une fois elle n’avait remis en question ce fait. Pourtant, cet homme, bien vivant, affirmait être son père. Au fond d'elle, elle espérait que ce patient mentait, mais comment mentir devant un tel sujet ?

Des heures s’étaient écoulées depuis cette rencontre, mais son esprit restait prisonnier de l’échange. De retour chez elle, Sybil faisait les cent pas dans le salon, incapable de se poser. La maison, habituellement son refuge, lui semblait étroit, oppressant, comme si les murs eux-mêmes retenaient sa colère. Car si l’interrogation avait d’abord dominé ses pensées, une autre émotion s’était lentement installée : une colère sourde, insidieuse. Elle repassait les événements en boucle, cherchant des réponses dans ce qu’elle avait pu manquer. Miles, son cher Miles, celui en qui elle avait une confiance absolue, lui avait-il menti ? Pourquoi ? Comment avait-il pu lui cacher une vérité si fondamentale sur lui-même ? Des bribes d’explications s’entrechoquaient dans sa tête, mais aucune ne semblait apaiser la fureur qui montait en elle. Car, au fond de sa colère, une part d’elle-même souffrait déjà. Que cela soit une omission volontaire ou une méprise tragique, Sybil sentait que ce secret, cette fissure, risquait de bouleverser leur équilibre.

Elle inspira profondément, et alla finalement se chercher un petit verre de whisky, espérant que cela lui calmerait les nerfs le temps de quelques minutes. Inspire. Expire. Une petit gorgée. Puis deux. Ses sourcils, légèrement froncés, tandis que ses lèvres, habituellement pleines de douceur, étaient désormais pincées en une ligne fine, presque dure. Ses joues, habituellement teintées d’une chaleur naturelle, avaient pâli sous l’effet de l’émotion, laissant un éclat presque glacé à sa peau. Mais c’était dans ses yeux que se trouvait le véritable reflet de son état. Elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir, ce n'était que le commencement des problèmes sans qu'elle ne le sache vraiment.

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Miles Hawkins & @Sybil Powell Toowong, Maison

En un instant, tout peut lui glisser entre les doigts. Comme lorsqu’il était sur ce toit et que son frère s’est envolé, le laissant seul avec ses remords et ses doutes. Le couple qu’il forme avec Sybil est sa seule fierté. La seule chose pour laquelle il se bat corps et âme, sans penser à d’autres, seulement à lui-même : elle lui apporte une sérénité à laquelle il ne pensait pas avoir droit, un bonheur incommensurable, une fierté que seuls les hommes ayant déjà vraiment aimé peuvent ressentir. Cette joie de se dire que l’on aime quelqu’un et que c’est réciproque, qu’on a la douce chance d’être chéri par quelqu’un qui compte réellement. Sybil lui apporte une stabilité, une raison de se lever chaque matin, une raison de croire en l’avenir, une raison de se dire qu’il n’a pas totalement raté sa vie. Et pourtant, il n’a de cesse de lui mentir. Depuis qu’ils se sont rencontrés, il enchaîne les mensonges et les excuses pour se sortir de toutes mauvaises situations. Plus qu’un simple masque, il se cache derrière un homme qu’il n’est pas. Ce Miles rêveur, bon sous tous rapports, qui est constamment là pour les autres et qui pourrait pleurer lorsqu’un chien décède dans un film. Cet homme qui n’a pas de défauts – ou très peu – et qui représente le gendre idéal. Cet homme qu’il ne sera jamais, dont il cherchera à se rapprocher jusqu’à la fin de sa vie, sans jamais lui arriver ne serait-ce qu’à la cheville. S’il ne s’en préoccupait pas vraiment lorsqu’il n’était que chargé de vendre de la drogue, aujourd’hui il lui arrive de se poser plus de questions. Maintenant qu’il est plus mis en avant, il se dit que certaines personnes pourraient chercher à l’atteindre en s’attaquant à ses proches – et donc à Sybil, évidemment. Il se dit encore qu’il a plus de risques d’être blessé, marqué par certaines altercations. Et sans aller plus loin dans sa recherche, il se rend surtout compte qu’il est bien moins disponible qu’avant. Quand il se contentait de vendre, il faisait des horaires quasiment normaux : il allait dans les quartiers en pleine journée et écoulait ses stocks en se jouant des patrouilles qui circulaient. Maintenant, il peut être appelé à n’importe quelle heure de la journée et de la nuit et passe la plupart de ses soirées au Casino. Il justifie tout cela à Sybil en lui expliquant que son entreprise est en train de fusionner avec une autre et que les réunions entre commerciaux sont interminables. Elle ne lui pose pas plus de questions puisqu’il sort toujours son meilleur jeu d’acteur et fait mine d’être épuisé. Pour le moment, ça passe. Dans quelques semaines, il devra trouver de nouvelles excuses. Si sa compagne est crédule, elle est loin d’être stupide ; des deux, c’est elle qui a fait de longues études et a prouvé de son intelligence. Elle finira bien par comprendre qu’il ne va pas là où il prétend aller, qu’il n’est pas celui qu’il prétend être, qu’il y a beaucoup de parts d’ombre dans son histoire et qu’elle n’est pas au bout de ses peines. Oui, elle finira par avoir le déclic et en un instant, tout lui glissera entre les doigts.

