Sur le canapé moelleux de la star internationale, un étrange spectacle s’offrait à la vue. Un burrito humain, ou du moins une forme emmitouflée dans une épaisse couverture, gisait là, immobile. En y regardant de plus près, on devinait un humain caché sous cet amas de tissu. Un humain au visage strié de rouge fiévreux et de blanc maladif, un mélange de couleurs qui évoquait davantage une peinture mal terminée qu’un acteur de renom. Si l’on s’approchait encore, on pouvait discerner sous les bouclettes sombres et humides de sueur un homme célèbre, mais ce jour-là, bien moins séduisant que sur les affiches brillantes qui parsemaient la ville. Jayden Holmes, étoile montante du cinéma, était cloué sur son canapé, victime d’un virus tenace. Ce n’était absolument pas le bon moment pour tomber malade. Il avait un tournage en cours. Les yeux brillants de fièvre, il jeta un coup d’œil vers son téléphone posé sur la table basse, un appareil devenu presque un poids ces derniers jours. Annuler les prochaines sorties avec Charlie ? Impossible. Il voulait voir Charlie. Mais il n’avait pas du tout envie que Charlie le voit dans cet état…. Et puis, Izan…  victime d’une rupture amoureuse douloureuse. Jayden savait qu’il devait être là pour lui. Impossible donc d’être malade. Il avait cependant beau se le répété le virus ne semblait pas être d’accord. La fièvre ne lui laissait aucun répit. Sa peau brûlante et ses paupières lourdes trahissaient des nuits sans sommeil, consumées par l’inquiétude, les répétitions tardives et un abus presque criminel de caféine. La fatigue, l’avait rattrapé, le forçant à abandonner ses obligations et à s’effondrer enfin.

