it's whine o'clock
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faith palmer & @jillian monroe west end

Un simple SMS de Jillian lui avait suffit pour qu’elle se bouge les fesses, qu’elle fasse le ménage de son appartement en entier, qu’elle entre sous la douche et qu’elle se prépare pour avoir l’air de quelque chose. Depuis qu’Ella était revenue dans sa vie, Faith avait de la difficulté à fonctionner adéquatement, sans avoir sa fille dans ses pensées, sans revoir ses parents quitter sa chambre d’hôpital sans se retourner alors qu’elle n’avait que dix-sept ans et qu’elle venait d’accoucher d’un petit bébé. Elle arrivait à aller travailler tout de même, à voir Russell lorsqu’il était disponible, mais surtout, d’aller à ses rencontres des alcooliques anonymes. Parce que même si elle avait maintenant un amoureux sur qui elle pouvait compter plus que sur n’importe qui d’autre, Faith se sentait fragile. Elle ne voulait pas prendre la chance de se remettre à boire, à replonger dans la dépression et à tout foutre en l’air. Elle avait une chance de se rattraper envers Ella et elle ne devait pas tout détruire à nouveau. Elle se rattachait alors à Jillian, celle qui avait toujours été là, celle qui n’avait pas pris la fuite alors qu’elle était au plus bas et qu’elle repoussait tous ceux qui osaient s’approcher d’elle. Elle l’avait consolé à chaque fausse couche, lui avait tenu la main dans la salle d’opération lorsqu’elle avait dût se faire enlever cet utérus défectueux et qui était encore présente à lui tenir cette même main quand elle s’était réveillée, même si Noah était également à ses côtés. D’ailleurs, elle avait été la seule de son entourage à être présente à son mariage. Elle avait été également assez solide pour la relancer alors qu’elle tentait de faire le deuil de son mari. Vraiment, Jillian avait été ce support que Faith avait besoin de pour rester en vie et elle était convaincue que si la brune n’avait pas été là, elle se serait donné la mort à la suite de son mari. Donc dans les dernières semaines, même si elles n’avaient pas vraiment eu le temps de se voir, elles s’étaient écrit régulièrement, parlé au téléphone également et Jillian n’avait pas manqué de lui raconter sa dernière conquête. Même si Faith n’était pas fan des coups d’un soir, elle s’était délectée de l’histoire de son amie, lui demandant le plus de détail possible et comme elles ne se cachaient rien, elle avait tout su. Alors lorsqu’elle reçue ce SMS ce midi-là, Faith avait froncé les sourcils, un peu désarçonner que la femme avec qui Jill avait couché se retrouve à travailler dans son département. Elle lui avait donc répondu à la positive à sa demande de la voir en soirée avec un verre de vin. Ça ne dérangeait pas la blonde que son amie boive de l’alcool devant elle, mais elle ne pouvait pas se permettre d’aller lui en acheter une bouteille, ne voulant pas risquer de prendre quelque chose qu’elle boirait et qui la ferait rechuter.
Il était vingt heures trente tapante lorsque tu entendis la porte de ton appartement ouvrir sans plus de cérémonie. Jillian entrait chez Faith comme si elle était chez elle depuis tellement longtemps, probablement même avant que la blonde soit avec Noah. Faith ne se leva même pas pour l’accueillir. ”J’t’attends dans le salon ! J’ai déjà les coupes avec moi.” Faith referma le livre qu’elle était en train de lire sur une bande sonore d’un nouvel artiste qu’elle avait découvert il n’y avait pas si longtemps que ça. Elle avait apporté sa bouteille de vin sans alcool qu’elle avait mise dans un seau de glace pour qu’elle reste froide toute la soirée. ”J’ai bien hâte que tu me racontes comment elle a fait pour se retrouver dans ton département.”

