Still I'll be you're flame
Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/livelovecaliforniadreams

Le ciel est rouge, d’un rouge presque indescriptible. Je cligne quelques fois des yeux comme si la couleur pouvait se modifier sous l’effet de ce simple geste. Ce n’est pas le cas, le regard posé sur ce ciel de feux, il me semble prendre enfin la mesure de ce qui est réellement en train de se passer. Pourtant, tout autour de moi me rappelle ce tragique événement : les infos qui tournent en boucle, le coup de téléphone ce matin pour m’annoncer que l’association se trouve dans une zone à risque qui a été évacuée. Je me retrouve soudain au chômage technique. Alors que depuis des mois, il n’y a pas une seconde de mon temps qui est libre, j’ai aujourd’hui la maison pour moi, le temps. C’est une chose étrange, je me plains d’en manquer depuis plus d’un an et maintenant que j’en ai, il me semble de trop. Je me sens inutile, les garçons à l’école, Eva à son travail. La vie suit son cours alors que je me retrouve dans une maison vide et bien trop silencieuse. Passer les deux premiers jours que j’ai pris comme un cadeau, me permettant de faire de l’ordre dans ma maison, et un peu dans mon esprit. Le temps est devenu un ennemi invisible. Une pensée pour ma vie antérieure : je pourrais être proche des flammes à cet instant, je pourrais être de ceux qui couvrent cette immense information, de ceux qui agissent et qui relaient. Au lieu de quoi, je me retrouve à caresser le chat et à attendre qu’il soit l’heure d’aller chercher les garçons à l’école. 
 
Au bout du troisième jour, l’attente devient insoutenable, alors quand j’entends à la télévision qu’ils recherchent des bénévoles pour venir en aide au centre d’accueil, il ne me faut pas beaucoup plus de réflexions avant de sauter dans ma voiture. Le centre est dépassé, surmené par l’afflux de personnes en détresse. Comme je n’ai que peu de qualifications, je suis envoyé au rationnement, à aller chercher de l’eau, à réceptionner les denrées alimentaires emmenées par les volontaires, à les distribuer. Pour moi, pas touche au fourneau, c’est sans doute mieux comme ça. Dans cette ambiance un peu étrange, un élan de solidarité semble naître, réchauffer les cœurs. Certaines personnes sont passées par les urgences avant d’arriver ici, et l'on découvre leur bandages. D'autres ont tout perdu : maison, animaux de compagnie, plus peut être, je n’ose pas poser trop de questions. Dans la tourmente de cet endroit, un visage familier se désire alors que je distribue quelques barre de chocolat aux enfants. « Kay ! » Je presse un peu le pas pour me rapprocher d’elle. « Tout va bien ? » Mes yeux scrutent chaque parcelle de son corps pour m’assurer qu’elle va bien, ma main se posant instinctivement sur son bras. Jusqu’à ce que je tombe sur les draps qu’elle a en main et est en train de distribuer. « Oh, tu es aussi venu donner un coup de main, ça me rassure, c'est super. » je lui offre un sourire apaisé, avan de demander tout de même. « Pas de dégâts par chez vous ? » J’ai pensé plus d’une fois à lui réécrire, à prendre des nouvelles, mais me suis ravisé. L’impression malaise de tenter de m’initier dans son couple. Plus encore quand j’ai fait la découverte pour le moins surprenante de l’identité de sa compagne actuelle. 

Le climat est anxiogène. Il m’est complètement impossible de faire comme si de rien n’était, et même si j’essaie du mieux que je peux pour ne pas trop impacter ma famille, je n’y parviens pas toujours. Lenny semble beaucoup plus calme en apparence, et j’ai bien remarqué à quel point Mae cherche du réconfort dans les bras de sa 2ème maman en ces temps difficiles. Nous avons de la chance, notre quartier n’a pas été évacué, mais une petite voix dans ma tête me dit que ce n’est pas fini, que l’annonce pourrait tomber d’un jour à l’autre. Par la fenêtre, je regarde tomber les nuages e cendres au loin. Le ciel est rouge, je n’ai plus le goût à rien.

Les audiences ont réduit considérablement, il faut dire que les querelles familiales et les crimes liés aux enfants sont étonnamment réduit ces dernières semaines, et je ne vais pas m’en plaindre d’un côté. Pourtant, le fait de n’avoir rien pour m’occuper l’esprit est en train de me rendre folle. « Tu devrais trouver quelque chose pour t’occuper. » La voix de la sagesse a parlé. Lennon vient de sortir de son bureau et me rejoint devant la fenêtre, m’entourant de ses bras protecteurs, avant de déposer un baiser sur ma joue. « Je sais. »[/color] Je crois que je suis un peu bougon, à cause de toute la lourde énergie qui plane sur la ville. « Il y a plusieurs refuges qui ont fait des appels à l’aide. Je suis vraiment dans le rush sur le projet. Mais si tu veux aller aider, je gère Mae et l’école. Qu’est-ce que tu en penses ? » J’en pense qu’elle est trop bien pour moi. Je me tourne pour me lover dans ses bras un instant. « Tu as raison. » Comme souvent. Je l’embrasse furtivement et, prise d’un élan de motivation, rejoins notre chambre pour me changer. J’enfile une tenue confortable, attache mes cheveux rapidement, et quitte la maison pour rejoindre le centre d’accueil le plus proche.

