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@SWANN CRAINE & RORY

Ils s'étaient octroyés le droit de profiter de cette soirée sans regarder l'heure à laquelle ils rentreraient, rassurés de savoir leur fille en sécurité avec sa plus jeune sœur mais aussi désireux de profiter de ces quelques heures à deux sans se poser aucune limite. Ils n'étaient plus sortis comme un véritable couple depuis plusieurs mois, et quiconque les connaissait savait que ça n'avait rien d'habituel pour deux personnes aussi fusionnelles que Swann et lui l'avaient toujours été. La situation revenait lentement mais sûrement à la normale, leur permettant de se réapprivoiser mais aussi de retrouver peu à peu leurs habitudes, leurs automatismes, et toutes ces choses qu'ils n'auraient jamais pensé devoir réapprendre un jour. Le pire était officiellement derrière eux et cette soirée le leur avait définitivement prouvé, ainsi c'est avec une joie non dissimulée que Rory s'était prêté au jeu et en avait oublié le reste. Sous son costume, à l'abri des regards, il était simplement redevenu Rory, sans qu'à aucun moment sa présence à cette soirée n'ait suscité le moindre intérêt chez quiconque, ou simplement chez son mari qui était bien la seule personne aux yeux de qui il aspirait à exister ce soir. Et ce sentiment, l'australien l'avait justement plus que jamais éprouvé tandis que rien ne semblait pouvoir s’immiscer dans la bulle qui s'était créée toute autour d'eux. Même à présent que les festivités avaient pris fin et qu'ils avaient quant à eux repris le chemin de leur maison, c'était encore comme s'ils n'avaient pas totalement touché terre. Rory, en tout cas, nourrissait la troublante mais agréable impression que son mari et lui étaient redevenus pour un soir les jeunes tourtereaux maladroits et novices qu'ils étaient des années plus tôt. Comme lors de leur tout premier rendez-vous.

« J'ai adoré porter ce costume, mais je suis quand même soulagé de l'enlever. C'est qu'on étouffe un peu, là-dessous. » Il s'amusa au moment d'enlever une partie de l'accoutrement qui l'avait accompagné durant toute la soirée. Un costume de Batman plus vrai que nature, prêté par des amis à qui il avait fait prendre quelques risques mais à qui il avait surtout promis de leur rendre leurs deux costumes en parfait état, avant que qui que ce soit n'ait même eu le temps de remarquer qu'ils avaient disparu. La dernière chose qu'il souhaitait c'était attirer des problèmes à quelqu'un, même pour une sortie avec son mari et alors qu'il n'y avait pas grand chose de plus important à ses yeux que de regoûter à ces moments-là avec Swann. « Je suis heureux qu'on ait pu profiter de cette soirée tous les deux. J'ai passé un bon moment, et j'ai eu l'impression que toi aussi. » Son sourire s'étira à cette dernière précision, parce que c'était une chose d'avoir profité des festivités et une autre que son mari s'y soit amusé lui aussi. S'ils avaient besoin de se changer les idées et de mettre les derniers mois derrière eux pour retrouver une certaine insouciance, l'acteur savait qu'il aurait été incapable de profiter s'il avait du voir Swann subir les dernières heures. Alors qu'il ait eu l'air de s'y plaire, ça valait réellement tout pour lui. « Tu pouvais pas vraiment le voir sous le masque, mais j'ai passé presque toute la soirée à sourire. » Ainsi qu'à le dévorer des yeux, ce qui ne surprendrait pas davantage son mari, à n'en pas douter, et ça même si leur couple sortait d'une passe difficile. A aucun moment le regard amoureux qu'il avait toujours posé sur lui ne s'était changé en autre chose, parce que ses sentiments pour lui n'avaient jamais fané eux non plus. C'est même précisément en ça qu'il savait que leur couple valait plus que la peine qu'ils se battent pour lui : parce qu'il n'avait jamais entrevu la possibilité que son amour pour Swann s'évanouisse, même au plus fort de cette crise. Il n'avait jamais cessé de voir leur couple, leur mariage et leur famille comme une évidence que ces quelques mois ne pouvaient pas altérer.

« Tu peux m'aider ? » Se tournant à moitié vers Swann, il lui désigna la fermeture éclaire présente à l'arrière du costume et qu'il avait un certain mal à atteindre, principalement parce qu'il voulait éviter le moindre geste brusque qui pourrait risquer d'endommager le costume. Il savait que Swann mettrait le plus grand soin à l'aider et rougirait presque devant la symbolique d'un tel moment. Après tout, c'était loin d'être la première fois que son mari entreprendrait de l'aider à se déshabiller, bien que les circonstances soient ici un peu particulières et pas seulement parce qu'il avait revêtu un costume de Batman. Il y a quelques temps maintenant que Swann et lui n'avaient plus été intimes à ce point-là, parce qu'ils avaient estimé que se laisser le temps de se retrouver aussi sur ce point était la meilleure chose à faire. Finalement, hésitant une courte seconde à reprendre, ses yeux balayant le vide de la pièce, il souffla. « Il y a une chose dont je veux te parler depuis hier. J'attendais que le bon moment se présente. » Et ce soir, ça lui semblait être un moment plutôt opportun pour évoquer le sujet qu'il n'avait pas encore osé mettre sur la table, non pas parce qu'il craignait la réaction de Swann, mais parce qu'il n'était pas certain lui-même de savoir comment l'aborder. A vrai dire, depuis hier matin, pas mal de ses pensées se trouvaient bouleversées et il ne réalisait vraiment à quel point cette soirée lui avait changé les idées que maintenant que son mari et lui étaient de retour chez eux, le poids sur son cœur n'ayant rien à voir avec les dernières heures ou bien avec Swann, bien au contraire.