Aujourd’hui, il n’a pas été appelé par Raelyn ni par qui que ce soit d’autre. C’est pourquoi il peut se permettre de rentrer à une heure convenable, comme il le faisait à l’époque où il n’était que vendeur. Il pousse la porte d’entrée et hume l’odeur familière de leur demeure. Un doux mélange entre leurs parfums, les produits ménagers utilisés pour faire briller le sol, les bougies éteintes de la veille ou encore le dernier bouquet de fleurs en train de faner que Miles a offert à Sybil il y a quelques jours. Lui qui est toujours plein d’attentions avance jusqu’à la cuisine pour poser ses yeux sur sa belle. « Bonsoir mon amour. » Trois petits mots prononcés avec une tendresse qui n’est destinée qu’à elle. « T’as passé une bonne journée ? » Il s’assure toujours d’être le premier à poser cette question. Certes, il s’en inquiète réellement. Mais quand il le demande, il l'empêche de le faire la première et donc de lui imposer un nouveau mensonge. En s’intéressant à elle et à ce qu’elle a à raconter, généralement, il arrive à trouver le sujet de la soirée et n’a pas besoin de parler de ce qu’il a fait, lui. Mais il voit tout de suite à son visage qu’elle est crispée, voire même peut-être énervée. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » Aller droit au but, toujours. Miles n’aime pas quand on prend des pincettes, quand on tourne autour du pot. Encore moins quand il s’agit de Sybil. Si quelqu’un lui a fait du tort, il veut le savoir tout de suite pour aller en découdre. Il est bien loin de se douter que le mal qui la ronge, c’est lui-même qui lui a provoqué.

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Sybil Powell & @Miles Hawkins Toowong, Maison

Sybil n’aurait jamais imaginé qu’une journée aussi banale puisse se muer en un chaos aussi dévastateur. Les révélations de ce patient dont les mots avaient frappé comme une lame, tournaient en boucle dans son esprit. Depuis ce moment, elle était consumée par une fureur qu’elle ne savait pas contenir, une tempête sourde qui grondait dans chaque recoin de son être. Elle tenait son verre entre ses mains, le poids rassurant du cristal contre ses paumes. Le liquide ambré glissa dans sa gorge, brûlant, mais incapable d’éteindre l’incendie. Debout au milieu du salon, elle semblait minuscule, un simple mètre soixante pris dans l’immensité d’un monde qui s’effondrait. Mais ses yeux, fixes, intenses, trahissaient une force intérieure, une détermination brute qui montait à la surface. Elle avait toujours su garder le contrôle. Faire taire ses doutes, ordonner ses pensées, affronter les défis avec une précision clinique. Mais pas ce soir. Ce soir, tout s’effilochait. Les doutes, longtemps ignorés, s’étaient noués en un filet autour de son esprit, et ce qu’elle avait appris n’avait fait que resserrer l’étau. Chaque détail qu’elle avait préféré ignorer prenait soudain un sens terrifiant.