Sur place, on me demande si je fais partie des sinistrés. « Non, je viens pour aider. Vous avez besoin de mains ? » J’adresse à la jeune femme de l’accueil un sourire bienveillant, comme si j’avais le pouvoir de lui donner un peu d’espoir. On me guide pour déposer mes affaires dans un coin, et ma première mission est de distribuer des draps et des couvertures à qui en aura besoin. Toute cette ambiance est lourde, mais je tente au mieux d’être positive, rassurer les gens, les laisser parler s’ils en ont besoin. Après une bonne heure, je sens que j’ai besoin d’un café, et c’est en me rendant vers l’espace cuisine que je croise Leo. « Kay ! Tout va bien ? » me demande-t-il en s’approchant rapidement de moi, sa main sur mon bras, mon coeur qui s’affole. Je n’ai pas vraiment le temps de répondre, un peu trop abasourdie par ce nouveau pied de nez du destin. « Oh, tu es aussi venu donner un coup de main, ça me rassure, c'est super. Pas de dégâts par chez vous ? » Je hoche la tête pour la première partie de sa phrase, et la secoue à la négative pour la seconde. « Chez nous ça va, pas d’évacuation pour le moment, on croise les doigts. » Les flammes sont encore loin et pour le moment les pompiers arrivent à maîtriser au mieux l’impact de l’incendie. Jusqu’à quand ? C’est la question que tout le monde se pose. « Et chez toi, tout va bien ? » Je n’ai pas mis les pieds à l’école depuis plusieurs jours, peut-être pour éviter d’avoir à croiser Leo, je préfère ne pas me poser cette question.

Instinctivement, je viens poser ma main sur la sienne, elle-même encore sur mon bras. « Ça fait du bien de voir un visage familier. » Mon regard n’a pas quitté le sien, et l’intensité qu’on peut y lire n’est absolument pas consciente. Je sens l’émotion qui me gagne, toute cette tension que je contiens depuis le premier jour de l’incendie, la première flamme, les premières images à la télé. Ma gorge se serre, et je ne réfléchis pas vraiment quand je m’approche de lui juste pour sentir son contact, son étreinte. Juste un instant, le temps de faire retomber la pression.

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Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/livelovecaliforniadreams

La dernière fois que j’ai vu Kayna, j’étais saoule et follement attiré par elle. Quelques relents de souvenirs me reviennent à l’esprit alors que je tente de capter son regard dans le brouhaha de la salle en effervescence. Ma prise de contact me procure l’éternel même frisson que je ne sais pas contrôler, son corps ayant toujours cet effet étrange sur le mien malgré les années écoulées. Les souvenirs reviennent comme dans un brouillard épais, l’impression que cette soirée d’Halloween est si lointaine, presque comme si elle n’avait jamais existé alors que nous sommes aujourd’hui aux portes de Noël. On ne peut pas dire que les contacts ont vraiment été gardés depuis : un message suite à la chute de Noah, c’est tout ce que nous avons échangé. Ça serait mentir de dire que l’envie ne m’a pas pris à plusieurs reprises de lui passer un coup de téléphone ou de débouler chez elle pour prendre un café, mais apprendre que sa compagne actuelle n’était rien d’autre que sa plus vieille amie que j’ai moi aussi connu m’a un peu refroidi. Tant qu’elle était une étrangère, je pouvais juste prétendre que les rapprochements existant entre Kay et moi n’était pas vraiment mon problème. Aujourd’hui, les choses m’apparaissent sous un angle différent. « Chez nous, ça va, pas d’évacuation pour le moment, on croise les doigts. » Ce nous, cette maison qu’elle partage avec Lennon et leur fille, cette idée provoquant une pointe de jalousie dans mon esprit alors que je tente de le ramener sur le moment présent. Resserrant très légèrement la pression de ma main pour m’encrer dans cet instant en sa compagnie. « Et chez toi, tout va bien ? » Un hochement de tête la rassure rapidement. « Oui, on est encore loin des flammes. Par contre, l’association a été mise en quarantaine, d’où ma présence ici. » Je me retiens de lui dire que pourtant, tout mon être voudrait être dans le feu de l’action, voudrait prendre une caméra pour aller au plus proche de ceux qui combattent et couvrir leur lutte. À la place de quoi je me retrouve ici à distribuer des bouteilles d’eau et des barres de chocolat. « J’ai cru devenir fou, seul à la maison. » L’inquiétude planant sombrement sur toute la ville et s'introduisant aussi dans mon être.
 
Sa main retrouve la mienne et je lui offre un sourire qui se veut rassurant. Il me semble qu’en sa présence, tous les bruits extérieurs s’atténuent, mon regard capté uniquement par elle. « Ça fait du bien de voir un visage familier. » Le regard que nous échangeons en dit long, plus long sans doute que tous les mots qui pourraient être échangés. Je le sens dans mes tripes, cet amour jamais oublié, et je peux le sentir en elle aussi, même si la pudeur de nos nouvelles vies ne nous permet pas de nous le dire. C’est une étreinte qui vient remplacer l’expression des sentiments, inattendue dans cet endroit peu propice ; je la laisse pourtant venir se réfugier dans mes bras, ma main venant instinctivement caresser ses cheveux. Les émotions de Kay étant contagieuses, il me semble qu’elles s’infiltrent en moi. Quelques secondes, le temps en suspens. Le bruit cesse et j’oublie tout de l’endroit où nous sommes, de nos vies extérieures. Il n’y a plus que ce contact rassurant. Le cri d’un enfant nous sort pourtant de cet aparté. Je me détache légèrement d’elle, mes mains glissant sous ses coudes pour la retenir un peu malgré tout. Mon regard cherchant le sien interrogateur. « Tout va bien, Kay ? » Sur le visage de la blonde, je lis une expression qui me tracasse, une inquiétude et une fragilité qu’il n’est pas si souvent donné de voir s’inscrire sur son visage. Ses yeux semblent un peu embués, et la sentir si démunie me touche plus que je ne l’aurais imaginé. « Viens, on va prendre un peu l’air. » Prendre l’air est probablement une expression mal choisie, car, dehors, l’air est étouffant, et le ciel rouge nous ramène à la réalité du malheur qui est en train de détruire notre ville. Je voudrais avoir les mots pour la rassurer, mais je n’en ai pas, mon regard rivé à ces couleurs improbables pour un ciel. « Je ne peux pas croire que ça nous arrive… » Je ne suis pas idiot, notre région est à risque. Ce n’est pas le premier incendie, mais la première fois que je prends conscience de l’impact que ça peut avoir sur nos vies, la première fois qu’il s’étend si méchamment sur la ville, mettant notre santé en péril. « Lennon n’est pas venu avec toi ? » Je lui adresse un léger sourire, haussant un peu les épaules. « Je l’ai croisé à l’école… Elle m’a dit que c’était elle… la femme dans ta vie. » Information que je suis pour ma part bien incapable de garder pour moi. Les cachotteries n’ayant jamais été mon fort. « Pourquoi tu ne m’as pas dit que c’était elle ? » Il n’y a pas de rancœur dans ma voix, mais juste un questionnement profond et une certaine incompréhension peut-être. 