La soirée est passée bien plus vite que ce à quoi il avait pu s’attendre. En une fraction de secondes, les voilà déjà de retour chez eux, dans le calme paisible de leur maison où Robin est pour une fois absente. Swann continue encore de sourire naïvement, comme s’il portrait encore son masque de Robin qui, il en est certain, lui a laissé des marques sur le visage tant il était serré à l’intérieur d’un costume hors de prix réalisé sur mesure pour un autre que lui. Cela n’a rien enlevé de son charme à la soirée, sans doute parce qu’il était bien plus intéressé par la compagnie à ses côtés que par le thème même de la soirée, qui n’en a pas moins été une parfaite excuse pour sortir de chez eux. surtout, pour sortir ensemble, comme un couple et non comme des colocataires auxquels ils ressemblaient parfois au cours des dernières semaines, à discuter ensemble sans jamais s’effleurer et en faisant justement bien attention à tout le contraire. « J'ai adoré porter ce costume, mais je suis quand même soulagé de l'enlever. C'est qu'on étouffe un peu, là-dessous. » - « Tu peux, ton identité ne risque pas d’être dévoilée. » Qu’il renchérit avec un sourire amusé tout en l’observant ôter délicatement son masque, Rory étant plus conscient que quiconque de la valeur de ce qu’il a sur le dos. Il l’a vu évoluer avec soin tout au long de la soirée pour ne pas risquer le moindre accident et en a été touché, comme bien souvent avec ce qui touche à Rory. « Je suis heureux qu'on ait pu profiter de cette soirée tous les deux. J'ai passé un bon moment, et j'ai eu l'impression que toi aussi. » Le sourire de son mari s’étire aussi doucement que le fait le sien, même alors que Swann pose un instant les yeux au sol, comme s’il était gêné de l’observation de Rory, laquelle n’en est pas moins vraie. Il a effectivement passé une bonne soirée, et cela a effectivement tout à voir avec la compagnie qui était sienne. « Oui, c’est pas qu’une impression. » Ce soir, pour la première fois depuis longtemps, il était heureux. « Tu pouvais pas vraiment le voir sous le masque, mais j'ai passé presque toute la soirée à sourire. » Le sourire de l’anglais s’étire encore un peu plus à l’évocation de ces mots. « Ça se voyait dans tes yeux. » Il murmure tout bas, comme une confession. Il connaît bien assez Rory pour savoir reconnaître ce genre de détails, pour lui cela a tout d’une évidence et pourtant il ne veut pas ruiner l’instant, ni les mots que son mari donne l’air de lui avouer après mûre réflexion. Il aime cette retenue de sa part ; il l’a toujours aimée.

« Tu peux m'aider ? » Rory échange un bref regard avec lui, assez évocateur pour que Swann étire son maigre sourire d’une façon bien différente. Ainsi, c’est avec une douce malice qu’il se rapproche de son mari pour, derrière son dos, faire glisser avec soin la fermeture éclair.  « Si gentiment demandé. » Il murmure donc tout en se pliant à sa demande, utilisant d’abord ses deux mains pour tenir le col, puis seulement une seule pour ouvrir la fermeture. Son geste s’ensuit de sa main libre qu’il pose contre sa hanche, sans chercher à cacher les pensées vagabondes étant siennes. Les mots que Rory ajoute le font pourtant rapidement changer d’avis et aussitôt enlever sa main. « Il y a une chose dont je veux te parler depuis hier. J'attendais que le bon moment se présente. » Rendu soudainement inquiet par la tournure de sa phrase ainsi que la façon dont il l’amorce, Swann arrête la fermeture au milieu de son dos pour se placer face à lui.  « Depuis hier ? » Il répète, un brin abattu. Jusqu’à présent, ils n’ont jamais eu pour habitude de garder des secrets l’un pour l’autre, pas même une seule journée. Déjà, et bien malgré lui, il en vient à craindre le pire à la façon dont il a de présenter la situation. Le regard naturellement sombre de Swann sonde le sien. « Je… Oui, bien sûr, dis moi. » Et tout ce qu’il pense à lui demander, sans oser le faire, c’est savoir si ce soir est le moment où Rory en vient à lui dire qu’ils feraient finalement peut-être mieux de faire chemins à part en se contentant de penser à Robin. Sa gorge se noue, il déglutit aussi lentement que difficilement, bien incapable de cacher son état d’esprit actuel. « Tu aurais pu m’en parler avant la soirée, tu sais. » Ce n’est pas un reproche, simplement un rappel qu’ils peuvent tout se dire, quand ils le veulent. Swann l’agrémente d’un maigre sourire, tentant ainsi de le rassurer.

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La soirée s'était voulue aussi douce que ce retour chez eux se voulait simple, marqué par l'impression de s'être véritablement retrouvés pour la première fois depuis des mois, mais surtout d'avoir profité des dernières heures comme un véritable couple qui avait non seulement recouvré bon nombre de ses automatismes, mais qui avait aussi bavardé, dansé et ri aux éclats presque comme à leurs débuts. « Oui, c’est pas qu’une impression. » Les mots de Swann sonnaient donc comme la plus belle confirmation que cette soirée avait été une réussite à plus d'un niveau, pas seulement au fond de son cœur mais aussi pour son mari, à qui il tenait tant à offrir cette parenthèse après les difficultés des derniers mois. Voir que cette soirée avait tenu toutes ses promesses mais qu'elle avait aussi dépassé leurs espérances, ça valait tout pour lui. « Ça me fait tellement plaisir de l'entendre. » Et si quelques heures plus tôt son masque empêchait Swann de voir combien la ligne de ses lèvres n'avait eu de cesse de s'étirer tout au long de la soirée, à présent il pouvait bel et bien admirer le sourire qui y trônait et qui n'était pas près d'en être délogé. « Ça se voyait dans tes yeux. » C'est cette fois une émotion différente qui éclaira justement son regard, alors qu'il était sans doute encore plus touché par sa façon de le faire remarquer que par l'idée que ses yeux l'aient trahi et que Swann n'en ait pas raté une miette. « C'est parce qu'ils ne voyaient que toi. » Des mots qu'il aurait tout aussi bien pu lui souffler lors de leur tout premier rendez-vous, sept ans plus tôt. Des mots qui prouvaient surtout qu'aujourd'hui, plus que jamais, il regardait son mari avec les yeux d'un homme amoureux et conscient de la chance qu'il avait de partager sa vie, bien trop conscient surtout de ce que signifierait une vie sans lui et du fait qu'il ne voulait en aucun cas y goûter. Affairé à retirer son costume, c'est un Rory précautionneux qui demanda à son mari de lui prêter main forte, conscient qu'il se montrerait aussi délicat que toutes les fois où ses doigts agiles avaient massé sa peau tout autant qu'il était probablement désireux, c'est vrai, de retrouver peu à peu la proximité dont Swann et lui s'étaient privés ces derniers mois. « Si gentiment demandé. » Si son sourire s'étira à mesure qu'il sentit descendre la fermeture éclaire le long de son dos, c'est un frisson qui le parcourut lorsque Swann déposa une main tout contre sa hanche, un geste qui en aurait probablement appelé de nombreux autres et qui aurait même sans doute donné à cette soirée une impulsion différente s'il n'avait pas profité de l'occasion pour livrer ce qu'il avait sur le cœur, incapable de le garder plus longtemps pour lui.