La clé tourna dans la serrure, et son cœur rata un battement. Miles. Il était là. Elle se figea, sentant son souffle se raccourcir, comme si l’air lui-même devenait un poids qu’elle ne pouvait plus porter. Sa main serra plus fort le verre, le pressant contre sa poitrine comme une ancre. Elle ferma les yeux une fraction de seconde, cherchant à étouffer cette rage, cette envie presque primitive de l’interpeller, de lui demander des comptes sur-le-champ. Mais ce n’était pas son genre. Elle n’était pas impulsive, pas désordonnée. Pourtant, ce n’était pas non plus dans ses habitudes de sentir cette colère sourde, ce mélange d’amour et de méfiance qui la déchirait. Miles entra, et le bruit de ses pas sur le parquet résonna dans l’espace, amplifiant le silence pesant. Sybil ouvrit les yeux, lentement. À cet instant, le monde semblait suspendu. Sybil savait que tout ce qui suivrait dépendait de cette discussion. Elle sentait déjà les mots se bousculer sur le bord de ses lèvres, lourds de vérités qu’elle n’aurait jamais voulu affronter. Mais ce soir, il n’y avait plus de place pour le doute ou pour les faux-semblants. Ce soir, tout allait se briser… ou se révéler. Elle laissa tout d’abord sa première question sans réponse alors qu’il se tenait face à elle. Mais une part d’elle espérait encore. Espérait qu’il balaye tout d’un mot, qu’il explique, qu’il apaise ce chaos. Elle s’accrocha à cette idée, fragile, prête à s’effondrer au moindre souffle. Peut-être que tout cela n’était qu’une erreur. Peut-être.

- Miles... Sybil posa son verre vide sur la table basse, le bruit sec résonnant comme un coup de marteau dans le silence de la pièce. Lorsqu’elle releva la tête, elle se retrouva face à lui, la mâchoire tendue, son regard sombre et inquisiteur. Ses mains, désormais libres, tremblaient légèrement, mais elle les croisa devant elle pour cacher ce frisson qui trahissait son état. Pourquoi tu m’as dit que tes parents étaient morts ? lança-t-elle d’un coup, ses mots claquant dans l’air comme un coup de tonnerre. Pas de pincette, pas de quatre chemin, le sujet sur la table directement. Un patient est venu aujourd’hui. Il m’a dit être ton père, Miles. Ton père. Ses mots étaient froids, clairs, comme si elle avait découpé chaque syllabe avec soin pour éviter qu’il ne s’échappe. Elle sentit son propre corps se tendre, attendant une réponse, une explication. Cependant, il ne réagissait pas assez vite, et son ton monta malheureusement rapidement. Je te demanderai également de ne pas me mentir, pas cette fois… Sybil le fixait, le regard lourd de colère et de douleur avec cette phrase nuée de sous-entendus. Elle voulait la vérité. Non, elle avait besoin de la vérité, là, maintenant, sans détour ni demi-mesure. Chaque seconde de silence qui s’étirait la rongeait un peu plus, laissant place à un mélange de frustration et d’angoisse qu’elle peinait à contenir. Sa voix était ferme et sans appel. Pas de place pour les excuses, pas de place pour l’hésitation. Mais au fond d’elle, une question brûlait : est-ce qu’elle voulait vraiment savoir ? Et si la vérité qu’elle exigeait n’était pas celle qu’elle espérait entendre ? Si, au lieu de la délivrer, elle n’était qu’une lame prête à s’enfoncer plus profondément dans leur histoire ?