Je hâte le pas jusqu’à ma voiture. Les journées comme aujourd’hui qui se terminent par une intention ferme de quitter l’hôpital n’ont jamais été fréquentes. Presque quarante ans de carrière, toutes effectuée au St Vincent’s et jamais à ce point je n’ai eu autant envie de poser mes fesses dans ma voiture pour souffler un coup. Ici, personne ne viendra me surprendre. Surtout pas elle. Calée contre l’appuie-tête, je ferme les yeux quelques instants, mais lorsque son visage apparaît dans ma rétine, j’abandonne l’idée de laisser mes pensées divaguer seules. Je secoue la tête tout en sentant une vague d’agacement. J’allume le contact et démarre pour rejoindre l'appartement de Faith qui doit m’attendre, vu l’heure. J’aurai aimé quitter le boulot plus tôt aujourd’hui, mais quelques rendez-vous avec des patients m’ont retenue plus que de raison.

Je gare la voiture en bas de l'immeuble que je connais bien, après être passée dans une petite épicerie pour acheter deux bouteilles de vin, une petite avec alcool, et une plus grande sans alcool. Pour avoir goûté quelques fois, j’avais peur que ça ne ressemble qu’à un vulgaire jus de raisin, mais je dois bien admettre qu’ils ont réussi à retranscrire très bien les nuances d’un bon cépage. Par habitude, je frappe quelques coups sur la porte et entre sans même y être invitée. « J’t’attends dans le salon ! J’ai déjà les coupes avec moi. » Un sourire étire mes lèvres alors que je dépose ma veste sur le porte manteau de l’entrée, et retire mes talons dans un soupir de bien-être. Je rejoins alors ma meilleure amie dans le salon sans plus attendre, brandissant les deux bouteilles comme des trophées. « J’ai retrouvé le vin qu’on avait goûté la dernière fois et que tu avais adoré ! » Impossible de le retrouver, jusqu’à ce soir. « Tiens, c’est pour te remercier d’écouter mes malheurs. Et ça aussi. » Une boîte de chocolats, qu’on ouvrira certainement un peu plus tard dans la soirée. Je dépose le tout sur la table et m’affale près d’elle dans le canapé. « J’ai bien hâte que tu me racontes comment elle a fait pour se retrouver dans ton département. » Un rire franchit la barrière de mes lèvres. Pas que je sois amusée par la situation à vrai dire, c’est plutôt un rire jaune. « Comment elle a fait j’en sais rien, j’aimerai bien savoir tiens ! » Faisant comme chez moi, je récupère les coupes dont elle parlait un peu plus tôt, sa bouteille de vin pour lui en servir un verre, et la mienne pour en faire de même. J’ai choisi du blanc pour éviter les échanges involontaires, sait-on jamais. Je lui donne son verre, trinque avec elle et me laisse retomber contre le dossier du canapé en soupirant. « Sérieusement, ça m’arrive jamais ce genre de truc, et il fallait qu’elle déboule juste dans mon service ! Je rêve ! » Je n’en suis pas encore remise je dois dire, et je vais devoir encore assurer la journée de demain avec sa présence, ce qui je sais, sera une véritable épreuve. « Je sais même pas par où commencer. Bon. Tu vas bien toi déjà ? » Voilà, changer de sujet un instant, penser à autre chose, pour y retourner tout à l’heure.