« Depuis hier ? » Et déjà, il percevait l'inquiétude résonnant dans la voix de Swann et s'en voulait d'avoir évoqué le sujet avec autant de gravité, connaissant trop bien son mari pour savoir qu'il aurait tôt fait de s'imaginer que s'il ne lui avait rien dit plus tôt, c'est que le sujet était potentiellement inquiétant. « C'est pas... Je voulais juste bien choisir mon moment, c'est tout. » Il lui assura ainsi, espérant que ça suffirait dans un premier temps à le rassurer sur la question du timing : il n'avait pas gardé ça pour lui toute une journée parce qu'il ne se sentait pas à l'aise de lui parler plus tôt. Ça n'avait rien à voir avec la confiance qu'il lui portait et qu'il n'avait même jamais cessé de lui porter. « Je… Oui, bien sûr, dis moi. » Swann appréhendait le reste de ses confessions, il lui suffisait de l'observer pour le savoir, et ça le culpabilisait autant que ça attendrissait aussi sans doute une part de lui. Celle qui avait toujours trouvé adorable qu'il prenne autant à cœur ce qui touchait aux personnes qu'il aimait ; à lui notamment, il le savait. « Je veux pas que ça t'inquiète. Si ça avait été quelque chose de vraiment grave, tu sais que j'aurais pas attendu pour te le dire. » Ce qu'il ne voulait pas, c'est que son mari s'imagine maintenant qu'il avait fait un secret d'une information critique et qui concernait leur couple ou leur famille. S'il est vrai que son premier réflexe était souvent de vouloir le protéger, ils en étaient aussi passés par suffisamment d'épreuves ces derniers temps pour s'être promis de toujours se dire les choses, désormais. « Tu aurais pu m’en parler avant la soirée, tu sais. » - « J'ai pas osé. Je crois que je voulais qu'elle soit la plus insouciante possible, qu'on puisse vraiment profiter sans que rien ne s'en mêle. » Il avoua, d'un air penaud, réalisant que c'était probablement stupide et que Swann ne lui en aurait pas voulu même si cette soirée avait été rien qu'un peu moins légère. C'était Swann, bien sûr qu'il ne lui en aurait pas tenu rigueur. « C'est au sujet de ma mère. » Et ainsi son mari comprendrait que ça touchait possiblement à quelque chose de sensible, ce qui expliquait qu'il ait attendu quelques heures pour lui en parler et ça même alors qu'il ne lui cachait jamais rien. Il n'en avait parlé à personne, en vérité, pas mal à son frère ou à ses sœurs. Et quand on connaissait Rory, ça suffisait à prouver que c'était loin d'être un sujet anodin.

« Je l'ai vu hier matin, et elle était... enfin, elle n'allait pas très bien. Elle avait bu, pour ne pas changer. » La détresse dans son regard n'étonnerait pas Swann, qui savait mieux que quiconque combien la situation le désespérait. S'il avait veillé à se laisser un peu moins atteindre par les problèmes de sa mère lorsque Robin était arrivée dans leur vie et qu'il s'était juré de la protéger de tout ça, ça ne changeait pas le fait qu'il s'inquiétait forcément pour elle.« On a beaucoup parlé, elle et moi. Elle était très agitée, j'ai d'abord cru qu'elle était dans un état second et qu'elle savait pas vraiment ce qu'elle disait. Mais elle a dit beaucoup de choses, des choses qui semblaient presque cohérentes sur le coup. » Du moins, c'est l'impression avec laquelle Rory était ressorti de cet échange qui l'avait bouleversé à plus d'un titre, et pour cause. « Elle a... elle m'a parlé de son frère, Swann. » Lorsqu'il confessa ces quelques mots, réalisant combien ils lui auraient paru complètement insensés il y a encore quelques jours et combien une part de lui peinait encore à croire qu'ils étaient bien réels, Rory reposa son regard dans celui de son mari avec l'appréhension que ça ne fasse pas le moindre sens pour lui non plus. « Je savais même pas que ma mère avait un frère. C'est la toute première fois qu'elle le mentionnait, la première fois que j'en entendais parler en tout cas. » Et Swann était bien placé pour le savoir lui aussi, connaissant toute sa famille après en avoir côtoyé une partie ces dernières années et avoir rencontré l'autre à leur mariage. En dehors de quelques cousins dont il n'était pas spécialement proche et qu'il ne se voyait pas inviter même pour ce grand jour, Rory avait veillé à inclure tout le monde. Tous ceux dont il connaissait l'existence, en tout cas. « Je sais pas... ce que je suis censé en penser. Habituellement ce qu'elle peut dire quand elle est dans cet état ne fait pas le moindre sens. Mais cette fois... » Cette fois, c'était comme s'il avait vu quelque chose s'éclairer dans le regard de sa mère lorsqu'elle avait mentionné ce frère sur qui elle avait donné suffisamment de détails pour que, là encore, une part de lui soit tentée de croire qu'elle était sincère. Même si ça voudrait dire avoir vécu dans l'ignorance d'une part de l'histoire de sa propre mère jusqu'à aujourd'hui.

« Ça me fait tellement plaisir de l'entendre. » Ce dont il ne doute pas un seul instant, surtout alors que Rory est particulièrement bien placé pour savoir que le bonheur de Swann avance toujours sur un chemin difficile, lequel peut annoncer un obstacle et un changement de route à tout moment. L’acteur le rend heureux, plus que quiconque, mais il ne peut pas à lui seul régler tous les maux du monde et les imperfections de ses états d’âme. Ce soir, pourtant, il a participé à l’apaisement simple et parfait de leur soirée passée à se regarder l’un l’autre dans le blanc des yeux sans que cela n’ait rien, absolument rien de négatif. L’expression attitrée serait plutôt d’annoncer qu’ils n’avaient d’yeux que pour l’un l’autre. Le sourire de l’un et de l’autre s’étirent justement avec similitude. « C'est parce qu'ils ne voyaient que toi. » Les empreintes de doigts de l’anglais s’impriment doucement sur la joue de son mari alors qu’il garde la main tendue pour l’embrasser lentement, très lentement, comme s’ils avaient tout à réapprendre. « J’en doute pas. » Il n’est pas un homme jaloux, surtout alors que Rory ne lui a jamais donné la moindre raison de l’être. Ils ont toujours posé leur attention sur l’un l’autre depuis les premiers instants, cela ne saurait changer, pas même après leur passe difficile dont ils sont encore en train de guérir.

La preuve en est de la façon dont le ton de leur conversation semble changer du tout au tout après que la demande de Rory pour l’aider à retirer son costume se transforme soudainement en un désir de confession de sa part. « C'est pas... Je voulais juste bien choisir mon moment, c'est tout. » Il déglutit et fait un pas en arrière, se demandant comment ce moment peut être le bon alors qu’il jurait déjà avoir pensé et anticipé à une suite d'événements bien différente pour les minutes à venir. Pourtant, il a assez confiance en Rory pour savoir que s’il souhaite tant parler de ce fameux sujet maintenant c’est qu’il doit avoir une raison à cela. « Je veux pas que ça t'inquiète. Si ça avait été quelque chose de vraiment grave, tu sais que j'aurais pas attendu pour te le dire. » Il s’inquiète moins, mais il s’inquiète toujours. Les problèmes de Rory sont aussi les siens, tout comme ses doutes et ses craintes. A en juger par la façon dont il tente d’aborder le sujet, il ne se sent pas aussi apaisé que Swann l’aurait cru. « J'ai pas osé. Je crois que je voulais qu'elle soit la plus insouciante possible, qu'on puisse vraiment profiter sans que rien ne s'en mêle. » Et il comprend. Plus que jamais, il comprend. Il revient sur son idée première, offre un sourire rassurant à l’homme qu’il aime. Ses mots n’étaient en rien des reproches, uniquement des craintes. Ils ont besoin de soirées comme celles qu’ils viennent de passer pour se retrouver, et les dernières heures leur ont fait un bien fou. « C'est au sujet de ma mère. » - « Oh. » Tout s’éclaire maintenant au sujet de la réaction de Rory ainsi que de sa propension à ne pas aborder le sujet plus tôt dans la journée. Il n’a pas besoin d’en dire davantage pour que l’anglais comprenne déjà l’importance de ces confessions à venir, si bien qu’il finit par se placer sur le lit et invite Rory à en faire de même, ses jambes croisées face à lui. « Viens. » Il souffle doucement pour appuyer ses gestes et tenter de se montrer présent pour lui avant même qu’il lui parle de ce qu’il garde sur le cœur.