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Miles Hawkins & @Sybil Powell Toowong, Maison

Miles pense que partager sa vie avec Sybil est une découverte de chaque instant. Avec elle, il apprend à se connaître lui-même et à apaiser son cœur, bien trop meurtri par un passé douloureux. Quand il l’a connue, il ne pensait pas qu’elle allait prendre autant de place dans sa vie. Lui mentir dès les premiers instants avait été d’une facilité déconcertante. Plus le temps passait, plus il réussissait à manier l’art du mensonge pour s’inventer une vie sur-mesure. Et plus elle y croyait, plus il s’y perdait lui-même. Avec les années, il arrive de moins en moins à démêler le vrai du faux. Certaines histoires, ficelées sur le moment, lui paraissaient plus réalistes que de vrais moments vécus. Ses souvenirs se mêlent aux contes qu’il se raconte et, finalement, plus rien n’a de sens. Mais Miles est un maître dans cette discipline : il arrive aisément à jongler entre tout cela et ne s’y perd jamais. C’est bien pour ça que depuis cinq ans, il n’a pas l’ombre d’un doute concernant sa relation. Sybil l’aime pour ce qu’il n’est pas, et il n’a pas suffisamment de temps ou de morale pour se dire que ce n’est pas normal. Alors rentrer chez lui après une journée totalement banale et la trouver ainsi déconcertée, ça ne peut qu’ébranler ses certitudes. Et si ? Et si finalement, il n’avait pas si bien joué son jeu ? Et si finalement, elle avait réussi à lire entre les lignes ? Et si finalement, tout son monde pouvait s’écrouler ce soir ? Il n’aime pas l’attente, il n’aime pas les surprises, il aime encore moins perdre le contrôle. C’est pourquoi il lui demande tout de suite ce qu’il se passe. Parce que oui, ils vont avoir une discussion importante. Mais non, Miles n’est pas encore devin et ne sait pas quelles vérités ont éclaté à la figure de sa compagne. « Miles... » La voix est presque tremblante, fébrile. « Pourquoi tu m’as dit que tes parents étaient morts ? » Parce qu’ils le sont. À partir du moment où ils ont claqué la porte derrière lui, ils étaient morts et enterrés à ses yeux. « Un patient est venu aujourd’hui. Il m’a dit être ton père, Miles. Ton père. » La nouvelle le frappe au visage, plus dure qu’une droite d’un champion de boxe. « Je te demanderai également de ne pas me mentir, pas cette fois... » Et cette phrase, pleine de sens, n’apaise pas le feu qui monte en lui. Il ne la lâche pas du regard, cherche au fond de lui une issue pour ne pas avoir à lui expliquer. « Je vais te resservir. » Il attrape le verre de Sybil et lui tourne le dos pour lui remplir un autre fond de whisky, jugeant qu’elle en aura bien besoin face aux révélations qu’il s’apprête à lui faire. Se défiler ne résoudra rien, il en a bien conscience. Se vexer des sous-entendus de sa dernière phrase ne risquerait que d’alimenter la flamme et faire exploser tout ce qu’ils ont construit depuis cinq ans. Il doit faire face. « Ils sont morts. » Il le dit, le répète, le croit, l’affirme : ils ne sont plus de ce monde, ou du moins, ne font plus partie du sien. Il revient vers elle et lui tend son verre. « Cet homme que tu as vu… » Miles n’a pas la certitude qu’il s’agisse de son père, ne l’ayant pas vu depuis de longues années. Pourquoi a-t-il affirmé cela à Sybil, alors que son père lui-même n’a jamais cherché à reprendre de ses nouvelles ? Pourquoi parler de Miles comme de son enfant, quand il a cessé de jouer son rôle de paternel au moment où il en avait le plus besoin ? Que fait-il à l’hôpital, également ? Au fond de lui-même, le Hawkins espère qu’il a attrapé une maladie incurable, qu’il souffre atrocement et que ses jours sont comptés. Mais ça, il vaut mieux qu’il ne le dise pas à Sybil. « Oui, c’est probablement mon père. » Il le dit en haussant ses épaules. Il se laisse tomber sur le canapé derrière lui, ses yeux devenant un peu plus fuyants. « Mes parents m’ont chassé de chez eux à cause de mes problèmes. » Elle sait lesquels. « Mon addiction. » Il ne s’en cache pas, même s’il sait qu’elle ne le tolère pas. « J’ai décrété qu’ils étaient morts. Et si cette réponse ne te convient pas, je ne peux rien faire pour toi. » Il y a une histoire bien plus lourde, sous ce simple aveu. Cette phrase donne l’impression qu’il a été égoïste, que ses parents sont innocents et que c’est lui qui a surréagi à cause de ses démons. Il y a une vérité plus profonde, plus blessante. Miles espère que ça lui suffira, qu’elle n’a pas l’intention de creuser, que la pointe de l’iceberg va lui suffire. Mais il sait bien que Sybil a un fort tempérament, que sa vision du monde est différente de la sienne et qu’elle a besoin de comprendre les choses. La discussion ne s’arrêtera pas là, et il est déjà en train de réfléchir à comment parler de son frère sans se déchirer le cœur en deux.