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« J’ai retrouvé le vin qu’on avait goûté la dernière fois et que tu avais adoré ! » Un sourire étira son visage, contente que Jillian ait retenu le nom du vin sans alcool qu’elles avaient goûté quelques semaines plutôt. « Il va falloir que tu m’indique où tu l’as trouvé, je l’ai cherché à plusieurs endroits et je n’ai pas réussi à mettre la main dessus. » Faith se permettait de boire des boissons désalcoolisés que depuis la dernière année, sachant qu’elle était assez solide maintenant pour se permettre quelque chose qui goûtait semblable à ce qu’elle buvait avant sans avoir le goût de rechuter par la suite. Elle s’était tenue loin de tout ça pendant longtemps sous le conseil de son parrain dans les alcooliques anonymes, sachant que ça pouvait rendre son rétablissement beaucoup plus long. Jillian fit son apparition dans son salon avec les bouteilles en main et une boîte de chocolat. « Tiens, c’est pour te remercier d’écouter mes malheurs. Et ça aussi. » Un sourire étira le visage de la blonde. Jillian savait bien que ça lui faisait plaisir d’être là pour elle, d’écouter ses péripéties et de pouvoir la conseiller le mieux qu’elle le pouvait, mais Faith appréciait beaucoup la petite attention. « Tu n’étais pas obligée. Tu sais que ça me fait toujours plaisir. » Elle lui mentionna immédiatement qu’elle avait hâte d’entendre les derniers développements de la rencontre entre sa meilleure amie et la jeune femme avec qui elle avait baiser. Faith savait que si Jillian avait pris la peine de lui dire qu’elle voulait lui raconter ça autour d’une coupe de vin, c’était que ça l’avait ébranlé plus que ce qu’elle aurait voulu laisser paraître. Elle prit quelques instants observer ses traits, réalisa par la suite qu’elle devait être venue directement de l’hôpital sans prendre le temps d’arrêter se chercher à manger. « Tu as mangé ce soir ? Je peux te faire réchauffer une portion de poulet à l’orange et de riz que je m’étais fait pour le dîner. » Boire de l’alcool le ventre vide était une mauvaise idée. Faith voulait s’assurer que son amie ait de quoi dans l’estomac avant de descendre la bouteille qu’elle avait apportée avec elle.

« Comment elle a fait j’en sais rien, j’aimerai bien savoir tiens ! » Leur échange avait donc dû être limité puisque Faith était à peu près sûre que sinon, Jillian lui aurait demandé. La brune n’avait pas l’habitude de se retenir de poser les questions qui lui passait par l’esprit normalement. La blonde attrapa la coupe que lui tendit son amie et la porta immédiatement à ses lèvres. Elle ferma les yeux quelques secondes pour en apprécier le goût. « Sérieusement, ça m’arrive jamais ce genre de truc, et il fallait qu’elle déboule juste dans mon service ! Je rêve ! » Jillian avait vraiment l’air ébranlé par sa présence dans son service. Toutefois, elle ne laissa pas la chance à Faith de répondre avant de reprendre la parole. « Je sais même pas par où commencer. Bon. Tu vas bien toi déjà ? » La quinquagénaire hocha de la tête à la positive. Elle soupira toutefois en passant sa main dans ses courts cheveux blonds. « J’ai rencontré une nouvelle famille aujourd’hui à l’association. Une jeune fille de huit ans diagnostiquée avec un ostéosarcome. Elle ne collabore pas du tout au traitement et les parents sont dépassés. Je dois dire que ça m’a un peu épuisé. » Faith adorait son boulot à l’association, mais lorsque ça touchait les enfants, ça venait toujours l’ébranler. Elle avait de la difficulté à croire que la maladie pouvait toucher de petit être, si frêle… Elle ne savait pas comment que Jillian faisait pour opérer des enfants toute la semaine, pour porter sur ses épaules la survie de ces petits humains. Faith était contente de ne pas avoir que de la clientèle pédiatrique pour pouvoir se reposer aussi moralement, même si elle n’était pas insensible à la maladie des adultes également. Surtout quand ils avaient une tumeur au cerveau comme Noah… « Mais t’es pas ici pour parler de moi. Allez, raconte moi tout. »

« Il va falloir que tu m’indique où tu l’as trouvé, je l’ai cherché à plusieurs endroits et je n’ai pas réussi à mettre la main dessus. » Je hoche vivement la tête. « C’est une petite épicerie pas loin de chez moi, je vais lui dire d’en commander davantage ! » Si je viens en acheter régulièrement et que Faith en fait autant, il n’aurait aucun intérêt à ne pas en recommander. « Tu as mangé ce soir ? Je peux te faire réchauffer une portion de poulet à l’orange et de riz que je m’étais fait pour le dîner. » Je me mords la lèvre inférieure en souriant. « Vraiment ? Mon estomac te remercie déjà ! » Pas eu le temps de me faire à manger après ma longue garde, et ces trois derniers jours m’ont un peu coupé l’appétit je dois dire.