A peine mon regard posé sur lui, je sens un mélange de gratitude de voir qu’il va bien, et d’inquiétude liée à tous les évènements et ce que les personnes autour de nous peuvent avoir perdu. Je m’enquiert de sa situation, et suis vite rassurée par ses mots. « Oui, on est encore loin des flammes. Par contre, l’association a été mise en quarantaine, d’où ma présence ici. » Je grimace un peu, parce que ce genre de changement peut vite devenir un mauvais présage, même s’il n’aimait pas particulièrement son boulot, comme il l’avait mentionné à Halloween. « J’ai cru devenir fou, seul à la maison. » Je lui adresse une petite moue compréhensive. « Je comprends, j’avais besoin de venir me rendre utile aussi. » C’est une bonne chose, notre ville a besoin de solidarité dans ce genre de moment.

J’ignore pourquoi je suis soudainement envahie par un sentiment étrange, et un besoin irrépressible de le serrer contre moi. Pour être pleinement satisfaite sans doute. Je ne contrôle rien, l’émotion est vive, et elle semble s’apaiser lorsque je sens son coeur battre contre le mien. Il y a des choses qui ne changeront jamais, j’en ai peur. Mais le cri d’un enfant me fait sortir de cet état cotonneux, le coeur à vive allure, et les sens en alerte. « Tout va bien, Kay ? » A vrai dire, je ne sais pas quoi répondre, je me sens simplement submergée par toutes ces âmes perdues, à la veille de Noël. « Viens, on va prendre un peu l’air. » Je ne me fais pas prier et le suis jusqu’à l’extérieur du centre d’accueil. Le regard rivé sur ces couleurs vives en fond de paysage, je grimace. « Je ne peux pas croire que ça nous arrive… » Un soupir s’échappe d’entre mes lèvres, et je frissonne un peu. « Ils vont réussir à le contenir, j’en suis sûre. » Nous avons besoin d’être positifs, en ces temps difficiles. « Lennon n’est pas venu avec toi ? » demande-t-il, me laissant une seconde pour que mon cerveau assimile la question, et que je pose mon regard sur lui, ce dernier empli d’interrogations. Comment sait-il ? « Je l’ai croisé à l’école… Elle m’a dit que c’était elle… la femme dans ta vie. » « Oh… » que je souffle, plus pour moi-même que pour autre chose. « Pourquoi tu ne m’as pas dit que c’était elle ? » Je soupire à nouveau, à moins que ce soit plutôt une inspiration pour me donner le courage, ou le temps de trouver une raison adéquate. « J’en sais rien… » Je ne peux pas dire que l’occasion ne s’est pas présentée. « Je pensais pas que c’était une information si importante. » Je hausse les épaules, fuyant un peu son regard. « Elle m’a suivie quand j’ai quitté Brisbane, il a fallu du temps pour que j’accepte qu’elle avait toujours eu des sentiments pour moi. Je ne m’étais jamais imaginée avec une femme… » Le regard cette fois rivé sur le ciel rougeâtre et cette épaisse fumée qui se déplace trop rapidement à mon goût. Comment lui dire qu’à part avec lui, je ne me suis jamais imaginée avec un autre homme, et ce n’est pas faite d’avoir essayé. Alors choisir une femme était la seule solution que j’ai trouvée, pour espérer un foyer, et de l’amour dont on a tous besoin. « Ça change quelque chose ? » Je comprends à son regard que la question n’est pas claire, alors je la précise. « Je veux dire… que je sois en couple avec Lennon, plutôt qu’une autre femme. Ça change quelque chose pour toi ? » Qu’il la connaisse, je ne crois pas que ce soit ça le souci en réalité. Y’a-t-il seulement un souci ?

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Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/livelovecaliforniadreams