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Sybil Powell & @Miles Hawkins Toowong, Maison

Sybil observa Miles avec une attention presque douloureuse, chaque geste de sa part semblait chargé d’une signification qu’elle n’arrivait pas à déchiffrer. Il tendit la main et attrapa doucement son verre, presque comme une invitation silencieuse. Elle le laissa faire, trop absorbée par le poids de l’atmosphère pour protester. Miles n’était pourtant pas homme à encourager des excès. Lorsqu’il remplit son verre de whisky, elle nota la précision de ses mouvements, comme s’il cherchait à gagner du temps ou à structurer ses pensées. Le liquide ambré tourbillonnait doucement dans le verre, reflétant la lumière tamisée de la pièce, mais pour elle, tout semblait flou, irréel. Son cœur battait à un rythme irrégulier, lourd, comme s’il anticipait une vérité qu’elle n’était peut-être pas prête à entendre. Elle savait, au fond, que ce qui allait suivre n’était pas anodin. Ce n’était pas simplement une conversation. C’était quelque chose qui risquait de fissurer quelque chose, de tout remettre en question. Sybil sentit la chaleur du verre entre ses doigts, comme un ancrage fragile dans cette tempête intérieure. Elle porta à nouveau le whisky à ses lèvres, avec plus d’entrain, mais cette fois, il ne passa pas aussi facilement. Sa gorge se serrait, non pas à cause de la brûlure de l’alcool, mais sous le poids de cette tension qui l’écrasait. Elle s’efforça de garder une posture droite, mais elle pouvait sentir ses muscles tendus, prêts à céder.

Il répéta que ses parents étaient morts, mais cette fois, quelque chose dans son ton trahissait une nuance différente. Ce n’était plus une affirmation absolue, mais une vérité troublée, empreinte d’un poids qu’il n’arrivait pas à déposer. Sybil sentit un frisson remonter le long de son échine. Elle resta silencieuse, tendue, ses mains serrant le verre comme si elles pouvaient retenir sa propre stabilité. Miles hésita, l’ombre d’un doute dans ses gestes et dans son regard. Puis, enfin, il lâcha ce qu’elle redoutait d’entendre : ce patient… ce devait être son père. Sybil sentit son souffle se bloquer, ses doigts manquant de lâcher le verre tant l’information était brutale, irréelle venant de sa bouche. Mais elle ne bougea pas. Pas encore. Ses yeux restèrent rivés sur Miles, absorbant chaque détail : ses traits tendus, son regard fuyant, la manière dont ses lèvres formaient les mots avec une lenteur presque douloureuse. Elle ne voulait rien manquer. Pas un instant.