Ma meilleure amie met immédiatement les pieds dans le plat concernant le sms que je lui ai envoyé, et la présence de ma dernière nuit-torride-sans-lendemain (pour ne pas dire ‘plan cul’ comme diraient les jeunes) sur mon lieu de travail. Mais avant de m’engager dans une explication, je m’enquiert de son état, et de savoir si de son côté, elle a des trucs à me raconter. Parce que je ne suis pas venue juste pour me plaindre ou raconter mes déboires, j’ai aussi besoin de savoir comment ma meilleure amie se porte en ce moment. A cette question, elle me parle de son boulot essentiellement, et je l’écoute avec grande attention. A l’entente d’une maladie chez une petite fille, je grimace instantanément. Il n’y a pas beaucoup de cas de ce type de tumeur, et il ne me faut pas longtemps pour me souvenir des examens faits sur cette jeune patiente il y a quelques semaines, avant que je ne l’envoie vers des spécialistes en oncologie. « … Je dois dire que ça m’a un peu épuisé. » Je hoche la tête, le visage un peu grave, parce que même si ça fait partie de mon métier, des émotions que je dois gérer régulièrement, je sais que ce n’est pas plus aisé pour Faith qui côtoie la maladie tous les jours avec son métier. « Je suis sûre que tu sauras les accompagner dans cette épreuve. » En disant ça, je pose ma main sur la sienne en guise de soutien. « Mais t’es pas ici pour parler de moi. Allez, raconte moi tout. » « Oulà ! » dis-je dans un soupir avant de rire un peu de moi-même, parce que rien qu’en repensant à ce qui est en train de m’arriver, je me dis que j’ai largement passé l’âge de ces conneries. Une fois nos verres servis - je commende par un verre alcoolisé, je crois que je vais en avoir besoin, je suivrai plus chastement un peu plus tard - je cherche à savoir comment débuter mon récit.

« Bon, tu te souviens de y’a quelques semaines, un matin je t’ai écrit pour te dire que j’avais passé la nuit avec une jeune femme, et que j’étais partie au petit matin… » Je ne suis pas fière de moi sur ce coup là, et elle le sait puisque je lui ai longuement parlé de ma culpabilité ce jour là. « Ce matin je la retrouve dans mon service. » Je vois l’expression de ma meilleure amie et je tends le doigts dans sa direction. « Voilà, c’est exactement la tête que j’ai fait ! » Et je poursuis finalement mon récit. « Elle a cherché à se retrouver avec moi toute la matinée, elle a fini par se faufiler en salle de pause et elle m’a un peu confrontée. Et moi j’ai fui. » Je grimace cette fois parce que je suis vraiment pas fière. « Je savais pas quoi lui dire !! Tu me vois lui expliquer qu’elle  m’a un peu trop fait penser à la femme de ma vie qui est décédée ?! » Je lève les yeux au ciel en soupirant. « Oh puis j’aurai pu ajouter que la date du décès correspond à quelques années près à sa naissance tiens, tellement elle est jeune… » Ça non plus j’en suis pas très fière, mais j’y peux rien… Je passe nerveusement mes mains sur mon visage et conclus plus tôt que prévu « Je l’ai recroisée, je lui ai proposé de venir dans mon bureau et… » Et je vois que Faith est pendue à mes lèvres, en attendant la suite de mon récit comme s’il s’agissait de sa nouvelle série Netflix. « Non on a pas recouché ensemble, je lui ai dit que j’étais mariée. » Super, la chute de l’histoire !