Elle semble bouleversée, je peux le lire dans ses yeux, dans la position de son corps quand elle marche, des années sans se voir et pourtant, il me semble que je peux toujours lire en elle comme dans un livre ouvert. Qu’elle ne peut pas me cacher ses faiblesses et ses peurs. Pourtant, je ne suis pas la personne qui partage sa vie, je ne suis plus rien pour elle, qu’un ex d’une vie passée, un homme qu’elle a quitté sans jamais donner d’explication et, pourtant, qui est toujours là, à se demander pourquoi les sentiments ont cette capacité à renaître. Pourquoi je n’ai jamais pu l’effacer totalement de mon esprit ? Elle est toujours là, dans un coin de ma tête, prête à me rappeler que je n’ai jamais pu retrouver avec une autre ce qu’on a vécu ensemble. Une sentence un peu cruelle quand elle partage sa vie avec une autre femme alors que je suis veuf. Une relation qu’elle a partiellement cachée : si elle m’en a dit des bribes, elle a pourtant omis de préciser que la personne en question était Lennon, une femme que je connais, qui a été une amie il y a longtemps. « J’en sais rien… Je ne pensais pas que c’était une information si importante. » Mes sourcils se froncent un peu aux mots de Kayna. Si ce n’était pas si important, alors pourquoi le cacher ? En faire un secret et ne pas me l’avoir dit directement. « Elle m’a suivie quand j’ai quitté Brisbane. Il a fallu du temps pour que j’accepte qu’elle avait toujours eu des sentiments pour moi. Je ne m’étais jamais imaginée avec une femme… » Il me semble que d’un coup l’air me manque… Comme si la fumée avait pu envahir mes poumons d’un coup, m’asphyxiant. J’essaie de rester calme, mais la vérité me frappe. « Tu es partie avec elle… » Alors que je n’ai eu que le silence, aucune information de l’endroit ou la raison de son départ. Que même ses parents que je suis allé questionner n’avaient pas de nouvelle d’elle. Lennon était là, c’est elle que Kay a choisie pour s’enfuir. Pour quelle raison ? Je n’en sais toujours rien. « J’imagine que ce n’était pas si anodin que tu l’aies choisi… » Une pointe d’amertume dans la voix que je ravale aussi vite. Est-ce que c’était ça notre histoire ? Ma petite amie qui s’enfuit avec sa meilleure amie pour vivre son amour interdit ? Ça me semble dérisoire, pourquoi m’avoir laissé dans le silence et dans l’incompréhension. C’est pire… Bien pire que la vérité. 
 
« Ça change quelque chose ? » Un léger rire quitte mes lèvres. Bien sûr que ça change quelque chose, comment est-ce qu’elle peut l’ignorer ? Je me demande si la question est sérieuse, si elle ne se rend vraiment pas compte ou a décidé justement d’éviter la vérité. « Je veux dire… que je sois en couple avec Lennon plutôt qu’une autre femme. Ça change quelque chose pour toi ? » Mon regard qui se pose dans le sien avec une intensité que j’ai de la peine à calmer. « C’est Lennon… » Comme si ces simples mots étaient déjà une réponse. « Je crois que ça change quelque chose, oui… » Ça change l’histoire, la nôtre, la sienne. Ça change mon sentiment face à notre attitude lors de cette soirée d’Halloween. « Je pensais que c’était une inconnue, qui allait le rester… » Mais ce n’est pas le cas, alors cette envie furieuse de toucher Kayna, de ne l’embrasser à nouveau, de la prendre dans mes bras pour ne plus jamais la lâcher, devient d’un coup beaucoup plus complexe et culpabilisante. Mais ce n’est pas une information que je peux décemment lui livrer. « Enfin, peu importe… Je suis content pour vous deux. » Est-ce que je le suis vraiment… Difficile à dire. « Si vous êtes heureuse ensemble, c’est super. » Ça me fend le cœur de le dire, et pourtant, je persiste. « C’est elle le grand amour de ta vie. » Ce n’est pas une question, c’est une sorte d’affirmation douloureuse. Pour moi, ça a toujours été Kay… Même lorsque j’étais marié, même lorsqu’elle m’a quitté… Elle a été ma seule vraie évidence. « Je crois que je savais... déjà à l'époque où... tu sais...  qu’elle était amoureuse de toi. » L'époque où on n’était ensemble, où on s’aimait. D’un coup, toutes les certitudes de ma vie semblent remises en question. Est-ce que Kay m’a vraiment aimé, ou est-ce qu’il a toujours été question de cette romance interdite avec sa meilleure amie ? En parler avec elle me perturbe plus que de raison sans doute. Nous sommes des adultes aujourd’hui, nous ne sommes plus un couple depuis longtemps. Je devrais m’en remettre, je ne devrais pas en être aussi impacté. 

« Tu es partie avec elle… » Sur le moment, je ne prends pas toute la mesure de ce qu’il me dit, de ce qui peut être assimilé dans son cerveau à cet instant précis. Parce que je connais mon histoire, ce que j’ai vécu, et à aucun moment j’imagine qu’il puisse penser autre chose. « J’imagine que ce n’était pas si anodin que tu l’aies choisi… » Un quiproquo, c’est exactement ce que nous sommes en train de vivre. Je sens bien qu’il se renferme comme une huitre, mais mon cerveau ne fait pas encore la connexion. J’essaie juste de comprendre pourquoi ça a tant d’importance que j’ai pu lui dire ou non que c’est avec elle que je partage ma vie. « C’est Lennon… Je crois que ça change quelque chose, oui… » J’essaie de sonder son regard, son attitude a changé et mon coeur est serré de le ressentir à ce point. « Je pensais que c’était une inconnue, qui allait le rester… » Et alors quoi ? S’il avait su que c’était Lennon, il n’aurait pas essayé de m’embrasser à Halloween ? Je crois qu’entre nous c’est bien autre chose que de savoir avec qui on partage notre vie. Ça a toujours été autre chose. La preuve, j’ai trompé Lennon avec Leo il y a presque 5 ans. « Enfin, peu importe… Je suis content pour vous deux. Si vous êtes heureuse ensemble, c’est super. C’est elle le grand amour de ta vie. » Je sens l’amertume dans sa voix. Il n’est pas sincère, ou pas complètement. Et surtout, il se trompe. Comment savoir qui est le grand amour de ma vie, quand je vois que je suis encore attirée par lui comme un aimant impossible à contrôler. « Je crois que je savais... déjà à l'époque où... tu sais...  qu’elle était amoureuse de toi. » finit-il par avouer alors que je n’ai toujours pas ouvert la bouche. « Attends… » Comme si mon cerveau venait de faire les connexions, remettre ses mots dans le bon sens, associés à son attitude. « Tu ne crois pas que… » Je lâche un rire nerveux, plus pour moi que pour le rendre mal à l’aise, ce n’est pas le but. « Tu ne crois pas que je suis partie avec elle, enfin pour vivre mon histoire avec elle..? » Je me plante devant lui, cherchant à sonder son regard. Si. C’est bien ce qu’il croit, de toute évidence. « Leo… Lennon n’a rien à voir dans mon choix de quitter Brisbane à ce moment là. Elle a juste… elle a voulu être là pour moi, dans l’épreuve que j’ai traversée. C’est tout. Comme la meilleure amie qu’elle était. » Pour une fois, je lui dis strictement la vérité, même si une fois encore j’omets de donner la vraie raison de mon départ. « On est ensemble que depuis sept ans, et je l’ai trompée avec toi, si la mémoire ne te fait pas défaut. » Je suis peut-être un peu sèche en disant ça, mais ce n’est pas volontaire. C’est plutôt à moi que j’en veux, de ne pas avoir réussi à être quelqu’un de bien une nouvelle fois. D’avoir flanché, mis en péril mon couple et le sien par la même occasion. « Alors tu vois, le concept de grand amour de ma vie… on repassera. » Je ne dis pas que je n’aime pas Lennon, ce serait mentir. Elle a toujours été là, je l’aime du plus profond de mon coeur, et ça ne changera pas. Mais ce que j’ai partagé avec lui, ça n’est même pas comparable. Si Lennon est le choix de la raison, celui qui me tient la tête sur les épaules, me permet une vie équilibrée et sereine, Leo a toujours été le choix de la passion, sur lequel je peine encore à tirer un trait, de toute évidence.