Lorsqu’il pose le décor, l’anglais ne peut pas être étonné. Que sa mère ait bu est habituel, que sa mère ait trop bu n’est pas étonnant. Que cela ait mené à une discussion difficile entre mère et fils n’est, malheureusement, pas une nouveauté non plus. Rory sait ce qu’il en est ; Swann sait qu’il ne peut pas l’éloigner d’elle, même pour chercher à le protéger. Elle sera toujours sa mère, aussi perfectible est-elle. Des mots finissent par attirer bien plus son attention que d’autres. « Elle a... elle m'a parlé de son frère, Swann. » L’anglais ne sait cacher sa surprise. « Son frère ? » Il connaît sa vie par cœur, il n’a pas le moindre doute là-dessus, tout comme il n’a pas le moindre doute de ne jamais avoir entendu parler de l’existence d’un oncle du côté de sa mère. « Je savais même pas que ma mère avait un frère. C'est la toute première fois qu'elle le mentionnait, la première fois que j'en entendais parler en tout cas. » Il confirme à son tour l’annonce d’une nouvelle qui, pourtant, n’aurait normalement jamais pu être cachée aussi longtemps à sa propre famille. Surtout, Swann se demande pourquoi cela aurait été le cas. Qu’a-t-il fait pour être un parjure auprès d’une femme qui ne semble pourtant pas avoir une morale particulièrement élevée ? « Je sais pas... ce que je suis censé en penser. Habituellement ce qu'elle peut dire quand elle est dans cet état ne fait pas le moindre sens. Mais cette fois... » Il n’y a rien de plus normal qu’il se sente perdu après une telle annonce, surtout alors que sa mère n’a pas dû chercher à se montrer particulièrement délicate au moment d’énoncer les faits - comme d’habitude, là encore. Swann redouble de délicatesse pour deux, s’avançant uniquement pour poser ses mains contre les mollets de Rory et les caresser doucement, ses pouces dessinant des ronds imaginaires pour tenter de le rassurer et le soutenir. « Tu penses qu’elle pourrait dire la vérité ? » Oui, sinon il n’aurait sûrement pas jugé nécessaire d’embêter Swann avec les paroles d’une femme comme sa mère. « Tu… sais pourquoi elle aurait caché le secret aussi longtemps ? » Ce n’est pas une question de ne jamais avoir trouvé le moment d’en parler, bien sûr que non. Pas quand cela touche à la famille, pas quand un homme de trente ans vient d’apprendre que son arbre généalogique s’étend à un niveau jusque-là encore inconnu. « C’est pas de ta faute, hm ? Si elle en avait jamais parlé jusque-là, c’est pas ta faute. » Il va le penser, si ce n’est déjà fait, alors il insiste sur ce point : ce n’est pas le gamin devenu adulte qui pourrait être coupable de l’existence d’un tel secret, et il peut l’affirmer avant même d’avoir connaissance du fin mot de l’histoire. « Personne d’autre ne savait ? » Là encore, il imagine une réponse uniquement négative, mais il a besoin d’avoir une vision d’ensemble pour comprendre une situation qui ne fait pourtant aucun sens.

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Il aurait évidemment préféré que cette soirée connaisse une suite différente, parce qu'il aurait évidemment préféré savourer le goût des lèvres de Swann sur les siennes un peu plus longtemps, puis profiter des prochaines heures entre les murs de leur chambre, à faire l'amour sans se soucier de quoi que ce soit d'autre. Mais ce qu'il avait sur le cœur, Rory ne se voyait pas le lui cacher même quelques heures de plus, pas après que les derniers mois leur aient appris que les non-dits ne pouvaient pas avoir leur place dans leur mariage. Pas alors qu'ils se retrouvaient tout juste, guérissaient encore de cette période compliquée pour leur couple et s'étaient promis de toujours avancer dans la même direction à partir de maintenant. Il en était pourtant conscient, effleurer le sujet à peine rentrés de leur soirée aurait tôt fait d'inquiéter son mari, encore suffisamment marqué par les derniers événements pour s'attendre au pire. C'était tout ce qu'il souhaitait éviter, Rory, raison pour laquelle il entreprit d'abord de le rassurer puis veilla à ne pas tourner plus longtemps autour du pot. Ainsi Swann comprendrait qu'il n'était pas question de lui, ou de leur couple, et qu'il n'avait rien à craindre de la discussion qui s'annonçait. A vrai dire, Rory ne comptait pas en faire l'affaire de plusieurs heures : il avait toujours à cœur de profiter avec lui du reste de cette soirée, sans discussion cette fois. « Oh. » Son mari savait maintenant que s'il n'avait pas évoqué le sujet plus tôt, c'est parce qu'il était toujours sensible dès qu'il était question de sa mère. « Viens. » Imitant Swann et s'asseyant près de lui sur le bord de leur lit, Rory éprouva un soulagement paradoxal, sans doute lié à l'idée que ce qu'il avait aujourd'hui sur le cœur ne touchait pas à son mariage. Ce soir, Swann et lui avaient été pleinement heureux et insouciants pour la première fois depuis des mois, et c'était à ça qu'il se raccrochait.

« Son frère ? » La surprise de son mari était inévitable, elle l'avait après tout saisi lui aussi lorsque sa mère avait prononcé ce nom dont il ignorait tout, et ça en se considérant pourtant suffisamment proche d'elle pour ne pas ignorer un tel détail. « Oui, je sais, ça m'a paru absurde à moi aussi. » Qu'elle mentionne tout à coup un frère, un oncle dont ses enfants ignoraient tout, comme si c'était parfaitement anodin. Sa mère n'avait probablement pas réalisé sur le coup tout ce que de telles confessions impliquaient réellement, et c'était sans doute le pire : elle s'était confiée dans un moment où elle n'était pas tout à fait elle-même, mais encore suffisamment lucide pour qu'il soit tenté de la croire. « Tu penses qu’elle pourrait dire la vérité ? » Swann le connaissait par cœur, il se doutait déjà de la réponse que son mari formulerait. « J'ai eu l'impression qu'elle croyait vraiment en ce qu'elle disait, alors... oui, peut être. » Il ne pouvait pas partir du principe que sa mère divaguait, quand bien même ce serait sans doute l'option la plus facile pour ses aînés ou ses petites sœurs. Rory, lui, ne savait pas ignorer la lueur déchirante qui brillait à ce moment-là dans les yeux de sa mère, comme si elle tombait le masque pour l'une des premières fois de sa vie. « Elle m'a raconté des choses qu'ils partageaient lorsqu'ils étaient plus jeunes, des choses qu'elle aurait aimé lui dire s'il était encore de ce monde. » Un air triste passa sur le visage de l'australien, qui ajouta. « Il est apparemment décédé depuis de nombreuses années. » C'était un détail qu'il avait interprété grâce aux paroles de sa mère, qu'il s'était suffisamment repassé dans un coin de son esprit pour être à peu près sûr que cet oncle n'était plus de ce monde, ce qui ajoutait encore au caractère tragique de ces confessions. « Ma mère a parfois pu inventer des choses, mais ça ferait beaucoup. Même pour elle. » Et même si elle était passée experte dans l'art de se raconter des histoires à propos de toutes sortes de choses, à commencer par son problème avec la boisson, il ne l'imaginait pas aller jusqu'à s'inventer un frère même après quelques verres de trop. Justement parce qu'elle l'avait habitué à une honnêteté tranchante, blessante, dans ces moments-là.