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« C’est une petite épicerie pas loin de chez moi, je vais lui dire d’en commander davantage ! » Faith hocha de la tête. Elle allait clairement aller en chercher quelques bouteilles pour en avoir en réserve. Elle était convaincue que Russell allait également l’apprécier. Ça leur ferait de quoi à boire de différent que les mocktails qu’elle avait appris à faire dernièrement grâce à la magie de l’internet. Toutefois, elle n’avait pas toujours les ingrédients pour les faire et elle devait avouer qu’elle s’ennuyait de la facilité d’ouvrir une bouteille de vin et de ne pas avoir besoin de passer cinq minutes à se faire un verre à chaque fois qu’elle en avait envie. Puis, elle offrit à son amie de lui faire une assiette de son repas du soir. Faith savait pertinemment qu’elle ne prenait pas souvent le temps de manger, faisant passer ses patients avant elle-même. « Vraiment ? Mon estomac te remercie déjà ! » Faith se leva pour lui préparer une assiette et lui faire chauffer au micro-onde en même temps que son amie lui demandait comment avait été sa semaine. Faith lui avouer que ça n’était pas une période super simple pour elle, mais elle tenait bon. Elle continuait à aller aux réunions des alcooliques anonymes, de prendre les moyens pour prendre soin d’elle et écouter ses émotions à la place de les réprimer. Elle reprit place sur son sofa, tendit l’assiette à Jillian ainsi qu’une fourchette pour qu’elle puisse manger. Faith lui parla de cette petite fille qui venait te toucher. La main de la brune sur la sienne lui fait du bien. Elle savait que la médecin comprenait ce qu’elle vivait, ayant également à faire face aux émotions plus souvent qu’autrement dans sa pratique. « Je suis sûre que tu sauras les accompagner dans cette épreuve. » La blonde lui fit un sourire reconnaissant. « Je revois la jeune dans deux jours, sans ses parents. Mon plan c’est de réussir à créer un lien avec elle, de ne pas parler de la maladie avant que ça vienne d’elle-même. Peut-être que je réussirai à comprendre pourquoi elle ne veut pas collaborer et à lui apporter tout ça d’une manière qui l’adoucira. » Elle avait bon espoir d’y arriver. Elle avait plusieurs jeux dans son bureau et les parents de la jeune fille lui avaient mentionné qu’elle adorait faire des bracelets. Faith avait donc en tête de faire une station avec des billes de différentes couleurs et différents fils pour s’amuser avec elle, passer un doux moment et tenter de créer un lien plutôt solide.
La blonde fait rapidement dévier la discussion vers le sujet principal de leur soirée ensemble : la présence de la jeune conquête de Jillian dans son service. Faith prit une gorgée de sa coupe, attendant patiemment que la brune lui raconte sa dernière péripétie. « Bon, tu te souviens de y’a quelques semaines, un matin je t’ai écrit pour te dire que j’avais passé la nuit avec une jeune femme, et que j’étais partie au petit matin… » Faith hocha la tête de haut en bas. Bien sûr qu’elle se souvenait de ce sms qu’elle avait reçu peu après s’être réveillée. « Ce matin je la retrouve dans mon service. » Faith écarquilla les yeux dans une expression de surprise, imaginant à peine comment son amie avant réagit lorsqu’elle était tombée face à la jeune femme. « Voilà, c’est exactement la tête que j’ai fait ! Elle a cherché à se retrouver avec moi toute la matinée, elle a fini par se faufiler en salle de pause et elle m’a un peu confrontée. Et moi j’ai fui. » Faith pinça les lèvres, hocha la tête de gauche à droite pour montrer à Jillian qu’elle approuvait plus ou moins sa fuite, enfin… La deuxième fuite puisqu’elle l’avait déjà fait la nuit même où elle avait couché avec cette jeune femme. « Rappel-moi, elle avait tenté de te recontacter depuis cette nuit-là ? » Faith ne se souvenait plus de ce détail et elle voulait l’avoir en main pour la suite. « Je savais pas quoi lui dire !! Tu me vois lui expliquer qu’elle m’a un peu trop fait penser à la femme de ma vie qui est décédée ?! Oh puis j’aurai pu ajouter que la date du décès correspond à quelques années près à sa naissance tiens, tellement elle est jeune… Je l’ai recroisée, je lui ai proposé de venir dans mon bureau et… Non on a pas recouché ensemble, je lui ai dit que j’étais mariée. » Faith aurait pu gager qu’elle lui avait donné cette raison pour la fuir et être partie comme une voleuse au petit matin. « Ah mais oui, il est bien pratique ce mariage quand il est temps de fuir. » Elle lui fit un petit clin d’oeil pour lui faire comprendre qu’elle la taquinait. « Elle a réagit comment ? » Faith était intriguée par le restant de l’histoire. La réaction de la jeune femme en dirait beaucoup sur ses attentes à elle face à la suite de leur relation.