La suite fut encore plus brutale, plus inattendue, lorsqu’elle apprit que Miles avait été chassé de chez lui par ses propres parents à cause de son addiction. Une addiction qu’elle connaissait trop bien, qu’il lui avait confiée, mais qu’elle n’avait jamais acceptée. Elle savait combien la dépendance s’accrochait, tenace et destructrice, refusant de lâcher prise malgré tous les efforts. Elle en avait vu les ravages dans les couloirs de l’hôpital, ces corps épuisés, ces visages creusés, ces vies fracassées. Imaginer Miles dans cet état, l’un de ces patients qu’elle voyait sombrer jour après jour, la glaça jusqu’au plus profond d’elle-même à chaque fois qu’elle y songe. Jamais, pour cette raison, elle n’aurait pu chasser Miles de sa vie. L’idée même était inconcevable. Elle l’aimait trop, profondément, pour tourner le dos à celui qu’il était, même avec ses failles… Jusqu’où cet amour pouvait-il vraiment aller ?

Une part d’elle aurait préféré qu’il mente finalement, qu’il trouve une excuse, une histoire pour effacer cette vérité insoutenable. Qu’il balaie d’un revers de main tout ce qu’elle venait d’entendre. Mais non. Elle le voyait dans ses yeux, dans ses gestes, dans le poids de ses silences : il ne mentait pas. Et pire encore, ce patient… ce père qui s’était présenté à elle… n’avait pas menti non plus. La vérité s’était abattue sur elle comme une lame froide et Sybil n’avait plus d’autre choix que de l’affronter. Verre en main, cœur en miettes, elle se tenait là, face à un gouffre qu’elle n’avait pas vu venir. Si la colère n’avait pas pris autant de place, peut-être aurait-elle pu le réconforter. Mais le fait qu’il lui ait caché une telle vérité pendant tout ce temps restait incompréhensible pour elle. Ne lui faisait-il pas assez confiance, même après cinq ans passés ensemble ? Cette pensée tournait en boucle dans son esprit, alimentant un mélange de frustration. Pourtant, Sybil sentait que ses révélations n’étaient qu’une partie de l’histoire. Elle le connaissait trop bien pour ne pas percevoir ce qu’il taisait encore. Une ombre plus profonde, plus lourde, semblait peser sur lui. Elle n’était pas femme à reculer devant l’inconnu. Elle avait toujours été de celles qui allaient au bout des choses, peu importe les réponses qu’elles pouvaient trouver. Ce n’était pas différent aujourd’hui. Lentement, presque méthodiquement, elle s’approcha de Miles qui était assis sur le canapé. Elle s’arrêta face à lui, plantant son regard dans le sien afin qu'il l'a regarde et resta à une certaine distance, droite, immobile. Son regard ne quittait pas le sien, déterminé. Elle inspira doucement avant de briser le silence, sa voix ferme mais chargée de tension.

- Je sais qu’il y a autre chose.

Ce qu’il avait dit jusque-là, bien qu’important, ne suffirait pas. Elle ne se contenterait pas de cette vérité fragmentée, de ces révélations livrées avec parcimonie. Pas juste une version édulcorée ou simplifiée, mais la vérité brute, dans toute sa laideur et sa complexité, elle ne lui laissait plus le choix. Elle connaissait ses silences et ses hésitations, ce regard qui fuyait le sien lorsqu’il se sentait acculé et elle refusait de lui laisser cet espace pour s’échapper, pas cette fois. Tu peux choisir de parler, ou je trouverai par moi-même.

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Miles Hawkins & @Sybil Powell Toowong, Maison