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Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/livelovecaliforniadreams

C’est étrange, de regarder Kayna et de me demander si je n’ai pas vu, si je suis passé à côté de l’amour qu’elle portait pour sa meilleure amie pendant notre relation. Peut-être que j’étais aveuglé par l’amour que je lui portais, assez pour me figurer qu’il était réciproque et le ressentir de la sorte. « Attends… Tu ne crois pas que… » Le rire qu’elle laisse échapper est presque un peu vexant, et mon regard surpris se pose sur elle, attendant la suite de sa pensée. « Tu ne crois pas que je suis partie avec elle, enfin pour vivre mon histoire avec elle ? » Cette question me plonge d’un coup dans l’incertitude, alors que je bafouille légèrement : « Euh… si  ? » Comprenant en même temps que les mots se forment dans ma bouche mon malentendu sur la question. « Leo… Lennon n’a rien à voir dans mon choix de quitter Brisbane à ce moment-là. Elle a juste… Elle a voulu être là pour moi, dans l’épreuve que j’ai traversée. C’est tout. Comme la meilleure amie qu’elle était. » Est-ce que ça calme mes pensées, un peu, et pourtant, j’aimerais lui hurler « et moi ? ». Lennon a eu le droit d’être présente, mis dans la confidence et de l’accompagner. Moi, j’ai eu le droit au silence et aux cachotteries, traité aussi mal que ses parents dans cette histoire, et plus de 20 ans après, je ne comprends toujours pas pourquoi. « On est ensemble que depuis sept ans, et je l’ai trompée avec toi, si la mémoire ne te fait pas défaut. » Toutes les émotions semblent se bousculer dans ma tête sans que je n’arrive à les remettre à l’endroit. « Je n’ai pas oublié… » Je souffle, pinçant mes lèvres au souvenir de cet instant. « Mais je ne savais pas que tu avais aussi quelqu’un. » Ça n’aurait rien changé, je le sais, mon propre mariage imminent n’a pas permis de me stopper, de me reprendre avant de fauter. « Elle sait ? » Est-ce que Kay lui a tout avoué, là où j’ai préféré cacher la vérité à ma femme pour poursuivre notre vie ensemble ? Nous avions déjà un enfant, un mariage prévu pour le lendemain… La vie a juste continué et Kay a disparu à nouveau.

« Pourquoi tu es venue ? » Je voudrais des réponses, au moins à ça, puisqu’elle ne semble pas encore décidée à m’en dire plus sur son départ. Mon regard se fixait dans le sien. « À la répétition du mariage… Pourquoi… t’es venue si tu l'avais déjà elle ? »Je pensais qu’elle était seule, qu’elle avait peut-être envie de voir si elle comptait toujours… Mais savoir qu’elle était déjà avec Lennon semble une fois de plus me plonger dans une sorte de confusion. « Alors tu vois, le concept de grand amour de ma vie… on repassera. » Je ne suis pas sûr de ce que je dois comprendre, mon regard qui ne quitte pas le sien, le silence qui vient s’installer entre nous, juste entrecoupé par les bruits d’un intérieur un peu trop animé, qui me semble pourtant si loin d’un coup. Je la sens un peu amère, sans vraiment savoir ce que je dois en comprendre. « Désolé, je n'aurais pas dû dire ça. » Supputer qu’elle l’aime plus que moi, c’est une attitude de gamin, mais c’est comme si j’étais replongé 20 ans en arrière. « Je suis un peu jaloux, je crois. » Un mince sourire reprend place sur mon visage alors que je formule ces quelques mots. « J’ai l’impression d’avoir loupé beaucoup de choses dans ta vie… » Plus qu’une impression, une certitude. « Et Lennon était là, elle… » Peu importe qu’elle l’ait aimé dès le départ ou non, c’est elle qu’elle a choisi pour l’épauler et moi qu’elle a abandonné sur le bord de la route. « Tu l’aimes ? » Je n’ai sans doute pas le droit de poser cette question, et pourtant, je le fais sans gêne, comme si j’avais besoin de m’assurer que Kayna était heureuse, besoin d’entendre les mots pour m’empêcher de me rapprocher encore d’elle, de la prendre dans mes bras, comme j’en crève d’envie à chaque fois que je la vois, ce besoin animal si présent, encore plus dans un instant comme celui-là, face au malheur que notre ville doit surmonter.