Ma meilleure amie se lève pour aller me réchauffer une assiette de son plat, et mon estomac se réveille sous les effluves qui se dégagent de la cuisine. Je récupère l’assiette avec un large sourire en la remerciant encore, et ne tarde pas à y goûter, savourant tous les goûts que j’y trouve avec délice. J’écoute attentivement Faith me parler de cette petite fille, je sais que le chemin sera difficile pour elle, et pour ses parents. De mon côté, j’ai la lourde tâche d’annoncer les résultats d’analyse, et les potentielles issues. Mais Faith elle, doit suivre tout le cheminement, accompagner les familles dans une période extrêmement difficile. Je ne l’envie pas, mais je trouve son travail très courageux. Elle m’expliqua alors son plan pour réussir à créer un lien avec l’enfant, et je lui offre un sourire, hochant la tête pour lui faire comprendre que je trouve l’idée très bonne.

Je fais une pause dans mon repas lorsque la blonde me demande finalement de lui raconter ma journée, et cette interaction étrange, qui m’a menée jusqu’ici ce soir. Doucement j’amène le sujet, pose le contexte, et lui raconte que bien sûr, j’ai fui. Ce que je fais toujours lorsqu’il s’agit de relation personnelle, romantique. Depuis la mort de Loïs, je n’ai jamais eu à coeur de construire quelque chose avec quelqu’un. Pas eu le temps non plus, avec mes sept enfants et mon travail. Mais aujourd’hui que je pourrai en avoir la place, je me rends compte que c’est la peur qui me tourmente. « Rappelle-moi, elle avait tenté de te recontacter depuis cette nuit-là ? » Je grimace un peu en me mordillant la lèvre inférieur. « Hum… disons qu’elle avait pas vraiment de moyen de le faire. » Je ne me souviens pas exactement de ce que j’ai pu lui raconter ce soir là, j’avais bu un verre ou deux de trop, et tout est un peu flou. J’ai dû lui dire que je travaillais à l’hôpital mais sans entrer dans les détails, et bien sûr, je ne lui ai pas laissé mon numéro sur un post-il pour qu’elle l’ait au réveil. Non, j’ai bien fait attention de ne pas la réveiller en fermant la porte de son appartement derrière moi. Je continue donc mon récit, la rassure en lui disant que nous n’avons pas recouché ensemble dans mon bureau. Je garde pour moi le fait que l’envie était pourtant bien là. « Ah mais oui, il est bien pratique ce mariage quand il est temps de fuir. » Je ris un peu face au clin d’oeil de ma meilleure amie. Il est vrai que c’est un peu l’arme fatale. « Elle a réagit comment ? » Cette fois je lève les yeux au ciel « Elle a un peu pris la mouche, et puis elle m’a invitée à boire un verre !!! Non mais… tu imagines un peu le culot ? » Je secoue la tête et reprends une bouchée de mon assiette. « Je lui dis que je suis mariée, et elle me propose d’aller boire un verre.. »

Je repose mon assiette sur la table basse maintenant qu’elle est terminée et bois une gorgée de mon verre pour faire glisser tout ça. « N’empêche, c’est hyper perturbant. » Je revois encore son visage, l’éclat de son sourire, le pétillement de ses yeux, et ses boucles brunes… « Je te jure, heureusement que je sais que Loïs a eu un fils et pas une fille, j’aurai pu croire que c’était elle. » Je soupire et me laisse retomber dans le canapé, presque un peu affalée contre l’assise, le regard au loin, perdue dans mes pensées. « Tu crois que je vais finir ma vie seule ? Je pense à adopter un chat, pour parfaire le tableau… » Je ris, même si c’est un rire un peu moqueur envers ma propre condition. La solitude me pèse, mais je ne me vois pas non plus chercher à construire quoi que ce soit avec une femme aussi jeune. Et en même temps, passé 45 ans, elles ne m’attirent plus… Je suis un cas désespéré.