« Je sais qu’il y a autre chose. » Dans son silence, il n’arrive pas à le cacher. Bien qu’il ait mis une centaine de pansements dessus au fil des années, cette plaie ne s’est jamais refermée. Le sujet aurait pu être abordé beaucoup plus tôt, il en a conscience ; mais Miles n’est pas un homme qui aime montrer ses faiblesses, même avec la personne en qui il a le plus confiance. S’il commence à s’ouvrir pleinement, comprendra-t-elle tous ses autres choix de vie ? Acceptera-t-elle l’idée que sa consommation excessive de cocaïne n’est qu’une façade, qu’une aide précieuse pour faire taire ses démons ? Que la misère dans laquelle il était à l’époque l’a installé dans une carrière qui n’a rien de grandiose et qui, pour beaucoup, peut être douloureuse ? Il n’est pas prêt à se confier à ce point-là, il a besoin de plus de temps, de tirer plus de ficelles pour créer une histoire qui tiendra la route. Ses yeux plantés dans les siens, un voile imperméable dans son regard, il façonne les prochains mots qui sortiront de sa bouche. « C’est vrai. Il y a autre chose. » Je ne suis pas celui que tu penses, Sybil. Et tu n’aimeras pas cet homme-là. « Je n’étais pas de ceux qui se cachaient dans un coin en soirées pour se droguer. Ce n’était pas récréatif pour moi. C’était un besoin. Presque vital. » Il sait que ça, elle n’arrivera pas à l’entendre. Qu’elle est trop imprégnée par son travail pour accepter qu’une personne puisse se détruire la santé sous un prétexte quasiment médical. « J’ai commencé par boire, comme beaucoup de personnes qui veulent oublier. Mais ce n’était pas suffisant, l’alcool retombait trop rapidement et je recommençais à broyer du noir. » Quand il était plus jeune, il rêvait de s’endormir et de se réveiller amnésique. De pouvoir tout recommencer à zéro et faire taire la culpabilité qui le rongeait de l’intérieur. En grandissant, un mûrissant, il a réussi à trouver d’autres options pour la noyer. Aujourd’hui, il se sent tellement coupable de tout ce qu’il entreprend que la mort de son frère n’est plus qu’un détail. Mais aborder le sujet n’est pas aisé ; c’est la première fois qu’il le met sur la table et, une chose est sûre, c’est la dernière également. « Je vais aller droit au but. Je suis né avec un frère. Jumeau. » Il ne lâche toujours pas son regard. C’est elle qui a initié cette discussion, il a bien l’intention de la voir tomber du trente-sixième étage sans possibilité de se rattraper. Qu’elle assume, maintenant. « On est parti en vacances quand on était gosses. C’était la première fois qu’on louait une maison avec une piscine. Mes parents sont partis faire quelques courses en laissant mon frère et moi jouer dans la piscine. On savait nager, il n’y avait aucun risque. Mais on a eu une idée que tous les gosses ont à un moment donné : sauter de l’endroit le plus haut. » Quand il raconte l’histoire, il y est de nouveau. Il se revoit dans l’eau avec son frère, en train de passer un moment mémorable, qu’ils pourraient raconter à leurs amis à la prochaine rentrée scolaire. « On est monté sur le toit, il a sauté et a heurté le bord de la piscine. Il est mort sur le coup et mes parents n’ont jamais réussi à passer à autre chose. Moi non plus. » Sauf qu’il n’a jamais sauté. Si ça avait été le cas, peut-être que Miles aurait réussi à s’en remettre plus facilement, avec de la thérapie et tout l’amour que ses parents lui donnaient à l’époque. Mais puisque son frère n’osait pas sauter de lui-même, Miles l’a poussé. Il a donné l’impulsion qui l’a mené à sa mort et ça, il n’arrive toujours pas à se le pardonner. « J’ai fait de mauvais choix en grandissant et ils ont arrêté de lutter quand j’ai eu dix-huit ans. Pour eux, je suis mort en même temps que lui. Il n’avait même pas le droit de te dire que je suis son fils, ce n’est plus le cas. » Il ne souhaite pas les revoir, pas avoir de leurs nouvelles, pas vivre dans la même ville qu’eux. S’il pouvait revenir en arrière et choisir de les pousser eux, il le ferait sans la moindre hésitation. « Contente ? » Ce dernier mot, cette dernière question pleine d’amertume n’était pas nécessaire. Il le sait pertinemment mais ne peut pas s’en empêcher : elle a cherché, elle a trouvé. Maintenant, il a bien l’intention de reprendre sa place et de maîtriser à nouveau leur relation et les sujets qu’ils peuvent ou non aborder.