Ok. Leo pense que j’ai quitté Brisbane avec Lennon pour aller faire ma vie avec elle sans rien dire à personne. L’idée même qu’il pense que ce soit la raison de mon départ me rend dingue, intérieurement. Parce que ce n’est pas la vérité, et parce que si ça avait été le cas, je lui en aurai parlé. La raison qui m’a fait quitter la ville, le pays, est bien plus lourde que ça. Je lui explique que ce n’est pas le cas, que ma relation avec Lennon est plus récente, mais assez vieille pourtant, pour que notre escapade la veille de son mariage n’ait un impact sur ma relation. J’ai aucune idée de si sa femme a été au courant, et je ne me risquerai pas - pour le moment - à poser la question. Pourtant, lui se l’autorise. « Je n’ai pas oublié… Mais je ne savais pas que tu avais aussi quelqu’un. Elle sait  ? » Est-ce que les choses auraient été différentes si il avait su que j’avais quelqu’un dans ma vie ? Je me persuade que non. « Oui, je lui ai dit dès que je suis rentrée à Wellington. » C’est la première fois que je lui donne une information sur la ville dans laquelle je me suis exilée toutes ces années.

Cette fois, la discussion semble être inévitable, en tout cas sur une partie, et les question de Leo se font plus précises. « Pourquoi tu es venue ? À la répétition du mariage… Pourquoi… t’es venue si tu l'avais déjà elle ? » Est-ce que j’ai seulement la réponse à cette question ? Mon regard ne le quitte pas, et j’essaie en moi de trouver quoi lui répondre. « Je.. j’en sais rien. Peut-être que je voulais voir si tu étais heureux, avec Sloane… » Pour quoi faire au juste ? Parce que moi je n’étais pas pleinement heureuse peut-être, parce qu’il me manquait, que je voulais le voir une dernière fois avant qu’il n’ait la bague au doigt ? Aucune idée… tout ça mélangé peut-être.

Mais lorsqu’il parle d’amour de ma vie, un poids vient abaisser mes propres épaules. L’amour de ma vie, ça a toujours été lui, sans que je ne comprenne pourquoi. Je le ressens juste, au plus profond de moi. « Désolé, je n'aurais pas dû dire ça. » Je reste silencieuse et me permets un simple soupir. « Je suis un peu jaloux, je crois. » Surprise, je le regard à nouveau, alors que j’avais laissé mon regard le fuir un instant. Jaloux ? « J’ai l’impression d’avoir loupé beaucoup de choses dans ta vie… Et Lennon était là, elle… » C’est vrai que Lennon a toujours été là, pour la simple et bonne raison que je lui ai laissé l’espace pour l’être. J’ai choisi volontairement d’évincer Leo de cette vie, de ma vie, et évidemment il y a des moments où je le regrette, avant de me dire que tout le reste n’aurait pas été semblable, qu’il n’aurait pas été heureux avec sa femme, eu ses enfants, et moi Mae… Je me suis convaincue qu’il n’aurait pas été capable d’être père aussi jeune, mais peut-être qu’il n’aurait été. Personne ne le saura jamais. « Tu l’aimes ? » finit-il par demander alors que mon coeur se serre. J’ai besoin d’un temps de réflexion, étrangement. Pas pour savoir si j’aime Lenny parce que la réponse est oui, évidemment. Mais plutôt pour savoir quoi répondre, et comment. « Oui. » finis-je par lâcher dans un souffle. « C’est ma meilleure amie… » Elle n’a jamais cessé de l’être, même si notre relation a évolué avec le temps, elle reste ma meilleure amie avant tout, même si ce n’est pas pareil de son côté, je le sais. Toute cette conversation me bouleverse plus que je ne le pensais, et encore, nous n’avons pas abordé les sujets qui fâchent vraiment, parce que j’ai beaucoup trop peur de sa réaction. Peut-être que je devrais tout lâcher d’un coup, prendre le risque qu’il me fuit pour une bonne raison, que je n’ai plus à craindre de flancher à chaque instant quand je suis près de lui. « J’ai jamais cessé de t’aimer, Leo. » Je ne sais pas pourquoi je lui dis un truc pareil, je me mords déjà la langue de lui dire ça. Peut-être parce que le climat est angoissant, et que je me raccroche à tout ce qui a du sens, ou qui en a eu. « Partir d’ici sans me retourner, ça a été la décision la plus difficile de ma vie. C’était un choix qui n’était pas entièrement le mien, c’était surtout celui de mes parents. Mais ne rien te dire, c’est moi qui l’ai décidé. Je crois qu’une partie de moi aurait voulu que tu me cherches, que tu me trouves, mais sans doute que c’était mieux comme ça… »

Still I'll be you're flame
Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/livelovecaliforniadreams