« Tu… sais pourquoi elle aurait caché le secret aussi longtemps ? » Apaisé par les caresses que les doigts de son mari parsemaient sur sa peau, Rory avait pour autant du mal à faire le tri entre toutes les questions que soulevaient justement chez lui ces révélations. « J'en ai aucune idée. Elle a jamais été tellement bavarde sur son passé, mais de là à nous cacher tout un pan de sa vie... » Que sa mère ne soit pas la personne la plus expansive quand il était question d'affection, c'était une chose qu'il avait depuis longtemps accepté, mais qu'elle ait pu garder ces détails importants de sa vie pour elle, ça lui était plus difficile à comprendre. « C’est pas de ta faute, hm ? Si elle en avait jamais parlé jusque-là, c’est pas ta faute. » Un sourire sans joie fendit ses lèvres, preuve que son mari avait visé juste lorsqu'il avait pressenti qu'il en viendrait à penser une telle chose. « J'en sais rien, Swann. » Il confia dans un souffle. « Pourquoi elle avait besoin d'être saoule pour se confier ? Pourquoi elle s'est jamais sentie assez en confiance pour le faire avant ? » Pourquoi ne l'avait-elle jamais pris entre quatre yeux pour lui parler ? Leur relation était imparfaite, mais elle était malgré tout relativement fusionnelle et il avait passé tant de temps à veiller sur sa mère que les occasions avaient été nombreuses de tout lui dire. « Personne d’autre ne savait ? » Mouvant doucement la tête, il reprit. « Personne ne sait dans la famille. J'imagine que les seules personnes au courant étaient les principaux intéressés, à savoir ma mère, son frère, et leurs parents. » Mais ses grands-parents maternels n'étaient plus de ce monde depuis assez longtemps pour qu'il ne soit pas certain de pouvoir se rappeler un détail qui lui prouverait qu'ils avaient gardé le secret durant tout ce temps, même si c'était la seule réponse logique. « Mon père était sûrement au courant. Leur mariage est loin d'être parfait, mais je sais qu'ils ont eu quelques belles années à leurs débuts. Elle le lui aurait sûrement pas caché. » C'est du moins ce qu'une part de lui avait envie de croire, sans doute parce que ça prouverait que ses parents s'étaient fait confiance au début de leur relation. « Surtout qu'il y a autre chose. Elle m'a aussi parlé d'un neveu. » Un neveu qui semble-t-il avait été lui aussi tenu à l'écart de leur vie, sans que Rory ne puisse s'empêcher d'éprouver une certaine colère à cette idée. Il était toujours capable de trouver des circonstances atténuantes à sa mère, mais l'idée qu'il ait un cousin dont il ne savait (presque) rien était difficile à accepter. « Je sais pas ce qui serait le pire, Swann. Qu'elle puisse dire la vérité et nous ait caché ça pendant toutes ces années, ou qu'elle puisse boire au point d'inventer ce genre d'histoires. » Finalement, laissant son torse retomber contre Swann pour venir se blottir contre lui, il sentit l'émotion grandir en lui à l'idée que sa famille s'illustre une fois de plus dans l'art de garder des secrets. « Tu es le premier à qui j'en parle. Je voulais pas impliquer mon frère et mes sœurs avant d'en savoir plus, je... » Il retrouva le regard de son mari et ses doigts se nouèrent doucement aux siens. « Tu es le seul à qui je me sentais prêt à en parler. » Comme toujours, c'est auprès de lui qu'il livrait ce qu'il avait sur le cœur et qu'il venait trouver une oreille attentive, des conseils, ou quoi que ce soit qui puisse lui offrir du réconfort après cet échange avec sa mère. Personne ne savait mieux le guérir de ses craintes, de ses doutes ou de ses frustrations que Swann. Personne ne savait mieux apaiser son cœur ou lui donner le sentiment d'être entendu ; d'être compris.

Ses propres sentiments mis de côté, il peut enfin se concentrer sur Rory et les mots qu’il lui partage. Il sait que son manque de confiance en lui n’a pas sa place dans la discussion que son mari tente d’amener, si bien qu’il prend sur lui pour ne plus en montrer le moindre signe. Au contraire, il se concentre sur les caresses faites contre ses cuisses en même temps que toute l’attention qu’il lui dédie sans que cela soit un sacrifice pour lui. Ses mots sont importants, ses sentiments le sont tout autant. « Oui, je sais, ça m'a paru absurde à moi aussi. » Absurde n’est pas le mot qu’il aurait employé, mais ils se retrouvent sans nul doute dans la finalité de sa signification : selon Swann, cela ne fait tout simplement aucun sens. Comment pourrait-elle annoncer à son fils âgé de 30 ans qu’il a finalement un oncle dont il n’a jamais entendu parler de son existence ? Ne pas être en contact avec une partie de sa famille est une chose, mais ignorer totalement leur existence ? Même pour Swann qui subit encore le manque d’informations au sujet de son père n’arrive pas à comprendre la situation. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à Rory qu’il tient rigueur de cette annonce, et bien au contraire. « J'ai eu l'impression qu'elle croyait vraiment en ce qu'elle disait, alors... oui, peut être. » Le problème avec sa mère, c’est que ses mots ne sont pas assurés, même si elle y croit pour sa part : elle n’est pas une entité en qui ils peuvent avoir confiance, et Swann le sait sans doute mieux que Rory, même alors que seul ce dernier a vécu une vie à ses côtés. Il n’en reste pas moins son fils, il n’en reste pas moins la personne qui verra toujours le meilleur en elle, quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse. Quoi qu’elle lui cache aussi. A défaut d’avoir assez d’éléments à sa disposition pour lui répondre avec plus de précision, l’anglais hoche la tête avec conviction. Rory la croit, il ne lui reste plus qu’à savoir s’il en fait de même à son tour. « Elle m'a raconté des choses qu'ils partageaient lorsqu'ils étaient plus jeunes, des choses qu'elle aurait aimé lui dire s'il était encore de ce monde. » Alors peut-être bien que oui, finalement, cet homme n’est pas une invention. Swann se concentre d’ailleurs sur les faits, un peu trop pour noter le sous-entendu de ces mots, qui le frappe finalement de plein fouet lorsque Rory se montre plus direct. « Il est apparemment décédé depuis de nombreuses années. » - « Je suis désolé. » Il ne l’a pas connu, mais peu importe. Il n’en est pas moins sa famille, selon les mots de sa mère. Connaissant Rory, il aurait aimé le connaître, et sa disparition l’a forcément attristé. La main de Swann glisse brièvement contre sa joue pour marquer ses mots, il ajoute un sourire rassurant ensuite. « Ma mère a parfois pu inventer des choses, mais ça ferait beaucoup. Même pour elle. » - « Ok, on la croit alors. » Il ne luttera pas pour chercher des incohérences dans le récit proposé. Ce n’est peut-être pas ce qui importe le plus, au final. Après tout, elle n’aurait rien à y gagner à mentir à son fils aujourd’hui, et s’il y a bien un point qu’il souhaite voir s’éclairer, c’est celui-ci : pourquoi maintenant ?