Une petite main déposa un bol fumant sur la table basse, le doux arôme d’une soupe maison emplissant l’air. Sa nièce, Joe, lui offrit un sourire rayonnant, ses joues roses contrastant avec la mine épuisée de l’oncle. Derrière elle, Troy, le frère aîné de Jayden, soupira tout en croisant les bras, l’air mi-amusé, mi-exaspéré.  "Bon, c’est rien de grave, mais tu vas rester bien sagement couché pour les prochains jours. Et avale ça, tu auras l’air moins en train de mourir." Jayden malgré son état, esquissa un sourire las. Il se redressa péniblement, les muscles engourdis par l’inactivité, et attrapa le bol de soupe chaude et les cachets posés à côté. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’il avalait les comprimés avec une grimace avant de porter la cuillère à ses lèvres. La chaleur réconfortante de la soupe glissa dans sa gorge irritée, arrachant un soupir de soulagement. "Merci…" dit-il d’une voix rauque. Puis, après une pause hésitante, il demanda. "Est-ce que je serais assez en forme pour mon rendez-vous ?" Troy arqua un sourcil, son expression passant de la curiosité à une suspicion presque comique. "Qui ?” Jayden roula des yeux, habitué à la tendance de son frère à jouer les gardiens. "Lincoln. Mon avocat." répondit-il, n’ayant pas envie d’expliquer que Lincoln était plus un ami que se son avocat, mais les mots en trop étaient à proscrire aujourd'hui.. Troy éclata d’un rire bref et incrédule. "Jay, je déconnais quand je disais qu’il fallait que tu fasses ton testament." Jayden ne répondit rien, se contentant de lever un sourcil avant de se laisser retomber lourdement contre les coussins du canapé, emmitouflé dans sa couverture comme pour fuir la conversation. Troy secoua la tête avant de reprendre "Bon, je dépose Joe chez sa mère et je vais travailler. Si tu as besoin, appelle-moi, OK ?" Il laissa sa main se poser brièvement sur l’épaule de son frère, une marque discrète mais sincère d’affection. Joe, elle, s’empressa de donner un baiser sonore sur la joue de Jayden avant de courir vers la porte, ses petites bottes claquant sur le sol. "Repose-toi bien, Tonton !" lança-t-elle joyeusement avant de disparaître avec son père. La porte se referma dans un claquement doux, laissant Jayden seul dans le salon silencieux, un bol de soupe entre les mains. Les pensées de Jayden, éparpillées et embrouillées par la fièvre, semblèrent s'accrocher à un détail qu'il avait tenté d'oublier. Les cachets. Ceux que l’un des assistants sur le tournage lui avait glissés, presque en secret, avec un clin d'œil entendu et un murmure. "En cas de coup de mou." Il n’y avait pas prêté attention sur le moment, mais maintenant, affaibli et désespéré de se remettre sur pied, ces petites pilules revenaient hanter son esprit. Il hésita un instant, mordillant nerveusement sa lèvre inférieure. Son instinct lui criait de ne pas s’aventurer sur ce terrain glissant, mais une autre partie de lui, plus pragmatique ou peut-être plus désespérée, murmurait qu’il n’avait pas vraiment le choix.
Son regard se posa sur l’horloge du mur. Demain matin, il devait être sur le plateau, frais et fonctionnel. Son calendrier était un enchaînement ininterrompu d’obligations, et il ne pouvait pas se permettre une journée de plus alité. Il devait reprendre le contrôle. Avec une grimace, il se débattit pour sortir de son enchevêtrement de couverture. Le sol froid sous ses pieds lui arracha un frisson, mais il continua, se traînant péniblement jusqu’à la salle de bain. Les lumières blanches et crues mirent en évidence son reflet dans le miroir : un visage creusé, des cernes profondes, et une lueur fatiguée dans ses yeux habituellement si perçants.
Les cachets, nichés dans un petit sachet transparent dans sa trousse de toilette, semblaient presque le narguer. Il les saisit, les tenant dans la paume de sa main moite. L’étiquette manuscrite dessus n’offrait aucun indice sur leur composition, seulement le surnom de l’assistant qui les lui avait donnés.  "T." Jayden hésita, le souffle court, une lutte interne silencieuse se jouant dans sa tête. Mais il savait qu’il n’avait pas le luxe de tergiverser. Sa carrière, son image, son rythme infernal… tout reposait sur sa capacité à continuer, coûte que coûte. Avec un soupir résigné, il ferma les yeux et avala les cachets d’un geste rapide, laissant l’amertume se dissoudre dans sa gorge. Il se pencha sur l’évier, serrant les bords de la vasque pour ne pas vaciller, une vague de doute et de culpabilité envahissant son esprit.
Cependant, Jayden devait bien l’avouer, il se sentait mieux. Spectaculairement mieux. La chaleur étouffante de la fièvre semblait s’être dissipée, remplacée par une énergie inattendue qui parcourait son corps. Son rhume, qui l’avait cloué au canapé toute la journée, ne semblait plus qu’un lointain souvenir. Bien sûr, une petite voix au fond de son esprit murmurait que tout cela pourrait lui coûter cher plus tard. Mais pour l’instant, il choisit de l’ignorer.
Il jeta un coup d’œil à l’horloge murale. Lincoln devait arriver dans moins d’une heure. Pas question de recevoir l’avocat dans un salon en désordre ou avec l’apparence d’un homme qui avait passé les dernières 24 heures à agoniser sous une couverture. Se redressant avec une aisance qu’il n’avait pas ressentie depuis des jours, il se précipita dans sa chambre pour enfiler quelque chose de plus présentable.  Ensuite, il s’attela à ranger rapidement le salon. Les mouchoirs froissés, les tasses vides et les restes du bol de soupe furent ramassés et jetés. En quelques minutes, l’espace retrouva un semblant de dignité. Jayden profita des dernières minutes pour répondre à quelques mails urgents sur son ordinateur portable, le cliquetis des touches ponctuant le silence. La nouvelle énergie qui l’animait lui permit de traiter efficacement les demandes en attente. Il envoyait une réponse concise mais polie à un réalisateur, relisait une proposition de contrat, et ignorait une invitation un peu trop insistante pour une soirée mondaine. Quand la sonnette retentit enfin, il ferma son ordinateur et se dirigea vers la porte d’un pas sûr.