J’ai encore de la peine à y croire, comme si mon cerveau fatigué avait de la peine à recoller les morceaux. Imaginer Kayna avec une autre personne est déjà un exercice difficile, mais avec Lennon, ça l’est plus encore. Pour moi, elle est sa bonne copine un peu collante, rien de plus. Alors imaginez qu’elle partage sa vie depuis toutes ces années, que là où Kayna m’a exclue de sa vie, elle l’a pris avec elle et accepté, c’est encore plus dur que je ne l’aurais cru. Et pourtant elle est revenue… Le jour avant mon mariage, elle a fait irruption à nouveau, elle est venue briser toutes mes certitudes. Pendant toutes ces années, j’ai imaginé qu’elle se sentait seule, et qu’elle avait voulu s’assurer de me dire u revoir, ou s’était demandé si j’en valais encore la peine. Apprendre qu’elle était en couple est une nouvelle information avec laquelle je dois dealer. Et contrairement à moi, elle a avoué la vérité à sa compagne, qui lui a de toute évidence pardonné. « Je… j’en sais rien. Peut-être que je voulais voir si tu étais heureux, avec Sloane… »Et puis quoi ? Ce jour-là, pourtant, elle m’a eu, malgré mon amour pour Sloane, malgré le mariage, elle m’a eu… Et elle est repartie aussi vite. « Je l’étais… Mais ce qui s’est passé ce soir-là, ça…. a changé quelque chose. » Est-ce que Sloane s’en est rendu compte ? Je ne l’ai jamais su, elle ne m’en a jamais parlé, mais pour moi les choses n’ont plus été pareilles. Il est devenu plus difficile de lui dire « je t’aime » sans me sentir coupable, de me regarder dans le miroir sans avoir l’impression de l’avoir sali. Une partie de moi aurait aimé tracer cette soirée de mon esprit pour toujours… Une autre en était tout bonnement incapable. Parce que c’était Kay… Parce que je n’ai jamais pu oublier une seconde de nos échanges.

Le ton devient de plus en plus sérieux, alors que je la questionne sans gêne sur son amour pour Lennon, comme si je cherchais la faille, celle dans laquelle je pourrais m’engouffrer.« Oui. C’est ma meilleue amie… » Cette deuxième phrase qui sonne presque comme un aveu de faiblesse, comme une justification. « J’ai jamais cessé de t’aimer, Leo. » Mon cœur s’emballe, mes jambes manquent de lâcher sous le poids de l’émotion alors qu’elle reprend, mon esprit brumeux tentant de s’accrocher aux mots qu’elle continue de formuler.« Partir d’ici sans me retourner, ça a été la décision la plus difficile de ma vie. C’était un choix qui n’était pas entièrement le mien, c’était surtout celui de mes parents. Mais ne rien te dire, c’est moi qui l’ai décidé. Je crois qu’une partie de moi aurait voulu que tu me cherches, que tu me trouves, mais sans doute que c’était mieux comme ça… » Si une partie de moi lui en veut de me rendre d’un coup responsable de notre éloignement, ces premiers mots continuent de raisonner dans ma tête sans que je ne puisse m’en détacher. Elle n’a jamais cessé de m’aimer… J’ai de la peine à maîtriser mon palpitant alors que je fais un pas vers elle. « Mieux pour qui ? » Je la questionne alors que lentement, je réduis l’espace entre nos deux corps, mon regard dans le sien, avec l’impression que mon cœur va exploser. « Tu m’as manqué tous les jours, Kay… » Je me déteste pour ça, et pourtant, les années sont passées, et il n’y a pas un jour où je n’ai pas eu une pensée pour elle, comme si elle hantait mon esprit. Mon bras vient entourer sa taille, comme pour l’empêcher de fuir, se pose dans son dos pour l’attirer un peu plus proche de mon corps, mes sens aux aguets, ma peau qui frissonne à son contact. Dans ses yeux, je cherche une forme de rejet qui me forcerait à faire un pas en arrière et à m’éloigner. « Mais tu es revenue… » Le désir me brûle les entailles, et sans attendre un réel accord de sa part, mes lèvres vont capturer les siennes, ma main glissant le long de son dos dans un baiser intense, mais court, juste assez pour me laisser sans souffle, tout le corps en ébullition. Mon front contre le sien, coupable et heureux à la fois… « Pourquoi… pourquoi t’es revenu ici… J’peux pas t’avoir si proche… » Pas sans penser à elle inlassablement, pas sans la vouloir proche de moi. Pas alors qu'elle appartient à une autre.

Pourquoi je suis revenue à Brisbane la veille de son mariage ? Bonne question. Je crois que je n’ai pas moi-même la réponse. Si je creuse bien au fond, je crois que j’avais simplement besoin de le voir heureux pour passer à autre chose. Le voir aller de l’avant, partager quelque chose de fort avec quelqu’un d’autre. Ça aurait pu m’aider à aller de l’avant, à l’oublier d’une certaine manière. Mais c’était sans compter notre attirance, et ce lien indéfectible qui aurait pu lui coûter son couple. Je ne suis pas fière de ce qu’il s’est passé, même si je ne pourrai regretter pour tout un tas de raison. La première étant ma fille, la seconde étant que j’ai compris que nous serons toujours liés d’une manière ou d’une autre. Il est mon premier amour, et on n’oublie pas son premier amour. « Je l’étais… Mais ce qui s’est passé ce soir-là, ça…. a changé quelque chose. » Je baisse les yeux, honteuse de l’entendre me dire que notre escapade a eu des répercussions pour lui. Elle en a eu pour moi aussi, plus que ce qu’il peut imaginer.

Nous restons silencieux un instant, jusqu’à ce que Leo me demande si j’aime Lennon. La réponse est oui, mais peut-être pas pour les meilleures raisons. Evidemment que j’aime cette femme, elle a toujours été là pour moi - aussi parce que je l’ai bien voulue - mais le couple que nous formons n’est pas vraiment ce que j’imaginais quand j’étais ado. J’ai choisi le confort et l’équilibre, à défaut de trouver quelqu’un capable d’être à la hauteur de ce qui m’animait chez Leo. Je n’ai jamais retrouvé ça. Jamais. Alors, je fais preuve de vulnérabilité pour lui avouer que jamais je n’ai cessé de l’aimer. Peut-être pas de la même manière que lorsque nous étions ensemble, mais une part de moi est toujours attachée à lui, que je le veuille ou non. Finalement, je rentre un peu dans le vif du sujet en lui expliquant que mon départ ne m’était pas propre. Si mes parents ne m’avaient pas obligée à quitter les pays, les choses auraient été différentes. Très différentes. Mais comme l’effet papillon, Mae n’aurait pas vu le jour, et Archie et Noah non plus. Alors quand on y pense… de toute façon, les choses sont ce qu’elles sont, et on ne peut pas revenir en arrière. « Mieux pour qui ? » demande-t-il en s’approchant de moi. Mon corps est immobile, je ne fais aucun pas en arrière. Mon regard ancré dans le sien, je peine à respirer correctement tant son corps s’est retrouvé si près du mien. Mieux pour qui, je l’ignore. Pour lui, peut-être. Parce qu’être père en étant tout juste majeur est une aventure pour laquelle je ne le sentais pas capable, malgré tout l’amour que j’avais pour lui. « Tu m’as manqué tous les jours, Kay… » Absorbée par son regard, je suis bien incapable de m’en détourner. Mon coeur est déjà parti dans une course folle et plus rien ne pourrait l’arrêter, comme un athlète qu’on vient d’amputer mais qui veut quand même gagner son marathon.