« J'en ai aucune idée. Elle a jamais été tellement bavarde sur son passé, mais de là à nous cacher tout un pan de sa vie... » Il y a un monde dont l’anglais est conscient à son tour, ce qui ne fait qu’ajouter de nombreuses questions dans son esprit, lesquelles ne trouvent aucune sorte de réponse. La culpabilité, peut-être ? Il ne sait y réfléchir sans penser à ce qui aurait pu être arrangeant pour elle, la vision qu’il a de sa belle-mère ne correspondant en rien à un tableau flatteur. « J'en sais rien, Swann. Pourquoi elle avait besoin d'être saoule pour se confier ? Pourquoi elle s'est jamais sentie assez en confiance pour le faire avant ? » La culpabilité l’envahit rapidement, il ressent le besoin de l’enrayer rapidement. « Hey, je sais pas non plus. Mais c’en est pas moins ta faute. » Il murmure, il assure. Le penchant de sa mère pour l’alcoolisme n’est pas sa faute, sa propension à trouver des réponses dans les bouteilles n’est pas de son fait. Qu’elle ait gardé un tel secret durant une vie entière n’est pas une chose dont il devrait se sentir coupable. « C’est pas une question de confiance, tu le sais. » Encore moins un problème de manque de confiance envers lui : sa mère est malade, elle a besoin de personnes autour d’elle et n’est pas réellement la mère en capacité de s’occuper convenablement de sa famille. « Personne ne sait dans la famille. J'imagine que les seules personnes au courant étaient les principaux intéressés, à savoir ma mère, son frère, et leurs parents. » Le père s’ajoute finalement à la maigre liste et Swann hoche mécaniquement la tête une fois de plus, occupé à se demander comment autant de personnes auraient pu être au courant sans que l’information ne fuite jamais. Avaient-ils une raison de ne rien partager, justement ? Ce serait insensé et digne d’un film. Il continue de caresser la peau de son mari mais son flot de réponse se tarit, bien incapable de trouver par où commencer.

Pourtant, Rory a encore une information de poids à lui transmettre. « Surtout qu'il y a autre chose. Elle m'a aussi parlé d'un neveu. » Il relève son regard dans le sien, fronce à peine les sourcils pour marquer sa surprise. « Je sais pas ce qui serait le pire, Swann. Qu'elle puisse dire la vérité et nous ait caché ça pendant toutes ces années, ou qu'elle puisse boire au point d'inventer ce genre d'histoires. » Il se laisse retomber dans les bras de l’anglais, qui l’accueille avec délicatesse, faisant remonter une main dans sa nuque pour la caresser avec assurance. « Tu es le premier à qui j'en parle. Je voulais pas impliquer mon frère et mes sœurs avant d'en savoir plus, je... Tu es le seul à qui je me sentais prêt à en parler. » Dans un premier temps, il ne dit rien de plus et se contente de le serrer un peu plus fort près de lui, de caresser avec plus de soin encore sa peau et de fermer ses propres yeux pour se concentrer sur l’instant. La culpabilité de Rory est évidente, tant dans ses mots que dans ses gestes, et il à coeur de tenter de la purger autant que possible avant de passer à l’étape suivante. Même si l’année n’a pas été simple pour eux, il restera toujours présent pour lui. Et même s’ils venaient à ne plus être un couple, un jour malheureux, il jure que cela ne changera jamais : il voudra son bonheur, il voudra son apaisement, et s’il peut toujours aider à cela alors il le fera. « Tu fais bien, prends le temps de process tout ça. » Ils ont besoin de savoir si ce qu’elle dit est vrai et si oui, jusqu’à quel niveau. « Et tu sais que tu peux tout me dire. » A ce propos, comme tous les autres. Il peut toujours tout lui dire, et Swann le lui assure dans un baiser posé contre sa tempe avec minutie. Ses deux mains remontent de part et d’autre de ses cheveux alors qu’il prend le temps de partager un regard rassurant supplémentaire avec lui. « Tu le connais, le neveu ? Il était dans votre entourage, je veux dire ? » Ses doigts glissent contre ses cheveux devenus assez longs pour à peine arriver à se coincer derrière ses oreilles, quand les boucles sont dociles. « Je pense pas que l’alcool puisse amener à autant d’imagination. » Il n’est pas un spécialiste, c’est évident, mais Arthur lui donne au moins une certaine expérience dans ce domaine-là. Une telle imagination lui semble invraisemblable : cela doit forcément résulter de la réalité, ou tout du moins une partie de la réalité. « Elle t’a raconté cette histoire et rien d’autre, hm ? Pas de contrepartie, pas de demande particulière ? » Pas de demande d’argent à envoyer, pas de Dieu sait quoi qui aurait pu mener la mère de famille à volontairement mentir à son fils les yeux dans les yeux ? Par tous les Dieux, il l’espère, parce qu’il refuse de penser que se servir de ses enfants puisse être une possibilité envisageable, encore moins alors que l’un d’eux est Rory et qu’il ne mérite pas moins que tout le bonheur du monde.

(c) harley & davidcorenswct

see it in my eyes, how they never lie.