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Le petit cachet magique avalé, il n’y avait plus aucune trace de sa maladie, ni de fatigue. Il avait l’impression d’avoir dormi pendant douze heures, d’avoir eu trois semaines de repos complet, et de se sentir au sommet de sa forme. Une énergie nouvelle circulait dans son corps, légère et électrisante. Certes, il savait déjà que son entourage serait nombreux à lui faire la morale, à lui rappeler les risques et les conséquences. Mais... qu’est-ce qu’il y avait de mal à se sentir aussi bien ? Après tout, tout ce qu’il avait connu ces derniers temps, c’était l'épuisement et la maladie. Alors maintenant, avec cette sensation de bien-être, il ne pouvait s'empêcher de savourer chaque instant. Il se redressa, sentant sa tête plus claire, ses muscles plus détendus. Pour une fois, tout semblait possible. Pourquoi s'en priver ? Du coup quand Lincoln sonna à la porte, Jayden était prêt à le recevoir comme il le fallait. Et pas en train de mourir dans son canapé.  « Jayden, quel plaisir de te revoir. J’espère que tu vas bien ? Très belle villa de l’extérieur, au passage. » L’acteur répondit par un sourire chaleureux et précéda Lincoln dans le salon, d’un geste accueillant de la main pour l’inviter à s’asseoir. « Je suis en pleine forme, merci. Et pour la villa, merci. Même si je n’y suis pas pour grand-chose.  » Ce qui était presque vrai. Mais l’avocat n’avait pas besoin de connaître tous les détails. surtout pas les détails sur le petit cachet qui venait de lui donner un sacré coup de fouet.  Il désigna un fauteuil confortable près de la baie vitrée. « Assieds-toi. Tu veux boire quelque chose ? Thé, café ? Chocolat ? » Il se dirigea vers la cuisine ouverte, les gestes fluides, et sortit quelques grains de café qu’il commença à moudre dans un léger bruit mécanique. Lui-même optait pour un café bien serré. Il jeta un regard en direction de Lincoln, guettant une réponse, tout en laissant son sourire léger trahir une certaine cordialité.

« Alors, pourquoi suis-je ici ? » demanda Lincoln. Jayden, toujours affairé à préparer son café, esquissa un sourire en coin. D’un geste lent, il leva un sourcil, jouant avec l’ambiance. « J’ai un corps à faire disparaître, et tu étais le seul à être disponible… » Il laissa sa phrase en suspens, juste assez longtemps pour que le poids de ses mots flotte dans l’air. Puis il éclata de rire, un son léger mais sincère qui contrastait avec le sérieux apparent de sa plaisanterie. « Non, je plaisante, évidemment. » Il tourna la tête brièvement pour croiser le regard de Lincoln, comme pour s’assurer qu’il avait bien compris l’humour. Mais on ne sait jamais. Les avocats avaient tendance à prendre les mots au pied de la lettre. Décidément, il était vraiment en forme aujourd’hui. Peut-être même un peu trop.  Jayden récupéra la tasse de café fumante et s’installa dans le fauteuil face à Lincoln, posant son regard pétillant sur son invité tout en lui tendant la boisson qu’il avait choisie. « Oh, attends, ma nièce a fait des sablés de Noël. Je veux bien partager avec toi. » Il se leva à nouveau avec enthousiasme et disparut quelques instants dans la cuisine. Lorsqu’il revint, il tenait une assiette garnie de petits gâteaux dorés, ornés de glaçages colorés et scintillants. Il les déposa avec soin sur la table basse, au centre de la pièce. « Pourquoi tu es là… Parce que j’ai besoin d’une bonne raison pour inviter un ami à venir boire un café avec moi ? » Jayden accompagna ses mots d’un sourire espiègle, levant légèrement un sourcil, comme pour tester la réaction de son interlocuteur. Il prit une gorgée de son café, savourant l’arôme riche et corsé, avant de reposer doucement sa tasse.

« En vrai, c’est parce que je voulais te voir. Comme ça. Pour parler. » Jayden fit une pause, jouant distraitement avec la anse de sa tasse. « Mais aussi parce que j’ai un souci avec un dossier et j’aurais voulu ton avis d’avocat… » Il accompagna ses mots d’une petite grimace, comme un enfant pris en faute. « Je… hum… comment te dire ça sans que tu flippes comme mon frère… » Il marqua une hésitation, cherchant ses mots. « Une… femme me harcèle. Vraiment. » Jayden posa sa tasse, ses mains se rejoignant sur ses genoux, un geste trahissant une nervosité inhabituelle chez lui. « Si c’était juste moi, honnêtement, je laisserais passer. Mais elle parle avec ma nièce. » Sa voix se fit plus grave. « Je l’ai même trouvée dans mon jardin. Elle essayait d’escalader pour atteindre le balcon de ma chambre. » Il releva les yeux, cherchant une once de compréhension dans le regard de Lincoln. « Je ne veux pas lui causer de gros soucis, tu sais ? Ce n’est pas le genre de personne à qui j’ai envie de faire du mal. Mais… peut-être que tu aurais une solution ? Un truc qui ne m’obligerait pas à porter plainte… » Son ton était empreint d’espoir, mais aussi de fatigue. Il semblait partagé entre son désir de régler la situation calmement et sa responsabilité de protéger ses proches.

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