Sa main vient chercher le contact au niveau de mon dos, pour me reprocher de lui davantage. Cette fois collés l’un à l’autre, ce n’est plus seulement mon coeur qui fait des siennes, mais tout mon corps qui réagit à cette proximité. Je sais à quel point c’est dangereux, nous l’avons déjà expérimenté il y a cinq ans, et pourtant je suis incapable de le repousser. « Mais tu es revenue… » Je ferme les yeux, comme si je savais ce qui allait arriver, sans avoir la moindre détermination à fuir. Et comme attendu, ses lèvres viennent s’écraser contre les miennes, d’une toute autre manière que le dernier baiser que nous avons échangé à Halloween. Le baiser ne dure pas, il ne fait que nous rappeler à son bon souvenir, nous plonge dans une apnée et dans un désir interdit. « Pourquoi… pourquoi t’es revenu ici… J’peux pas t’avoir si proche… » La raison officielle de mon retour, c’est mon père, et mon opération du coeur. Mais si au fond, tout me poussait simplement à le retrouver, encore. Parce qu’il n’y a que près de lui que je me sens profondément vivante. A cette simple pensée, je ne réfléchis pas plus longtemps et me hisse sur la pointe des pieds, ma main accrochant sa nuque pour le faire se pencher et quérir ses lèvres à nouveau. Le baiser est cette fois beaucoup plus intense, nos souffles se perdent, nos langues se retrouvent, mes doigts glissent dans ses cheveux que j’agrippe comme si ma vie en dépendait. Je ne contrôle plus rien quand je suis avec lui, je suis bien au courant du danger que nous courons - ou plutôt que je cours - en succombant à nos pulsions ici même, mais c’est plus fort que moi, plus fort que tout.

Finalement, la lourde porte métallique du gymnase faisant office de centre d’accueil se fait entendre dans mon dos. Immédiatement je remets de la distance entre nous, le souffle erratique, le coeur douloureux d’une course folle. Et si l’idée de rester à Brisbane était finalement une mauvaise idée ? Et si le retrouver n’allait pas finir par nous détruire tous les deux ?

Still I'll be you're flame
Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/livelovecaliforniadreams

C’est une torture, un doux supplice d’être confronté à elle à nouveau, de l’avoir dans mon sillage sans pouvoir pourtant m’en approcher comme je le voudrais. De l’entendre me dire qu’elle m’a toujours aimé sans pouvoir pourtant être avec elle avec tous les non-dits qui peuplent encore notre relation. C’est trop… trop dur de résister, et instinctivement, mon corps refuse de continuer à combattre contre l’envie d’elle, mes lèvres trouvent les siennes, réactivent les sensations, réveillent mon corps endormi par les années sans passion pure. Me laisse à bout de souffle alors pourtant que nous avons à peine échangé un baiser, le cœur en attente, le corps en éveil. Les mots qui se murmurent entre nos deux lèvres, comme pour lui demander d’être plus forte que moi, de prendre la distance que je suis incapable de mettre entre nous. Ce n’est pourtant pas ce qu’elle fait, au contraire, elle vient m’attirer à elle, nos lèvres à nouveau scellées, son corps chaud contre le mien, la passion qui se déchaîne alors que nos langues se retrouvent. Je colle son corps contre le mur, ma main qui remonte lentement sous son T-shirt sentant chaque parcelle de sa peau devenir frisson. Je me perds dans cet instant de délice où tout semble possible, où il n’existe plus rien d’autre que notre union, que cette alchimie puissante et dévorante.

La porte qui nous désunit, le retour à la réalité alors que ma main va se poser sur mes lèvres comme pour garder encore un instant le goût de ce moment. Une seconde de gêne qui brise la fureur de notre passion et nous laisse dans le silence. « On devrait y retourner. » Je me demande si elle regrette déjà, si elle voudrait effacer ce moment. Pas moi, je ne m’étais pas senti aussi vivant depuis longtemps. Mais la sagesse reprend enfin le dessus, remballe ma fougue alors que je me dirige vers la porte, sous le regard amusé de l’homme qui est sorti quelques minutes auparavant et fume innocemment sa cigarette. Je tiens la porte à Kayna qui se glisse dans le couloir devant moi, sa démarche un peu mal assurée qui l’amène doucement vers la salle plus animée. Un instant, elle se fige avant de pénétrer dans le brouhaha de la pièce. Et je m’approche derrière elle, trop proche pour que ce soit totalement anodin, ma main venant frôler très lentement sa hanche alors que je penche ma tête pour amener ma bouche proche de son oreille et murmurer un simple. « Je ne regrette rien. » Avant de passer devant elle pour retrouver mon poste. Un dernier regard en sa direction comme pour essayer de capter son état d’âme, m’assurer que je ne la laisse pas dans le désarroi.