@SWANN CRAINE & RORY

De toutes les choses que lui avait révélé sa mère au cours de leur échange, c'était probablement l'annonce du décès de cet oncle qui avait le plus remué Rory. Apprendre qu'il avait passé toute sa vie à ignorer son existence était déjà une idée perturbante, mais savoir qu'il n'aurait jamais l'occasion de pallier à tout ce temps perdu était encore plus compliqué. « Je suis désolé. » Le contact de la main de Swann tout contre sa joue tira à Rory un sourire aussi doux que mélancolique. « C'est étrange. Je l'ai pas connu, et j'ai vécu toutes ces années en ignorant même son existence. Mais savoir que j'ai manqué une occasion de le rencontrer, c'est ce qui me rend le plus triste. » Il n'avait pas choisi d'être tenu dans l'ignorance, et pour ça il ressentait forcément une part d'amertume à l’égard de sa mère, qui était parfaitement en droit de faire de certaines parties de sa vie un secret mais qui n'aurait pas du les priver de l'occasion de connaître leur oncle. « Ok, on la croit alors. » Ce n'était jamais simple, de prendre pour argent contant tout ce que pouvait lui dire sa mère lorsqu'elle avait un peu trop forcé sur la bouteille, mais cette fois il se sentait incapable de ne pas lui accorder ce crédit-là. Simplement parce qu'il ne l'imaginait pas aller jusqu'à s'inventer des secrets de famille, même sous l'effet de l'alcool, même pour s'attirer la compassion de son fils. Compassion qu'elle avait toujours eu mais face à laquelle elle n'avait toujours réagi qu'avec sa défiance habituelle, ce qui expliquait sans doute qu'il leur soit toujours si difficile de se parler réellement. Alors découvrir après toutes ces années que sa mère avait un frère et qu'elle ne le leur avait jamais dit, ça n'était pas si étonnant lorsqu'on savait à quel point il leur était parfois difficile de se comprendre, au plus grand désarroi de Rory. « Hey, je sais pas non plus. Mais c’en est pas moins ta faute. » Les murmures de son mari vinrent lui réchauffer le cœur, à défaut de gommer complètement l'impression qu'il avait que si sa relation avec sa mère avait été moins bancale, elle se serait sans doute confiée bien plus tôt. « C’est pas une question de confiance, tu le sais. » Secouant doucement la tête, s'efforçant sans doute de s'en convaincre en retour, il souffla. « J'aimerais tant que tu aies raison. » Il le voudrait mais savait que si sa mère avait toujours eu bien du mal à leur montrer son amour, il en allait sans doute de même avec sa confiance. Elle s'était toujours si peu épanchée sur sa vie, sur son passé, qu'il avait toujours cru qu'elle n'en était pas spécialement fière. Aujourd'hui, il comprenait qu'il était avant tout synonyme de douleur et de secrets.

« Tu fais bien, prends le temps de process tout ça. » Blotti entre les bras de Swann, sa tête reposant contre l'épaule de son mari, Rory songeait à combien les derniers mois ne les avaient décidément pas épargnés, mais à quel point ce seul moment leur prouvait qu'ils avaient traversé le plus dur et en étaient ressortis d'autant plus déterminés à ne pas gâcher cette nouvelle chance qu'ils avaient donné à leur couple. Une chance dont ils mesuraient la valeur chaque jour qu'ils passaient à se rapprocher à nouveau, pas à pas, en réapprenant parfois ce qu'ils avaient si longtemps pris pour acquis et qu'ils chérissaient d'autant plus à présent. Si les révélations de sa mère le minaient au point qu'il ait effectivement besoin de quelques jours pour les digérer, Rory ressentait une gratitude immense à l'idée de ne pas avoir à traverser ça seul, de pouvoir retrouver les étreintes et les conseils de l'homme qu'il aimait et de sentir aussitôt son cœur s'alléger malgré le reste. « Et tu sais que tu peux tout me dire. » - « Je le sais, oui. » Et s'il n'avait pas déjà des dizaines d'autres raisons d'être certain qu'il était son évidence, la raison même pour laquelle son cœur avait battu ces neuf dernières années, il en serait certain rien qu'à l'immense réconfort que lui procurait l'idée de pouvoir justement tout lui dire. Parce que peu de personnes lui avaient offert une telle certitude au cours de sa vie : dans la famille où il avait grandi, dans le cercle d'amis qu'il avait fréquenté, être sensible n'était pas suffisamment bien vu pour qu'il se soit souvent senti assez en confiance pour livrer ce qu'il avait sur le cœur. « Tu es toujours là pour m'écouter, même alors que je sais ce que tu penses de la situation. Celle avec ma mère, je veux dire. » Il n'y avait pas l'ombre d'un reproche dans sa voix, bien au contraire. « Et je veux que tu saches que je le pensais, quand je t'ai dit que j'avais l'intention de lui laisser beaucoup moins de pouvoir sur ma vie. » D'arrêter d’accourir à la seconde où elle avait besoin de lui, de faire systématiquement passer ses propres sentiments après les siens, au point d'essuyer désillusion après désillusion. « J'ai arrêté de croire que je pourrais la convaincre de se faire aider, je suis plus aussi naïf que j'ai pu l'être à son sujet. Et ça c'est en grande partie grâce à toi. » Ça lui avait pris du temps, mais il avait fini par comprendre que sa mère se servait plus souvent de lui qu'il ne voulait autrefois se l'avouer, suffisamment maternelle lorsqu'elle avait besoin d'un service ou qu'elle voulait voir sa petite-fille, mais plus suffisamment démonstrative dès qu'il lui proposait de l'aider à traiter son addiction. Swann lui avait ouvert les yeux avec toute la douceur et toute la prévoyance qui le caractérisaient, en lui ayant simplement permis de revoir ses espoirs à la baisse pour se protéger davantage.

« Tu le connais, le neveu ? Il était dans votre entourage, je veux dire ? » L'existence de ce neveu dont Rory ignorait presque tout était l'autre détail qui le faisait cogiter depuis cette discussion avec sa mère. « Non, je l'ai jamais vu. Il a apparemment vécu de son propre coté de la famille pendant tout ce temps, je crois qu'il n'y a que ma mère qui continuait parfois de le voir. » Il restait beaucoup de points d'interrogations suite aux révélations de sa mère, qui n'était pas en état de se montrer beaucoup plus précise et aurait peut être encore occulté certains faits même si elle avait été dans son état normal. « Je pense pas que l’alcool puisse amener à autant d’imagination. » Et à ces propos, Rory se contenta d'acquiescer doucement, les coins de ses lèvres se retroussant avec une pointe de tristesse à l'idée que la question se soit malgré tout posée, comme de coutume dès qu'il s'agissait de sa mère. Et à ce propos, personne d'autre que lui ne pouvait mieux comprendre les inquiétudes de Swann, que son mari n'hésitait jamais à lui faire partager lui non plus, simplement parce que sa mère était un sujet qu'ils avaient toujours évoqué librement et ça, même s'il était évidemment chaque fois douloureux. « Elle t’a raconté cette histoire et rien d’autre, hm ? Pas de contrepartie, pas de demande particulière ? » Son regard s'adoucit encore davantage, et c'est en silence et avec délicatesse qu'il se redressa pour venir poser un baiser tendre et amoureux sur ses lèvres, simplement parce qu'il savait ce que cachaient les interrogations de son mari et qu'il n'y avait sans doute pas de sentiment plus réconfortant, à cet instant, que de savoir qu'il avait immédiatement ses intérêts à cœur. « Elle m'a rien demandé, non. Pour être honnête, je suis même pas certain qu'elle se rappelle de m'avoir dit tout ça, ou d'en avoir dit autant du moins. » Parce qu'elle avait bu, que comme chaque fois que ça arrivait sa mémoire lui jouait volontiers des tours. « Je me disais que le plus simple, pour être fixé, ce serait que je fasse mes propres recherches. Je sais pas trop comment, pour l'instant, parce que j'ai assez peu d'informations. » Il ne savait rien de plus que ce qu'il avait confié à Swann, ce qui était assez mince pour espérer des résultats. « Mais je crois que j'aimerais remonter la trace de ce cousin. Juste savoir qui il est, comment il va et peut être... j'en sais rien, juste le contacter serait déjà énorme. » Mais au regard soucieux qu'il reposa dans le sien, son mari comprendrait qu'il n'avait aucune certitude, ni quant au fait de retrouver ce cousin, ni quant à celui que ce soit une bonne idée. Mais que faire, sinon tenter de pallier à ces années d'ignorance ?

« C'est étrange. Je l'ai pas connu, et j'ai vécu toutes ces années en ignorant même son existence. Mais savoir que j'ai manqué une occasion de le rencontrer, c'est ce qui me rend le plus triste. » L’explication ne l’étonne pas le moins du monde. Il connaît son mari, il sait comment il résonne et, surtout, il comprend ce qu’il ressent. Il aime sa famille, même alors qu’elle se montre parfois particulièrement dysfonctionnelle. « C’est normal, c’est humain. » Même sans l’avoir connu, il reste sa famille. Rory est particulièrement empathique, il est toujours à l’écoute des autres et il se sent sûrement plus coupable de ne pas avoir pu connaître cet homme au cours de sa vie. Pourtant, cela n’a rien d’une faute qui peut être sienne. « J'aimerais tant que tu aies raison. » - « J’ai raison. » Il n’est pas du genre à faire prévaloir sa parole sur celle d’autrui en temps normal mais sur l’instant, il n’éprouve aucun doute à ce sujet. Il sait avoir raison, il sait que le silence de sa mère n’est pas dû à un manque de confiance envers son fils - et quand bien même, merde, ça ne serait toujours pas de la faute de Rory.

Au-delà de n’importe quels mots utilisés pour le rassurer et pour comprendre cette discussion, Swann prend surtout le temps de blottir Rory contre lui et d’aposer des caresses sur les parties de sa peau dénudées. « Tu es toujours là pour m'écouter, même alors que je sais ce que tu penses de la situation. Celle avec ma mère, je veux dire. » Il aurait aimé avoir un avis différent à propos de sa mère, sincèrement, mais il ne sait faire autrement alors qu’elle est celle qui semble faire souffrir Rory encore et encore, comme personne d’autre ne sait le faire. « Et je veux que tu saches que je le pensais, quand je t'ai dit que j'avais l'intention de lui laisser beaucoup moins de pouvoir sur ma vie. » - « T’as pas à te justifier, je te le promets. » Il est soulagé de l’entendre, mais il veut que Rory comprenne qu’il n’est pas présent à ses côtés dans l’attente de justifications. Il est présent pour l’écouter et, sur l’instant, c’est tout ce qui lui importe. « J'ai arrêté de croire que je pourrais la convaincre de se faire aider, je suis plus aussi naïf que j'ai pu l'être à son sujet. Et ça c'est en grande partie grâce à toi. » Il raffermit doucement son étreinte autour de lui, son cœur serré. « Je suis désolé. » Swann aurait aimé que tout soit plus simple, évidemment. Il aurait préféré que la relation entre Rory et sa mère soit plus saine, plus calme, plus apaisée. Il aurait aussi préféré que ce dernier n’ait pas à porter le poids de la guérison de sa mère ; guérison qu’elle refuse d’explorer. S’il est bien soulagé d’avoir pu ouvrir les yeux de son mari sur ce point, et ainsi lui espérer des faux espoirs à l’avenir, le reste ne lui fait pas moins mal au cœur pour autant.

Ainsi, lorsqu’il tente de reprendre le sujet de conversation initial, il prend d’abord le temps d’inspirer lentement, conscient qu’il n’est pas plus facile à aborder. Rien n’est plus facile, surtout alors qu’il a des craintes auxquelles Rory n’a sûrement même pas encore eu le temps de penser. De son côté, elles semblent évidentes, mais elles sont repoussées de quelques secondes alors que son mari prend le temps de l’embrasser tendrement et que l’anglais ne pense pas un seul instant à écourter l’instant. S’il avait uniquement écouté son corps, il aurait au contraire cherché à le prolonger davantage, mais il se résout à quitter ses lèvres lorsque Rory initie un recul. « Elle m'a rien demandé, non. Pour être honnête, je suis même pas certain qu'elle se rappelle de m'avoir dit tout ça, ou d'en avoir dit autant du moins. » Voilà au moins un point qui rassure Swann : cet aveu ne comportait aucune contrepartie et, au milieu des différents malheurs, c’est au moins un point qui n’ajoute rien de terrible à toute cette histoire qui l’est déjà bien assez à elle seule. « Je me disais que le plus simple, pour être fixé, ce serait que je fasse mes propres recherches. Je sais pas trop comment, pour l'instant, parce que j'ai assez peu d'informations. » L’anglais hoche la tête tout en ramenant ses mains sur les cuisses de Rory, à peine plus haut que ses genoux. « Tu as son nom ? » Ils pourront toujours faire un test ADN le moment venu pour avoir le coeur net sur son identité, et c’est sûrement même ce qu’il encouragera Rory à faire. Quoi qu’il en soit, il a bon espoir qu’il arrive à le retrouver avec les moyens de communication modernes. Seulement, de n’est pas ce qui l’inquiète le plus de son côté, si bien qu’il prend le temps de réfléchir à ses mots une dernière fois. Son regard se décroche de celui de son mari, il pèse momentanément le pour et le contre avant d’énoncer pleinement son avis sur le sujet. « Juste… Tu feras attention, tu me le promets ? » Son souci est sincère, parfaitement visible dans le regard qu’il partage déjà à nouveau avec l’homme qu’il aime. « Je veux pas qu’il cherche à profiter de toi quand il apprendra qui tu es. » De son argent, de son influence, de ses contacts. De tout, absolument tout. Il pourrait même revendre les informations que Rory pourrait partager au sujet de sa famille, et c’est sûrement le point qui inquiète le plus Swann : qu’il ouvre son cœur et se retrouve désabusé. Le contact contre ses jambes se fait plus anxieux alors qu’il raffermit peu à peu la pression autour de son muscle sans même s’en rendre compte. « Je t’encourage à le retrouver, vraiment, je sais que t’en as besoin. » Il précise malgré tout, parce qu’il ne voudrait pas que Rory revienne sur son idée initiale. Il s’en sentirait bien trop coupable. « Mais sois prudent. Vraiment. S’il te plaît. » Il l’a déjà trop vu souffrir, et il entérine sa requête en posant un baiser contre sa joue, gardant une main posée contre son cou sans plus s’en déloger.